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Cour VI

F-1251/2020

 

 

 

 

 

Arrêt du 30 mars 2020

Composition

 

Gregor Chatton (président du collège),

Regula Schenker Senn, Daniele Cattaneo, juges,

Noémie Gonseth, greffière.

 

 

 

Parties

 

A._______,

représentée par Gabriella Tau, juriste,

CSDM Centre Suisse pour la Défense des Droits des Migrants, Rue du Village-Suisse 14, Case postale 171, 1211 Genève 8,

recourante,

 

 

 

contre

 

 

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,

Quellenweg 6, 3003 Berne,  

autorité inférieure.

 

 

 

 

Objet

 

Rejet de la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire.

 

 

 


Faits :

A. 
Le 28 juillet 2017, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : le SEM) a rejeté la demande d'asile formée, le 18 septembre 2015, par A._______, née le (...) 1990, et son fils, C._______, né le (...) 2011, tous deux ressortissants érythréens. Leur renvoi n'étant toutefois pas exigible, ils ont été admis provisoirement en Suisse.

B. 
En date du 11 février 2019, la requérante a demandé au SEM d'inclure son autre fils, B._______, né le (...) 2009, dans son admission provisoire. Elle a exposé que ce dernier vivait en Erythrée et était sérieusement handicapé depuis sa naissance, de sorte qu'il était complètement dépendant de l'aide d'autrui. Si sa belle-mère avait assuré la prise en charge de son fils jusque-là, elle n'était plus en mesure de s'en occuper, étant tombée malade. Bien qu'une voisine ait pris provisoirement en charge son fils, cette dernière n'était plus en mesure d'assumer cette tâche. Quant au père de l'enfant, celui-ci vivait en Israël.

Par lettre du 13 février 2019, le SEM a informé l'intéressée qu'il avait transmis sa demande au Service des migrations du canton de Berne, conformément aux règles de procédure applicables.

C. 
Par courrier du 26 septembre 2019, l'Office de la population et des migrations du canton de Berne a communiqué au SEM qu'il ne pouvait être donné suite favorable à la demande de regroupement familial déposée par la requérante en faveur de son fils, le délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI (RS 142.20) n'étant pas rempli et l'intéressée n'étant financièrement pas indépendante.

Par lettre du 4 octobre 2019, le SEM a communiqué à la requérante que le service cantonal précité lui avait transmis sa demande d'inclusion dans son admission provisoire et s'était prononcé défavorablement à son sujet. Il l'a informée qu'il envisageait de refuser sa demande, du fait que son admission provisoire avait été prononcée il y avait de cela moins de trois ans. Le SEM a, toutefois, donné la possibilité à l'intéressée de se déterminer.

La requérante a fait usage de son droit d'être entendue, par courrier du 21 octobre 2019. Elle a exposé, en substance, qu'elle était consciente du fait qu'elle ne remplissait ni la condition temporelle (délai de carence de trois ans), ni la condition de l'indépendance financière. Elle a expliqué qu'elle avait déposé sa demande du fait que la situation de son fils et de sa belle-mère s'était « dramatiquement » péjorée. A l'heure actuelle, plus personne n'était en mesure de s'occuper correctement de son fils handicapé. Elle a joint une lettre de sa belle-mère exposant qu'elle avait de graves problèmes de santé et qu'elle n'était plus en mesure d'assumer la prise en charge de son petit-fils, qui, à cause de ses problèmes mentaux, ne pouvait ni parler, ni manger, ni faire ses besoins tout seul.

Par lettre du 24 octobre 2019, l'intéressée a complété son précédent courrier, insistant sur l'urgence que présentait sa requête. Elle a requis du SEM qu'il tienne compte des motifs humanitaires sous-tendant sa demande, c'est-à-dire la situation d'urgence dans laquelle se trouvait son fils. Elle a précisé que sa belle-mère et son fils se trouvaient depuis avril 2019 en Ethiopie, où ils avaient entrepris les démarches nécessaires à l'obtention d'un visa pour la Suisse. Ne parlant pas la langue du pays et n'y disposant d'aucun réseau social, sa belle-mère désirait retourner en Erythrée. Tant sur le plan physique que psychologique, cette dernière n'était plus en mesure de s'occuper de son petit-fils. Il n'y avait pas d'autres membres de la famille susceptibles de le prendre en charge. Sa belle-mère et son fils vivaient actuellement dans une chambre d'un appartement qu'ils partageaient avec une autre personne. Pour éviter que son fils quitte le domicile ou ait un accident, il était attaché.

Par lettre du 15 novembre 2019, le SEM a, une nouvelle fois, communiqué à la requérante qu'il entendait rejeter sa demande de regroupement familial. Ayant constaté que l'intéressée faisait référence à une procédure de demande de visa humanitaire et indiquait que sa demande « n'était pas une demande de regroupement familial ordinaire », le SEM lui a demandé si elle maintenait sa demande de regroupement familial sur la base de l'art. 85 al. 7 LEI.

Dans sa réponse du 2 décembre 2019, l'intéressée a, notamment, confirmé au SEM qu'elle entendait maintenir sa demande de regroupement familial, ne désirant perdre aucune opportunité de faire venir son fils auprès d'elle. Elle a demandé au SEM d'attendre avant de se prononcer sur sa demande, afin qu'elle puisse produire d'autres éléments corroborant la situation de mise en danger personnelle, concrète et sérieuse de son fils.

D. 
Par décision du 28 janvier 2020, le SEM a rejeté la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire formée par la requérante en faveur de son fils. Cette décision a été notifiée à l'intéressée le 31 janvier 2020.

E. 
Le 2 mars 2020, la requérante, agissant par le biais de sa mandataire, a interjeté recours contre la décision précitée par-devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal ou le TAF). Elle a conclu à l'admission du recours, à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi en faveur de son fils d'une autorisation d'entrée en Suisse. Elle a également requis l'octroi de l'assistance judicaire partielle.

Par courrier du 6 mars 2020, l'intéressée a complété son recours. Elle a, entre autres, communiqué au Tribunal que sa belle-mère était retournée en Erythrée et que son fils était maintenant placé dans une association pour les enfants orphelins et vulnérables à X._______ (Ethiopie). Le père de l'enfant envoyait de l'argent à l'association pour l'entretien et la prise en charge de ce dernier. Cette solution ne pouvait toutefois pas remplacer la prise en charge éducative et affective prodiguée par ses parents.

F. 
Les autres éléments contenus dans les écritures précitées seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit ci-dessous.

Droit :

1.   

1.1  Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions en matière de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire prononcées par le SEM - lequel constitue une unité de l'administration fédérale telle que définie à l'art. 33 let. d LTAF - peuvent être contestées devant le Tribunal, qui statue définitivement (art. 83 let. c ch. 3 LTF ; cf. arrêt du Tribunal fédéral [ci-après : TF] 2C_855/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 et les réf. cit.).

1.2  A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA (art. 37 LTAF).

1.3  La recourante a qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, son recours est recevable (art. 50 et 52 PA).

2. 
Le Tribunal examine les décisions qui lui sont soumises avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit. La recourante peut ainsi invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (art. 49 PA). L'autorité de recours applique le droit d'office, sans être liée par les motifs invoqués par les parties (art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants juridiques de la décision attaquée (ATAF 2014/24 consid. 2.2 et ATAF 2009/57 consid. 1.2 ; voir également arrêt du TF 1C_214/2015 du 6 novembre 2015 consid. 2.2.2). Aussi peut-elle admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, elle prend en considération l'état de fait existant au moment où elle statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2).

3.   

3.1  Dans un grief formel qu'il convient d'examiner en premier lieu (cf. ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêts du TF 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5 et 2C_125/2018 du 21 décembre 2018 consid. 2), la recourante reproche à l'autorité inférieure une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst. et 29 ss PA) pour manque d'instruction et défaut de motivation quant à la question de l'intérêt supérieur de l'enfant et de celle de savoir si le refus du regroupement familial était conforme au droit international (cf. mémoire de recours, p. 5 s.).

3.2  L'obligation de motivation, déduite du droit d'être entendu par la jurisprudence et ancrée à l'art. 35 al. 1 PA, exige du juge qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (cf., entre autres, ATF 138 I 232 consid. 5.1 et les réf. cit. ; arrêt du TF 2C_1004/2018 précité consid. 5.1).

En l'occurrence, bien que la motivation de la décision attaquée soit sommaire, elle permet de comprendre d'emblée les motifs qui ont guidé l'autorité inférieure. La recourante ne soutient du reste pas que le SEM n'aurait pas exposé les raisons pour lesquelles il a refusé sa demande de regroupement familial et d'inclusion dans son admission provisoire, mais s'en prend en réalité au contenu de la motivation qu'elle juge insatisfaisant. Or, ce point ne relève pas du droit d'être entendu en lien avec l'obligation de motivation. Le grief est partant écarté.

3.3  Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. et des art. 29 ss PA comprend également pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du TF 2C_1004/2018 précité consid. 5.2.1).

En l'occurrence, il ne ressort pas du dossier de la cause, et la recourante ne l'explicite pas, dans quelle mesure l'autorité inférieure aurait violé son devoir d'instruction. L'intéressée ne précise notamment pas quels auraient été les moyens de preuve supplémentaires qui auraient été à son avis essentiels pour trancher la présente cause et que l'autorité inférieure aurait omis d'obtenir. Ce grief doit être partant également rejeté.

4.   

4.1  En vertu de l'art. 24 de l'ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE, RS 142.281), la procédure à suivre pour regrouper les membres d'une famille de personnes admises à titre provisoire en Suisse est régie par l'art. 74 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA, RS 142.201).

4.2  Conformément à l'art. 74 al. 1 OASA, les demandes visant à inclure des membres de la famille dans l'admission provisoire doivent être déposées auprès de l'autorité migratoire cantonale (art. 88 al. 1 OASA). Cette autorité transmet la demande accompagnée de son avis au SEM, qui précise si les conditions légales de regroupement familial sont remplies (art. 74 al. 2 OASA). En vertu de l'art. 74 al. 3 1ère phrase OASA, la demande visant à inclure des membres de la famille dans l'admission provisoire doit être déposée dans les cinq ans, si les délais relatifs au regroupement familial prévus à l'art. 85 al. 7 LEI sont respectés.

4.3  En vertu de l'art. 85 al. 7 LEI, le conjoint et les enfants célibataires de moins de 18 ans des personnes admises à titre provisoire, y compris les réfugiés admis à titre provisoire, peuvent bénéficier du regroupement familial et du même statut, au plus tôt trois ans après le prononcé de l'admission provisoire, pour autant qu'ils vivent en ménage commun (let. a), qu'ils disposent d'un logement approprié (let. b), que la famille ne dépend pas de l'aide sociale (let. c), qu'ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) et que la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (LPC, RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e). Pour l'octroi de l'admission provisoire, une inscription à une offre d'encouragement linguistique suffit en lieu et place de la condition prévue à l'al. 7, let. d (art. 85 al. 7bis LEI). La condition prévue à l'al. 7, let. d, ne s'applique pas aux enfants célibataires de moins de 18 ans. Il est en outre possible d'y déroger lorsque des raisons majeures au sens de l'art. 49a, al. 2, le justifient (art. 85 al. 7ter LEI).

5.   

5.1  En l'occurrence, l'autorité inférieure a rejeté la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire formée par la recourante en faveur de son fils, aux motifs que le délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI n'était pas arrivé à échéance (échéance prévue le 28 juillet 2020) et que la condition de l'indépendance financière n'était pas non plus remplie.

5.2  A l'appui de son recours, l'intéressée a, notamment, fait grief au SEM de ne pas avoir entrepris une analyse du cas d'espèce centrée sur l'intérêt supérieur de l'enfant et de ne pas s'être prononcée sur cette question. L'autorité inférieure n'aurait pas non plus examiné si le refus du regroupement familial était conforme au droit international public, alors que dite autorité était tenue « d'interpréter l'art. 85 al. 7 LEI en conformité avec le droit international et de statuer si, sur la base des circonstances concrètes du cas d'espèce, l'exigence stricte des conditions dudit article ne viol[ait] pas le droit international » (cf. mémoire de recours, p. 6). D'après l'intéressée, une interprétation conforme de l'art. 85 al. 7 LEI avec l'art. 8 CEDH, notamment, exigeait que la demande de regroupement familial soit admise. Elle a également invoqué la violation de différents droits déduits de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE, RS 0.107) et de la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapés (CDPH, RS 0.109) et exposé que le délai de trois ans et de l'indépendance financière, tels qu'appliqués par l'autorité inférieure, constituait « un empêchement absolu et définitif au regroupement familial », contraire à la CDE notamment (cf. mémoire de recours, p. 18). L'autorité inférieure n'aurait, par ailleurs, pas suffisamment tenu compte de sa situation (femme seule ayant à sa charge un enfant de 8 ans et ayant fait « tout son possible pour être le plus autonome possible sur le marché du travail ») dans la pesée des intérêts à effectuer conformément à l'art. 8 par. 2 CEDH (cf. mémoire de recours, p. 18-22). Par ailleurs, appliquer, dans le cas d'espèce, l'art. 85 al. 7 LEI au lieu de l'art. 51 al. 4 LAsi (RS 142.31) avait un caractère discriminatoire au sens de l'art. 2 CDE et de l'art. 14 CEDH en lien avec l'art. 8 CEDH. Aucune raison objective et raisonnable ne justifiait, en effet, l'application de différentes bases légales selon que la personne bénéficiait du statut de réfugié admis provisoire ou d'admis provisoire seulement, d'une part, ou de réfugié avec octroi de l'asile, d'autre part.

6. 
Au vu des griefs invoqués par l'intéressée à l'appui de son recours, le Tribunal se penchera tout d'abord sur la question de savoir s'il est discriminatoire (cf., notamment, art. 8 Cst.) d'appliquer à l'intéressée l'art. 85 al. 7 LEI, en lieu et place de l'art. 51 al. 4 LAsi (cf. consid. 5.1 infra). Prenant note que la recourante ne conteste pas ne pas remplir la condition du délai de carence de trois ans ainsi que celle de l'indépendance financière de l'art. 85 al. 7 LEI (cf. mémoire de recours, p. 7), il examinera, ensuite, si une application stricte de ces conditions, en particulier celle du délai de carence de trois ans, est, dans le cas d'espèce, conforme au droit international, notamment à l'art. 8 CEDH (cf. consid. 5.2 infra).

6.1  En vertu de l'art. 51 al. 1 LAsi, le conjoint d'un réfugié et ses enfants mineurs sont reconnus comme réfugiés et obtiennent l'asile, pour autant qu'aucune circonstance particulière ne s'y oppose. Si les ayants droit définis à l'al. 1 ont été séparés par la fuite et se trouvent à l'étranger, leur entrée en Suisse sera autorisée sur demande (art. 51 al. 4 LAsi).

6.1.1  Conformément à la jurisprudence du Tribunal de céans, cette disposition a pour but de permettre aux membres de la famille d'un réfugié en Suisse, que ces derniers soient déjà ou non en ce pays, d'obtenir le même statut que lui. Elle constitue une « disposition spéciale », permettant d'accorder aux personnes qui en remplissent les conditions un statut plus favorable que celui ordinaire d'une autorisation cantonale de séjour fondée sur les prescriptions de la LEI. Ainsi, l'art. 51 LAsi, et singulièrement ses al. 1 et 4, ne sauraient être interprétés de manière extensive, dès lors que le droit ordinaire de police des étrangers reste applicable. Il concerne donc uniquement les membres de la famille de réfugiés qui ont obtenu l'asile en Suisse, à l'exclusion de toutes autres catégories d'étrangers, et n'est dès lors pas applicable aux membres de la famille d'une personne admise provisoirement en Suisse (ATAF 2017 VII/8 consid. 5.3 et les réf. cit. ; arrêts du TAF F-5947/2017 du 11 avril 2018 consid. 4.2 et F-4523/2016 du 16 mai 2018 consid. 3.1).

6.1.2  Dès lors que le législateur a sciemment fait une distinction entre les personnes qui ont obtenu l'asile et celles qui ont obtenu la qualité de réfugié, respectivement celles qui ont été uniquement admises provisoirement en Suisse, et que le statut de protection particulier associé à l'asile constitue un motif de distinction objectif et raisonnable, le grief de discrimination ne saurait être retenu et le cas d'espèce ne saurait être examiné autrement que sous l'angle d'une demande de regroupement familial au sens de l'art. 85 al. 7 LEI. C'est donc à juste titre que l'autorité inférieure n'a pas fait application de l'art. 51 LAsi (cf., mutatis mutandis, arrêts du TAF F-1822/2017 du 21 mars 2019 consid. 5.1 et 5.2, F-5947/2017 précité consid. 4.2 in fine et F-4523/2016 précité consid. 3.1 in fine).

6.2   

6.2.1  La CEDH ne confère pas un droit absolu à l'entrée et au séjour ou à l'octroi d'un titre de séjour particulier (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1 et 142 II 35 consid. 6.1 et les réf. cit. ; arrêt du TF 2C_819/2018 du 13 février 2020 consid. 1.3). Ainsi, des restrictions posées au droit au regroupement familial ont été déclarées, en principe, conformes au droit au respect de la vie familiale ancré à l'art. 8 CEDH (cf. ATF 126 II 335 ; arrêt du TAF F-2186/2015 du 6 décembre 2016 consid. 6.2). Il est en particulier admissible de faire dépendre le regroupement familial du respect de certaines conditions temporelles (cf. art. 47 LEI ; ATF 126 II 335 consid. 3c). L'exigence du respect d'un délai de carence n'est ainsi pas per se contraire aux obligations internationales de la Suisse.

6.2.2  Selon la jurisprudence, le droit national doit toutefois être appliqué de manière conforme aux normes découlant du droit international public, en particulier lorsqu'il s'agit d'obligations fondées sur les droits de l'Homme (cf. ATF 142 II 35 consid. 3.2 et 125 II 417 consid. 4c). S'agissant du délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI, le Tribunal de céans a ainsi reconnu qu'il était nécessaire de vérifier dans chaque cas particulier si le respect de ce délai pouvait être interprété de manière conforme au droit international (cf. arrêts du TAF F-8197/2015 du 13 mars 2017 et F-2186/2015 précité consid. 6.2 in fine). Le TAF a considéré que l'art. 8 par. 1 CEDH n'entrait pas en collision avec l'art. 85 al. 7 LEI lorsque la personne concernée ne pouvait se prévaloir de facto d'un droit de présence assuré en Suisse, ce qui nécessitait notamment, pour les personnes admises à titre provisoire en Suisse, qu'elles aient résidé sur le territoire helvétique pendant une durée relativement longue (« über viele Jahre hinweg » ; arrêt du TAF F-2186/2015 précité consid. 6.3.2), ce qui n'était, notamment, pas le cas d'une personne qui se trouvait en Suisse depuis moins de cinq ans et qui n'avait été mise au bénéfice de l'admission provisoire en ce pays qu'un peu plus de deux ans auparavant et qui ne pouvait, par ailleurs, se prévaloir de liens particulièrement étroits avec la Suisse sur les plans privé, professionnel et social (cf. arrêts du TAF F-8197/2015 précité et
F-2188/2015 précité consid. 6.3.3).

6.2.3  Cette jurisprudence peut être appliquée au cas d'espèce, puisque la recourante ne séjourne en Suisse que depuis un peu plus de quatre ans et demi et ne bénéficie de l'admission provisoire que depuis environ deux ans et neuf mois. Quant à son intégration, s'il y a lieu de reconnaître les efforts consentis par l'intéressée pour apprendre le français (celle-ci ayant prétendument un niveau A2 ; cf. mémoire de recours, p. 4) et pour intégrer le marché du travail, elle n'a toutefois pas encore réussi à acquérir son indépendance économique, son travail en tant qu'employée en intendance auxiliaire auprès du Centre Y._______ (ci-après : [Centre Y._______]) ne lui permettant pas de pourvoir seule à ses besoins et à ceux de son fils cadet (cf. mémoire de recours, p. 4, dossier TAF act. 1, ainsi que les annexes 3 [attestation d'indigence] et 11 [contrat de travail, décompte de salaire de janvier 2020, attestant d'un salaire net de 1'168,35 francs]). Dans ces conditions et conformément à la jurisprudence citée ci-dessus (cf. consid. 6.2.2 supra), rien ne s'oppose à ce que le délai de carence de trois ans soit appliqué in casu.

6.2.4  En outre, contrairement à ce que prétend l'intéressée, le fait que sa demande de regroupement familial soit, à l'heure actuelle, refusée, ne constitue pas « un empêchement absolu et définitif au regroupement familial ». Bien au contraire, la recourante pourra déposer une nouvelle demande tendant au regroupement familial et à l'inclusion dans son admission provisoire en faveur de son fils, à l'échéance du délai de carence de trois ans (c'est-à-dire à partir du 28 juillet 2020). Il reviendra alors à l'autorité cantonal compétente et au SEM d'examiner en détail si les autres conditions de l'art. 85 al. 7 LEI sont remplies et si un éventuel refus ne serait pas contraire au respect de la vie familiale ancré à l'art. 8 CEDH, notamment. Par ailleurs, si la situation de son fils (qui est apparemment handicapé tant au niveau mental et qu'au niveau physique [celui-ci présentant, notamment, un syndrome de Down depuis sa naissance] et est actuellement placé dans une association pour les enfants orphelins et vulnérables à X._______ [Ethiopie]) devait présenter une urgence particulière, la recourante pourrait requérir entretemps l'octroi en faveur de ce dernier d'un visa national pour motifs humanitaires au sens de l'art. 4 al. 2 de l'ordonnance du 15 août 2018 sur l'entrée et l'octroi de visas (OEV, RS 142.204), ce qu'elle semble du reste avoir déjà fait en parallèle à la présente procédure (cf. let. C supra).

6.2.5  S'agissant des dispositions de la CDE, notamment ses art. 3, 6 al. 6, 7, 9, 10, 23, 24 et 27, des art. 2 let. d et 15 de la Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes (RS 0.108) et des art. 7 par. 2, 18 par. 2 et 25 CDPH, celles-ci ne confèrent pas à l'intéressée de droits plus étendus que l'art. 8 CEDH ; cette dernière ne peut, en particulier, pas se prévaloir sur la base de ces dispositions, d'un droit absolu et inconditionnel à l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial en faveur de son fils (cf. ATF 144 I 91 consid. 5.2 et les réf. cit. ; arrêt du TF 2C_374/2018 du 15 août 2018 consid. 9.2).

7.   

7.1  Au vu de ce qui précède, il ne peut être reproché au SEM d'avoir refusé la demande de regroupement familial et d'inclusion dans l'admission provisoire formée par la recourante, au motif, en particulier, que le délai de carence de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI n'était pas rempli. L'autorité n'a, en rendant sa décision du 28 janvier 2020, ni violé le droit, ni commis un abus ou excès de son pouvoir d'appréciation.

7.2  Le recours doit, par conséquent, être rejeté. Etant d'emblée infondé, il est renoncé à un échange d'écritures. Un double du mémoire de recours du 2 mars 2020 ainsi qu'une copie du courrier du 6 mars 2020 sont portés à la connaissance de l'autorité inférieure pour information, en même temps que survient la présente notification.

8.   

8.1  Dans son recours du 21 mai 2019, la recourante a requis l'octroi de l'assistance judiciaire partielle. Aux termes de l'art. 65 al. 1 PA, la partie qui ne dispose pas de ressources suffisantes et dont les conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec est, à sa demande, dispensée par l'autorité de recours, son président ou le juge instructeur de payer les frais de procédure. Un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées comme sérieuses, au point qu'un plaideur raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'il s'exposerait à devoir supporter. Il ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec sont à peu près égaux ou lorsque les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4 ; 129 I 129 consid. 2.3.1 ; 128 I 225 consid. 2.5.3). La situation doit être appréciée au moment du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire qui se fonde sur les actes produits jusqu'à ce moment (cf. notamment ATF 140 V 521 consid. 9.1).

8.2  En l'espèce, le recours étant d'emblée infondé, celui-ci était également d'emblée voué à l'échec, de sorte que la demande d'assistance judiciaire partielle, soit la dispense du paiement des frais de procédure, doit être rejetée, indépendamment de la preuve de l'indigence de la recourante.

8.3  Vu l'issue de la cause, il y aurait lieu de mettre les frais de procédure à la charge de la recourante (cf. art. 63 al. 1 PA en relation avec les art. 1 à 3 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Compte tenu des circonstances particulières de la cause, il sera toutefois exceptionnellement renoncé à la perception de frais de procédure (cf. art. 6 let. b FITAF).

Ayant succombé, l'intéressée n'a, par ailleurs, pas droit à des dépens (art. 64 al. 1 a contrario PA).

(dispositif sur la page suivante)


Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
La requête d'assistance judiciaire partielle est rejetée.

3. 
Il n'est pas perçu de frais de procédure.

4. 
Le présent arrêt est adressé :

-        à la recourante (Recommandé)

-        à l'autorité inférieure, avec dossier en retour et double du mémoire de recours du 2 mars 2020 et copie du courrier de l'intéressée du 6 mars 2020

-        en copie, à l'Office de la population et des migrations du canton de Berne, pour information

 

 

Le président du collège :

La greffière :

 

 

Gregor Chatton

Noémie Gonseth

 

 

Expédition :

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