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Cour IV

D-5920/2012

 

 

 


Faits :

A.
En date du 29 mai 2012, A._______ a déposé une demande d'asile en Suisse.

Entendu le 8 juin 2012 dans le cadre d'une audition sommaire, le requérant a déclaré qu'avant de venir en Suisse, il avait transité par différents pays, notamment l'Italie et l'Angleterre, où il avait respectivement déposé des demandes d'asile en septembre 2006 et janvier 2007. Invité à se déterminer sur le prononcé éventuel d'une décision de non-entrée en matière, ainsi que sur son éventuel transfert vers l'Italie, Etat potentiellement responsable pour traiter sa demande d'asile, il s'est opposé à la prise d'une telle décision de transfert. A cet égard, il a relevé qu'il ne souhaitait pas retourner dans cet Etat, dès lors que son épouse, C._______, et son fils, D._______, se trouvaient en Suisse au bénéfice de la qualité de réfugié.

Suite à la demande d'informations adressée par l'ODM aux autorités italiennes, celles-ci ont répondu que l'intéressé s'était vu délivrer un permis de séjour pour des raisons humanitaires, lequel était arrivé à échéance. Elles ont précisé qu'il en avait demandé le renouvellement en 2012.

B.
En date du 5 septembre 2012, l'ODM a soumis aux autorités italiennes compétentes une requête aux fins de reprise en charge fondée sur l'art. 16 par. 1 point e du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers (Journal officiel des Communautés Européennes [JO] du 25.2.2003 ; ci-après : règlement Dublin II).

Lesdites autorités n'ont pas répondu à cette demande dans le délai prévu par le règlement Dublin II (art. 18 par. 1 et art. 20 par. 1 point b).

C.
Par décision du 19 octobre 2012 (notifiée le 7 novembre suivant), l'ODM, se fondant sur l'art. 34 al. 2 let. d
de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsiRS 142.31), n'est pas entré en matière sur la demande d'asile de l'intéressé, a prononcé le transfert de celui-ci vers l'Italie, pays compétent pour traiter sa requête selon l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre ou en Suisse (AAD, RS 0.142.392.68), et a ordonné l'exécution de cette mesure, constatant l'absence d'effet suspensif à un éventuel recours contre dite décision.

D.
Dans le recours qu'il a interjeté le 14 novembre 2012 contre la décision précitée, l'intéressé a conclu principalement à l'annulation de celle-ci et à l'entrée en matière sur sa demande d'asile, ainsi qu'à la reconnaissance de la qualité de réfugié. Il a demandé à ce que la compétence de la Suisse pour traiter sa requête soit reconnue en vertu de l'art. 7 du règlement Dublin II, voire de l'art. 8 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101), son épouse et son fils s'étant vus reconnaître la qualité de réfugié et octroyer l'asile en Suisse. A l'appui de ses allégations, il a produit une copie de son certificat de mariage religieux (dont il avait transmis l'original à l'ODM après le prononcé de la décision attaquée), son acte de mariage civil, ainsi qu'une copie d'une échographie réalisée le [...] 2012, censée démontrer que son épouse était enceinte de leur deuxième enfant.

Par ailleurs, il a sollicité l'octroi de l'effet suspensif et de l'assistance judiciaire partielle.

E.
Par décision incidente du 19 novembre 2012, le juge instructeur a accordé l'effet suspensif au recours, a renoncé à percevoir une avance de frais et a signalé qu'il serait statué ultérieurement sur la demande d'assistance judiciaire partielle.

F.
Invité à se prononcer sur le recours, l'ODM en a proposé le rejet dans sa détermination du 11 décembre 2012. Dit office a estimé que les déclarations de l'intéressé ainsi que les moyens de preuve versés en cause n'étaient pas à même de réfuter la responsabilité de l'Italie de mener la procédure d'asile et de renvoi. Il a, plus particulièrement, relevé que la relation conjugale des époux, interrompue pendant environ 6 ans, n'était ni stable ni effective. Il a ajouté que le lien de paternité avec D._______ n'était pas établi et que le fait de produire une échographie ne démontrait pas qu'il était le père de l'enfant à naître.

G.
Faisant usage de son droit de réplique, le 28 décembre suivant, le recourant a contesté cette appréciation, faisant principalement valoir que sa longue période d'absence auprès de son épouse et de son fils était un cas de force majeure, qu'il avait été excessivement difficile de garder contact et qu'il avait voulu les protéger.

H.
Le 8 mars 2013, l'intéressé a produit une vidéo de son mariage avec C._______ et a déclaré qu'il était prêt à se soumettre à un test de paternité pour prouver qu'il était le père de D._______ et de l'enfant à naître.

I.
En date du [...] 2013, C._______ a donné naissance à une fille.

J.
Les autres faits et arguments de la cause seront examinés, si nécessaire, dans les considérants qui suivent.

 

Droit :

1.  

1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal), en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PARS 172.021), prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions rendues par l'ODM concernant l'asile peuvent être contestées devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 105 en relation avec l'art. 6a al. 1 LAsi, art. 33 let. d LTAF et art. 83 let. d ch. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF, RS 173.110]).

1.2 L'intéressé a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et le délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 48 al. 1 et 52 PA, applicables par renvoi de l'art. 37 LTAF, et 108 al. 2 LAsi).

1.3 Saisi d'un recours contre une décision de non-entrée en matière sur une demande d'asile, le Tribunal se limite à examiner le bien-fondé d'une telle décision (cf. ATAF 2012/4 consid. 2.2 p. 26, ATAF 2009/54 consid. 1.3.3 p. 777, ATAF 2007/8 consid. 5 p. 76 ss ; Ulrich Meyer/Isabel von Zwehl, L'objet du litige en procédure de droit administratif fédéral, in : Mélanges en l'honneur de Pierre Moor, Berne 2005 p. 435 ss). Partant, la conclusion du recours tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié est irrecevable.

2.
Le Tribunal examine librement l'application du droit public fédéral, la constatation des faits et l'opportunité (art. 106 al. 1 LAsi), sans être lié par les arguments invoqués à l'appui du recours (art. 62 al. 4 PA, par renvoi des art. 6 LAsi et 37 LTAF) ni par la motivation retenue par l'autorité de première instance. Il peut ainsi admettre un recours pour un autre motif que ceux invoqués devant lui ou le rejeter en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité intimée (ATAF 2010/54 consid. 7.1 p. 796, ATAF 2009/57 consid. 1.2 p. 798 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral D- 2076/2010 du 16 août 2011 consid. 1.2 p. 7 s.).

3.
Il y a lieu de déterminer si - dans le cas d'espèce - l'ODM était fondé à faire application de l'art. 34 al. 2 let. d LAsi, disposition en vertu de laquelle l'office fédéral n'entre pas en matière sur une demande d'asile lorsque le requérant peut se rendre dans un Etat tiers compétent, en vertu d'un accord international, pour mener la procédure d'asile et de renvoi.

3.1 En vertu de l'AAD et selon l'art. 29a al. 1 et 2 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1, RS 142.311), l'ODM - avant de faire application de l'art. 34 al. 2 let. d LAsi - examine la compétence relative au traitement d'une demande d'asile selon les critères fixés dans le règlement Dublin II. S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande d'asile, l'ODM rend une décision de non-entrée en matière après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du requérant d'asile (cf. ATAF 2012/4 consid. 2.3 et ATAF 2010/45 consid. 3.2).

3.2 Aux termes de l'art. 3 par. 1 du règlement Dublin II, une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, celui-ci étant déterminé à l'aide des critères fixés à son chapitre III (art. 6 à 14). Ces critères de détermination de l'Etat responsable du traitement de la demande d'asile sont répartis en quatre grandes catégories de liens (familiaux, administratifs, matériels et de fait). En plus de ces quatre catégories, le règlement Dublin II prévoit une série de situations humanitaires à prendre en compte. Chaque critère de détermination de l'Etat responsable n'a vocation à s'appliquer que si le critère qui le précède dans le règlement est inopérant dans la situation en question (principe de l'application hiérarchique des critères du règlement ; art. 5 par. 1 règlement Dublin II).

3.3 Sur la base de l'art. 3 par. 2 du règlement Dublin II ("clause de souveraineté") et par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement. Selon la jurisprudence (cf. ATAF 2012/4 consid. 2.4, ATAF 2011/9 consid. 4.1 et 8.1, et ATAF 2010/45), il y a lieu de renoncer au transfert au cas où celui-ci ne serait pas conforme aux engagements de la Suisse relevant du droit international, ou encore pour des raisons humanitaires, en application de l'art. 29a al. 3 OA 1.

4.
En l'espèce, l'Italie n'a pas répondu à la demande de reprise en charge du 5 septembre 2012 dans le délai prévu à l'art. 20 par. 1 point b du règlement Dublin II, de sorte qu'elle est réputée l'avoir acceptée (cf. art. 20 par. 1 point c du règlement Dublin II) et, partant, avoir reconnu sa compétence pour traiter la demande d'asile de A._______.

4.1 L'intéressé a toutefois invoqué le principe de l'unité familiale, tel qu'énoncé en particulier à l'art. 8 CEDH, pour contester la compétence de l'Italie comme Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il estime qu'en vertu de l'art. 7 du règlement Dublin II, c'est la Suisse qui est compétente pour traiter sa demande d'asile, dès lors que son épouse et son fils se trouvent en Suisse au bénéfice de la qualité de réfugié.

En procédant de la sorte, il a fait valoir un droit subjectif, lequel le légitime à contester la manière dont l'ODM a fait application des critères de détermination prévus par le règlement Dublin II et ce même si celui­ci s'applique avant tout entre les Etats parties (Christian Filzwieser/Andrea Sprung, Dublin II Verordnung - Das Europäische Asylzuständigkeitssystem, 3ème éd., Vienne/Graz 2010, art. 19, chapitre 9 p. 152ss).

4.2 Afin de déterminer l'Etat compétent pour traiter la demande d'asile de A._______, l'ODM - dans sa décision du 19 octobre 2012 - n'a pas tenu compte des allégations de celui-ci relatives aux membres de sa famille, à savoir son épouse et son fils, se trouvant en Suisse au bénéfice de la qualité de réfugié. Cet office n'a donc pas examiné s'il se justifiait d'appliquer l'art. 7 du règlement Dublin II. Il s'est uniquement penché sur cette question dans le cadre de l'examen de la licéité de l'exécution du "renvoi" (recte : transfert) de l'intéressé vers l'Italie. Ainsi, arguant que les liens familiaux entre celui-ci, C._______ et D._______ n'étaient nullement démontrés et que la relation conjugale alléguée n'était ni stable ni effective, dès lors qu'ils auraient vécu séparément entre 2006 et 2012, il a considéré que l'application de l'art. 8 CEDH ne se justifiait pas.

4.3 Avant de se prononcer sur une éventuelle application de l'art. 8 CEDH, il sied toutefois d'examiner si, en l'occurrence, les conditions d'application de l'art. 7 du règlement Dublin II sont remplies.

4.3.1 Selon cette disposition, si un membre de la famille du demandeur d'asile, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que réfugié dans un Etat membre, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande d'asile, à condition que les intéressés le souhaitent.

Ce critère de détermination de l'Etat membre responsable pour le traitement de la demande d'asile prévaut sur celui, fixé à l'art. 13 du règlement, du lieu de dépôt de la première demande d'asile (cf. dans ce sens art. 5 du règlement Dublin II et consid. 3.2 ci-avant), retenu implicitement par l'autorité inférieure dans sa décision du 19 octobre 2012.

Cela étant, il convient de préciser que la restriction de la notion de famille contenue à l'art. 2 point i du règlement Dublin II ("dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine") ne s'applique pas à l'art. 7 dudit règlement.

En effet, selon le principe dit "de pétrification" (en allemand : Versteinerungs­prinzip) de l'art. 5 par. 2 dudit règlement, il y a lieu de se référer à l'état de fait tel qu'il existait au moment où le demandeur d'asile a déposé sa demande pour la première fois auprès d'un Etat membre. Ainsi, le critère de détermination de l'Etat membre responsable de l'art. 7 du règlement Dublin II ne sera applicable que si la famille existait déjà au moment du dépôt de la première demande d'asile du requérant dans un Etat membre, et si le membre de sa famille dont il est question s'était alors déjà vu reconnaître la qualité de réfugié dans un autre Etat membre (Filzwieser/Sprung, op. cit., art. 7, chapitre 1, p. 91 ; Mathias Hermann, Das Dublin System, Eine Analyse der europäischen Regelungen über die Zuständigkeit der Staaten zur Prüfung von Asylanträgen unter besonderer Berücksichtigung der Assoziation der Schweiz, Zurich/Bâle/Genève 2008, p. 90 ss).

4.3.2 En l'occurrence, le moment déterminant pour établir si l'art. 7 du règlement Dublin II est ou non applicable est celui où A._______ a demandé l'asile en Italie, à savoir en septembre 2006. Il s'agit donc de savoir si, à ce moment-là, il était, d'une part, déjà marié avec C._______ et si, d'autre part, celle-ci s'était alors déjà vue reconnaître la qualité de réfugié en Suisse.

Lors du dépôt de sa demande d'asile en juillet 2011, C._______ a indiqué être mariée avec le recourant depuis le 1er février 2003. Elle n'avait alors aucune raison de mentir à ce sujet. Lors de l'audition sommaire du 8 juin 2012, celui-ci a à son tour indiqué que son épouse, avec laquelle il était marié depuis février 2003, et son fils se trouvaient en Suisse. Il ressort également du procès­verbal établi à cette occasion que l'autorité inférieure, après avoir vérifié le bien-fondé de cette information, a constaté que C._______ et son enfant D._______ étaient entrés en Suisse le [...] 2011 et s'y étaient vu reconnaître la qualité de réfugié et octroyer l'asile le [...] 2012. En conséquence, indépendamment de la valeur probante des documents fournis au stade du recours, aucun élément du dossier ne permet d'exclure que le recourant est marié avec C._______, qu'il l'était déjà en septembre 2006 et qu'il est le père de D._______ (né le [...] 2005) ainsi que de l'enfant née le [...] 2013.

Cependant, force est de constater qu'en septembre 2006, C._______ et D._______ ne bénéficiaient pas encore de la qualité de réfugié en Suisse, de sorte que l'art. 7 du règlement Dublin n'est pas applicable dans le cas d'espèce.

5.
Au vu de ce qui précède, l'Italie est en principe compétente pour traiter la demande d'asile du recourant, en vertu de l'art. 13 du règlement Dublin II.

Toutefois, au vu de la situation familiale de l'intéressé et du fait que C._______, l'épouse présumée du recourant, et leur enfant commun D._______ se sont vu reconnaître la qualité de réfugié et octroyer l'asile en Suisse, il convient encore d'examiner s'il se justifie d'appliquer la clause de souveraineté prévue par l'art. 3 par. 2 du règlement Dublin II, en lien avec l'art. 8 CEDH, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale.

5.1 Tous les Etats membres ayant également adhéré à la CEDH, ils sont tenus d'appliquer le règlement précité d'une manière conforme aux exigences découlant de la protection des droits fondamentaux et par voie de conséquence aussi à ceux garantis par l'art. 8 CEDH. Ainsi, dans les cas où l'unité de la famille, telle que définie par cette disposition, est compromise par une décision de ne pas examiner une demande d'asile et de transférer le demandeur d'asile concerné vers l'Etat en principe compétent, l'Etat saisi a l'obligation, en droit international, de faire application de la clause de souveraineté (Francesco Maiani, L'unité familiale et le système de Dublin - Entre gestion des flux migratoires et respect des droits fondamentaux, thèse de doctorat, Helbling et Lichtenbahn, Genève, Bâle, Munich 2006, p. 278ss et p. 297).

Cela étant, il est utile de rappeler que même des atteintes à caractère temporaire de l'unité familiale sont de nature à porter atteinte à l'art. 8 CEDH. En effet, une séparation de durée limitée des membres d'une même famille peut constituer une violation du droit au respect de la vie familiale (cf. arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme [CourEDH] W. c. Royaume Uni du 9 juin 1988, requête n° 9749/82, et Jakupovic c. Autriche du 6 février 2003, requête n° 36757/97). L'unité familiale peut, le cas échéant, même être durablement compromise lorsque l'un des conjoints et/ou l'un des enfants, comme dans le cas présent, se sont vus reconnaître la qualité de réfugié dans un Etat qui n'est pas celui, en principe, responsable pour le traitement des demandes d'asile des autres membres de la famille au vu des critères de détermination du chapitre III du règlement Dublin II. Que la définition de la famille nucléaire au sens de l'art. 2 point i du règlement précité soit moins large que celle de l'art. 8 CEDH n'a, en l'occurrence, aucune incidence dans la mesure où il y a lieu d'admettre que les liens familiaux des intéressés existaient déjà dans le pays d'origine. En outre, contrairement à ce que retient l'ODM, ce n'est pas parce que le recourant n'a retrouvé sa famille, dont la qualité de réfugié a été reconnue en Suisse, qu'après plusieurs années passées en Italie que les droits garantis en vertu de l'art. 8 CEDH n'ont aucune incidence sur l'issue de la présente cause. L'épouse et l'enfant du recourant disposant, en vertu de leur statut, d'un droit de présence en Suisse, il n'est pas non plus envisageable d'exiger d'eux de reconstituer avec l'intéressé leur cellule familiale en Italie où celui-ci ne bénéficie que d'une protection subsidiaire. Du reste, une démarche entreprise dans ce sens par le recourant une fois de retour en Italie est quasiment d'emblée vouée à l'échec et ce indépendamment de la séparation ultérieure de l'unité familiale qu'elle impliquerait.

5.2 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour pouvoir invoquer l'art. 8 CEDH et s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille, il faut non seulement que l'étranger puisse justifier d'une relation étroite et effective avec une personne de sa famille, mais aussi que cette dernière dispose d'un droit de présence assuré (ou durable) en Suisse (à savoir la nationalité suisse, une autorisation d'établissement ou une autorisation de séjour à l'octroi ou à la prolongation de laquelle la législation suisse confère un droit certain, à l'exclusion de l'admission provisoire). Cette norme conventionnelle vise à protéger principalement les relations existant au sein de la famille au sens étroit (famille nucléaire), et plus particulièrement "entre époux" et "entre parents et enfants mineurs" vivant en ménage commun. Elle ne saurait être invoquée pour protéger d'autres liens familiaux ou de parenté (par exemple entre des parents et un enfant majeur ou un oncle et son neveu) qu'à la condition que l'étranger se trouve dans un rapport de dépendance particulier vis-à-vis du parent ayant le droit de résider en Suisse ; tel est le cas lorsque celui­ci est affecté d'un handicap (physique ou mental) grave ou d'une maladie grave (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_670/2012 du 16 juillet 2012 consid. 3.1 et jurisp. cit.; cf. également ATAF 2012/4 consid. 4.3 et jurisp. cit.).

5.3 Dans le cas d'espèce, A._______ et C._______ se sont mariés en 2003. Ils ont été séparés peu après la naissance de leur fils D._____ en 2005 et ne se sont retrouvés qu'en 2012. S'ils n'ont certes pas eu de vie familiale durant leur séparation, il convient toutefois de relever qu'aujourd'hui ils vivent tous trois sous le même toit depuis l'arrivée en Suisse du recourant, soit depuis le mois de juin 2012, et qu'un second enfant est né de leur union le [...] 2013. Leur relation peut donc actuellement être qualifiée d'étroite et d'effective.

Par ailleurs, C._______, qui s'est vue reconnaître la qualité de réfugié en Suisse, y dispose d'un droit de présence assuré.

Dans sa détermination du 11 décembre 2012, l'ODM a certes mis en doute la réalité du mariage entre A._______ et C._______ en relevant l'absence de valeur probante des documents produits sous cet angle. A cet égard, il sied de relever que, selon le code civil transitoire érythréen, les mariages religieux sont reconnus en Erythrée, au même titre que les mariages civils. Pour contester l'authenticité des deux certificats de mariage produits par le recourant, l'un religieux et l'autre civil, le deuxième faisant état du premier, l'ODM s'est limité à retenir que de tels documents peuvent être obtenus aisément en Erythrée contre rémunération. Ce seul argument ne saurait toutefois convaincre, d'autant moins qu'il ressort du dossier de l'autorité inférieure que ces pièces ne contiennent aucune trace de falsification. Cela étant, rien ne permet de mettre en cause que A._______ et C._______ sont conjoints au sens de l'art. 2 point i i) du règlement Dublin II. Quant à l'argumentation développée par l'ODM, selon laquelle la relation conjugale alléguée n'est pas stable, elle ne saurait être suivie. En effet, selon la disposition précitée, la stabilité de la relation est une condition uniquement pour les "partenaires non mariés" et non pour les conjoints. En l'état, rien ne permet dès lors de mettre en doute la réalité du mariage de A._______ et de C._______.

5.4 En conséquence, le Tribunal estime qu'en l'espèce, un transfert du recourant vers l'Italie ne serait pas compatible avec l'art. 8 CEDH, de sorte qu'il se justifie de faire application de la clause de souveraineté prévue par l'art. 3 par. 2 du règlement Dublin II.

5.5 L'ODM aurait donc dû reconnaître la compétence de la Suisse pour le traitement de la demande d'asile de l'intéressé. Dans ces conditions, c'est à tort qu'il a fait application de l'art. 34 al. 2 let. d LAsi.

6.
Par ailleurs, dans sa demande de reprise en charge du 5 septembre 2012 adressée aux autorités italiennes, l'autorité inférieure a omis de préciser que le requérant avait déclaré que son épouse, C._______, et son fils, D._______, se trouvaient en Suisse, et que ceux-ci s'y étaient vus reconnaître la qualité de réfugié et octroyer l'asile.

Or, selon l'art. 20 par. 1 point a du règlement Dublin II, une requête aux fins de reprise en charge doit mentionner toutes les indications utiles permettant à l'Etat membre requis de vérifier qu'il est responsable.

L'ODM n'a donc pas clairement attiré l'attention des autorités italiennes sur un fait important, de sorte que celles-ci n'ont pas disposé de tous les éléments déterminants permettant de vérifier leur compétence.

A cela s'ajoute que, si lesdites autorités avaient été correctement informées, elles auraient sans doute demandé aux autorités suisses d'examiner elles-mêmes la demande d'asile de l'intéressé, en vertu de la clause humanitaire prévue à l'art. 15 par. 1 du règlement Dublin II. En effet, selon cette disposition, tout Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères définis par le règlement, rapprocher des membres d'une même famille, ainsi que d'autres parents à charge pour des raisons humanitaires, fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. Dans ce cas, cet Etat membre examine, à la demande d'un autre Etat membre, la demande d'asile de la personne concernée. Les personnes concernées doivent y consentir.

7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et la décision attaquée annulée, pour violation du droit fédéral et établissement incomplet de l'état de fait pertinent (art. 106 al. 1 let. a et b LAsi).

La cause est renvoyée à l'autorité inférieure afin que celle-ci examine la demande d'asile présentée par le recourant.

8.  

8.1 Etant donné l'issue de la cause, il n'est pas perçu de frais de procédure (art. 63 al. 1 et 2 PA), de sorte que la demande d'assistance judiciaire partielle formulée par le recourant est sans objet.

8.2 Conformément aux art. 64 al. 1 PA et 7 al. 1 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2), le recourant, qui a eu gain de cause et qui a fait appel à un représentant, a droit à des dépens pour les frais nécessaires causés par le litige.

8.3 En l'absence de relevé de prestations de la part de la mandataire du recourant (cf. art. 14 al. 2 FITAF), l'indemnité due à ce titre à celle-ci est fixée ex aequo et bono à 400 francs.

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