Faits :
A.
A.a Le
(...) 2010, le recourant a déposé une demande d'asile depuis l'étranger, à l'Ambassade
de Suisse à Ankara (ci-après : l'Ambassade).
A.b Entendu
le (...) 2010 par l'Ambassade sur ses motifs d'asile, il a déclaré être d'ethnie
kurde et de religion musulmane. Ses parents, ses (...) soeurs, et (...) de ses frères
résidaient en Turquie. Ses deux frères B._______, puis C._______ avaient rejoint les rangs
du Partiya Karkerên Kurdistan (Parti des travailleurs du Kurdistan ;
ci-après : PKK) en 2005 ou 2006, respectivement en 2009 ; ils séjournaient dans des
camps du PKK, en Iran, respectivement en Irak. Son frère C._______ avait ainsi échappé
à un jugement de condamnation rendu à la suite de la vente de journaux illégaux. Enfin,
son frère D._______ avait été autorisé à entrer en Suisse au titre de l'asile
et y avait été reconnu réfugié.
Depuis son arrivée dans la ville de E._______ (Anatolie du sud), où il vivait avec sa famille,
le recourant avait oeuvré en tant que (...) porte-parole des jeunes de son quartier et de
deux autres quartiers, bastions électoraux du Parti de la société démocratique (Demokratik
Toplum Partisi [ci-après : DTP]), qui a été dissous en 2009, puis remplacé
par le Parti de la paix et de la démocratie (Bari ve Demokrasi Partisi [ci-après
: BDP]) ; à ce titre, il avait participé à la diffusion et à l'organisation
d'activités de ce parti, sans toutefois y avoir adhéré. Il avait également
pris part aux activités d'une association culturelle de son quartier, dénommée (...),
plus ou moins affiliée au DTP/BDP.
En 2007 ou 2008, alors qu'il habitait encore à E._______, il avait été enlevé
par des policiers ; ceux-ci avaient menacé de le dénoncer et de le mettre en détention
s'il refusait de devenir leur informateur. Finalement relâché, il avait dénoncé ces
faits (...), (...).
Il s'était réfugié à F._______, chez son frère C._______, (...).
Pour améliorer ses revenus, il s'était lancé durant quatre mois dans la vente du
journal «Azadiya Welat» et de l'hebdomadaire «Özgur Gündem», lequel
changeait continuellement de nom, lorsqu'il avait été interdit par la censure.
Il avait été impliqué dans trois procédures pénales, principalement sous
le chef d'accusation de propagande pour le PKK. Les deux premières étaient liées chacune
à un flagrant délit de vente de journaux interdits ; il avait à chaque fois été
interpellé et placé en garde à vue durant une journée. Les deux jugements de condamnation
(...), le premier à huit mois d'emprisonnement, le deuxième à quatre ans et
deux mois, avaient été déférés (...), suite au dépôt de recours.
La dernière infraction qui lui avait été reprochée sur dénonciation consistait
en la participation à une manifestation illégale en faveur du PKK et avait débouché
sur une détention préventive de (...) mois jusqu'à fin (...) 2010. (...)
; cette procédure demeurait pendante. Son frère G._______, interpellé en même temps
que lui, le (...) 2010, en raison de leur participation à cette manifestation n'avait
pas eu droit à ce traitement de faveur ; il était toujours en détention préventive.
Le recourant a produit une copie de sa carte d'identité, établie en octobre (...) à
F._______, ainsi que plusieurs documents relatifs aux procédures judiciaires précitées.
A.c Par
courrier du (...) 2011, l'Ambassade a fait parvenir à l'Office fédéral
des migrations (ODM, désormais SEM) un courrier daté du (...) 2011 du recourant (rédigé
en langue turque), dans lequel celui-ci faisait état de la condamnation de son frère G._______
à une peine privative de liberté et de sa crainte d'être lui-même bientôt réincarcéré.
A.d Le
(...) 2011, le recourant a transmis à l'Ambassade l'acte d'accusation pour sa participation
à la manifestation illégale. Par la suite, il a également produit des attestations de
ses avocats turcs relatives aux procédures dans lesquelles il était impliqué.
A.e Le
13 avril 2012, l'ODM a classé la demande d'asile présentée à l'étranger par
le recourant, ensuite de l'entrée en Suisse de celui-ci.
B.
Le
5 avril 2012, le recourant a déposé une demande d'asile au Centre d'enregistrement et de procédure
(CEP) de Bâle. Il a déposé sa carte d'identité.
C.
Lors
de l'audition sommaire du 24 avril 2012 par l'ODM, il a confirmé avoir exposé l'ensemble
de ses motifs d'asile lors de son audition par l'Ambassade. Il a précisé que son frère
G._______ était emprisonné depuis plus de (...) ans et que ses frères B._______ et
C._______ étaient toujours dans les rangs du PKK.
Il a ajouté que, le (...) 2011, il avait été interpellé alors qu'il
se rendait dans le village où était né Abdullah Öcalan ; cette interpellation
aurait été consécutive à une erreur des autorités. Le (...) 2012, il avait
à nouveau été interpellé, alors qu'il participait à un rassemblement au
local de l'association culturelle de son quartier. Il avait été placé en garde à
vue durant deux jours ; après son interrogatoire, il avait été libéré.
Lors de son audition à l'Ambassade, il avait omis de mentionner sa participation à une
(...) dans les locaux de l'association culturelle, pour protester contre les conditions d'isolement
d'Abdullah Öcalan ; il s'était alors borné à alléguer sa participation
à la fête qui y avait eu lieu simultanément. Le (...) 2012, le domicile familial avait
été perquisitionné en son absence. Il avait été invité à se présenter
aux autorités le (...) 2012.
Le (...) 2012, il avait quitté la Turquie, clandestinement. Le (...) 2012, alors qu'il
se trouvait déjà en Suisse, ses parents avaient été interpellés, puis libérés
le lendemain, ce qu'il aurait appris par l'intermédiaire de l'un de ses frères, par téléphone.
Dès lors qu'il n'avait pas fait l'objet
d'une interdiction de sortie du territoire national, il avait pu se voir délivrer, au début
de l'année 2012, un passeport, qu'il avait toutefois laissé à son domicile
en Turquie.
D.
Par
courrier du 12 décembre 2012, le recourant a fait parvenir à l'ODM, par l'intermédiaire
de son mandataire nouvellement constitué, plusieurs documents, notamment des documents judiciaires
(dont un nouvel acte d'accusation, dans lequel il lui était reproché d'avoir organisé
et participé à une (....), le (...) 2012, pour protester contre les conditions d'isolement
d'Abdullah Öcalan), sa demande d'adhésion au BDP et des copies des plaintes déposées
auprès de (...), à F._______ les (...) et (...) 2012 par sa mère, accompagnées
de traductions libres en français.
E.
Le
10 décembre 2012, les autorités néerlandaises ont adressé à l'ODM une requête
aux fins de reprise en charge du recourant fondée sur le règlement Dublin. Le 18 décembre
2012, les autorités suisses l'ont acceptée. Le 27 décembre 2012, le recourant a
été transféré en Suisse.
F.
Lors de son audition du 5 avril 2013 sur ses motifs d'asile par l'ODM, le recourant a, pour
l'essentiel, réitéré et précisé les motifs d'asile allégués précédemment.
Il a déclaré qu'il avait fait des travaux pour le BDP, tout à fait légalement.
Bien qu'il se soit réfugié à F._______, il était retourné régulièrement
à E._______ pour participer aux activités de l'association culturelle de quartier. C'est
d'ailleurs dans les locaux de cette association qu'il avait été arrêté
le (...) 2012 ; il s'agissait de sa dernière arrestation. En particulier, il avait
organisé des festivités en l'honneur de la naissance d'Abdullah Öcalan
et de la fondation du PKK, certaines ponctuées par des discours de responsables du BDP. Il était
(...) chercheur en matière de culture kurde, activité qu'il avait commencé en
Turquie, en particulier au sein de ladite association, et qu'il continuait à déployer
en Europe, comme en témoignait sa participation à un événement culturel à H._______,
aux Pays-Bas, du 1er au 3 décembre 2012.
En Turquie, ses problèmes avec les autorités étaient également liés à son
appartenance à une famille très engagée pour la cause kurde. Il ne pouvait oublier les
brutalités policières à l'encontre de son père en 1999 dont il avait été
témoin. Ses frères B._______ et C._______ combattaient toujours dans les rangs du PKK. Lui-même,
sans en être membre, serait sympathisant des idéaux de cette organisation clandestine. Toutefois,
il était partisan depuis sa plus jeune enfance de la non-violence et de la résolution des conflits
par le dialogue. Il ne pouvait, en conséquence, pas s'imaginer participer à des actions
armées du PKK. En revanche, il aurait été engagé de longue date dans les activités
menées par le BDP, parti auquel il n'aurait toutefois formellement adhéré que cinq
ou six mois avant son départ de Turquie ; il se serait abstenu d'y adhérer plus
tôt par crainte des mesures de répression, compte tenu notamment des interpellations massives
depuis 2009 dans le cadre de l'affaire du Koma Civakên Kurdistan (ci-après : KCK).
Il n'aurait jamais participé à des réunions ou à des actions violentes. Le
recours à des jets de pierre lors de la manifestation ayant conduit à sa mise en détention
provisoire en 2010 avait relevé, selon lui, de la légitime défense face à l'emploi
de bombes lacrymogènes par les autorités ; en prison, il avait participé durant trois
jours à une (...). (...).
Les procès le concernant seraient toujours pendants. Il serait probablement recherché en
Turquie, dès lors qu'il ne s'était pas présenté aux audiences prévues
dans ses procès.
A la question de savoir ce qu'il était allé précisément faire aux Pays-Bas en
décembre 2012, il a répondu qu'il y était resté un mois, à une adresse dont
il ne se souvenait plus, et qu'il avait participé à un événement culturel kurde
ayant réuni une soixantaine de participants d'une durée de trois jours. Il avait ignoré
les détails de ce congrès avant de s'y rendre, sans
invitation personnelle, par covoiturage annoncé sur un site Internet qu'il n'a pas su
désigner, avec quelques personnes qu'il ne connaissait pas. Une fois sur place, il avait été
informé que le programme de la réunion portait sur l'histoire et la culture du peuple
kurde, le socialisme et le contexte politique mondial. Il avait entendu des discours conformes à
ce programme et dont le contenu ne l'avait pas surpris parce qu'il répercutait des informations
qui figuraient déjà sur Internet. Il avait ainsi simplement écouté les orateurs présents,
dont il ne connaissait pas l'identité, pas plus qu'il n'avait connu l'identité
des membres de l'association pro-kurde qu'il fréquentait dans son canton d'attribution
et qui lui avaient appris la tenue de cet évènement. Il y avait pris des notes, lesquelles,
comme son téléphone portable, lui avaient été confisquées par la police néerlandaise
au moment de son interpellation sur place, dans la matinée du 3ème
jour du congrès. Les autorités néerlandaises l'avaient mis en garde à vue le
3 décembre 2012, puis expulsé vers la Suisse le 27 décembre 2012.
G.
Par
courriers des 3 avril et 13 juin 2013, le recourant a fait parvenir à l'ODM plusieurs documents
relatifs aux procédures judiciaires le concernant.
H.
En date du (...) 2013, l'Ambassade a transmis à l'ODM, en réponse à sa demande
du (...) 2013, les renseignements suivants :
Le recourant était impliqué dans quatre procédures.
Dans deux d'entre elles, les jugements avaient été prononcés, l'un d'entre
eux le condamnant à une peine d'emprisonnement d'une année (...) ; toutefois,
la notification de ce jugement, respectivement la mise à exécution du second jugement (dont
le dispositif n'avait pas été communiqué) avaient été suspendues. Dans
les deux autres, les procédures étaient en cours d'instruction, des dates d'audience
ayant été fixées. Dans l'une d'elles, un mandat d'arrêt avait été
émis à l'encontre du recourant, le (...) 2013, pour défaut de comparution à
une audience. Enfin, le recourant faisait l'objet d'une fiche politique mentionnant son arrestation,
sur décision judiciaire du (...) 2009, pour appartenance à une organisation terroriste.
I.
Par
courrier du 4 décembre 2013, le recourant a communiqué à l'ODM les dates des trois audiences
(...) en Turquie dans les procédures en cours contre lui.
J.
Le
17 février 2014, l'ODM a communiqué au recourant les éléments essentiels ressortant
d'après lui d'un rapport établi le 7 janvier 2014 par le Service de renseignement de
la Confédération (ci-après : SRC), confirmant des informations (extraites d'une
banque de données) reçues de la part de ce service précédemment. Il l'a invité
à se déterminer à ce propos sous l'angle de l'art. 53 LAsi.
Les éléments communiqués étaient les suivants :
« [Le
recourant] appartient en tant que cadre au Ciwanen Azad (anciennement Komalen Ciwan). Il a été
identifié à maintes reprises dans divers pays européens dans le cadre de manifestations
pro-kurdes [pouvant être mises] en relation avec des organisations affiliées au PKK/Kongra-Gel.
[Il] a participé le 3 décembre 2012 au Congrès du PKK/Kongra-Gel des cadres de toute
l'Europe aux Pays-Bas. Il a été interpellé le 4 décembre 2012 par les autorités
néerlandaises et mis en garde à vue. Puis il a été dénoncé aux autorités
migratoires. En (...) 2013, il a participé à la marche (...), puis à une manifestation
à J._______ le (...) 2013. Il a participé au Congrès du Ciwanen Azad à K._______
le (...) 2013. Au surplus, [il] était en tête de plusieurs marches lors de manifestations
en Suisse, comme par exemple à L._______. Enfin, [il] est très actif sur Facebook, (...).
K.
Dans
sa prise de position du 27 février 2014, le recourant a nié occuper une position de cadre au
sein du Ciwanen Azad et être membre du PKK/KONGRA-GEL. Comme des milliers de réfugiés
kurdes en Suisse, il aurait uniquement participé à des activités pacifiques. Son engagement
en tant que «politicien et intellectuel kurde» serait exclusivement pacifique, en lien avec
celui qu'il avait déjà eu avant son départ de Turquie, dans sa lutte politique pour le
respect des droits humains du peuple kurde en Turquie, en Iran, en Irak, et en Syrie. En outre, ni le
PKK ni le KONGRA-GEL n'étaient considérés par les autorités suisses comme étant
des organisations terroristes. Il n'aurait commis aucun acte répréhensible au sens de
l'art. 53 LAsi.
L.
Par
décision du 2 avril 2014 (notifiée le lendemain), l'ODM a reconnu la qualité de
réfugié au recourant, a rejeté sa demande d'asile, a prononcé son renvoi de Suisse
et l'a mis au bénéfice d'une admission provisoire en raison de l'illicéité
de l'exécution de son renvoi.
Il a estimé que le recourant était indigne de l'asile,
au sens de l'art. 53 LAsi (dans sa version en vigueur jusqu'au 30 septembre 2016 [RO 1999
2262]). En effet, sa qualité de cadre au sein de l'organisation Ciwanen Azad et son soutien
ouvert à Abdullah Öcalan permettaient d'admettre qu'il adhérait entièrement
à la philosophie et aux objectifs du PKK/Kongra-Gel ayant notoirement recours à la violence.
M.
Par
acte du 5 mai 2014, l'intéressé a interjeté recours contre la décision précitée
lui refusant l'asile, concluant à son octroi ; il a sollicité le bénéfice
de l'assistance judiciaire totale.
Il a fait valoir que, comme cela ressortait de l'arrêt
du 18 mars 2013 publié sous ATAF 2013/23, l'ODM aurait dû procéder à sa
propre appréciation des faits, sans se baser uniquement sur la seule appréciation du SRC. Il
n'y aurait aucun indice concret qu'il ait commis un acte répréhensible justifiant
l'indignité. Il n'occuperait pas de fonction dirigeante au sein du Ciwanen Azad et ne
serait pas membre du PKK. Son engagement politique serait toujours resté pacifique. Le rassemblement
du 3 décembre 2012 aux Pays-Bas ne se serait pas limité aux cadres du PKK/Kongra-Gel comme
l'avait indiqué à tort l'ODM ; de plus, il se serait agi d'un évènement
culturel. Ni sa participation à des manifestations auxquelles auraient participé des centaines
(soit la marche [...] en [...] 2013 et l'assemblée générale du Ciwanen Azad
à K._______ le [...] 2013), sinon des milliers de jeunes Kurdes venus de toute l'Europe
et de la Suisse (soit le Festival international de la culture kurde, le (...) 2013 à J._______),
ni son soutien à Abdullah Öcalan, leader reconnu du peuple kurde, ne justifierait de lui refuser
l'asile. En outre, l'ODM, qui aurait la charge de la preuve, n'aurait apporté
aucun élément pertinent permettant de conclure qu'il représentait un danger pour la sécurité
de la Suisse.
N.
Par
décision incidente du 16 mai 2014, le Tribunal a admis la demande de dispense de paiement des frais
de procédure.
O.
Dans
sa réponse du 23 mai 2014, l'ODM a proposé le rejet du recours.
P.
Par
décision incidente du 24 juillet 2014 (notifiée le lendemain), le Tribunal a admis la demande
du recourant tendant à la nomination d'un mandataire d'office en la personne de Rêzan Zehrê
et désigné celui-ci en cette qualité, sous réserve de son accord formel par écrit
dans les dix jours suivant la notification, aux conditions énoncées par le Tribunal.
Par courrier du 29 juillet 2014, ce dernier a donné cet accord.
Q.
(...).
R.
Par
courrier du 25 septembre 2017, le recourant a produit un extrait vierge, daté du 15 septembre précédent,
de son casier judiciaire suisse. Sur cette base, il a allégué qu'il n'avait jamais
été ni poursuivi ni condamné en Suisse pour ses activités politiques et intellectuelles.
S.
Par
ordonnance du 24 octobre 2017, le Tribunal a communiqué le contenu essentiel du rapport du SRC après
avoir constaté que le SEM l'avait rapporté de manière imprécise dans sa décision
incidente du 17 février 2014. Il a indiqué au recourant qu'une source accessible
publiquement (mentionnée au consid. 5.1 ci-après) corroborait l'information du SRC relative
aux évènements survenus le 3 décembre 2012 à H._______ aux Pays-Bas.
Dit rapport était libellé, pour l'essentiel, comme
suit :
« Pour faire suite à votre demande d'examen
du dossier de Monsieur A._______, nous pouvons vous apporter les éclaircissements suivants, en plus
des éléments qui se trouvent au dossier.
Cette
personne est connue de notre service pour son appartenance au Komalen Ciwan et occuperait une fonction
de cadre dans cette organisation.
Monsieur A._______ a été
identifié à de maintes reprises dans divers pays européens, ainsi que sur notre territoire
dans le cadre de manifestations pro-kurdes. Celles-ci avaient toujours une relation avec les organisations
affiliées du PKK/Kongra-Gel. Son arrestation en Hollande, suite à sa participation au congrès
annuel du Komalen Ciwan, nous a aussi été confirmée par d'autres canaux. Cette présence
confirmerait son appartenance aux cadres du mouvement, car les membres « normaux »
ne sont pas conviés à ce type de manifestation. Ces informations nous proviennent de diverses
sources fiables.
Ses
activités relativement « légères » en Turquie, se sont transformées
en un activisme régulier et convaincu sur tout le territoire européen. Le fait que la répression
y soit moins présente n'y est sûrement pas étranger.
De par ses agissements et
de par sa position de cadre supposé, ainsi que des avis et sympathies exprimés lors de ses
diverses auditions, il ne nous est pas possible d'écarter le fait que cette personne pourrait,
à terme, prendre d'autres fonctions en Suisse ou en Europe, ou même retourner dans les
régions kurdes pour asseoir son statut de personne dirigeante en participant d'une manière
ou d'une autre aux activités du PKK ou de ses groupes affiliés. »
Par même ordonnance, le Tribunal, constatant le caractère incomplet du résumé
des informations issues d'une banque de données du SRC figurant dans cette décision incidente
du 17 février 2014 du SEM, a complété ce résumé comme suit :
Le nombre journalier de participants à (...) du (...) 2013, a été variable,
mais n'a pas dépassé (...). (...). A la fin de (...), les activistes ont
rejoint un festival (...) à J._______. Le (...) 2013, le recourant a participé à
un festival (...) à L._______, ayant réuni des membres de mouvements affiliés au PKK.
Le (...) 2013, il a participé à un rassemblement pour la fête du Newroz à L._______,
ayant réuni (...) personnes d'origine kurde, (...). Une partie des personnes arrêtées
le 3 décembre 2012 à H._______ aux Pays-Bas était destinée à être
envoyée dans un camp de formation et d'entraînement au leadership.
Par même ordonnance toujours, le Tribunal a invité le recourant à déposer ses
éventuelles observations sur ces éléments, accompagnées des moyens de preuve correspondants,
dans l'optique d'une éventuelle application de l'art. 53 let. b LAsi.
T.
Par
courrier du 9 novembre 2017, le recourant a déposé ses observations. Pour l'essentiel,
il a renvoyé aux arguments déjà formulés dans son recours, en particulier le caractère
répétitif (manifestations annuelles), autorisé et pacifique des évènements auxquels
il avait participé, organisés par des associations culturelles kurdes. Il ne s'agirait
en aucun cas d'actes de violence ou de terrorisme. D'ailleurs, lors de la quasi-totalité
des actions organisées par la communauté kurde en exil, des représentants politiques de
la Suisse et de l'Europe tiendraient un discours de solidarité avec la population kurde. Il
ne serait pas un membre du PKK/Kongra-Gel, ni même un membre du Ciwanen Azad, ni n'aurait
a fortiori de position de cadre ou de dirigeant ; il n'aurait jamais exercé une telle
fonction. Qui plus est, les activités citées par le SRC remonteraient à 2012 et 2013 et,
contrairement à la crainte formulée par ce service, il n'aurait depuis lors acquis aucune
fonction que ce soit en Suisse ou en Europe ni ne serait retourné dans une région kurde. En
revanche, il aurait poursuivi son activisme pacifique en faveur de la cause kurde dans le cadre d'associations
culturelles. Il serait dans l'impossibilité de produire une attestation de la part des organisations
citées par le SRC, car elles ne disposent pas de structures légales qui effectuent des démarches
administratives. Il ferait des efforts en vue d'une bonne intégration en Suisse. Il ne représenterait
aucun danger pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse.
U.
Les
autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans les considérants en droit qui suivent.
Droit
:
1.
1.1 En
vertu de l'art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF,
RS 173.32), le Tribunal connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5
de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021).
En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile - lesquelles
n'entrent pas dans le champ d'exclusion de l'art. 32 LTAF - peuvent être contestées devant
le Tribunal conformément à l'art. 33 let. d LTAF (loi à laquelle renvoie l'art. 105 LAsi).
1.2 Le
Tribunal est donc compétent pour connaître du présent litige. Il statue de manière
définitive (cf. art. 83 let. d ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral
[LTF, RS 173.110]).
1.3 Le
recourant a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans le délai
légal (cf. art. 108 al. 1 LAsi) et dans la forme prescrite par la loi (cf. art. 52 al. 1 PA),
le recours est recevable.
1.4 En
matière d'asile, le Tribunal examine, en vertu de l'art. 106 al. 1 LAsi, les motifs de recours tirés
d'une violation du droit fédéral, notamment pour abus ou excès dans l'exercice du pouvoir
d'appréciation (let. a), et d'un établissement inexact ou incomplet de l'état de fait
pertinent (let. b), à l'exception du grief d'inopportunité (cf. ATAF 2014/26 consid.
5).
Dans le cadre du contrôle de la conformité au droit, le Tribunal vérifie si l'usage
qui a été effectué du pouvoir d'appréciation repose sur des critères raisonnables
et respecte les principes constitutionnels, ainsi que le cadre légal et jurisprudentiel (cf. ATAF
2015/9 consid. 8.1).
2.
2.1 Aux
termes de l'art. 49 LAsi, l'asile est octroyé aux personnes qui ont la qualité de réfugié,
s'il n'y a pas de motif d'exclusion.
Aux termes de l'art. 53 let. a et b LAsi (en vigueur
depuis le 1er octobre 2016), l'asile
n'est pas accordé au réfugié qui :
a. en est indigne en raison d'actes répréhensibles ;
b. a porté atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de la
Suisse ou qui la compromet.
L'ancien art. 53 LAsi a ainsi
été scindé dans le nouvel art. 53 LAsi en deux lettres séparées, les let. a
et b, mais sans modification de teneur.
2.2 En
l'espèce, seul est litigieux le refus de l'asile. Il convient de vérifier si cette décision
peut être confirmée, en application de l'art. 53 let. a LAsi.
2.2.1 Selon
la jurisprudence actuelle, ne peuvent entraîner l'indignité selon l'art. 53
let. a LAsi que les infractions qualifiées de crime, à savoir passibles d'une peine privative
de liberté de plus de trois ans (cf. ATAF 2014/29 consid. 5.3.1). Pour déterminer
si des actes commis à l'étranger peuvent être qualifiés, en droit suisse, de
crimes, le Tribunal se livre à un examen qui s'apparente à celui de la condition de la
double incrimination en matière d'extradition (cf. ATAF 2014/29 consid. 5.3.2),
avec un degré de la preuve réduit aux « raisons sérieuses » (cf. ATAF
2014/29 consid. 5.2.1; 2011/29 consid. 9.2.3; 2010/43 consid. 5.3.2.4).
2.2.2 En
l'espèce, le recourant ne s'est pas rendu coupable en Turquie d'un acte qui pourrait
être qualifié, en droit suisse, de crime ; en particulier, il n'a ni participé
aux Forces de défense du peuple (Hêzên Parastina Gel [ci-après : HPG]) ou aux
Faucons de la liberté du Kurdistan (Teyrênbazê Azadiya Kurdistan [ci-après :
TAK]) ni ne les a soutenus dans leur activité criminelle. De même, aucune procédure pénale
n'a été ouverte contre lui ni aux Pays-Bas ni en Suisse. Il est certes, comme on le verra
ci-après, un membre actif du Komalen Ciwan (cf. consid. 5.1), une organisation chargée
en particulier du recrutement de jeunes combattants pour la branche armée du PKK et de futurs cadres
du PKK (cf. consid. 4.5 et 4.7). Aucun élément suffisamment concret et sérieux
ne permet toutefois de lui imputer, à titre personnel, une responsabilité dans le recrutement ;
sa participation à un congrès annuel du Komalen Ciwan en 2012 aux Pays-Bas ne permet pas de
lui imputer un acte concret ayant favorisé les HPG ou les TAK dans leur activité délictueuse ;
en particulier, on ne dispose d'aucun élément d'information au sujet des personnes
recrutées consécutivement à d'éventuelles mesures adoptées lors de ce
congrès ni des circonstances dans lesquelles elles l'ont été ; le recourant
n'a pas fait l'objet aux Pays-Bas d'une enquête de police judiciaire en vue d'une
inculpation pénale, qui aurait permis de recueillir de plus amples informations. On ne sait rien
non plus des résultats obtenus par les autorités néerlandaises à la suite des interrogatoires
menés dans le cadre des autres arrestations. En cela, la situation du recourant est manifestement
différente de celle du cadre du Komalen Ciwan ayant fait l'objet de l'arrêt du
Tribunal pénal fédéral du 23 août 2012 en matière d'extradition (cf. consid. 4.5).
2.2.3 Pour
ces raisons, le refus de l'asile ne peut pas être confirmé sur la base de l'art. 53
let. a LAsi.
2.3 Il
y a ainsi lieu d'examiner si le refus de l'asile peut être confirmé en application
de l'art. 53 let. b LAsi. A cette fin, il conviendra de rappeler et développer les
règles jurisprudentielles relatives à l'art. 53 LAsi, plus particulièrement
à sa lettre b, en faisant appel à des présomptions de fait (consid. 3, spéc.
consid. 3.8 à 3.11). En deuxième lieu, le Tribunal analysera la situation sur le plan
légal du PKK en Suisse et en Europe (consid. 4.1 à 4.3), examinera la jurisprudence du
Tribunal, du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal fédéral relative au PKK et
à certaines organisations affiliées (consid. 4.4 à 4.6), puis s'intéressera
aux problèmes de sécurité que pose à la Suisse et à l'Europe la présence
d'organisations affiliées au PKK, respectivement de l'organisation de jeunesse du PKK
(consid. 4.7 et 4.8) pour en tirer des conclusions en ce qui concerne l'application de l'art. 53
let. b LAsi à des membres ou à des soutiens de sections clandestines du PKK ayant pour
but de fournir une aide logistique à des factions radicales ou militaires de cette organisation
(consid. 4.9). Enfin, sera examiné si les conditions d'application de l'art. 53
let. b LAsi sont remplies dans le cas de l'espèce (consid. 5) et si l'exclusion
de l'asile est ici conforme au principe de la proportionnalité (consid. 6).
3.
3.1 L'art. 53
let. a et b LAsi (correspondant à l'art. 8 de l'ancienne loi sur l'asile
du 5 octobre 1979 [RO 1980 1718]) est une clause d'exclusion de l'asile conduisant,
pour le réfugié reconnu, à un statut en Suisse moins favorable que l'asile. Cette
disposition doit être distinguée de l'art. 1 section F de la Convention relative
au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 (RS 0.142.30 ; ci-après : Conv. réf.)
qui permet d'exclure de la qualité de réfugié tout demandeur d'asile dont
on a de sérieuses raisons de penser qu'il s'est rendu coupable d'agissements ou
de crimes particulièrement graves (sur ce point, cf. Jurisprudence et informations de la Commission
suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 1996 no 16
consid. 7). Des actes de nature terroriste équivaudront pratiquement toujours à des crimes
graves de droit commun ; l'incitation à commettre des actes terroristes constitue une
conduite contraire aux buts et principes de l'Organisation des Nations Unies (cf. Haut-Commissariat
des Nations Unies aux droits de l'homme, Droits de l'homme, terrorisme et lutte antiterroriste,
fiche d'information 32, novembre 2009, Genève, p. 17 et 43).
3.2 Les
notions juridiques indéterminées de sûreté intérieure et de sûreté
extérieure de la Suisse, au sens de l'art. 53 let. b LAsi, sont les mêmes que
celles de sécurité intérieure et extérieure, figurant à l'art. 63
al. 2 LAsi. On les retrouve dans plusieurs lois fédérales, en particulier aux art. 67
al. 4, 68 al. 1 et 103 al. 2 LEtr (RS 142.20) et aux art. 11 let. c, 20 al. 2
et 26 al. 1 let. e de la loi du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse (LN, RS 141.0).
Les art. 53 let. b et 63 al. 2 LAsi ne touchent pas à la reconnaissance de la qualité
de réfugié à la personne concernée qui est protégée par le principe de
non-refoulement (cf. art. 33 Conv. réf. ; voir aussi consid. 6.4 ci-après).
Compte tenu de la portée limitée de ces dispositions sur le statut du réfugié, les
notions juridiques qu'elles comprennent doivent être interprétées de manière
au moins aussi sévère que celles figurant dans les autres lois, si ce n'est plus encore.
3.3 Dans
la mesure où aujourd'hui la sécurité intérieure a acquis une dimension internationale
marquée, il devient toujours plus difficile de délimiter de manière rigoureuse ces deux
formes de sécurité (Rapport du Conseil fédéral du 2 mars 2012 donnant suite
au postulat Malama 10.3045 du 3 mars 2010. Sécurité intérieure. Clarification des
compétences, ch. 2.1.3, FF 2012 4161, spéc. 4179 s.). L'une vise à
garantir la coexistence pacifique sur le plan interne (cf. art. 57 Cst.) et l'autre vise
à la promouvoir sur le plan international (cf. art. 54 al. 2 Cst.). Contrairement aux
actes répréhensibles visés à la let. a de l'art. 53 LAsi, ces notions
juridiques indéterminées ne supposent pas la commission d'infractions passibles d'une
peine privative de liberté, car elles ont une fonction préventive en tant qu'elles représentent
un instrument de la protection de l'Etat. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle
le SRC informe le SEM en cas de suspicion d'activités susceptibles d'entraîner
l'application de l'art. 53 let. b LAsi (cf. art. 6 al. 2 et 3 de la loi
fédérale sur le renseignement du 25 septembre 2015 [LRens, RS 121], art. 32 al. 1
et Annexe 3 ch. 9.2.3 de l'ordonnance sur le service de renseignement du 16 août
2017 [ORens, RS 121.1]). En outre, elles doivent être distinguées des notions de sécurité
publique et d'ordre public, circonscrites à l'art. 80 de l'ordonnance relative
à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative
du 24 octobre 2007 (OASA, RS 142.201), car les unes et les autres ne se recoupent que partiellement.
3.4 La
pratique du Conseil fédéral relative à l'art. 121 Cst. a décrit de manière
exemplative ce qu'il fallait entendre sous le vocable de mise en danger de la sécurité de l'Etat.
Il faut y voir notamment la mise en danger de la prééminence du pouvoir de l'Etat dans les
domaines militaire et politique. Il s'agit par exemple de la mise en danger par des actes de terrorisme
ou d'extrémisme violent, par une activité de renseignements interdits, par la criminalité
organisée ou par des actes et projets mettant sérieusement en danger les relations actuelles
de la Suisse avec d'autres Etats ou cherchant à modifier par la violence l'ordre étatique établi
(cf. ATAF 2013/23 consid. 3.2 ; voir aussi art. 6 al. 1 et 19 al. 2 de
la loi fédérale sur le renseignement du 25 septembre 2015 ; Message sur le projet
de loi sur les étrangers du 8 mars 2002, FF 2002 3469, spéc. 3569 ; Message
concernant le révision totale de la loi sur l'asile du 4 décembre 1995, FF 1996
II 1, spéc. 71 s. ; arrêt du Tribunal C-3494/2013 du 8 avril 2015
consid. 5.2). Les activités relevant de l'extrémisme violent consistent en des actions
menées par des organisations qui rejettent les fondements de la démocratie et de l'Etat de
droit et qui commettent, encouragent ou approuvent des actes de violence pour atteindre leurs buts (cf. art. 19
al. 2 let. e LRens).
3.5 L'art. 3
de l'ordonnance du 17 juin 2016 sur la nationalité suisse (OLN, RS 141.01), entrée
en vigueur le 1er janvier 2018, précise
les notions de sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse en droit de la nationalité.
Aux termes de cette disposition, le requérant met en danger la sûreté intérieure
ou extérieure de la Suisse lorsque des éléments concrets laissent supposer qu'il participe
aux activités suivantes, les soutient ou les encourage ou encore qu'il y joue un rôle de recruteur:
terrorisme (a); extrémisme violent (b) ; crime organisé (c), ou service de renseignement
prohibé (d).
3.6 Il
appartient aux autorités de contribuer à sauvegarder les intérêts internationaux
de la Suisse, en particulier son indépendance (cf. préambule de la Cst. et art. 2
let. d LRens).
3.6.1 A
cet égard, il convient de signaler la politique de neutralité suisse, laquelle s'oriente
avant tout sur les droits et obligations des Etats neutres tels qu'ils sont régis par la Convention
concernant les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre,
du 18 octobre 1907 (RS 0.515.21), interdisant en particulier l'ouverture en territoire neutre
de bureaux d'enrôlement au profit de belligérants (cf. Belser/Waldmann/Wiederkehr,
Staatsorganisationsrecht, 2017, p. 41). Cette politique de neutralité consiste pour l'essentiel
dans la politique que la Suisse, en tant qu'Etat neutre permanent, mène en temps de paix afin
de conforter politiquement le statut juridique qui est le sien en temps de guerre ; elle a une valeur
plus grande en temps de paix qu'en temps de guerre. La politique étrangère de la Suisse
- laquelle est par essence plus large que sa politique de neutralité qui lui est étroitement
liée - vise non seulement à défendre ses intérêts, mais aussi à
promouvoir des valeurs et à manifester sa qualité de membre responsable de la communauté
internationale ; par ces deux objectifs, elle participe de sa politique de sécurité, tant
il est vrai qu'ils correspondent à ses propres intérêts (cf. Jérôme
Candrian, Droit de la neutralité, politique de neutralité et politique étrangère
de l'Etat neutre, in : ZSR 2007 I 529 ss, spéc. 534 ss et 550).
3.6.2 La
Suisse s'efforce ainsi d'entretenir de bonnes relations avec tous les Etats, quelle que soit
leur organisation politique. Ainsi, le maintien des bonnes relations d'un pays avec les autres
Etats est aussi un critère entrant en ligne de compte dans l'examen d'une éventuelle
mise en danger de la sécurité nationale (cf. Urs Saxer, in :
St. Galler Kommentar, Die Schweizerische Bundesverfassung, Ehrenzeller/Schindler/Schweizer/ Vallender
[éd.], 3ème édition, 2014,
art. 185 n° 29). La sûreté de l'Etat dépend également grandement
de la qualité de ses relations avec les autres pays en matière de coopération internationale,
celle-ci revêtant une importance capitale dans le cadre des mesures qu'il convient de mettre
en oeuvre pour prévenir et combattre les dangers qui peuvent menacer l'Etat (cf. extrait
de la décision du Conseil fédéral du 16 mai 2001 en la cause X. contre le Département
fédéral de justice et police publié, dans la JAAC 65.93, < www.vpb.admin.ch/franz/doc/65/65.93.html >,
consulté le 6.6.2018). De manière plus générale, les problématiques d'ordre
migratoire sont susceptibles de peser sur les relations diplomatiques de l'Etat, et peuvent ainsi
créer une menace pour la sécurité extérieure de la Confédération, ce qui
contribue alors à justifier que l'étranger mis en cause ne puisse pas se voir octroyer
un statut aussi favorable que l'asile.
3.7 Pour
admettre l'existence d'une mise en danger de la sécurité de la Suisse, il suffit qu'il
existe des raisons sérieuses d'admettre, sur la base d'indices concrets, la crainte
d'une telle menace (cf. arrêt du Tribunal C-1124/2006 du 21 août 2009
consid. 4.3.3). Celle-ci peut survenir sans que l'étranger ne représente nécessairement
un danger pour la sécurité intérieure du pays ou pour ses habitants (Minh
Son Nguyen, Droit public des étrangers, 2003, p. 167).
3.7.1 Le
fait d'appartenir à un mouvement qui demande le changement radical du système politique
ainsi que du pouvoir en place dans le pays d'origine, voire dans un pays tiers, et qui rejette
implicitement tout dialogue avec ce dernier, peut suffire, suivant les circonstances, à démontrer
une volonté pour l'intéressé de contribuer à déstabiliser l'ordre
établi dans ce pays. Ainsi, la présence en Suisse d'une telle personne, même si
elle-même se déclare comme non violente, peut légitimement être considérée
comme menaçant la sûreté extérieure de l'Etat. Cependant, elle est également
susceptible de menacer la sûreté intérieure, en raison de la diversité ethnique et
politique des immigrés en provenance d'un même pays ; en effet, le risque d'extension
en Suisse de conflits existant dans leur pays d'origine ne saurait être négligé
(cf. consid. 4.8 ci-après). La sauvegarde de la cohésion sociale, y compris dans
les relations de la diaspora d'un Etat déterminé entre ses membres et avec la société
et les institutions suisses, participe à la sécurité intérieure ; les atteintes
à cette cohésion, comme par exemple une propagande pour la lutte armée dans un pays tiers,
peuvent miner la crédibilité de l'Etat dans la protection des valeurs fondamentales et
dans la confiance de la population suisse envers la capacité de ses autorités législatives
et exécutives à maîtriser les problèmes liés à l'immigration (cf.
ATF 125 II 417 consid. 7).
Peut également constituer une menace, le comportement de la personne qui, sans en être
formellement membre, exerce des activités illégitimes de soutien logistique, notamment de collectes
de fonds, de recrutement ou de propagande en faveur de l'idéologie, des buts ou des moyens
d'une organisation pratiquant le terrorisme ou l'extrémisme violent dans le pays d'origine,
voire dans un pays tiers.
3.7.2 Le
degré de radicalité des organisations participant - directement ou indirectement -
au soutien ou à la commission d'actes terroristes ou d'extrémisme violent, peut
varier selon l'organisation concernée. Il en est de même des activités des personnes
entrées en relation avec ces organisations, qui peuvent aller du simple acte d'adhésion
jusqu'aux activités exercées consciemment en vue de soutenir les buts criminels de l'organisation.
3.7.3 Sur
le plan pénal, la norme la plus sévère est celle de l'art. 260ter
CP qui concerne la participation et le soutien à une organisation criminelle, prévoyant une
peine privative de liberté maximale de cinq ans. Participe à une
organisation criminelle celui qui y est intégré et y déploie une activité concourant
à la poursuite du but criminel de l'organisation, sans que cette activité soit, en soi,
forcément illégale ou concrètement punissable (cf. ATF 142 IV 175 consid. 5.4.1;
132 IV 132 consid. 4.1.3).
Soutient une organisation criminelle celui qui, sans être intégré
dans la structure de l'organisation, en favorise de façon consciente les activités délictueuses
(cf. ATF 142 IV 175 consid. 5.4.1; 131 II 235 consid. 2.12.2, traduit in : JdT 2007
IV p. 29).
La loi fédérale du 12 décembre 2014 interdisant
les groupes « Al-Qaïda » et « Etat islamique » et les organisations
apparentées (RS 122, ci-après : loi Al-Qaïda/Etat islamique) sanctionne toute forme
d'association en leur faveur, y compris l'acte d'adhésion, à une peine privative
de liberté de cinq ans maximum. Son champ d'application est plus large et donc subsidiaire
à l'art. 260ter CP (cf. ATF 133 IV
58 consid. 5.3.1, 131 II 235 consid. 2.12).
Ces normes pénales sont en concurrence avec d'autres, certes moins importantes (sur ce
point, cf. Widmer/Staehli, Der Eintritt in fremden Militärdienst
gemäss Art. 94 MStG in : Sécurité & Droit 3/2016 166, spéc. 180).
3.7.4 Il
n'existe actuellement pas de base légale qui prononcerait une interdiction générale
de toutes les organisations qui mettent l'Etat en danger, en particulier les organisations terroristes.
Une interdiction peut être décidée par le Conseil fédéral aux conditions de
l'art. 74 LRens, ou encore sur la base de l'art. 185 Cst. La Suisse n'a pas
édicté de loi (ou d'ordonnance) prohibant le PKK à l'instar de la loi Al-Qaïda/Etat
islamique. Le Conseil fédéral a toutefois annoncé son intention de présenter au Parlement
des modifications législatives visant à améliorer les instruments de lutte contre le terrorisme,
de sorte à pouvoir proposer à terme l'abandon de la loi Al-Qaïda/Etat islamique
(cf. communiqué de presse du 22 novembre 2017). Une procédure de révision de
l'art. 74 LRens est d'ailleurs déjà en cours (Rapport du Conseil fédéral
de juin 2017 relatif à l'approbation et mise en oeuvre de la Convention du Conseil de
l'Europe pour la prévention du terrorisme et de son Protocole additionnel et renforcement
des normes pénales contre le terrorisme et le crime organisé, https://www.bj.admin.ch >
Sécurité > Terrorisme > Prévention du terrorisme, consulté le 6.6.2018).
3.7.5 Dans
le cadre de l'application de l'art. 53 let. b LAsi, il n'est pas nécessaire
que l'appartenance ou l'association sous toute forme à une telle organisation soit punissable
pénalement (cf. art. 74 al. 4 et 5 LRens), comme déjà mentionné plus
haut ; il n'est pas non plus nécessaire que l'organisation concernée ait été
préalablement interdite en Suisse (cf. art. 74 al. 1 à 3 LRens) ni encore que
les activités exercées aient un impact mesurable sur la mise en oeuvre des buts de l'organisation.
Il faut toutefois que celle-ci représente un potentiel minimal de menace (cf. ATAF 2013/34
consid. 7.4 et 7.5), qui soit susceptible d'inciter le SRC à adopter des mesures de surveillance
ou, du moins, à donner un avis négatif au SEM dans le cadre d'une procédure de consultation
sur l'octroi de l'asile. Sont également visés les groupes de couverture d'une
telle organisation, dans la mesure où ils agissent soit sur son ordre, soit adoptent de concert
avec elle leurs buts et leurs moyens.
Cela dit, il convient de garder à l'esprit l'exigence de cohérence de l'ensemble
du droit. Ainsi, s'agissant d'une organisation radicale considérée comme organisation
criminelle au sens de l'art. 260ter CP
par le Tribunal fédéral ou le Tribunal pénal fédéral ou d'une organisation
formellement interdite par la loi et dont le soutien est pénalement sanctionné, il y aura lieu
de vérifier si l'on n'est pas dans un cas d'application de l'art. 1
F Conv. réf. ; dans la négative, il s'agira d'examiner si les conditions d'application
de l'art. 53 LAsi, spécialement de sa let. a, sont remplies.
En cas de liens avec des organisations non considérées comme criminelles ni interdites,
les exigences pour reconnaître une menace ou une atteinte à la sécurité intérieure
ou extérieure de la Suisse dépendront du degré de radicalité de l'organisation
concernée et de la nature et de l'ampleur des actes visés. Dans ce cas, une personne
qui aura été active, depuis la Suisse, au sein ou pour le compte d'une telle organisation
dont les activités auront été propres à déstabiliser la situation politique
dans son Etat d'origine et dans ses territoires voisins et, de ce fait, à fragiliser les relations
entre la Suisse et ces Etats, pourra également être considérée comme compromettant
la sûreté du pays (cf. Céline Gutzwiller, Droit de la
nationalité et fédéralisme en Suisse, 2008, p. 238, no 563,
et réf. cit.).
Dans le cadre de l'appréciation quant à l'application de l'art. 53 let.
b LAsi à un cas d'espèce, il convient d'évaluer le degré de la menace
potentielle à l'aune de la situation actuelle dans le pays d'origine de l'intéressé
ainsi que sur le plan international. Cette évaluation devra tenir compte des droits de la personne
concernée à la liberté d'expression ; en effet, l'art. 53 let. b LAsi
ne saurait être utilisé pour limiter l'expression publique dans un cadre pacifique de
la défense de droits humains en Suisse ou à l'étranger. En revanche, les appels
à la violence ou à la haine n'entrent pas dans l'exercice protégé de
la liberté d'expression (cf. décision de la CourEDH du 12 juin 2012, Hizb Ut-Tahrir
et autres c. Allemagne, requête no 31098/08,
§§ 72-74 et 78).
3.8 Enfin,
la preuve d'un comportement susceptible de porter atteinte à la sécurité intérieure
ou extérieure de la Suisse est, par essence, difficile à rapporter par l'autorité,
dès lors qu'il est exercé dans la clandestinité. Il y a par conséquent lieu
d'admettre la preuve indirecte au moyen de la preuve d'un fait plus facile à démontrer.
Ce fait-prémisse étant prouvé par l'autorité (présomption de fait), ce
sera à la partie d'assumer le fardeau de la preuve du contraire (cf. Pierre
Tercier, Le Titre préliminaire du Code civil et Droit des personnes, Traité de droit
privé suisse, vol. II/1, no 649)
en alléguant des faits pertinents inconnus de l'autorité et, à défaut de moyens
de contre-preuve, en les rendant vraisemblables par un ensemble de déclarations substantielles,
fondées, concluantes et plausibles (cf. ATAF 2012/5 consid. 2.2).
3.9 En
définitive, il suffit pour l'autorité d'établir l'existence d'un
ou plusieurs contacts concrets avec une organisation radicale participant, directement ou indirectement,
au soutien ou à la commission d'actes terroristes ou d'extrémisme violent -
contacts susceptibles de démontrer une proximité suffisante entre la personne et l'organisation
concernées - pour poser la présomption de fait de l'exercice d'une activité
illégitime de nature à compromettre la sécurité intérieure ou extérieure
de la Suisse au sens de l'art. 53 let. b LAsi. En revanche, de simples suppositions (« Mutmassungen »)
ne suffisent pas.
3.10 L'admission
d'une menace potentielle contre la sécurité intérieure ou extérieure de la
Suisse suppose une consultation préalable du SRC (dans le même sens, ATAF 2013/34 consid. 6.1).
Lorsque le maintien de la sûreté intérieure ou extérieure le requiert, le
SRC est tenu de communiquer des données personnelles au SEM pour l'appréciation des demandes
d'asile (cf. art. 60 LRens ; voir aussi art. 32 et annexe 3 ch. 9.2.3
ORens). En tant qu'autorité disposant de l'expertise dans le domaine de la sécurité,
le SRC doit livrer les informations objectives nécessaires au SEM pour que celui-ci puisse vérifier,
dans un cas particulier, l'application de la clause d'exclusion de l'asile de l'art. 53
let. b LAsi. Bien que l'avis du SRC, fondé sur les informations transmises, ne lie pas
le SEM, celui-ci ne s'en écartera pas sans motifs valables. Cela étant, indépendamment
de cet avis qui est important, le SEM doit se faire sa propre appréciation du danger représenté
pour la sécurité de la Suisse et se prononcer sur le cas d'espèce sur la base de
l'ensemble des pièces de son propre dossier, et ce dans le respect du droit d'être
entendu (cf. ATAF 2013/23 consid. 7.3 et 8.6 ; voir dans le même sens, ATAF 2015/1
consid. 4.4 et ATAF 2013/34 consid. 6.2 relatifs à l'art. 14 let. d de
l'ancienne loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte
de la nationalité suisse [aLN, RO 1991 1034]). Inversement,
le SEM ne saurait admettre une menace potentielle contre la sécurité intérieure ou extérieure
de la Suisse en l'absence d'éléments de fait suffisamment concrets et sérieux
avancés par le SRC dans sa prise de position.
3.11 La
menace potentielle contre la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse n'existe,
en règle générale, plus si le réfugié en cause s'est distancié de
manière suffisante, reconnaissable et vraisemblable de l'idéologie, des buts et des moyens
de l'organisation radicale concernée, ce qui suppose en règle générale qu'il
ait rompu tout contact avec elle, ses groupes de couverture et leurs activités illégitimes
(cf. aussi arrêt du Tribunal C-1123/2006 du 12 septembre 2008 consid. 6.3).
On pourra être à cet égard d'autant plus exigeant vis-à-vis de la personne
visée qu'elle aura exercé des responsabilités élevées ou que le groupe
en cause est particulièrement radicalisé ; les causes, l'intensité et la stabilité
ou la durée de la distanciation, voire d'une éventuelle « déradicalisation »
pourront être d'autres facteurs d'appréciation.
4.
4.1 A
ce stade de l'argumentation, il s'agit d'examiner de plus près la nature, les
buts et les structures de l'organisation en cause dans la présente espèce, à savoir
du PKK, et des problèmes de sécurité que pose à la Suisse et à l'Europe
la présence d'organisations qui lui sont affiliées.
4.2 Le
PKK, également connu sous les noms de « KADEK » et « Kongra-Gel »,
figure sur la liste des mouvements terroristes adoptée par le Conseil de l'Union européenne
(cf. règlement d'exécution (UE) 2017/1420 du Conseil du 4 août 2017 mettant en oeuvre
l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l'adoption de mesures
restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre
de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d'exécution (UE) 2017/150 [JO L
204/3 du 5.8.2017] ; voir aussi décision (PESC) 2017/1426 du Conseil du 4 août 2017 portant
mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s'appliquent les articles
2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l'application de mesures spécifiques
en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2017/154 [JO L 204/95 du
5.8.2017]). A ce titre, le PKK fait l'objet au sein de l'Union européenne d'un
gel de ses avoirs financiers et de mesures renforcées relatives à la coopération policière
et judiciaire en matière pénale.
4.3 Cette
liste n'a aucune portée sur le plan pénal en Suisse
(cf. ATF 142 IV 175 consid. 5.9 ; Juliette Noto, Les problèmes
de délimitation entre organisations criminelles et organisations terroristes, Conséquences
pratiques pour la poursuite pénale en Suisse, in : La lutte contre la criminalité économique,
2010, p. 286 ; voir aussi la réponse du Conseil fédéral du 7 mars 2011
à la question 11.5001 du même jour du Conseiller national Yvan Perrin).
En revanche, elle n'est pas dénuée de toute portée en
droit administratif, l'ancien art. 11 al. 3 de la loi fédérale instituant
des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure du 21 mars 1997 (LMSI, RS
120) ayant introduit dans la loi une pratique existante en matière d'harmonisation de la liste
(nationale) confidentielle d'observation des organisations et groupements (dont l'activité
ou les membres étaient concrètement soupçonnés de menacer la sûreté intérieure
ou extérieure de la Suisse) avec les listes internationales adoptées dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme (cf. Message complémentaire au message du 15 juin 2007 relatif à
la modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté
intérieure [«LMSI II réduite»] du 27 octobre 2010, FF 2010 7147, spéc. 7174 s. ;
voir aussi Message concernant la loi sur le renseignement du 19 février 2014, FF 2014 2029,
spéc. 2123 s.).
C'est sur la base d'un faisceau d'indices objectivement fondés que le PKK
a été placé sur les listes précitées de l'Union européenne. Rien
ne permet donc d'exclure que cette organisation soit susceptible de menacer également la sûreté
intérieure ou extérieure de la Suisse ; rien ne permet non plus d'exclure qu'elle
ait été inscrite ou puisse l'être à l'avenir sur la liste d'observation
confidentielle tenue à jour par le SRC, conformément à l'art. 72 al. 2
LRens. Le constat de l'absence d'une interdiction du PKK en Suisse ne signifie donc aucunement
que certaines activités du PKK ou de l'un ou l'autre de ses groupes apparentés
ne puissent pas être considérées comme représentant une menace pour la sécurité
intérieure ou extérieure de la Suisse au sens de l'art. 53 let. b LAsi.
4.4 La
question de savoir à quelles conditions un réfugié appartenant au PKK ou à un groupe
apparenté représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure
de la Suisse au sens de l'art. 53 let. b LAsi n'a pas fait l'objet de jurisprudence.
Plus généralement, la question de savoir à quelles conditions un réfugié peut
se voir exclu de l'asile pour mise en danger de la sécurité intérieure ou extérieure
de la Suisse n'a guère fait l'objet de jurisprudence (voir cependant ATAF 2013/23 consid. 3.2 ;
cf. aussi JICRA 2002 no 9 et 1998 no 12
consid. 6).
4.5 Reprenant
une jurisprudence constante de l'ancienne Commission suisse de recours en matière d'asile
(CRA), le Tribunal a jugé dans un arrêt topique rendu en 2011 que l'appartenance au PKK
n'était pas un « acte répréhensible » au sens de l'art. 53
let. a LAsi (à l'époque : art. 53 LAsi), parce que cette organisation
n'était pas considérée comme une organisation criminelle au sens de l'art. 260ter
CP. Comme ses membres n'étaient pas punissables du fait de leur seule adhésion, ils ne
pouvaient pas non plus être d'emblée réputés indignes de l'asile pour
avoir commis un acte répréhensible. Seule la participation individuelle à un ou des actes
répréhensibles, impliquant une responsabilité de la personne concernée, pouvaient
conduire à l'exclusion de l'asile (ATAF 2011/10 consid. 6.1). Cet arrêt concernait,
comme la jurisprudence publiée dans la JICRA 2002 no 9
qu'il a confirmée, des réfugiés ayant participé, en Turquie, à la branche
armée du PKK.
Dans son arrêt du 23 août 2012, rendu postérieurement à la publication de l'arrêt
précité de la CRA, le Tribunal pénal fédéral a laissé indécise la
question de savoir si le PKK était une organisation criminelle au sens de l'art. 260ter
CP (cf. TPF 2012 114, consid. 7.9.3) ; en revanche, il a qualifié la branche armée
du PKK, soit les HPG, ainsi que les TAK, d'organisations criminelles au sens de cette disposition
(cf. consid. 7.10).
Dans cet arrêt, le Tribunal pénal fédéral a procédé à une analyse
des structures du PKK, essentiellement sur la base d'un certain nombre de sources étatiques.
Il a précisé que les sections du PKK collaborant avec son aile militaire demeuraient clandestines
et changeaient souvent d'appellation. Il a constaté qu'il s'agissait d'une
organisation conduite de manière rigoureuse et centralisée, marxiste-léniniste, avec pour
but la création d'un Etat kurde socialiste révolutionnaire. Le PKK qualifie l'utilisation
de la violence comme légitime. Politiquement, le PKK défend l'idée d'un « confédéralisme
démocratique du Kurdistan » qui rassemblerait, dans une structure fédérale analogue
à un Etat, les territoires turcs, syriens, irakiens et iraniens traditionnellement occupés
par les Kurdes. Pour mettre en oeuvre cette idée, le PKK a mis en place le Groupe des communautés
du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan, ci-après : KCK), dirigé par le Kongra-Gel,
sorte de parlement assurant le développement de l'idéologie du PKK et le contrôle
de la branche militaire, les HPG. Avec des combattants choisis parmi les HPG, des responsables du Kongra-Gel
ont formé les TAK, qui se sont distingués par de nombreux attentats, spécialement sur
des cibles civiles, dans des grandes villes et des centres touristiques. En constituant cette nouvelle
organisation, le PKK a cherché à se créer le moyen de se distancier officiellement de
ces attentats, tout en propageant vers l'extérieur l'idée qu'il est un mouvement
prônant une solution pacifique au conflit, avec pour but d'être reconnu comme un interlocuteur
politique en Turquie et à l'étranger. En Europe, il a créé la Coordination
de la société kurde démocratique ou, selon une autre appellation, le Conseil démocratique
kurde (Civakên Demokratîk a Kurdîstanîyên, ci-après : CDK), qui est
un exécutif ayant la mission de mettre en oeuvre en Europe les directives du KCK ; en particulier,
il lui revient la responsabilité de soutenir sur le plan politique et militaire le PKK dans son
conflit avec la Turquie. L'une de ses organisations de jeunesse, la Communauté des jeunes
(Komalen Ciwan) a pour tâche principale le recrutement de jeunes kurdes pour des fonctions de cadres
ou pour l'envoi en Irak de combattants dans les HPG, de même que la planification et l'organisation
de camps de formation à cette fin.
Certes, dans cet arrêt, le Tribunal pénal fédéral a également laissé
indécise la question de savoir si le Komalen Ciwan était une organisation criminelle au sens
de l'art. 260ter CP. Sur la base d'un
examen « prima facie », il a cependant admis l'extradition à l'Allemagne
d'un cadre présumé du Komalen Ciwan en admettant la réalisation de la condition
de la double incrimination, dès lors que le comportement reproché à la personne à
extrader était également punissable sous l'angle du droit suisse. S'était révélé
déterminant à cet égard le fait que l'activité qui lui était reprochée
avait permis de soutenir les HPG, respectivement les TAK, lesquels pouvaient être qualifiés
d'organisations criminelles au sens de l'art. 260ter
CP.
Dans son arrêt du 23 février 2016, relatif à un cadre présumé d'une
organisation secrète en Europe affiliée au groupe d'extrême-gauche TKP/ML, auquel
il était reproché d'avoir organisé des récoltes de fonds destinées avant
tout à l'équipement, la formation et le recrutement de combattants armés de l'organisation
TIKKO en Turquie, le Tribunal fédéral a également jugé que la condition de la double
incrimination en vue de l'extradition à l'Allemagne était remplie ; dans cet
arrêt, il a rappelé que, dans son précédent ATF 133 IV 76, relatif à un responsable
présumé du PKK, qui avait été accusé de participation au meurtre en Turquie
d'un gardien de village, il avait pu laisser indécise la question de savoir si le PKK était
ou non une organisation terroriste au sens de l'art. 260ter
ch. 1 CP (cf. ATF 142 IV 175 consid. 5.7, traduit in : JdT 2017 IV p. 17).
4.6 En
faisant notamment référence à l'arrêt E.K. du 21 novembre 2001 de l'ancienne
Commission suisse de recours en matière d'asile, publié sous JICRA 2002 no 9,
le Tribunal administratif fédéral a estimé qu'un engagement en Suisse pour la cause
kurde, même en relation avec le PKK, ne pouvait pas en soi constituer une menace pour la sécurité
de la Suisse au sens de l'art. 14 let. d aLN et
que l'application de cette dernière disposition nécessitait une évaluation individuelle
des activités personnelles de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal C-2917/2012
du 6 juillet 2015; C-3769/2011 du 6 octobre 2014 consid. 5.5; C-1123/2006
du 12 septembre 2008 consid. 5.2; C-1122/2006 du 11 janvier 2008 consid. 6
in fine; voir aussi, ATAF 2015/1 consid. 5 et 2013/34 consid. 7.2 relatifs aux Tigres de libération
de l'Eelam Tamoul [LTTE]).
4.7 Il
ressort du rapport annuel de l'autorité allemande compétente en matière de sécurité
intérieure, publié en 2017 par le Ministère allemand de l'Intérieur, qu'à
la suite du coup d'Etat avorté du 15 juillet 2016 en Turquie et des mesures de répression
du gouvernement turc, le nombre d'attaques (jets de pavés, de bouteilles, d'engins pyrotechniques,
de cocktails-molotov, etc.) contre des institutions turques a augmenté ; il en est de même
des manifestations ainsi que des annonces de divers camps de formation, démontrant une capacité
de mobilisation importante au sein de la population turque et kurde vivant en Allemagne. En particulier,
des affrontements verbaux entre partisans nationalistes du gouvernement turc et ceux du PKK ont dégénéré
en violences, nécessitant l'intervention de la police afin de séparer les deux camps.
L'organisation TAK a commis plusieurs attentats en Turquie entraînant de nombreux morts et
blessés, en particulier le 17 février 2016 à Ankara, en guise de représailles
contre les opérations de l'armée turque contre le PKK dans la ville frontalière
de Cizre. Le commandant des HPG a même ouvertement menacé de mort les responsables politiques
turcs si la vie de leur chef en prison, Abdullah Öcalan était mise en danger.
Toujours, selon le même rapport, à la fin du mois d'avril 2013 a été créée
la Jeunesse libre kurde (Ciwanen Azad), présentée comme l'organisation faîtière
en Europe de l'organisation de jeunesse du PKK. Toutefois, elle est formée du même cercle
de personnes que le Komalen Ciwan. Ciwanen Azad est la désignation publique, valant notamment pour
les manifestations pacifiques, tandis que l'appellation Komalen Ciwan est utilisée uniquement
en relation avec des actions négativement connotées par le public, par exemple l'appel
à l'adhésion à la branche armée du PKK. L'organisation de jeunesse présente
donc une vitrine politique et idéologique permettant d'ériger officiellement la lutte
du PKK en combat légitime, alors que l'autre frange de l'organisation, plus secrète,
recrute des combattants pour l'aile armée du PKK. Selon la jurisprudence de la Cour fédérale
de justice (« Bundesgerichtshof »), les structures du PKK en Europe ne peuvent pas
être considérées comme autonomes ni sur le plan organisationnel ni sur celui de la formation
de leur volonté interne. Malgré les annonces répétées de démocratisation
interne, leur intégration dans le PKK demeure étroite ; elles exécutent fidèlement,
avec une marge de manoeuvre extrêmement petite, les directives à caractère obligatoire
qui leur sont données par la haute direction de l'organisation aux fins de la mise en oeuvre
de ses buts idéologiques et politiques (cf. Deutsches Bundesministerium
des Innern, Verfassungsschutzbericht 2016, juin 2017, p. 243, consulté le 27.2.2018).
4.8 Grâce
à ses structures fortement hiérarchisées et à ses activités de propagande dirigées
de manière centralisée, le PKK peut rapidement mobiliser ses sympathisants dans toute l'Europe
pour des manifestations de protestation contre des événements survenant dans les territoires
turcs à population majoritaire kurde. En particulier, en Allemagne, il a mobilisé ses sympathisants
pour des actions de protestation contre les offensives de l'armée turque dans la région
d'Afrin ; ces actions ont dégénéré en des violences et des dommages à
des bâtiments occupés par des personnes morales ou physiques réputées pro-turques.
En Suisse, la plupart des protestations n'ont que rarement été accompagnées de violence ;
les cadres du PKK y ont veillé en contrôlant étroitement les jeunes activistes, mais aussi
les extrémistes de gauche qui se sont joints à eux. Mais une rencontre entre groupes kurdes
et turcs lors de ces manifestations peut engendrer une escalade de la violence. En Europe et en Suisse
aussi, le PKK a poursuivi ces dernières années ses activités de collecte de fonds et de
recrutement de nouveaux membres, de cadres et de combattants, en faisant appel, en particulier sur Internet,
à l'apologie de la violence et au culte des martyrs, y compris des femmes mortes dans des
affrontements armés. L'intérêt des milieux européens d'extrême-gauche
pour la « Rojava » (Kurdistan syrien) pourrait également représenter un
facteur de risque pour la sécurité de la Suisse (cf. SRC,
La sécurité de la Suisse, Rapport de situation 2018, p. 42 et 59-61 et Rapport de
situation 2017, p. 19, 22, 35, 44, 62 ; Europol, European Union
Terrorism Situation and Trend Report 2017, p. 39 ; Bundesamt für
Verfassungsschutz, Reaktionen der PKK auf die türkische Militäroffensive in Afrin (Syrien),
2018, et Arbeiterpartei Kurdistans [PKK], juillet 2015, spéc. p. 30 à 37 ; Haefeli/Winter,
Gewaltanwendung und Asylunwürdigkeit am Beispiel der PKK, in : ZAR 35(2015), p. 97-104,
spéc. chap. 6) ; actuellement, la menace en Suisse émane essentiellement d'affrontements
violents entre partisans du PKK et nationalistes turcs ou partisans du président Erdogan (cf. SRC,
Rapport de situation 2018, p. 47 et 50 s.).
4.9 En
définitive, il ressort de ce qui précède que la participation aux HPG ou aux TAK et le
soutien à l'une ou l'autre de ces organisations dans leur activité criminelle sont
en principe des crimes ; la conséquence logique serait donc de les considérer comme des
« actes répréhensibles » selon l'art. 53 let. a LAsi. Toutefois,
cette question n'a pas lieu d'être définitivement tranchée dans le cas d'espèce.
Il
ressort également et surtout des considérants qui précèdent
que l'appartenance ou le soutien à une organisation ou association clandestine du PKK
ayant pour but de fournir une aide logistique à ses factions radicales ou militaires (en particulier,
propagande pour des actions violentes, recrutement de cadres en vue de promouvoir l'extrémisme
violent, recrutement de « combattants », collectes de fonds, etc.) permet de présumer
une activité illégitime de nature à compromettre la sécurité intérieure
ou extérieure de la Suisse au sens de l'art. 53 let. b LAsi.
Tel n'est, en règle générale, pas le cas en
cas de simple propagande politique, dans le champ public, en faveur de la cause kurde, que ce soit sous
la bannière du PKK ou d'autres, lorsque celle-ci est dénuée d'appels à
la violence ou à la haine.
5.
5.1 En
l'espèce, il est établi que le recourant a été arrêté, par la police
néerlandaise le 3 décembre 2012, au 3ème jour
d'un congrès à H._______, aux Pays-Bas, et qu'il a été mis en détention,
à l'instar des 54 autres participants. Le recourant ne conteste pas ces faits essentiels.
Aux termes du rapport du 7 janvier 2014 du SRC, il s'agissait du congrès annuel du
Komalen Ciwan (et non de sa doublure officielle ultérieure, le Ciwanen Azad, apparue en avril 2013).
La présence sur place du recourant confirmerait, selon le SRC, son appartenance aux cadres du mouvement,
car les membres ordinaires ne sont pas conviés à ce type de manifestation. Une source accessible
publiquement corrobore cette information, notant que le 3 décembre 2012, la police néerlandaise
est intervenue à l'occasion d'une rencontre organisée conjointement par le Komalen
Ciwan et l'association d'étudiants du PKK, le YXK (Yekîtiya Xwendekarên Kurdistan),
lors de laquelle de nouveaux combattants pour le PKK ont été recrutés ; 55 personnes,
parmi lesquelles des hauts dirigeants du Komalen Ciwan et du YXK, provenant d'Allemagne, mais aussi
d'autres pays voisins, ont été interpellées (cf. Deutsches
Bundesministerium des Innern, Verfassungsschutzbericht 2012, juin 2013, p. 346, < www.verfassungsschutz.de/embed/vsbericht-2012.pdf >,
consulté le 27.2.2018).
Vu son profil, on peut raisonnablement exclure que le recourant a fait partie
du YXK. On peut donc
raisonnablement tenir pour établi qu'il a participé au congrès en tant que membre
actif du Komalen Ciwan. La preuve qu'il a exercé une fonction dirigeante au sein de cette
organisation clandestine et qu'il a personnellement favorisé, par ses actes, la branche armée
du PKK dans ses activités délictueuses (voir aussi consid. 2.2.2 ci-avant) n'a en
revanche pas été rapportée. Néanmoins, sa seule appartenance à cette organisation
clandestine ayant pour but de fournir un soutien à la branche armée du PKK, par le recrutement
de jeunes combattants (cf. consid. 4.5 et 4.7) permet au Tribunal de présumer, avec le
SRC et le SEM, une activité illégitime de nature à compromettre la sécurité
intérieure ou extérieure de la Suisse au sens de l'art. 53 let. b LAsi (cf. consid. 3.9,
3.10 et 4.9). Pour les raisons exposées ci-après, le recourant n'a pas réfuté
cette présomption.
5.2 Lors
de son audition du 5 avril 2013, le recourant s'est borné à des déclarations
évasives sur les circonstances dans lesquelles il a été amené à participer à
cet évènement, sur le réseau de connaissances lui ayant permis d'accéder à
ce congrès et sur le déroulement de celui-ci. Il n'a fourni aucune information sur les
organisateurs de la réunion ni sur les participants, hormis sur leur nombre, donnée correspondant
aux informations transmises au SRC, probablement par la police néerlandaise. Pour expliquer son
incapacité à fournir des explications substantielles, il s'est retranché derrière
le fait que son téléphone portable et les notes prises en réunion avaient été
saisis et confisqués par les autorités néerlandaises et qu'il ne pouvait, par voie
de conséquence, rien dire de plus.
5.3 Ce
n'est qu'au stade de son recours qu'il a affirmé qu'il ne s'agissait
pas d'une réunion du PKK/Kongra-Gel comme prétendu par le SEM, sans donner de plus amples
précisions. C'est effectivement à tort que le SEM a constaté, lors de l'audition
du 5 avril 2013 et dans la décision attaquée, que le congrès précité avait
été organisé et tenu par le PKK/Kongra-Gel en tant que tel, alors qu'il s'agissait
de l'une de ses organisations européennes affiliées, à savoir le Komalen Ciwan.
Cette imprécision est toutefois sans conséquence, dès lors qu'elle a été
rectifiée par le Tribunal dans son ordonnance du 24 octobre 2017, que le Komalen Ciwan est
l'une des faces de l'organisation de jeunesse du PKK, le Ciwanen Azad étant l'autre
face, que le recourant était à même de reconnaître cette imprécision, et qu'en
tout état de cause, il a pu se déterminer de manière conforme aux exigences du droit d'être
entendu, notamment en déposant ses observations le 9 novembre 2017.
5.4 Dans
sa prise de position du 27 février 2014 et son mémoire de recours, le recourant n'a
pas contesté sa qualité de membre du Ciwanen Azad, mais uniquement sa qualité de cadre,
tout en ayant négligé de mentionner quels étaient ses liens avec le Komalen Ciwan. En
revanche, il n'a jamais contesté sa participation au congrès de décembre 2012, ce
qui paraît d'ailleurs raisonnable puisqu'il a immédiatement déduit des questions
posées par le SEM sur son séjour aux Pays-Bas que cette autorité détenait des informations
à ce sujet suite à son arrestation par la police néerlandaise (cf. pv de l'audition
du 5 avril 2013, rép. 38). S'il s'était agi d'un congrès avec
un accès libre aux Kurdes sympathisants du PKK, comme le recourant l'a laissé entendre
(cf. pv de l'audition du 5 avril 2013, rép. 92), le nombre de participants aurait
été manifestement plus grand, compte tenu du nombre élevé de participants aux manifestations
de rue pro-PKK rassemblant aux Pays-Bas, respectivement en Allemagne voisine, des milliers, voire des
dizaines de milliers de sympathisants. Malgré les questions posées lors de son audition du
5 avril 2013 sur ce congrès, le recourant est demeuré à tel point évasif -
sans pouvoir expliquer valablement ce comportement - qu'il y a lieu de conclure
qu'il a tu consciemment des informations essentielles à
la résolution de son cas. Par la suite, à aucun moment de la procédure devant le SEM,
puis le Tribunal, il n'a apporté d'information substantielle nouvelle, se bornant à
nier certains faits pertinents établis ou à en contester l'importance, respectivement
la portée. Il n'a fourni aucune information sur les organisateurs du congrès annuel du
Komalen Ciwan, alors qu'il lui aurait été aisé de rectifier l'imprécision
commise par le SEM dans la décision attaquée. Par son refus de répondre aux questions
claires et précises qui lui ont été posées, en particulier de fournir des indications
exactes et complètes sur des faits déterminants qu'il était censé connaître,
et par son attitude systématiquement évasive, le recourant a cherché à provoquer
une fausse apparence sur des faits essentiels. Ce faisant, il a failli à son obligation de collaborer
à l'établissement de faits qu'il devait mieux connaître que les autorités
suisses (cf. art. 8 al. 1 in initio LAsi ; cf. aussi art. 90 let. a
LEtr, applicable par analogie) et est réputé avoir dissimulé des faits pertinents pour
l'issue de la cause (cf. ATF 142 II 265 consid. 3.1 ;
cf. aussi ATF 2C_736/2015 du 22 février 2016 consid. 3.2.1;
2C_403/2011 du 2 décembre 2011 consid. 3.3.3).
5.5 Par
ordonnance du 24 octobre 2017, le Tribunal a communiqué au recourant les informations
essentielles complètes ayant amené le SRC à retenir qu'il appartenait au Komalen
Ciwan, voire occuperait une fonction de cadre au sein de cette organisation, auxquelles le SEM avait
eu accès en procédure de première instance (cf. Faits, let. S). Le recourant
n'a toutefois fourni aucun élément de preuve en sens contraire. Dans son recours, comme
dans ses observations du 9 novembre 2017, il a persisté dans le déni, en insistant sur
le caractère culturel à la fois de l' « association » en cause et
de la manifestation à laquelle il avait participé en décembre 2012 aux Pays-Bas. C'est
à tort qu'il argue que cette manifestation a été d'une nature analogue à
toutes celles, publiques, auxquelles se joignent de milliers de Kurdes, voire de Suisses, dans le cadre
strict de l'expression d'une opinion politique constitutionnellement garantie, à savoir
la défense des droits fondamentaux des Kurdes en Turquie. Dans ses observations du 9 novembre
2017, il nie, contrairement à ce qui avait été jusqu'alors le cas, même sa
qualité de membre du Ciwanen Azad (sous-entendu y compris du Komalen Ciwan), et prétend qu'il
n'a jamais acquis de fonction dirigeante ni n'est retourné pour un quelconque motif
dans une région kurde. Il lui est vain de mettre en exergue que les activités mentionnées
dans l'ordonnance précitée remontent à 2012 et 2013. En effet, d'une part,
il a adopté une attitude de dissimulation lui faisant perdre en crédibilité personnelle.
D'autre part, il admet poursuivre des activités militantes similaires qu'il décrit
toujours comme uniquement pacifiques, en faveur de la cause kurde, alors qu'il est notoire que
la frange plus secrète de l'organisation de jeunesse recrute des combattants pour l'aile
armée du PKK (cf. consid. 4.5 et 4.7 ci-avant) et que tel a été le cas lors
du congrès de décembre 2012 auquel il a participé (cf. consid. 5.1).
5.6 L'argument
de son recours, réitéré dans ses observations du 9 novembre 2017, sur l'ampleur
du militantisme pro-kurde parmi la diaspora en Suisse et en Europe, duquel il ne se distinguerait pas,
ne permet aucunement de mettre sérieusement en doute l'exercice, de sa part, d'un activisme
militant et de responsabilités conformes aux buts du Komalen Ciwan et donc du PKK. Il lui est vain
d'invoquer que sa lutte pour le respect des droits humains du peuple kurde est légitime et
purement pacifique, à partir du moment où il a participé à des activités concrètes
de la branche obscure de l'organisation de jeunesse du PKK qui doivent être considérées
comme étant par essence susceptibles de mettre en danger la sécurité intérieure et
extérieure de la Suisse (cf. consid. 4.7 ; voir aussi Noto,
op. cit., p. 286) et sur lesquelles il est resté absolument muet.
Il n'y a donc aucun besoin de vérifier encore si l'intéressé s'est
exprimé effectivement de manière pacifique ou s'il a lancé des appels à la
violence ou à la haine qui n'entreraient pas dans l'exercice protégé de la
liberté d'expression (cf. consid. 4.9 in fine).
5.7 Pour
le reste, et compte tenu de son refus de s'exprimer de manière substantielle, en violation
de son devoir de collaboration, sur des faits établis qu'il persiste à nier, et donc
à dissimuler d'autres faits à lui connus, le recourant est présumé avoir gardé
des contacts étroits avec le Komalen Ciwan. A fortiori, il n'est pas possible d'exclure
que le recourant ait pu ou puisse encore à terme prendre clandestinement d'autres fonctions
en Suisse ou en Europe ou même retourner dans les régions kurdes pour asseoir son statut de
personne dirigeante en participant d'une manière ou d'une autre aux activités du
PKK ou de ses groupes affiliés. Son argument selon lequel des anciens combattants du PKK et même
des cadres de haut niveau du PKK (dont il n'a pas dit comment il aurait pu le savoir) sont au bénéfice
de l'asile en Suisse, de sorte qu'il ne saurait, lui, être exclu de l'asile, n'est
pas non plus décisif. En effet, le principe de la légalité prime celui de l'égalité
de traitement.
5.8 En
résumé, comme il appert des éléments de fait communiqués par le SRC au SEM,
le recourant a été actif au sein ou pour le compte du Komalen Ciwan, dont les activités
sont propres à compromettre la sécurité extérieure et intérieure de la Suisse
(cf. consid. 3.7.1 et 4.8), dans la mesure où cette organisation clandestine participe
au recrutement de futurs cadres du PKK et de combattants pour sa branche armée. Ayant persisté
dans le déni, n'ayant exprimé aucun regret et ne s'en étant, a fortiori, pas
clairement distancié par des actes concluants, il n'a pas renversé la présomption
de fait selon laquelle il est aujourd'hui encore actif au sein ou pour le compte de cette organisation.
5.9 En
conclusion, il y a des raisons sérieuses de croire que la présence en Suisse du recourant compromet
la sûreté de la Suisse. Partant, cette condition mise à l'application de l'art. 53
let. b LAsi est remplie.
6.
Se
pose encore la question de savoir si le refus de l'asile est conforme au principe de proportionnalité.
6.1 L'art. 8
de l'ancienne loi sur l'asile du 5 octobre 1979 (RO 1980 1718 ; ci-après :
aLAsi) était formulé comme suit : « L'asile n'est pas accordé
à l'étranger qui en paraît indigne en raison d'actes répréhensibles,
ni à celui qui a porté atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure
de la Suisse ou qui la compromet ». Il correspondait, pour l'essentiel, à l'art. 53
let. a et let. b LAsi, avec toutefois deux différences. La première tient à
leurs intitulés : alors que dans l'ancienne loi (et par conséquent la jurisprudence
y relative) la notion d'indignité ne concernait que les actes répréhensibles, elle
recouvre désormais aussi la menace à la sécurité intérieure ou extérieure
de la Suisse. La seconde différence consiste dans le remplacement du terme « étranger »
figurant à l'art. 8 aLAsi par celui de « réfugié », autrement
dit dans la précision que l'art. 53 LAsi « ne peut en principe être appliqué
qu'à des réfugiés » (cf. Message concernant la révision totale de
la loi sur l'asile ainsi que la modification de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement
des étrangers du 4 décembre 1995 [ci-après : Message précité du 4.12.1995],
FF 1996 II 1, spéc. 72). Partant, la seule conséquence juridique prévue par l'art. 53
LAsi est l'exclusion de l'asile. C'est le lieu de rappeler que les motifs d'indignité
prévus par l'art. 1F Conv. réf. sont directement applicables, de sorte que
le requérant d'asile qui tombe sous le coup de cette disposition conventionnelle demeure exclu de
toutes les dispositions de la Conv. réf., en particulier de la reconnaissance de la qualité
de réfugié et de la protection issue du principe de non-refoulement (cf. JICRA 1996 no 18
consid. 7d ; voir aussi Message précité du 4.12.1995, FF 1996 II 1, spéc. 70
à 72).
6.2 Dans
le cadre de l'application de l'art. 8 aLAsi, la CRA a jugé qu'en vertu du
principe de la proportionnalité, il fallait tenir compte, en matière d'indignité
(en raison d'actes répréhensibles), du temps écoulé depuis la commission de
l'infraction en s'inspirant des règles relatives à l'action pénale.
Elle a précisé, en substance, que la pesée des intérêts devait avoir lieu au
stade de l'examen de la question de savoir si la condition relative à la commission d'actes
répréhensibles était remplie, question qui était confondue avec celle de savoir si
un délit très ancien pouvait encore être qualifié d' « acte répréhensible
» (cf. JICRA 1996 no 40 consid. 6b)
; la pesée des intérêts n'avait donc pas lieu au stade de l'application de
la conséquence juridique prévue lorsque cette condition était réalisée. En revanche,
dans un arrêt ultérieur, par un glissement sémantique, la CRA a estimé qu'en
raison du laps de temps écoulé depuis la commission des actes répréhensibles, inférieur
à celui de la prescription pénale, l'application du nouvel art. 53 LAsi au cas d'espèce
était conforme au principe de la proportionnalité (cf. JICRA 2002 no 9
consid. 7d aa in fine).
6.3 C'est
ainsi que, pour ce qui a trait à l'application des art. 53 LAsi et 63 al. 2 LAsi,
le Tribunal a jugé qu'il convenait de vérifier si le refus de l'asile respectivement
sa révocation était conforme au principe de proportionnalité, eu égard au temps écoulé
depuis les faits, à l'amendement de l'intéressé et aux inconvénients qu'entraînait
pour lui la décision de refus, respectivement de révocation (cf. ATAF 2012/20 consid. 5.2),
ou encore à l'âge du réfugié au moment de la commission des faits (cf. ATAF
2011/29 consid. 9.2.4). Il s'agissait selon lui de mettre en balance l'intérêt
public à l'application de la clause d'exclusion de l'asile, respectivement de
révocation de l'asile avec l'intérêt privé de l'intéressé
en sens contraire, eu égard aux aspects précités (cf. ATAF 2013/23 consid. 3.4
et réf. cit.; 2012/20 consid. 5.2; 2011/29 consid. 9.3 et 9.4). Le Tribunal a ainsi
repris la dernière jurisprudence de la CRA en l'appliquant indifféremment aux cas d'indignité
en raison d'actes répréhensibles et à ceux, désormais également d'indignité,
en raison d'une menace à la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse,
sans toutefois procéder à une analyse sur les conséquences du changement législatif
sur le contenu de la jurisprudence antérieure.
6.4 L'art. 53
LAsi est rédigé sous la forme d'une norme impérative (comme l'est d'ailleurs
la clause de révocation de l'asile de l'art. 63 al. 2 LAsi). Aussi, lorsque
l'une de ses conditions alternatives d'application est remplie (en l'occurrence, la
mise en danger de la sûreté de la Suisse), l'autorité ne dispose en principe pas
d'un pouvoir d'appréciation qui lui permettrait de choisir entre l'application
ou non de cette disposition, qu'elle devrait exercer en conformité au principe de proportionnalité.
En effet, le refus de l'asile au réfugié reconnu représente la mesure la moins incisive
en droit d'asile. Le législateur n'a pas prévu la possibilité pour l'autorité
de ne donner qu'un simple avertissement (comme par exemple à l'art. 96 al. 2
LEtr). Cela n'aurait d'ailleurs guère de sens. En effet, d'une part, un tel avertissement
s'avérerait probablement inefficace du point de vue de la protection de l'Etat. D'autre
part, l'intéressé n'est pas exposé au risque d'un refoulement de Suisse,
mais uniquement à un statut en Suisse (celui de réfugié admis provisoirement) moins favorable
que l'asile. En effet, le droit fondamental du réfugié d'être protégé
contre le refoulement, ancré à l'art. 33 al. 1 Conv. réf., à
l'art. 25 al. 2 Cst. (RS 101) et à l'art. 5 LAsi, est respecté par
le règlement des conditions de séjour du recourant conformément aux dispositions sur l'admission
provisoire ; ni l'art. 33 al. 2 Conv. réf. (expulsion d'un réfugié représentant
un danger pour la sécurité du pays) ni l'art. 5 al. 2 LAsi (exception au principe
de non-refoulement en cas de danger pour la communauté) ne trouvent application en l'absence
d'une mise en danger plus grave de l'ordre public (cf. consid. 3.2 et 3.7.5 ci-dessus).
6.5 Enfin,
il convient de rappeler que l'octroi de l'asile, contrairement à la reconnaissance de la qualité
de réfugié, est un acte de souveraineté (cf. ATAF 2014/40 consid. 3.4.1; 2012/20
consid. 6.2; voir aussi Message précité du 4.12.1995, FF 1996 II 1, spéc. 70),
de sorte que l'on ne voit guère en quoi l'exclusion de l'asile pourrait représenter
une atteinte aux droits fondamentaux matériels du réfugié reconnu, atteinte qui serait
soumise à l'ensemble des restrictions de l'art. 36 Cst.
6.6 Cette
question relative au pouvoir d'appréciation conféré ou non à l'autorité
n'a toutefois pas lieu d'être approfondie en la présente espèce, pas plus
que celle de savoir s'il y a lieu de revenir sur la jurisprudence du Tribunal citée au considérant
précédent. Elles peuvent demeurer indécises au vu du considérant suivant.
6.7 En
effet, on ne voit pas les raisons pour lesquelles l'intérêt privé du recourant à
être autorisé, en tant que réfugié, à séjourner en Suisse au titre de l'asile,
plutôt que de la seule admission provisoire, pourrait l'emporter sur l'intérêt
public à refuser de lui octroyer l'asile pour des raisons ayant trait à la sûreté
du pays. Comme déjà dit (cf. spéc. consid. 3.11), l'actualité de
la menace potentielle fait partie intégrante de la condition d'application de l'art. 53
let. b LAsi qu'est, en l'occurrence, la mise en danger de la sûreté de la
Suisse. Enfin, le recourant n'invoque aucun élément de fait d'ordre personnel qui
rendrait la mesure disproportionnée à son endroit.
6.8 Au
vu de ce qui précède, le refus de l'asile au recourant ne saurait violer le principe
de proportionnalité.
7.
Au
vu de ce qui précède, l'exclusion de l'asile par le SEM ne repose pas sur un établissement
inexact ou incomplet de l'état de fait pertinent et est justifiée en droit. Le SEM n'a
commis aucun abus ou excès de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 106 al. 1
LAsi).
8.
Le
recours, mal fondé, doit donc être rejeté, et la décision de refus de l'asile
être confirmée.
9.
9.1 La
demande de dispense du paiement des frais de procédure ayant été admise par décision
incidente du 16 mai 2014, il est statué sans frais (cf. art. 65 al. 1 PA).
9.2 Le
recourant ayant succombé dans ses conclusions, le Tribunal doit payer au mandataire d'office
une indemnité à titre d'honoraires et de débours (cf. art. 65 al. 2 PA).
L'indemnité est fixée sur la base du décompte de prestations du 10 novembre
2017, les prestations listées dès le 3 avril 2014 étant prises en considération
(cf. art. 14 FITAF). Seuls les frais nécessaires sont indemnisés (cf. art. 8
al. 2 FITAF), étant précisé que le mandataire, pour avoir suivi l'affaire déjà
devant l'ODM, avait, au moment du dépôt du recours, une pleine connaissance du dossier.
Le tarif horaire est de 130 francs (cf. Faits, let. P).
L'indemnité est ainsi arrêtée à 1'987 francs, à charge du Tribunal
(soit 14,5 heures de travail au tarif-horaire de 130 francs, à quoi s'ajoutent 102 francs
pour les frais).