Faits :
A.
A._______
est une ressortissante d'Erythrée née le 1er
janvier 1983. Elle est mère de quatre enfants.
B.
Elle
est arrivée en Suisse avec sa fille cadette E._______, née le 16 mars 2011 et a déposé
une demande d'asile le 28 juillet 2015. Elles ont été admises à titre provisoire
en Suisse par décision du 20 avril 2018.
C.
Les
trois autres enfants (B._______ née le 1er
janvier 2001, C._______
née le 12 janvier 2007 et D._______ né
le 1er
mai 2009, tous ressortissants érythréens) sont restés en Erythrée auprès
de leur grand-mère, A._______ estimant ne pas pouvoir
faire le voyage vers l'Europe seule avec quatre jeunes enfants. Depuis janvier 2019, les
trois enfants précités se trouveraient en Ethiopie.
D.
Par
lettre du 5 novembre 2019, A._______ a demandé au service cantonal compétent en matière
d'étrangers du canton de Neuchâtel (ci-après : le SMIG) l'inclusion dans
son admission provisoire de ses trois autres enfants.
Elle a indiqué ne pas pouvoir exercer une activité lucrative en raison de ses problèmes
de santé.
E.
Le
SMIG a transmis cette demande au SEM avec sa prise de position. Ledit service a émis un avis négatif
au motif que les conditions de délai et de ressources financières n'étaient pas
remplies.
F.
Par
courrier du 20 janvier 2020, le SEM a indiqué à l'intéressée qu'il envisageait
de rejeter sa demande car elle ne remplissait pas les conditions posées par l'art. 85 al.
7 LEI (RS 142.20) en ce qui concernait le délai d'attente de trois ans, ainsi que les ressources
financières, et lui a demandé si elle maintenait sa requête.
G.
Par
courrier du 7 février 2020, l'intéressée a confirmé le maintien de sa demande
de regroupement familial en faveur de ses enfants, par l'entremise de sa mandataire, estimant qu'un
rejet de sa demande serait contraire aux art. 8 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101) et 3 de la Convention du 20 novembre
1989 relative aux droits de l'enfant (CDE, RS 0.107).
H.
En
date du 20 février 2020, le SEM a rendu une décision formelle rejetant la demande de regroupement
familial, au motif que l'intéressée ne remplissait ni la condition du délai de trois
ans, ni celle relative aux ressources financières. Etant admise provisoirement en date du 20 avril
2018, une demande de regroupement familial ne pourrait être présentée au plus tôt
que le 20 avril 2021. De plus, comme l'indiquait l'attestation du 26 novembre 2019 du Département
de l'économie et de l'action sociale du canton de Neuchâtel, l'intéressée
était totalement assistée et n'exerçait aucune activité lucrative.
Sur un autre plan, l'autorité inférieure a retenu que ni l'art. 8 CEDH, ni
l'art. 3 CDE n'étaient susceptibles de changer son appréciation de la cause. Concernant
l'art. 8 CEDH, l'admission provisoire de l'intéressée ne lui conférait
pas un droit de présence assuré en Suisse, préalable à l'invocation de cette
disposition. Enfin, quant à l'art. 3 CDE, l'autorité de première instance
a argué qu'elle ne conférait ni aux enfants, ni à leur parents, un droit à
la réunion de la famille ou une prétention directe à une autorisation de séjour déductible
en justice.
Le SEM a conclu de ce qui précédait que les conditions de l'art. 85 al. 7 LEI n'étaient
pas remplies et a rejeté la demande de regroupement familial de l'intéressée.
I.
Le 23 mars 2020, A._______ (ci-après :
la recourante) a recouru contre la décision du SEM du 20 février 2020, concluant principalement
à l'annulation de la décision précitée et à l'inclusion dans son
admission provisoire de ses enfants au titre du regroupement familial, et subsidiairement au renvoi de
la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Dans son recours, la recourante a soutenu qu'elle
avait un droit de présence assuré en Suisse qui lui permettait d'invoquer l'art.
8 CEDH, dans la mesure où sa présence en ce pays constituait une situation de fait qu'il
s'imposait de prendre en considération et a invoqué la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) qui aurait estimé que l'applicabilité
de l'art. 8 CEDH ne saurait être subordonnée à l'octroi d'un permis
particulier, faisant référence aux arrêts M.P.E.V. et autres contre Suisse du
8 juillet 2014 (requête n° 3910/2013),
Agraw contre Suisse (requête n°
3295/06) et Mengesha Kimfe contre Suisse (requête
n° 24404/05), tous deux du 29 juillet 2010. La recourante
a ainsi argué que compte tenu de sa situation personnelle, notamment de ses graves problèmes
de santé et de son statut de femme seule, l'admission provisoire dont elle bénéficiait
ne risquait pas d'être levée à brève échéance et qu'elle pouvait
se prévaloir donc d'un droit de présence effectif au sens de l'art. 8 CEDH.
Concernant ses problèmes de santé, la recourante a indiqué qu'elle souffrait
d'un asthme bronchique très handicapant, survenu suite à une opération en avril
2016, à savoir une lobectomie inférieure du poumon gauche en raison d'une destruction
complète du lobe inférieur gauche associée à des bronchectasies chroniquement surinfectées.
Les différents médecins et spécialistes qui suivraient la recourante auraient attesté
une incapacité de travail à 100%, justifiant le dépôt d'une demande auprès
de l'assurance-invalidité.
Par rapport à l'art. 8 CEDH, la recourante a estimé que le SEM avait violé cette
disposition en refusant sa demande de regroupement familial et que cette autorité était tenue
de respecter cette protection conventionnelle dans le cadre de la pesée d'intérêts
globale, ainsi que la CDE et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 (CEDEF, RS 0.108), lorsqu'il
avait appliqué l'art. 85 al. 7 LEI, ce qu'elle n'aurait pas fait.
La recourante a également invoqué une violation du devoir d'instruction par le SEM,
pour n'avoir pas auditionné ses enfants, ainsi que de son droit d'être entendue,
pour n'avoir pas pris en compte pour chacun de ses enfants, la nature et le degré de vulnérabilité,
et que l'autorité inférieure n'avait opéré aucune évaluation de
l'intérêt supérieur des enfants dans sa décision.
La situation des trois enfants pourrait être résumée ainsi : après avoir,
dans un premier temps, vécu dans un camp pour réfugiés en Ethiopie, ils l'auraient
fui et trouvé refuge auprès d'une compatriote, F._______. Cette dernière serait
cependant en attente de l'octroi d'un visa de la part de la Suède ou de l'Allemagne
pour rejoindre son mari en ce pays et les enfants seraient susceptibles d'être à nouveau
livrés à eux-mêmes et de devoir retourner dans un camp de réfugié, d'où
l'urgence qu'ils puissent retrouver leur mère.
Enfin, la recourante a argué qu'une décision négative concernant sa demande
de regroupement familial impliquait une violation par la Suisse de plusieurs autres dispositions de la
CDE, notamment l'art. 6. al. 6 (droit au développement de l'enfant). Elle a estimé
que l'instruction du dossier par le SEM était incomplète et qu'une analyse prenant
en compte uniquement le non-respect de la condition de durée des trois ans depuis l'octroi
de l'admission provisoire et l'absence d'indépendance financière, n'était
pas suffisante et emportait une violation du droit d'être entendu au sens des art. 29 Cst.
et 8 CEDH.
J.
Par
décision incidente du 7 avril 2020, le Tribunal a rejeté la demande d'assistance judiciaire
de la recourante, estimant après un examen prima facie que
le recours était dénué de toutes chances de succès, dès lors que le délai
de carence n'était pas respecté et qu'il n'était pas établi que
la recourante souffrait d'une incapacité de travail totale.
K.
La
recourante a déposé une demande de reconsidération de la décision incidente du 7
avril 2020 en date du 15 avril 2020. Estimant que le Tribunal n'avait pas procédé à
une pesée des intérêts au sens de l'art. 8 CEDH, de la CDE ou de la CEDEF, elle
a conclu que le Tribunal ne pouvait pas considérer que le recours était voué à l'échec.
La recourante a précisé l'état précaire de sa situation médicale et
a évoqué un rapport médical daté du 28 janvier 2019 décrivant les problèmes
de santé dont elle souffrait ainsi que deux autres rapports médicaux des 9 avril et 11 octobre
2019, qui indiqueraient que sa situation médicale ne lui permettrait pas d'envisager un travail
quelconque et que le pronostic ne serait pas favorable.
Sur la question du délai de trois ans, la recourante a argué que la situation actuelle
était similaire à ce qu'elle serait lorsqu'elle aurait atteint le délai de
trois ans prévu à l'art. 85 al. 7 LEI et que donc « aucun
intérêt public prépondérant », « aucun
argument ne permet[trait] ainsi d'imposer à la recourante et à ses enfants d'attendre
ce délai pour pouvoir déposer une demande de regroupement familial ». En outre,
il convenait selon elle de prendre en compte le fait que ses enfants vivaient en Ethiopie dans une grande
précarité. La situation de détresse commandait donc de ne pas repousser leur demande de
regroupement à un stade ultérieur.
Enfin, la recourante a soutenu que le refus de regroupement familial basé sur une application
stricte de l'art. 85 al. 7 LEI, sans prise en considération des instruments internationaux
applicables, équivaudrait « à un empêchement définitif au droit à
une vie familiale de la recourante et de ses enfants » et « contreviendrait de manière
crasse à l'art. 8 CEDH », et que d'autres arrêts avaient été
rendus par le TAF sur des affaires de regroupement familial concernant des femmes au bénéfice
d'admissions provisoires et que leurs recours n'avaient pas été considérées
comme voués à l'échec.
L.
Dans
son ordonnance du 22 avril 2020, le Tribunal a requis la production des certificats médicaux évoqués
par les recourants dans leur demande de reconsidération du 15 avril 2020.
M.
Suite
à l'ordonnance du Tribunal précitée, les recourants ont versé six certificats
médicaux au dossier en date du 28 avril 2020
N.
En
date du 4 mai 2020, le Tribunal a admis la demande de reconsidération au vu de l'incapacité
professionnelle totale de la recourante, et mis les recourants au bénéfice de l'assistance
judiciaire totale, nommant leur mandataire comme avocate d'office pour la présente cause.
O.
Le
SEM a déposé sa réponse au recours en date du 11 mai 2020. Pour l'autorité
inférieure, le recours ne contenait aucun élément ou moyen de preuve nouveau susceptible
de modifier son point de vue.
Pour résumer, la requérante ne remplissait pas deux conditions essentielles de l'art.
85 al. 7 LEI ; sur la condition du délai de carence de trois ans, celle-ci n'était
toujours pas remplie ; concernant l'incapacité totale de travailler, aucun document officiel
n'avait à ce jour été émis l'OAI de Neuchâtel.
Enfin, par rapport à l'art. 8 CEDH, la recourante ne disposait pas d'un droit de
présence assuré lui permettant de l'invoquer, et la CDE ne conférait ni aux parents,
ni aux enfants, une prétention directe à l'obtention d'une autorisation de séjour
déductible en justice.
P.
En
date du 26 mai 2020, les recourants ont déposé des observations additionnelles. Ils ont argué
que le Tribunal avait reconnu à la recourante un droit de présence en Suisse (décision
incidente du 7 avril, page 3) et qu'elle pouvait donc se prévaloir de l'art. 8 CEDH.
Concernant la demande de la rente AI pour la recourante, les recourants ont confirmé que celle-ci
était toujours en cours d'examen.
Q.
Le
SEM a déposé des observations supplémentaires en date du 9 juin 2020, indiquant que les
dernières écritures des recourants ne contenaient aucun élément ou moyen de preuve
nouveaux susceptibles de modifier son point de vue.
R.
Le
11 juin 2020, les recourants ont versé au dossier une attestation médicale supplémentaire,
du Dr G._______, datée du 9 juin 2020.
S.
Le
19 juin 2020, le Tribunal a clos l'échange d'écritures.
T.
Les
divers autres arguments invoqués de part et d'autre dans le cadre de la procédure de
recours seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit ci-dessous.
Droit :
1.
1.1 Sous
réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF,
connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités
mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions en matière de regroupement
familial et d'inclusion dans l'admission provisoire prononcées par le SEM - lequel
constitue une unité de l'administration fédérale telle que définie à l'art.
33 let. d LTAF - peuvent être contestées devant le Tribunal, qui statue définitivement
(art. 83 let. c ch. 3 LTF ; cf. arrêt du Tribunal fédéral [ci-après : TF]
2C_855/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 et les réf. cit.).
1.2 A
moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la
PA (art. 37 LTAF).
1.3 Les
recourants ont qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme et les
délais prescrits par la loi, leur recours est recevable (art. 50 et 52 PA).
2.
2.1 Le
Tribunal examine les décisions qui lui sont soumises avec un plein pouvoir d'examen en fait et en
droit. Les recourants peut ainsi invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral,
y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète
des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité
cantonale a statué comme autorité de recours (art. 49 PA).
2.2 L'autorité
de recours applique le droit d'office, sans être liée par les motifs invoqués par les
parties (art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants juridiques de la décision attaquée
(ATAF 2014/24 consid. 2.2 et ATAF 2009/57 consid. 1.2 ; voir également arrêt du TF
1C_214/2015 du 6 novembre 2015 consid. 2.2.2). Aussi peut-elle admettre ou rejeter le pourvoi pour
d'autres motifs que ceux invoqués.
2.3 Dans
son arrêt, elle prend en considération l'état de fait existant au moment où elle
statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2).
3.
3.1 Dans
un grief d'ordre formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu (cf. ATF 138 I 232
consid. 5.1 ; arrêts du TF 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5 et 2C_125/2018 du 21
décembre 2018 consid. 2), les recourants reprochent à l'autorité inférieure
une violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst. et 29 ss PA) pour manque d'instruction
et défaut de motivation quant à la question de l'intérêt supérieur de
l'enfant et de celle de savoir si le refus du regroupement familial est conforme au droit international
(cf. mémoire de recours, p. 4 s.).
3.2 L'obligation
de motivation, déduite du droit d'être entendu par la jurisprudence et ancrée à
l'art. 35 al. 1 PA, exige de l'autorité qu'elle mentionne, au moins brièvement,
les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière
à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer
en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits,
moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à
ceux qui lui paraissent pertinents (cf., entre autres, ATF 138 I 232 consid. 5.1 et les réf. cit. ;
arrêt du TF 2C_1004/2018 précité, consid. 5.1).
En l'occurrence, bien que la motivation de la décision attaquée soit sommaire, elle
permet de comprendre d'emblée les motifs qui ont guidé l'autorité inférieure.
Les recourants ne soutiennent du reste pas que le SEM n'aurait pas exposé les raisons pour
lesquelles il a refusé leur demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission
provisoire de la recourante, mais s'en prennent en réalité au contenu de la motivation
qu'ils jugent insatisfaisant. Or, ce point ne relève pas du droit d'être entendu en lien
avec l'obligation de motivation (cf. arrêt du TAF F-1251/2020 du 30 mars 2020 consid. 3.2, deuxième
paragraphe). Le grief est partant écarté.
3.3 Le
droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. et des art. 29 ss PA comprend également
pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes,
de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid.
2.3 ; arrêt du TF 2C_1004/2018 précité, consid. 5.2.1).
En l'occurrence, il ne ressort pas du dossier de la cause, et la recourante ne l'explicite
pas, dans quelle mesure l'autorité inférieure aurait violé son devoir d'instruction,
si ce n'est qu'elle a requis l'audition de ses enfants avant qu'une appréciation
puisse avoir lieu sous l'angle de la CDE. Sur ce plan, deux choses méritent d'être
mentionnées :
3.3.1 Une
partie ne peut exiger d'être entendue oralement en procédure administrative, celle-ci étant
en principe écrite (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2011 du 12 octobre
2011 consid. 2.2; cf. également les arrêts du Tribunal administratif fédéral
C-1087/2011 du 30 avril 2012 consid. 3.2.2 et C-186/2013 du 19 novembre 2013 consid. 3.2.1).
3.3.2 De
plus, il n'est procédé à l'audition de parties ou de témoins que si de telles mesures
d'instruction paraissent indispensables à l'établissement des faits de la cause (cf. arrêt
du Tribunal fédéral 1C_323/2011 précité, ibid.). En l'espèce, le Tribunal
ne voit pas quels éléments de fait pertinents pourraient être établis par l'audition
des enfants qui n'ont pas déjà été communiqués au Tribunal au travers
des échanges d'écritures. Si la recourante ou la mandataire des recourants l'avaient
jugé utile, il aurait été suffisant de déposer des déclarations écrites
des enfants en âge de s'exprimer sous cette forme ou à tout le moins de F._______, qui
s'occupe d'eux en ce moment en Ethiopie (cf. let. I, supra).
Les recourants ne se sont pas prévalus de cette opportunité.
3.4 En
l'occurrence, comme exposé ci-après, le Tribunal considère que les éléments
essentiels sur lesquels le SEM a fondé son appréciation ressortaient clairement du dossier
et ne nécessitaient donc aucun complément d'instruction. Il était donc fondé à
renoncer aux mesures d'instruction demandées. Ce grief doit être partant rejeté.
4.
En
vertu de l'art. 24 de l'ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi
et de l'expulsion d'étrangers (OERE, RS 142.281), la procédure à suivre pour
regrouper les membres d'une famille de personnes admises à titre provisoire en Suisse est
régie par l'art. 74 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission,
au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA, RS 142.201).
4.1 Conformément
à l'art. 74 al. 1 OASA, les demandes visant à inclure des membres de la famille dans
l'admission provisoire doivent être déposées auprès de l'autorité
migratoire cantonale (art. 88 al. 1 OASA). Cette autorité transmet la demande accompagnée de
son avis au SEM, qui précise si les conditions légales de regroupement familial sont remplies
(art. 74 al. 2 OASA). En vertu de l'art. 74 al. 3 1ère
phrase OASA, la demande visant à inclure des membres de la famille dans l'admission provisoire
doit être déposée dans les cinq ans, si les délais relatifs au regroupement familial
prévus à l'art. 85 al. 7 LEI sont respectés.
4.2 En
vertu de l'art. 85 al. 7 LEI, le conjoint et les enfants célibataires de moins de 18 ans des
personnes admises à titre provisoire, y compris les réfugiés admis à titre provisoire,
peuvent bénéficier du regroupement familial et du même statut, au plus tôt trois
ans après le prononcé de l'admission provisoire, pour autant qu'ils vivent en ménage
commun (let. a), qu'ils disposent d'un logement approprié (let. b), que la famille ne
dépend pas de l'aide sociale (let. c), qu'ils sont aptes à communiquer dans la
langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) et que la personne à l'origine de
la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles
au sens de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires à
l'AVS et à l'AI (LPC, RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement
familial (let. e). Pour l'octroi de l'admission provisoire, une inscription à une offre
d'encouragement linguistique suffit en lieu et place de la condition prévue à l'al.
7, let. d (art. 85 al. 7bis LEI). La
condition prévue à l'al. 7, let. d, ne s'applique pas aux enfants célibataires
de moins de 18 ans. Il est en outre possible d'y déroger lorsque des raisons majeures au sens
de l'art. 49a, al. 2, le justifient (art. 85 al. 7ter
LEI).
5.
5.1 En
l'occurrence, l'autorité inférieure a rejeté la demande de regroupement familial
et d'inclusion dans l'admission provisoire formée par la recourante en faveur de ses
trois enfants, aux motifs que le délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI n'était
pas arrivé à échéance (échéance prévue le 20 avril 2021) et que
la condition de l'indépendance financière n'était pas non plus remplie.
5.2 A
l'appui de son recours, l'intéressée a, notamment, fait grief au SEM de ne pas
avoir entrepris une analyse du cas d'espèce centrée sur l'intérêt supérieur
de l'enfant et de ne pas s'être prononcé sur cette question. L'autorité
inférieure n'aurait pas non plus examiné si le refus du regroupement familial était
conforme au droit international public, alors que dite autorité était tenue d'interpréter
l'art. 85 al. 7 LEI en conformité avec le droit international, notamment l'art. 8 CEDH,
dans le cadre de la pesée d'intérêts globale, ainsi que la CDE et la CEDEF (cf.
supra, let I).
Elle a argué dans sa demande de reconsidération du 15 avril 2020 que, sur la base des circonstances
concrètes du cas d'espèce, sa situation ne serait pas différente lorsqu'elle
aura atteint le délai de trois ans prévu à l'art. 85 al. 7 LEI et que donc « aucun
intérêt public prépondérant », « aucun
argument ne permet[trait] ainsi d[e lui] imposer (...) d'attendre ce délai pour pouvoir
déposer une demande de regroupement familial » (cf. supra,
let. K).
Enfin, la recourante a soutenu que le refus de regroupement familial basé sur une application
stricte de l'art. 85 al. 7 LEI, sans prise en considération des instruments internationaux
applicables, équivaudrait « à un empêchement définitif au droit à
une vie familiale de la recourante et de ses enfants » et « contreviendrait de manière
crasse à l'art. 8 CEDH », arguant donc que l'exigence stricte des conditions
de l'article 85 al. 7 LEI violerait le droit international. D'après l'intéressée,
une interprétation conforme de l'art. 85 al. 7 LEI avec l'art. 8 CEDH, notamment, exigerait
que sa demande de regroupement familial soit admise, surtout en tenant compte du fait que ses enfants
vivaient en Ethiopie dans une grande précarité. La situation de détresse commandait donc
de ne pas repousser leur demande de regroupement à un stade ultérieur.
5.3 Les
recourants ont également invoqué la violation de différents droits déduits de la
CDE (cf. supra, let I et K). L'autorité inférieure
n'aurait, par ailleurs, pas suffisamment tenu compte de sa situation personnelle (femme seule ayant
à sa charge un enfant de 9 ans et étant malade chroniquement, dans l'impossibilité
d'être autonome sur le marché du travail) dans la pesée des intérêts à
effectuer conformément à l'art. 8 par. 2 CEDH (cf. mémoire de recours, p. 4 ;
demande de reconsidération, p. 2).
6.
Le
Tribunal constate que la recourante ne conteste pas ne pas remplir les conditions du délai de carence
de trois ans ainsi que celle de l'indépendance financière de l'art. 85 al. 7 LEI
(cf. mémoire de recours, p. 3), mais note qu'elle invoque que ses problèmes de santé
l'empêcheraient de travailler et de remplir cette dernière condition. Le Tribunal examinera
si une application stricte de ces conditions, en particulier celle du délai de carence de trois
ans, est, dans le cas d'espèce, conforme au droit international, notamment à l'art.
8 CEDH (cf. consid. 5.2 infra).
6.1
6.1.1 La
CEDH ne confère pas un droit absolu à l'entrée et au séjour ou à l'octroi
d'un titre de séjour particulier (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1 et 142 II 35 consid. 6.1 et
les réf. cit. ; arrêt du TF 2C_819/2018 du 13 février 2020 consid. 1.3). Ainsi, des
restrictions posées au droit au regroupement familial ont été déclarées, en
principe, conformes au droit au respect de la vie familiale ancré à l'art. 8 CEDH (cf.
ATF 126 II 335 ; arrêt du TAF F-2186/2015 du 6 décembre 2016 consid. 6.2). Il est
en particulier admissible de faire dépendre le regroupement familial du respect de certaines conditions
temporelles (cf. art. 47 LEI ; ATF 126 II 335 consid. 3c). L'exigence
du respect d'un délai de carence n'est ainsi pas per
se contraire aux obligations internationales de la Suisse.
6.1.2 Selon
la jurisprudence, le droit national doit toutefois être appliqué de manière conforme aux
normes découlant du droit international public, en particulier lorsqu'il s'agit d'obligations
fondées sur les droits de l'Homme (cf. ATF 142 II 35 consid. 3.2 et 125 II 417 consid. 4c).
S'agissant du délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI, le Tribunal de céans
a ainsi reconnu qu'il était nécessaire de vérifier dans chaque cas particulier si
le respect de ce délai pouvait être interprété de manière conforme au droit
international (cf. arrêts du TAF F-8197/2015 du 13 mars 2017, F-2186/2015 précité consid. 6.2
in fine et F-1251/2020 du 30 mars 2020 consid. 6.2). Le TAF a
considéré que l'art. 8 par. 1 CEDH n'entrait pas en collision avec l'art.
85 al. 7 LEI lorsque la personne concernée ne pouvait se prévaloir de
facto d'un droit de présence assuré en Suisse, ce qui nécessitait notamment,
pour les personnes admises à titre provisoire en Suisse, qu'elles aient résidé sur
le territoire helvétique pendant une durée relativement longue (« über viele
Jahre hinweg » ; arrêt du TAF F-2186/2015 précité, consid. 6.3.2), ce qui
n'était, notamment, pas le cas d'une personne qui se trouvait en Suisse depuis moins
de cinq ans et qui n'avait été mise au bénéfice de l'admission provisoire
en ce pays qu'un peu plus de deux ans auparavant et qui ne pouvait, par ailleurs, se prévaloir
de liens particulièrement étroits avec la Suisse sur les plans privé, professionnel et
social (cf. arrêt du TAF F-8197/2015 précité).
6.1.3 Cette
jurisprudence peut être appliquée au cas d'espèce, puisque la recourante ne séjourne
en Suisse que depuis quatre ans et ne bénéficie de l'admission provisoire que depuis
le 20 avril 2018, soit environ deux ans et trois mois. Quant à son intégration, aucune information
ne figure au dossier démontrant qu'elle aurait fait des efforts pour apprendre le français
ou une autre langue nationale. Concernant son intégration sur le marché du travail, le Tribunal
prend note de ce qu'elle est en ce moment frappée d'une incapacité totale de travailler
mais qu'il n'est pas exclu que cette situation puisse changer à l'avenir. La recourante
n'a donc pas encore réussi à acquérir son indépendance économique et une
certaine intégration lui permettant de pourvoir seule à ses besoins et à ceux de ses enfants.
Dans ces conditions et conformément à la jurisprudence citée ci-dessus (cf. consid. 6.1.2
supra), rien ne s'oppose à ce que le délai de
carence de trois ans soit appliqué in casu.
6.1.4 Enfin,
le délai de carence imposé par le législateur à l'art. 85 al. 7 LEI répond
à un intérêt public important. En effet, selon l'avis du Conseil fédéral
du 13 février 2019 (cf. réponse à la motion de Lisa Mazzone « Droit à
la vie. Regroupement familial élargi et facilité pour les réfugiés ») :
« L'admission provisoire constitue une mesure
de substitution lorsque le renvoi ne peut pas être exécuté. Les personnes concernées
doivent quitter la Suisse dès que leur renvoi peut être exécuté. Elles ne disposent
donc pas d'un droit de résidence durable en Suisse.
(...) une suppression du délai d'attente
de trois ans aurait pour conséquence de permettre un regroupement familial immédiatement après
l'octroi de l'admission provisoire sans tenir compte de la possibilité qu'un éventuel renvoi
soit par la suite exécutable. Par contre, les personnes dont le renvoi n'a pas encore été
exécuté après trois ans vont vraisemblablement rester longtemps en Suisse. Dans ce contexte,
le Conseil fédéral estime que le délai d'attente de trois ans reste judicieux et nécessaire. »
(cf. www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20184311, site consulté
en juillet 2020).
De plus, le Tribunal doit veiller à une application du délai de carence de trois ans d'une
manière qui respecte le principe de l'égalité de traitement entre tous les justiciables
susceptibles d'en faire la demande. De telles procédures peuvent prendre un certain temps
à être traitées, et il convient de ne pas favoriser ou encourager ceux qui déposent
des demandes qu'ils savent prématurées mais dont ils suspectent qu'elles ne le
seront vraisemblablement plus au moment de la prise de décision par des autorités d'appel,
par rapport à ceux qui, respectueux du délai de carence, attendent avant de déposer leur
demande.
En l'espèce, même s'il était peu vraisemblable que la situation médicale
de la recourante change entre la date du jugement et la fin du délai de carence, des changements
importants dans sa situation personnelle ou celle de ses enfants ne peuvent être exclus et ceux-ci
devront être pris en compte au moment de l'évaluation de sa demande de regroupement familial.
En dernière analyse, le délai de carence de trois ans, qui figure de manière claire
et précise dans une base légale formelle (ATF 142 I 49 ; 139 I 280), répond à
un intérêt public important et respecte le principe de proportionnalité au vu des objectifs
de la LEI, ne viole ainsi pas les droits fondamentaux des recourants. En l'absence de la constatation
d'une telle violation, la loi est la même et s'applique de manière égale à
tous et il appartient à la recourante de respecter le droit suisse pendant son séjour en ce
pays, ainsi qu'au Tribunal de le faire appliquer.
6.1.5 Enfin,
contrairement à ce que prétend l'intéressée, le fait que sa demande de regroupement
familial soit, à l'heure actuelle, refusée, ne constitue pas « un empêchement
définitif au droit à une vie familiale de la recourante et de ses enfants ». Bien
au contraire, la recourante pourra déposer une nouvelle demande tendant au regroupement familial
et à l'inclusion dans son admission provisoire en faveur de ses enfants, à l'échéance
du délai de carence de trois ans (c'est-à-dire à partir du 20 avril 2021). Il reviendra
alors à l'autorité cantonale compétente et au SEM d'examiner en détail
si les autres conditions de l'art. 85 al. 7 LEI sont remplies et si un éventuel refus
ne serait pas contraire au respect de la vie familiale ancré à l'art. 8 CEDH, notamment.
6.1.6 Par
ailleurs, si la situation de ses enfants restés en Ethiopie devait présenter une urgence particulière,
la recourante pourrait requérir entretemps l'octroi en faveur de ces derniers de visas nationaux
pour motifs humanitaires au sens de l'art. 4 al. 2 de l'ordonnance du 15 août
2018 sur l'entrée et l'octroi de visas (OEV, RS 142.204 ; cf. arrêts du TAF
F-1251/2020 du 30 mars 2020 consid. 6.2.4 ; F-3051/2020 du 26 juin 2020 consid. 4.4).
6.1.7 S'agissant
des dispositions de la CDE, notamment ses art. 3, 6 al. 6, 7, 24 et 27, ou des art. 2 let. d et 15 CEDEF,
celles-ci ne confèrent pas aux recourants des droits plus étendus que l'art. 8 CEDH (cf.
arrêt du TAF F-1251/2020 du 30 mars 2020 consid. 6.2.5); l'intéressée ne peut,
en particulier, pas se prévaloir sur la base de ces dispositions d'un droit absolu et inconditionnel
à l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial en faveur
de ses enfants (cf. ATF 144 I 91 consid. 5.2 et les réf. cit. ; arrêt du TF 2C_374/2018
du 15 août 2018 consid. 9.2).
7.
7.1 Au
vu de ce qui précède, il ne peut être reproché au SEM d'avoir refusé la
demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire formée par
la recourante, au motif, en particulier, que le délai de carence de trois ans de l'art. 85
al. 7 LEI n'était pas rempli. L'autorité n'a, en rendant sa décision
du 20 février 2020, ni violé le droit, ni commis un abus ou excès de son pouvoir d'appréciation,
ni statué de manière inopportune.
7.2 Le
recours doit, par conséquent, être rejeté.
8.
8.1 Par
décision incidente du 4 mai 2020, le Tribunal a mis les recourants au bénéfice de l'assistance
judicaire totale et désigné Me Aurélie Planas en qualité d'avocate d'office pour
la présente procédure, en application de l'art. 65 al. 1 et 2 PA.
Bien que les recourants succombent, aucun frais de procédure ne sera partant mis à leur
charge.
8.2 S'agissant
de l'indemnité due à Me Aurélie Planas pour les frais indispensables et relativement élevés
occasionnés par la procédure de recours, dans la mesure où les recourants n'ont pas obtenu
gain de cause (cf. art. 64 al. 2 à 4, par renvoi de l'art. 65 al. 3 PA, en relation avec les art.
8 à 12 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités
fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]), le Tribunal de céans,
au vu de sa note de frais et d'honoraires du 23 mars 2020, et le travail subséquent accompli,
lui accorde une somme de Frs 2'500.- à titre d'honoraires et de débours (débours et TVA
compris), ce qui apparaît comme équitable en l'espèce.
Dans ce contexte, on précisera que ce montant reste dans le cadre des dépens standards
octroyés par le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral dans des
affaires relevant du droit des étrangers qui ne présentent pas de difficultés particulières
comme cela était le cas en l'espèce. Si la recourante devait revenir à meilleure fortune,
elle aurait l'obligation de rembourser ce montant au Tribunal (art. 65 al. 4 PA).
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