\\vs00001a.adb.intra.admin.ch\BVGER-home$\U80709142\config\Desktop\Logo_BVG_7.10_RZ.bmp

 

 

 

 

Cour VI

F-5550/2020

 

 

 

 

 

Arrêt du 26 novembre 2020

Composition

 

Gregor Chatton (président du collège),

Sylvie Cossy, Daniele Cattaneo, juges,

Sylvain Félix, greffier.

 

 

 

Parties

 

X._______,

Y._______,

Z._______,

représentés par Maître Caroline Jankech, avocate,

Caritas Suisse, Bureau de consultation juridique, Avenue de Beauregard 10, 1700 Fribourg,

recourants,

 

 

 

contre

 

 

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,

Quellenweg 6, 3003 Berne,  

autorité inférieure.

 

 

 

 

Objet

 

Rejet de la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire.

 

 

 


Faits :

A.
Le 13 juin 2017, X._______, née le (...) 1977, et ses enfants Z._______, né le (...) 2017, et Y._______, né le (...) 2015, tous ressortissants érythréens (ci-après : la recourante resp. les recourants), ont déposé une demande d'asile en Suisse.

B.
Par décision du 27 novembre 2018, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : le SEM) a rejeté ces demandes d'asile. L'exécution du renvoi des intéressés n'étant toutefois pas raisonnablement exigible, ils ont été admis provisoirement en Suisse.

C.
Le 16 juin 2020, X._______ a déposé auprès du Service de la population et des migrants du canton de Fribourg (SPM) une demande d'entrée et de regroupement familial en faveur de son époux, W._______, né le (...) 1969, et de deux autres enfants, V._______, né le (...) 2002, et U._______, née le (...) 2008, tous ressortissants érythréens, et résidant au Soudan. X._______ a invoqué en substance une dégradation de son état de santé ayant conduit à une incapacité totale de travail depuis l'automne 2019 ainsi que les violences auxquelles feraient face son mari et ses enfants au Soudan. Sur un plan juridique, elle a en particulier fait valoir l'art. 8 CEDH ainsi qu'une série de dispositions de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE, RS 0.107).

D.
Par courrier du 2 juillet 2020, le SEM a informé l'intéressée que sa requête lui avait été transmise par le SPM, accompagnée d'un préavis négatif. Le SEM a souligné que le délai de carence de trois ans prévu à l'art. 85 al. 7 LEI (RS 142.20) n'était pas échu, que la requérante n'était pas indépendante financièrement et que V._______ était déjà majeur au moment du dépôt de la demande. Pour ces motifs, le SEM envisageait de refuser sa requête, tout en lui accordant la possibilité de se déterminer.

Par courrier du 30 septembre 2020, l'intéressée a fait usage de son droit d'être entendue. Elle a repris et développé les arguments avancés à l'appui de la demande du 16 juin 2020, tout en informant l'autorité que son époux et les enfants V._______ et U._______ résidaient désormais dans un camp de réfugiés en Ethiopie.

E.
Par décision du 8 octobre 2020, le SEM a rejeté la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire formée par l'intéressée en faveur de son époux et des enfants V._______ et U._______. Il a, en effet, constaté que le délai de carence légal de trois ans n'était pas échu et que la requérante et ses deux enfants présents en Suisse étaient assistés financièrement, de sorte que les conditions prévues à l'art. 85 al. 7 LEI n'étaient pas remplies.

F.
Le 9 novembre 2020, l'intéressée et ses deux enfants mineurs en Suisse, agissant par le biais de leur mandataire, ont formé recours contre la décision précitée devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : Tribunal ou TAF). Ils ont conclu à l'admission de leur recours, à l'annulation de la décision attaquée et à ce qu'une autorisation d'entrée soit accordée à W._______, V.______ et U._______. Les recourants ont également requis l'assistance judiciaire totale.

G.
Les autres éléments contenus dans les écritures précitées seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit ci-dessous.

Droit :

1.   

1.1  Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions en matière de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire prononcées par le SEM - lequel constitue une unité de l'administration fédérale telle que définie à l'art. 33 let. d LTAF - peuvent être contestées devant le Tribunal, qui statue définitivement (art. 83 let. c ch. 3 LTF ; cf. arrêt du Tribunal fédéral [ci-après : TF] 2C_855/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3).

1.2  A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA (art. 37 LTAF).

1.3  Les recourants ont qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, leur recours est recevable (art. 50 et 52 PA).

2. 
Le Tribunal examine les décisions qui lui sont soumises avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit. Les recourants peuvent ainsi invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (art. 49 PA). L'autorité de recours applique le droit d'office, sans être liée par les motifs invoqués par les parties (art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants juridiques de la décision attaquée (ATAF 2014/24 consid. 2.2 et ATAF 2009/57 consid. 1.2 ; voir également arrêt du TF 1C_214/2015 du 6 novembre 2015 consid. 2.2.2). Aussi peut-elle admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, elle prend en considération l'état de fait existant au moment où elle statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2).

3.   

Dans un grief formel qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêts du TF 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5 et 2C_125/2018 du 21 décembre 2018 consid. 2), les recourants reprochent à l'autorité inférieure une violation de leur droit d'être entendus (art. 29
al. 2 Cst. et 29 ss PA) pour manque d'instruction et de motivation suffisante de la décision querellée. Selon eux, l'autorité inférieure n'aurait pas examiné et ne se serait pas non plus prononcée sur la question de savoir si le refus du regroupement familial était conforme au droit international, plus précisément à l'art. 8 CEDH et aux dispositions de la CDE. Plus spécifiquement, l'autorité inférieure n'aurait pas procédé à une analyse de l'intérêt supérieur des enfants à pouvoir rejoindre leur mère en Suisse.

3.1  L'obligation de motivation, déduite du droit d'être entendu par la jurisprudence et ancrée à l'art. 35 al. 1 PA, exige de l'autorité appelée à statuer qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (cf. ATF 138 I 232 consid. 5.1 et arrêt du TF 2C_1004/2018 consid. 5.1).

En l'occurrence, l'autorité inférieure a exposé, certes de manière sommaire, les raisons pour lesquelles elle considérait que les engagements internationaux de la Suisse ne s'opposaient pas à un rejet de la demande de regroupement familial des intéressés et a également procédé à une pesée des intérêts en présence. Les recourants, dûment représentés, ont d'ailleurs été en mesure de comprendre la portée de la décision litigieuse et de l'attaquer en connaissance de cause (ATF 138 IV 81 consid. 2.2).

3.2  Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. et des art. 29 ss PA comprend également pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du TF 2C_1004/2018 consid. 5.2.1).

En l'occurrence, il ne ressort pas du dossier de la cause, et les recourants ne l'explicitent pas, dans quelle mesure l'autorité inférieure aurait violé son devoir d'instruction. Les intéressés ne précisent, notamment, pas quels auraient été les moyens de preuve supplémentaires qui auraient été selon eux nécessaires pour trancher la présente affaire et que l'autorité inférieure aurait omis d'obtenir (arrêt du TAF F-3051/2020 du 26 juin 2020 consid. 3.3).

3.3  En réalité, les recourants s'en prennent davantage à l'appréciation juridique effectuée par l'autorité inférieure qu'au (non)-respect de leur droit d'être entendus (arrêt du TAF F-2753/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.2.2). Quoi qu'il en soit, le SEM a correctement instruit la cause et motivé à satisfaction la décision litigieuse. Dès lors que l'autorité inférieure n'a commis aucune négligence procédurale, le grief tiré d'une violation du droit d'être entendu est infondé et doit être écarté.

4.   

4.1  En vertu de l'art. 24 de l'ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE, RS 142.281), la procédure à suivre pour regrouper les membres d'une famille de personnes admises à titre provisoire en Suisse est régie par l'art. 74 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA, RS 142.201).

4.2  Conformément à l'art. 74 al. 1 OASA, les demandes visant à inclure des membres de la famille dans l'admission provisoire doivent être déposées auprès de l'autorité migratoire cantonale (art. 88 al. 1 OASA). Cette autorité transmet la demande accompagnée de son avis au SEM, qui précise si les conditions légales de regroupement familial sont remplies (art. 74 al. 2 OASA). En vertu de l'art. 74 al. 3 1ère phrase OASA, la demande visant à inclure des membres de la famille dans l'admission provisoire doit être déposée dans les cinq ans, si les délais relatifs au regroupement familial prévus à l'art. 85 al. 7 LEI sont respectés.

4.3  En vertu de l'art. 85 al. 7 LEI, le conjoint et les enfants célibataires de moins de 18 ans des personnes admises à titre provisoire, y compris les réfugiés admis à titre provisoire, peuvent bénéficier du regroupement familial et du même statut, au plus tôt trois ans après le prononcé de l'admission provisoire, pour autant qu'ils vivent en ménage commun (let. a), qu'ils disposent d'un logement approprié (let. b), que la famille ne dépend pas de l'aide sociale (let. c), qu'ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) et que la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (LPC, RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e). Pour l'octroi de l'admission provisoire, une inscription à une offre d'encouragement linguistique suffit en lieu et place de la condition prévue à l'al. 7 let. d (art. 85 al. 7bis LEI). La condition prévue à l'al. 7 let. d ne s'applique pas aux enfants célibataires de moins de 18 ans. Il est en outre possible d'y déroger lorsque des raisons majeures au sens de l'art. 49a al. 2 le justifient (art. 85 al. 7ter LEI).

5.   

5.1  En l'occurrence, l'autorité inférieure a rejeté la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire des intéressés aux motifs que le délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI n'était pas arrivé à échéance (échéance prévue le 27 novembre 2021) et que la condition de l'indépendance financière n'était pas non plus remplie.

5.2  A l'appui de leur recours, les intéressés - tout en admettant que les conditions de l'art. 85 al. 7 LEI n'étaient pas remplies -  ont principalement fait valoir qu'une interprétation de cette disposition «en conformité avec le principe de proportionnalité et avec le droit international», notamment l'art. 8 CEDH, les droits découlant de la CDE et de la Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF, RS 0.108), «exige(ait) que la demande de regroupement familial soit admise» (mémoire de recours, pp. 7 et 8).

 

L'autorité inférieure aurait en particulier omis d'examiner la situation spécifique de la recourante (malade, devant s'occuper seule de deux enfants et en incapacité de travail) dans la pesée des intérêts à effectuer conformément à l'art. 8 par. 2 CEDH (cf. mémoire de recours, pp. 8 ss).

Les recourants ont également fait valoir une violation du principe de non-discrimination appliqué au regroupement familial (art. 14 CEDH cum art. 8 CEDH et art. 2 CEDEF), compte tenu de l'état de santé et de la situation familiale de la recourante (cf. mémoire de recours, pp. 18 et 19). Le fait d'appliquer, dans le cas d'espèce, l'art. 85 al. 7 LEI au lieu de l'art. 51 al. 4 LAsi (RS 142.31) aurait également un caractère discriminatoire au sens de l'art. 2 CDE et de l'art. 14 CEDH en lien avec l'art. 8 CEDH : aucune raison objective et raisonnable ne justifiait, en effet, l'application de bases légales différentes selon que la personne bénéficiait de l'admission provisoire ou s'était vu reconnaître le statut de réfugié, bénéficiant de l'asile (cf. mémoire de recours, pp. 20 ss).

6.
S'agissant des demandes d'audition de V._______ et U._______ respectivement d'expertise les concernant, présentées par les recourants (mémoire de recours, p. 15), le Tribunal considère que les faits de la cause sont suffisamment établis par les pièces figurant au dossier, de sorte qu'il ne s'avère pas indispensable de donner une suite favorable à ces requêtes. Les éléments essentiels sur lesquels le Tribunal entend fonder son appréciation ressortent déjà clairement du dossier et ne nécessitent aucun complément d'instruction (arrêt du TF 1C_136/2015 du 20 août 2015 consid. 2.2). A cela s'ajoute que l'autorité est fondée à mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière conforme au droit à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et 138 III 374 consid. 4.3.2 et arrêt du TAF F-4854/2017 du 2 avril 2019 consid. 8.1).

7.
Au vu des griefs invoqués par les recourants à l'appui de leur pourvoi, le Tribunal se penchera tout d'abord sur la question de savoir s'il est discriminatoire (cf., notamment, art. 8 Cst.) d'appliquer en l'espèce l'art. 85 al. 7 LEI, en lieu et place de l'art. 51 al. 4 LAsi (cf. consid. 7.1 infra). Prenant note que les recourants ne contestent pas ne pas remplir la condition du délai de carence de trois ans ainsi que celle de l'indépendance financière de l'art. 85 al. 7 LEI (cf. mémoire de recours, pp. 5 et 7), il examinera, ensuite, si une application stricte de ces conditions, en particulier celle du délai de carence de trois ans, est, dans le cas d'espèce, conforme au droit international, notamment à l'art. 8 CEDH (cf. consid. 7.2 infra).

7.1 En vertu de l'art. 51 al. 1 LAsi, le conjoint d'un réfugié et ses enfants mineurs sont reconnus comme réfugiés et obtiennent l'asile, pour autant qu'aucune circonstance particulière ne s'y oppose. Si les ayants droit définis à l'al. 1 ont été séparés par la fuite et se trouvent à l'étranger, leur entrée en Suisse sera autorisée sur demande (art. 51 al. 4 LAsi).

7.1.1 En formulant l'art. 51 al. 1 LAsi, le législateur a voulu reprendre, pour l'essentiel, dans une seule et même disposition l'art. 3 al. 3 de la loi sur l'asile du 5 octobre 1979 (RO 1980 1718, ci-après: aLAsi), portant sur l'octroi de la qualité de réfugié à titre dérivé à des membres de la famille déjà en Suisse, et l'art. 7 aLAsi portant sur l'octroi de l'asile à titre dérivé à des membres de la famille encore à l'étranger (ATAF 2017 VI/4 consid. 4.3.2 ; arrêt du TAF E-2297/2019 du 22 octobre 2020 consid. 5.3.1). Ainsi, l'art. 51 al. 1 LAsi - qui a pour vocation de régler de manière uniforme le statut du noyau familial - s'applique aux membres de la famille, présents en Suisse, de réfugiés au bénéfice d'une admission provisoire (ATAF 2019 VI/8 consid. 4.1 et réf. cit.). Cela dit, cette disposition vise avant tout à permettre aux membres de la famille d'un réfugié auquel l'asile a été accordé en Suisse d'obtenir le même statut que lui, que ces derniers soient déjà ou non en ce pays.

7.1.2 L'art. 51 LAsi concerne donc uniquement les membres de la famille de réfugiés en Suisse, à l'exclusion de toutes autres catégories d'étrangers, et n'est dès lors pas applicable aux membres de la famille d'une personne admise à titre provisoire en Suisse (ATAF 2017 VII/8 consid. 5.3 tel que précisé par ATAF 2019 VI/8 consid. 4.1). Dès lors que le législateur a sciemment fait cette distinction entre réfugiés (dont le statut de protection particulier constitue un motif de distinction objectif et raisonnable) et personnes ayant uniquement été admises à titre provisoire en Suisse, le grief de discrimination ne saurait être retenu et le cas d'espèce ne saurait être examiné autrement que sous l'angle d'une demande de regroupement familial au sens de l'art. 85 al. 7 LEI. C'est donc à juste titre que l'autorité inférieure n'a pas fait application de l'art. 51 LAsi (cf., mutatis mutandis, arrêts du TAF F-1822/2017 du 21 mars 2019 consid. 5.1 et 5.2).

7.2 La CEDH ne confère pas un droit absolu à l'entrée et au séjour ou à l'octroi d'un titre de séjour particulier (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1 et
142 II 35 consid. 6.1 ; arrêt du TF 2C_819/2018 du 13 février 2020
consid. 1.3). Ainsi, des restrictions posées au droit au regroupement familial ont été déclarées, en principe, conformes au droit au respect de la vie familiale ancré à l'art. 8 CEDH (cf. ATF 126 II 335 ; arrêt du TAF
F-2186/2015 du 6 décembre 2016 consid. 6.2). Il est en particulier admissible de faire dépendre le regroupement familial du respect de certaines conditions temporelles (cf. art. 47 LEI ; ATF 126 II 335 consid. 3c). L'exigence du respect d'un délai de carence n'est ainsi pas per se contraire aux obligations internationales de la Suisse.

7.2.1 Selon la jurisprudence, le droit national doit toutefois être appliqué de manière conforme aux normes découlant du droit international public, en particulier lorsqu'il s'agit d'obligations fondées sur les droits de l'Homme (cf. ATF 142 II 35 consid. 3.2 et 125 II 417 consid. 4c). S'agissant du délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI, le Tribunal de céans a ainsi reconnu qu'il était nécessaire de vérifier dans chaque cas particulier si le respect de ce délai pouvait être interprété de manière conforme au droit international (cf. arrêts du TAF F-8197/2015 du 13 mars 2017 et
F-2186/2015 consid. 6.2). Le TAF a considéré que l'art. 8 par. 1 CEDH n'entrait pas en collision avec l'art. 85 al. 7 LEI lorsque la personne concernée ne pouvait se prévaloir de facto d'un droit de présence assuré en Suisse, ce qui nécessitait notamment, pour les personnes admises à titre provisoire en Suisse, qu'elles aient résidé sur le territoire helvétique pendant une durée relativement longue (« über viele Jahre hinweg »; arrêt du TAF F-2186/2015 consid. 6.3.2), ce qui n'était, notamment, pas le cas d'une personne qui se trouvait en Suisse depuis moins de cinq ans et qui n'avait été mise au bénéfice de l'admission provisoire en ce pays qu'un peu plus de deux ans auparavant et qui ne pouvait, par ailleurs, se prévaloir de liens particulièrement étroits avec la Suisse sur les plans privé, professionnel et social (cf. arrêts du TAF F-8197/2015 et F-2188/2015 consid. 6.3.3 ; cf. également arrêt du TAF-1251/2020 du 30 mars 2020 consid. 6.2.2).

7.2.2 Cette jurisprudence peut être appliquée au cas d'espèce, puisque la recourante ne séjourne en Suisse que depuis trois ans et demi et ne bénéficie de l'admission provisoire que depuis deux ans. S'agissant de son intégration, s'il y a lieu de reconnaître les efforts qu'elle a déployés pour apprendre le français (cf. mémoire de recours, p. 9 et son annexe 4 [lettre de soutien]), elle n'a toutefois pas acquis son indépendance financière puisqu'elle ne pourvoit pas à ses besoins et à ceux de ses enfants (cf. mémoire de recours, pp. 5 et 17 et son annexe 3 [attestation et budget d'aide sociale]). Dans ces conditions et conformément à la jurisprudence citée ci-dessus (cf. consid. 7.2.1 supra), rien ne s'oppose à ce que le délai de carence de trois ans soit appliqué in casu.

8.   

8.1 Cela étant, les recourants pourront déposer une nouvelle demande tendant au regroupement familial des intéressés, à l'échéance du délai de carence de trois ans (c'est-à-dire à partir du 27 novembre 2021). Il reviendra alors à l'autorité cantonale compétente et au SEM d'examiner en détail si les autres conditions de l'art. 85 al. 7 LEI sont remplies et si un éventuel refus ne serait pas contraire au respect de la vie familiale ancré à l'art. 8 CEDH, étant néanmoins relevé que V._______ est majeur depuis le (...) 2020 et n'est dès lors plus un enfant célibataire de moins de 18 ans d'une personne admise à titre provisoire au sens de l'art. 85 al. 7 LEI.

8.2  Par ailleurs, compte tenu de la situation sanitaire et sécuritaire des membres de la famille en Ethiopie (mémoire de recours, p. 5), ceux-ci pourraient requérir entretemps l'octroi d'un visa national pour motifs humanitaires au sens de l'art. 4 al. 2 de l'ordonnance du 15 août 2018 sur l'entrée et l'octroi de visas (OEV, RS 142.204).

8.3  S'agissant des dispositions de la CDE, notamment ses art. 3, 6 al. 6, 7, 9, 10, 23, 24 et 27, ainsi que des art. 2 let. d et 15 CEDEF, celles-ci ne confèrent en l'espèce pas de droits plus étendus que l'art. 8 CEDH; les recourants ne peuvent, en particulier, pas se prévaloir, sur la base de ces dispositions, d'un droit absolu et inconditionnel à l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial en faveur de leurs proches (cf. ATF 144 I 91 consid. 5.2; arrêt du TF 2C_374/2018 du 15 août 2018 consid. 9.2 ; arrêt du TAF-1251/2020 consid. 6.2.5).

9.   

9.1  Au vu de ce qui précède, il ne peut être reproché au SEM d'avoir refusé la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire formée par les recourants, au motif, en particulier, que le délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI n'était pas encore échu. L'autorité n'a, en rendant sa décision du 8 octobre 2020, ni violé le droit, ni commis un abus ou excès de son pouvoir d'appréciation.

9.2  Le recours doit, par conséquent, être rejeté. Etant d'emblée infondé (cf. déjà les arrêts du TAF F-1251/2020 du 30 mars 2020; F-3051/2020 du 26 juin 2020; F-1686/2020 du 8 août 2020; F-4463/2020 du 13 octobre 2020), il est renoncé à un échange d'écritures (cf. art. 57 al. 1 PA a contrario).
Un double du mémoire de recours du 9 novembre 2020 est porté à la connaissance de l'autorité inférieure pour information, en même temps que survient la présente notification.

10.   

10.1  Dans leur recours du 9 novembre 2020, les recourants ont requis l'octroi de l'assistance judiciaire totale. Aux termes de l'art. 65 al. 1 PA, la partie qui ne dispose pas de ressources suffisantes et dont les conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec est, à sa demande, dispensée par l'autorité de recours, son président ou le juge instructeur de payer les frais de procédure. L'art. 65 al. 2 PA prévoit qu'un avocat est attribué à cette partie si la sauvegarde de ses droits le requiert. Un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées comme sérieuses, au point qu'un plaideur raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'il s'exposerait à devoir supporter. Il ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec sont à peu près égaux ou lorsque les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4 et 129 I 129 consid. 2.3.1). La situation doit être appréciée au moment du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire qui se fonde sur les actes produits jusqu'à ce moment (cf., notamment, ATF 140 V 521 consid. 9.1).

10.2  En l'occurrence, le recours étant d'emblée infondé, celui-ci était également d'entrée de cause voué à l'échec, de sorte que la demande d'assistance judiciaire totale doit être rejetée, indépendamment de la preuve de l'indigence des recourants.

10.3  Vu l'issue de la cause, il y aurait lieu de mettre les frais de procédure à la charge des recourants (cf. art. 63 al. 1 PA en relation avec les art.
1 à 3 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Compte tenu des circonstances particulières de la cause, il sera toutefois exceptionnellement renoncé à la perception de frais de procédure (cf. art. 6 let. b FITAF).

Ayant succombé, les intéressés n'ont, par ailleurs, pas droit à des dépens (art. 64 al. 1 a contrario PA).


 

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
La requête d'assistance judiciaire totale est rejetée.

3. 
Il n'est pas perçu de frais de procédure.

4.
Le présent arrêt est adressé :

-        aux recourants, par l'entremise de leur mandataire (recommandé)

-        à l'autorité inférieure, avec dossier en retour et double du mémoire de recours du 9 novembre 2020

-        en copie, au Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, pour information

 

 

Le président du collège :

Le greffier :

 

 

Gregor Chatton

Sylvain Félix

 

 

Expédition :

 

vorheriges Urteil
nächstes Urteil

pdf

Wichtiger Hinweis: Die Liste der vorgeschlagenen Entscheide wird automatisch, ohne jegliche intellektuelle Bearbeitung, generiert.
Deskriptoren
familiennachzug
bundesverwaltungsgericht
vorinstanz
leben
vorläufige aufnahme
abweisung