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Cour VI

F-1686/2020

 

 

 

 

 

Arrêt du 8 août 2020

Composition

 

Jenny de Coulon Scuntaro (présidente du collège),

Sylvie Cossy, Gregor Chatton, juges,

Nuno-Michel Schmid, greffier.

 

 

 

Parties

 

1. A._______, 

2. B._______,

3. C._______,

4. D._______,

tous représentés par Maître Aurélie Planas, Avocate,

Centre Social Protestant (CSP), Rue des Parcs 11, 2000 Neuchâtel,

recourants,

 

 

 

contre

 

 

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,

Quellenweg 6, 3003 Berne,  

autorité inférieure.

 

 

 

 

Objet

 

Rejet de la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire.

 

 

 


Faits :

A. 
A._______ est une ressortissante d'Erythrée née le 1er janvier 1983. Elle est mère de quatre enfants.

B. 
Elle est arrivée en Suisse avec sa fille cadette E._______, née le 16 mars 2011 et a déposé une demande d'asile le 28 juillet 2015. Elles ont été admises à titre provisoire en Suisse par décision du 20 avril 2018.

C. 
Les trois autres enfants (B._______ née le 1er janvier 2001, C._______ née le 12 janvier 2007 et D._______ né le 1er mai 2009, tous ressortissants érythréens) sont restés en Erythrée auprès de leur grand-mère, A._______ estimant ne pas pouvoir faire le voyage vers l'Europe seule avec quatre jeunes enfants. Depuis janvier 2019, les trois enfants précités se trouveraient en Ethiopie.

D. 
Par lettre du 5 novembre 2019, A._______ a demandé au service cantonal compétent en matière d'étrangers du canton de Neuchâtel (ci-après : le SMIG) l'inclusion dans son admission provisoire de ses trois autres enfants. Elle a indiqué ne pas pouvoir exercer une activité lucrative en raison de ses problèmes de santé.

E. 
Le SMIG a transmis cette demande au SEM avec sa prise de position. Ledit service a émis un avis négatif au motif que les conditions de délai et de ressources financières n'étaient pas remplies.

F. 
Par courrier du 20 janvier 2020, le SEM a indiqué à l'intéressée qu'il envisageait de rejeter sa demande car elle ne remplissait pas les conditions posées par l'art. 85 al. 7 LEI (RS 142.20) en ce qui concernait le délai d'attente de trois ans, ainsi que les ressources financières, et lui a demandé si elle maintenait sa requête.

G. 
Par courrier du 7 février 2020, l'intéressée a confirmé le maintien de sa demande de regroupement familial en faveur de ses enfants, par l'entremise de sa mandataire, estimant qu'un rejet de sa demande serait contraire aux art. 8 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101) et 3 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE, RS 0.107).

H. 
En date du 20 février 2020, le SEM a rendu une décision formelle rejetant la demande de regroupement familial, au motif que l'intéressée ne remplissait ni la condition du délai de trois ans, ni celle relative aux ressources financières. Etant admise provisoirement en date du 20 avril 2018, une demande de regroupement familial ne pourrait être présentée au plus tôt que le 20 avril 2021. De plus, comme l'indiquait l'attestation du 26 novembre 2019 du Département de l'économie et de l'action sociale du canton de Neuchâtel, l'intéressée était totalement assistée et n'exerçait aucune activité lucrative.

Sur un autre plan, l'autorité inférieure a retenu que ni l'art. 8 CEDH, ni l'art. 3 CDE n'étaient susceptibles de changer son appréciation de la cause. Concernant l'art. 8 CEDH, l'admission provisoire de l'intéressée ne lui conférait pas un droit de présence assuré en Suisse, préalable à l'invocation de cette disposition. Enfin, quant à l'art. 3 CDE, l'autorité de première instance a argué qu'elle ne conférait ni aux enfants, ni à leur parents, un droit à la réunion de la famille ou une prétention directe à une autorisation de séjour déductible en justice.

Le SEM a conclu de ce qui précédait que les conditions de l'art. 85 al. 7 LEI n'étaient pas remplies et a rejeté la demande de regroupement familial de l'intéressée.

I. 
Le 23 mars 2020, A._______ (ci-après : la recourante) a recouru contre la décision du SEM du 20 février 2020, concluant principalement à l'annulation de la décision précitée et à l'inclusion dans son admission provisoire de ses enfants au titre du regroupement familial, et subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dans son recours, la recourante a soutenu qu'elle avait un droit de présence assuré en Suisse qui lui permettait d'invoquer l'art. 8 CEDH, dans la mesure où sa présence en ce pays constituait une situation de fait qu'il s'imposait de prendre en considération et a invoqué la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) qui aurait estimé que l'applicabilité de l'art. 8 CEDH ne saurait être subordonnée à l'octroi d'un permis particulier, faisant référence aux arrêts M.P.E.V. et autres contre Suisse du 8 juillet 2014 (requête n° 3910/2013), Agraw contre Suisse (requête n° 3295/06) et Mengesha Kimfe contre Suisse (requête n° 24404/05), tous deux du 29 juillet 2010. La recourante a ainsi argué que compte tenu de sa situation personnelle, notamment de ses graves problèmes de santé et de son statut de femme seule, l'admission provisoire dont elle bénéficiait ne risquait pas d'être levée à brève échéance et qu'elle pouvait se prévaloir donc d'un droit de présence effectif au sens de l'art. 8 CEDH.

Concernant ses problèmes de santé, la recourante a indiqué qu'elle souffrait d'un asthme bronchique très handicapant, survenu suite à une opération en avril 2016, à savoir une lobectomie inférieure du poumon gauche en raison d'une destruction complète du lobe inférieur gauche associée à des bronchectasies chroniquement surinfectées. Les différents médecins et spécialistes qui suivraient la recourante auraient attesté une incapacité de travail à 100%, justifiant le dépôt d'une demande auprès de l'assurance-invalidité.

Par rapport à l'art. 8 CEDH, la recourante a estimé que le SEM avait violé cette disposition en refusant sa demande de regroupement familial et que cette autorité était tenue de respecter cette protection conventionnelle dans le cadre de la pesée d'intérêts globale, ainsi que la CDE et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 (CEDEF, RS 0.108), lorsqu'il avait appliqué l'art. 85 al. 7 LEI, ce qu'elle n'aurait pas fait.

La recourante a également invoqué une violation du devoir d'instruction par le SEM, pour n'avoir pas auditionné ses enfants, ainsi que de son droit d'être entendue, pour n'avoir pas pris en compte pour chacun de ses enfants, la nature et le degré de vulnérabilité, et que l'autorité inférieure n'avait opéré aucune évaluation de l'intérêt supérieur des enfants dans sa décision.

La situation des trois enfants pourrait être résumée ainsi : après avoir, dans un premier temps, vécu dans un camp pour réfugiés en Ethiopie, ils l'auraient fui et trouvé refuge auprès d'une compatriote, F._______. Cette dernière serait cependant en attente de l'octroi d'un visa de la part de la Suède ou de l'Allemagne pour rejoindre son mari en ce pays et les enfants seraient susceptibles d'être à nouveau livrés à eux-mêmes et de devoir retourner dans un camp de réfugié, d'où l'urgence qu'ils puissent retrouver leur mère.

Enfin, la recourante a argué qu'une décision négative concernant sa demande de regroupement familial impliquait une violation par la Suisse de plusieurs autres dispositions de la CDE, notamment l'art. 6. al. 6 (droit au développement de l'enfant). Elle a estimé que l'instruction du dossier par le SEM était incomplète et qu'une analyse prenant en compte uniquement le non-respect de la condition de durée des trois ans depuis l'octroi de l'admission provisoire et l'absence d'indépendance financière, n'était pas suffisante et emportait une violation du droit d'être entendu au sens des art. 29 Cst. et 8 CEDH.

J. 
Par décision incidente du 7 avril 2020, le Tribunal a rejeté la demande d'assistance judiciaire de la recourante, estimant après un examen prima facie que le recours était dénué de toutes chances de succès, dès lors que le délai de carence n'était pas respecté et qu'il n'était pas établi que la recourante souffrait d'une incapacité de travail totale.

K. 
La recourante a déposé une demande de reconsidération de la décision incidente du 7 avril 2020 en date du 15 avril 2020. Estimant que le Tribunal n'avait pas procédé à une pesée des intérêts au sens de l'art. 8 CEDH, de la CDE ou de la CEDEF, elle a conclu que le Tribunal ne pouvait pas considérer que le recours était voué à l'échec.

La recourante a précisé l'état précaire de sa situation médicale et a évoqué un rapport médical daté du 28 janvier 2019 décrivant les problèmes de santé dont elle souffrait ainsi que deux autres rapports médicaux des 9 avril et 11 octobre 2019, qui indiqueraient que sa situation médicale ne lui permettrait pas d'envisager un travail quelconque et que le pronostic ne serait pas favorable.

Sur la question du délai de trois ans, la recourante a argué que la situation actuelle était similaire à ce qu'elle serait lorsqu'elle aurait atteint le délai de trois ans prévu à l'art. 85 al. 7 LEI et que donc « aucun intérêt public prépondérant », « aucun argument ne permet[trait] ainsi d'imposer à la recourante et à ses enfants d'attendre ce délai pour pouvoir déposer une demande de regroupement familial ». En outre, il convenait selon elle de prendre en compte le fait que ses enfants vivaient en Ethiopie dans une grande précarité. La situation de détresse commandait donc de ne pas repousser leur demande de regroupement à un stade ultérieur.

Enfin, la recourante a soutenu que le refus de regroupement familial basé sur une application stricte de l'art. 85 al. 7 LEI, sans prise en considération des instruments internationaux applicables, équivaudrait « à un empêchement définitif au droit à une vie familiale de la recourante et de ses enfants » et « contreviendrait de manière crasse à l'art. 8 CEDH », et que d'autres arrêts avaient été rendus par le TAF sur des affaires de regroupement familial concernant des femmes au bénéfice d'admissions provisoires et que leurs recours n'avaient pas été considérées comme voués à l'échec.

L. 
Dans son ordonnance du 22 avril 2020, le Tribunal a requis la production des certificats médicaux évoqués par les recourants dans leur demande de reconsidération du 15 avril 2020.

M. 
Suite à l'ordonnance du Tribunal précitée, les recourants ont versé six certificats médicaux au dossier en date du 28 avril 2020

N. 
En date du 4 mai 2020, le Tribunal a admis la demande de reconsidération au vu de l'incapacité professionnelle totale de la recourante, et mis les recourants au bénéfice de l'assistance judiciaire totale, nommant leur mandataire comme avocate d'office pour la présente cause.

O. 
Le SEM a déposé sa réponse au recours en date du 11 mai 2020. Pour l'autorité inférieure, le recours ne contenait aucun élément ou moyen de preuve nouveau susceptible de modifier son point de vue. Pour résumer, la requérante ne remplissait pas deux conditions essentielles de l'art. 85 al. 7 LEI ; sur la condition du délai de carence de trois ans, celle-ci n'était toujours pas remplie ; concernant l'incapacité totale de travailler, aucun document officiel n'avait à ce jour été émis l'OAI de Neuchâtel.

Enfin, par rapport à l'art. 8 CEDH, la recourante ne disposait pas d'un droit de présence assuré lui permettant de l'invoquer, et la CDE ne conférait ni aux parents, ni aux enfants, une prétention directe à l'obtention d'une autorisation de séjour déductible en justice.

P. 
En date du 26 mai 2020, les recourants ont déposé des observations additionnelles. Ils ont argué que le Tribunal avait reconnu à la recourante un droit de présence en Suisse (décision incidente du 7 avril, page 3) et qu'elle pouvait donc se prévaloir de l'art. 8 CEDH. Concernant la demande de la rente AI pour la recourante, les recourants ont confirmé que celle-ci était toujours en cours d'examen.

Q. 
Le SEM a déposé des observations supplémentaires en date du 9 juin 2020, indiquant que les dernières écritures des recourants ne contenaient aucun élément ou moyen de preuve nouveaux susceptibles de modifier son point de vue.

R. 
Le 11 juin 2020, les recourants ont versé au dossier une attestation médicale supplémentaire, du Dr G._______, datée du 9 juin 2020.

S. 
Le 19 juin 2020, le Tribunal a clos l'échange d'écritures.

T. 
Les divers autres arguments invoqués de part et d'autre dans le cadre de la procédure de recours seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit ci-dessous.

 

Droit :

1.   

1.1  Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions en matière de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire prononcées par le SEM - lequel constitue une unité de l'administration fédérale telle que définie à l'art. 33 let. d LTAF - peuvent être contestées devant le Tribunal, qui statue définitivement (art. 83 let. c ch. 3 LTF ; cf. arrêt du Tribunal fédéral [ci-après : TF] 2C_855/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 et les réf. cit.).

1.2  A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA (art. 37 LTAF).

1.3  Les recourants ont qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, leur recours est recevable (art. 50 et 52 PA).

2.   

2.1  Le Tribunal examine les décisions qui lui sont soumises avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit. Les recourants peut ainsi invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (art. 49 PA).

2.2  L'autorité de recours applique le droit d'office, sans être liée par les motifs invoqués par les parties (art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants juridiques de la décision attaquée (ATAF 2014/24 consid. 2.2 et ATAF 2009/57 consid. 1.2 ; voir également arrêt du TF 1C_214/2015 du 6 novembre 2015 consid. 2.2.2). Aussi peut-elle admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués.

2.3  Dans son arrêt, elle prend en considération l'état de fait existant au moment où elle statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2).

3.   

3.1  Dans un grief d'ordre formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu (cf. ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêts du TF 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5 et 2C_125/2018 du 21 décembre 2018 consid. 2), les recourants reprochent à l'autorité inférieure une violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst. et 29 ss PA) pour manque d'instruction et défaut de motivation quant à la question de l'intérêt supérieur de l'enfant et de celle de savoir si le refus du regroupement familial est conforme au droit international (cf. mémoire de recours, p. 4 s.).

3.2  L'obligation de motivation, déduite du droit d'être entendu par la jurisprudence et ancrée à l'art. 35 al. 1 PA, exige de l'autorité qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (cf., entre autres, ATF 138 I 232 consid. 5.1 et les réf. cit. ; arrêt du TF 2C_1004/2018 précité, consid. 5.1).

En l'occurrence, bien que la motivation de la décision attaquée soit sommaire, elle permet de comprendre d'emblée les motifs qui ont guidé l'autorité inférieure. Les recourants ne soutiennent du reste pas que le SEM n'aurait pas exposé les raisons pour lesquelles il a refusé leur demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire de la recourante, mais s'en prennent en réalité au contenu de la motivation qu'ils jugent insatisfaisant. Or, ce point ne relève pas du droit d'être entendu en lien avec l'obligation de motivation (cf. arrêt du TAF F-1251/2020 du 30 mars 2020 consid. 3.2, deuxième paragraphe). Le grief est partant écarté.

3.3  Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. et des art. 29 ss PA comprend également pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du TF 2C_1004/2018 précité, consid. 5.2.1).

En l'occurrence, il ne ressort pas du dossier de la cause, et la recourante ne l'explicite pas, dans quelle mesure l'autorité inférieure aurait violé son devoir d'instruction, si ce n'est qu'elle a requis l'audition de ses enfants avant qu'une appréciation puisse avoir lieu sous l'angle de la CDE. Sur ce plan, deux choses méritent d'être mentionnées :

3.3.1  Une partie ne peut exiger d'être entendue oralement en procédure administrative, celle-ci étant en principe écrite (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2011 du 12 octobre 2011 consid. 2.2; cf. également les arrêts du Tribunal administratif fédéral C-1087/2011 du 30 avril 2012 consid. 3.2.2 et C-186/2013 du 19 novembre 2013 consid. 3.2.1).

3.3.2  De plus, il n'est procédé à l'audition de parties ou de témoins que si de telles mesures d'instruction paraissent indispensables à l'établissement des faits de la cause (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2011 précité, ibid.). En l'espèce, le Tribunal ne voit pas quels éléments de fait pertinents pourraient être établis par l'audition des enfants qui n'ont pas déjà été communiqués au Tribunal au travers des échanges d'écritures. Si la recourante ou la mandataire des recourants l'avaient jugé utile, il aurait été suffisant de déposer des déclarations écrites des enfants en âge de s'exprimer sous cette forme ou à tout le moins de F._______, qui s'occupe d'eux en ce moment en Ethiopie (cf. let. I, supra). Les recourants ne se sont pas prévalus de cette opportunité.

3.4  En l'occurrence, comme exposé ci-après, le Tribunal considère que les éléments essentiels sur lesquels le SEM a fondé son appréciation ressortaient clairement du dossier et ne nécessitaient donc aucun complément d'instruction. Il était donc fondé à renoncer aux mesures d'instruction demandées. Ce grief doit être partant rejeté.

4. 
En vertu de l'art. 24 de l'ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE, RS 142.281), la procédure à suivre pour regrouper les membres d'une famille de personnes admises à titre provisoire en Suisse est régie par l'art. 74 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA, RS 142.201).

4.1  Conformément à l'art. 74 al. 1 OASA, les demandes visant à inclure des membres de la famille dans l'admission provisoire doivent être déposées auprès de l'autorité migratoire cantonale (art. 88 al. 1 OASA). Cette autorité transmet la demande accompagnée de son avis au SEM, qui précise si les conditions légales de regroupement familial sont remplies (art. 74 al. 2 OASA). En vertu de l'art. 74 al. 3 1ère phrase OASA, la demande visant à inclure des membres de la famille dans l'admission provisoire doit être déposée dans les cinq ans, si les délais relatifs au regroupement familial prévus à l'art. 85 al. 7 LEI sont respectés.

4.2  En vertu de l'art. 85 al. 7 LEI, le conjoint et les enfants célibataires de moins de 18 ans des personnes admises à titre provisoire, y compris les réfugiés admis à titre provisoire, peuvent bénéficier du regroupement familial et du même statut, au plus tôt trois ans après le prononcé de l'admission provisoire, pour autant qu'ils vivent en ménage commun (let. a), qu'ils disposent d'un logement approprié (let. b), que la famille ne dépend pas de l'aide sociale (let. c), qu'ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) et que la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (LPC, RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e). Pour l'octroi de l'admission provisoire, une inscription à une offre d'encouragement linguistique suffit en lieu et place de la condition prévue à l'al. 7, let. d (art. 85 al. 7bis LEI). La condition prévue à l'al. 7, let. d, ne s'applique pas aux enfants célibataires de moins de 18 ans. Il est en outre possible d'y déroger lorsque des raisons majeures au sens de l'art. 49a, al. 2, le justifient (art. 85 al. 7ter LEI).

5.   

5.1  En l'occurrence, l'autorité inférieure a rejeté la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire formée par la recourante en faveur de ses trois enfants, aux motifs que le délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI n'était pas arrivé à échéance (échéance prévue le 20 avril 2021) et que la condition de l'indépendance financière n'était pas non plus remplie.

5.2  A l'appui de son recours, l'intéressée a, notamment, fait grief au SEM de ne pas avoir entrepris une analyse du cas d'espèce centrée sur l'intérêt supérieur de l'enfant et de ne pas s'être prononcé sur cette question. L'autorité inférieure n'aurait pas non plus examiné si le refus du regroupement familial était conforme au droit international public, alors que dite autorité était tenue d'interpréter l'art. 85 al. 7 LEI en conformité avec le droit international, notamment l'art. 8 CEDH, dans le cadre de la pesée d'intérêts globale, ainsi que la CDE et la CEDEF (cf. supra, let I).

Elle a argué dans sa demande de reconsidération du 15 avril 2020 que, sur la base des circonstances concrètes du cas d'espèce, sa situation ne serait pas différente lorsqu'elle aura atteint le délai de trois ans prévu à l'art. 85 al. 7 LEI et que donc « aucun intérêt public prépondérant », « aucun argument ne permet[trait] ainsi d[e lui] imposer (...) d'attendre ce délai pour pouvoir déposer une demande de regroupement familial » (cf. supra, let. K).

Enfin, la recourante a soutenu que le refus de regroupement familial basé sur une application stricte de l'art. 85 al. 7 LEI, sans prise en considération des instruments internationaux applicables, équivaudrait « à un empêchement définitif au droit à une vie familiale de la recourante et de ses enfants » et « contreviendrait de manière crasse à l'art. 8 CEDH », arguant donc que l'exigence stricte des conditions de l'article 85 al. 7 LEI violerait le droit international. D'après l'intéressée, une interprétation conforme de l'art. 85 al. 7 LEI avec l'art. 8 CEDH, notamment, exigerait que sa demande de regroupement familial soit admise, surtout en tenant compte du fait que ses enfants vivaient en Ethiopie dans une grande précarité. La situation de détresse commandait donc de ne pas repousser leur demande de regroupement à un stade ultérieur.

5.3  Les recourants ont également invoqué la violation de différents droits déduits de la CDE (cf. supra, let I et K). L'autorité inférieure n'aurait, par ailleurs, pas suffisamment tenu compte de sa situation personnelle (femme seule ayant à sa charge un enfant de 9 ans et étant malade chroniquement, dans l'impossibilité d'être autonome sur le marché du travail) dans la pesée des intérêts à effectuer conformément à l'art. 8 par. 2 CEDH (cf. mémoire de recours, p. 4 ; demande de reconsidération, p. 2).

6. 
Le Tribunal constate que la recourante ne conteste pas ne pas remplir les conditions du délai de carence de trois ans ainsi que celle de l'indépendance financière de l'art. 85 al. 7 LEI (cf. mémoire de recours, p. 3), mais note qu'elle invoque que ses problèmes de santé l'empêcheraient de travailler et de remplir cette dernière condition. Le Tribunal examinera si une application stricte de ces conditions, en particulier celle du délai de carence de trois ans, est, dans le cas d'espèce, conforme au droit international, notamment à l'art. 8 CEDH (cf. consid. 5.2 infra).

6.1   

6.1.1  La CEDH ne confère pas un droit absolu à l'entrée et au séjour ou à l'octroi d'un titre de séjour particulier (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1 et 142 II 35 consid. 6.1 et les réf. cit. ; arrêt du TF 2C_819/2018 du 13 février 2020 consid. 1.3). Ainsi, des restrictions posées au droit au regroupement familial ont été déclarées, en principe, conformes au droit au respect de la vie familiale ancré à l'art. 8 CEDH (cf. ATF 126 II 335 ; arrêt du TAF F-2186/2015 du 6 décembre 2016 consid. 6.2). Il est en particulier admissible de faire dépendre le regroupement familial du respect de certaines conditions temporelles (cf. art. 47 LEI ; ATF 126 II 335 consid. 3c). L'exigence du respect d'un délai de carence n'est ainsi pas per se contraire aux obligations internationales de la Suisse.

6.1.2  Selon la jurisprudence, le droit national doit toutefois être appliqué de manière conforme aux normes découlant du droit international public, en particulier lorsqu'il s'agit d'obligations fondées sur les droits de l'Homme (cf. ATF 142 II 35 consid. 3.2 et 125 II 417 consid. 4c). S'agissant du délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI, le Tribunal de céans a ainsi reconnu qu'il était nécessaire de vérifier dans chaque cas particulier si le respect de ce délai pouvait être interprété de manière conforme au droit international (cf. arrêts du TAF F-8197/2015 du 13 mars 2017, F-2186/2015 précité consid. 6.2 in fine et F-1251/2020 du 30 mars 2020 consid. 6.2). Le TAF a considéré que l'art. 8 par. 1 CEDH n'entrait pas en collision avec l'art. 85 al. 7 LEI lorsque la personne concernée ne pouvait se prévaloir de facto d'un droit de présence assuré en Suisse, ce qui nécessitait notamment, pour les personnes admises à titre provisoire en Suisse, qu'elles aient résidé sur le territoire helvétique pendant une durée relativement longue (« über viele Jahre hinweg » ; arrêt du TAF F-2186/2015 précité, consid. 6.3.2), ce qui n'était, notamment, pas le cas d'une personne qui se trouvait en Suisse depuis moins de cinq ans et qui n'avait été mise au bénéfice de l'admission provisoire en ce pays qu'un peu plus de deux ans auparavant et qui ne pouvait, par ailleurs, se prévaloir de liens particulièrement étroits avec la Suisse sur les plans privé, professionnel et social (cf. arrêt du TAF F-8197/2015 précité).

6.1.3  Cette jurisprudence peut être appliquée au cas d'espèce, puisque la recourante ne séjourne en Suisse que depuis quatre ans et ne bénéficie de l'admission provisoire que depuis le 20 avril 2018, soit environ deux ans et trois mois. Quant à son intégration, aucune information ne figure au dossier démontrant qu'elle aurait fait des efforts pour apprendre le français ou une autre langue nationale. Concernant son intégration sur le marché du travail, le Tribunal prend note de ce qu'elle est en ce moment frappée d'une incapacité totale de travailler mais qu'il n'est pas exclu que cette situation puisse changer à l'avenir. La recourante n'a donc pas encore réussi à acquérir son indépendance économique et une certaine intégration lui permettant de pourvoir seule à ses besoins et à ceux de ses enfants. Dans ces conditions et conformément à la jurisprudence citée ci-dessus (cf. consid. 6.1.2 supra), rien ne s'oppose à ce que le délai de carence de trois ans soit appliqué in casu.

6.1.4  Enfin, le délai de carence imposé par le législateur à l'art. 85 al. 7 LEI répond à un intérêt public important. En effet, selon l'avis du Conseil fédéral du 13 février 2019 (cf. réponse à la motion de Lisa Mazzone « Droit à la vie. Regroupement familial élargi et facilité pour les réfugiés ») :

« L'admission provisoire constitue une mesure de substitution lorsque le renvoi ne peut pas être exécuté. Les personnes concernées doivent quitter la Suisse dès que leur renvoi peut être exécuté. Elles ne disposent donc pas d'un droit de résidence durable en Suisse.

(...) une suppression du délai d'attente de trois ans aurait pour conséquence de permettre un regroupement familial immédiatement après l'octroi de l'admission provisoire sans tenir compte de la possibilité qu'un éventuel renvoi soit par la suite exécutable. Par contre, les personnes dont le renvoi n'a pas encore été exécuté après trois ans vont vraisemblablement rester longtemps en Suisse. Dans ce contexte, le Conseil fédéral estime que le délai d'attente de trois ans reste judicieux et nécessaire. » (cf. www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20184311, site consulté en juillet 2020).

De plus, le Tribunal doit veiller à une application du délai de carence de trois ans d'une manière qui respecte le principe de l'égalité de traitement entre tous les justiciables susceptibles d'en faire la demande. De telles procédures peuvent prendre un certain temps à être traitées, et il convient de ne pas favoriser ou encourager ceux qui déposent des demandes qu'ils savent prématurées mais dont ils suspectent qu'elles ne le seront vraisemblablement plus au moment de la prise de décision par des autorités d'appel, par rapport à ceux qui, respectueux du délai de carence, attendent avant de déposer leur demande.

En l'espèce, même s'il était peu vraisemblable que la situation médicale de la recourante change entre la date du jugement et la fin du délai de carence, des changements importants dans sa situation personnelle ou celle de ses enfants ne peuvent être exclus et ceux-ci devront être pris en compte au moment de l'évaluation de sa demande de regroupement familial.

En dernière analyse, le délai de carence de trois ans, qui figure de manière claire et précise dans une base légale formelle (ATF 142 I 49 ; 139 I 280), répond à un intérêt public important et respecte le principe de proportionnalité au vu des objectifs de la LEI, ne viole ainsi pas les droits fondamentaux des recourants. En l'absence de la constatation d'une telle violation, la loi est la même et s'applique de manière égale à tous et il appartient à la recourante de respecter le droit suisse pendant son séjour en ce pays, ainsi qu'au Tribunal de le faire appliquer.

6.1.5   Enfin, contrairement à ce que prétend l'intéressée, le fait que sa demande de regroupement familial soit, à l'heure actuelle, refusée, ne constitue pas « un empêchement définitif au droit à une vie familiale de la recourante et de ses enfants ». Bien au contraire, la recourante pourra déposer une nouvelle demande tendant au regroupement familial et à l'inclusion dans son admission provisoire en faveur de ses enfants, à l'échéance du délai de carence de trois ans (c'est-à-dire à partir du 20 avril 2021). Il reviendra alors à l'autorité cantonale compétente et au SEM d'examiner en détail si les autres conditions de l'art. 85 al. 7 LEI sont remplies et si un éventuel refus ne serait pas contraire au respect de la vie familiale ancré à l'art. 8 CEDH, notamment.

6.1.6  Par ailleurs, si la situation de ses enfants restés en Ethiopie devait présenter une urgence particulière, la recourante pourrait requérir entretemps l'octroi en faveur de ces derniers de visas nationaux pour motifs humanitaires au sens de l'art. 4 al. 2 de l'ordonnance du 15 août 2018 sur l'entrée et l'octroi de visas (OEV, RS 142.204 ; cf. arrêts du TAF F-1251/2020 du 30 mars 2020 consid. 6.2.4 ; F-3051/2020 du 26 juin 2020 consid. 4.4).

6.1.7  S'agissant des dispositions de la CDE, notamment ses art. 3, 6 al. 6, 7, 24 et 27, ou des art. 2 let. d et 15 CEDEF, celles-ci ne confèrent pas aux recourants des droits plus étendus que l'art. 8 CEDH (cf. arrêt du TAF F-1251/2020 du 30 mars 2020 consid. 6.2.5); l'intéressée ne peut, en particulier, pas se prévaloir sur la base de ces dispositions d'un droit absolu et inconditionnel à l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial en faveur de ses enfants (cf. ATF 144 I 91 consid. 5.2 et les réf. cit. ; arrêt du TF 2C_374/2018 du 15 août 2018 consid. 9.2).

7.   

7.1  Au vu de ce qui précède, il ne peut être reproché au SEM d'avoir refusé la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire formée par la recourante, au motif, en particulier, que le délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI n'était pas rempli. L'autorité n'a, en rendant sa décision du 20 février 2020, ni violé le droit, ni commis un abus ou excès de son pouvoir d'appréciation, ni statué de manière inopportune.

7.2  Le recours doit, par conséquent, être rejeté.

8.   

8.1  Par décision incidente du 4 mai 2020, le Tribunal a mis les recourants au bénéfice de l'assistance judicaire totale et désigné Me Aurélie Planas en qualité d'avocate d'office pour la présente procédure, en application de l'art. 65 al. 1 et 2 PA.

Bien que les recourants succombent, aucun frais de procédure ne sera partant mis à leur charge.

8.2  S'agissant de l'indemnité due à Me Aurélie Planas pour les frais indispensables et relativement élevés occasionnés par la procédure de recours, dans la mesure où les recourants n'ont pas obtenu gain de cause (cf. art. 64 al. 2 à 4, par renvoi de l'art. 65 al. 3 PA, en relation avec les art. 8 à 12 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]), le Tribunal de céans, au vu de sa note de frais et d'honoraires du 23 mars 2020, et le travail subséquent accompli, lui accorde une somme de Frs 2'500.- à titre d'honoraires et de débours (débours et TVA compris), ce qui apparaît comme équitable en l'espèce.

Dans ce contexte, on précisera que ce montant reste dans le cadre des dépens standards octroyés par le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral dans des affaires relevant du droit des étrangers qui ne présentent pas de difficultés particulières comme cela était le cas en l'espèce. Si la recourante devait revenir à meilleure fortune, elle aurait l'obligation de rembourser ce montant au Tribunal (art. 65 al. 4 PA).

 

(dispositif à la page suivante)

 


Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Il n'est pas perçu de frais de procédure.

3. 
La caisse du Tribunal versera à Maître Aurélie Planas, avocate, un montant de Fr. 2'500.- à titre d'honoraires et de débours.

4. 
Le présent arrêt est adressé :

-        aux recourants, par l'entremise de leur mandataire (recommandé ; annexe : formulaire « Adresse de paiement » à retourner dûment remplie au Tribunal)

-        à l'autorité inférieure (n° de réf. N 646 539),  dossier en retour

-        au Service de la population du canton de Neuchâtel, pour information

 

 

La présidente du collège :

Le greffier :

 

 

Jenny de Coulon Scuntaro

Nuno-Michel Schmid

 

 

Expédition :

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