Faits :
A.
A._______
SA (ci-après : la recourante 1) est une société de droit panaméen fondée
le 14 novembre 2000 dont l'ayant droit économique était D._______, ancien ministre chargé
de l'économie, des finances et de l'industrie de la République d'Haïti de juillet 1982
à décembre 1985 sous la présidence de Jean-Claude Duvalier. Après le décès
de D._______ en 2005, sa veuve, B._______ (ci-après : la recourante 2), lui a succédé
en tant qu'ayant droit économique de la recourante 1. Cette dernière est titulaire de
la relation bancaire (...) auprès de (...) à Genève, ouverte le 26 mars 2001.
Une somme de près de 6 millions de francs y a été transférée par ordre du 10 octobre
2001 depuis un compte de la Fondation C._______, de droit liechtensteinois, dont l'ayant droit économique
était une parente de D._______. En date du 11 juillet 2011, les avoirs de la recourante 1
sur ce compte se montaient à 4'179'050 euros.
B.
Le
15 juillet 2011, (...) a transmis au Bureau de communication en matière de blanchiment
d'argent (MROS) une communication selon l'art. 305ter
al. 2 CP concernant les deux relations bancaires précitées en précisant que celle
de la Fondation C._______ avait été clôturée en 2010. Constatant qu'elles étaient
toutes deux liées à D._______ qui, selon ses recherches, avait été accusé de
complicité dans le détournement de fonds publics durant la présidence de Jean-Claude Duvalier,
elle a estimé que ces valeurs patrimoniales pourraient provenir d'un crime. Informé par le
MROS, le Ministère public de la Confédération MPC a ouvert une instruction pénale
contre inconnu pour blanchiment d'argent selon l'art. 305bis
CP et a ordonné le séquestre du compte.
C.
Par
décision du 10 octobre 2012, le Conseil fédéral a bloqué le compte en vertu
de l'art. 2 de la loi du 1er octobre
2010 sur la restitution des avoirs illicites (LRAI, RS 196.1) à titre principal et de l'art. 184
al. 3 Cst. à titre subsidiaire. Il a précisé qu'en application de l'art. 3 LRAI,
le blocage devait être maintenu jusqu'à décision entrée en force sur la confiscation
de ces avoirs. Le Conseil fédéral a relevé que D._______ faisait partie des personnes
visées par les requêtes d'entraide judiciaire adressées en 1986 et 2008 par la République
d'Haïti à la Suisse dans le cadre de procédures judiciaires dirigées contre l'ancien
président Jean-Claude Duvalier ainsi que son entourage (cf. ATF 136 IV 4 pour les détails
de ces requêtes et la suite qui leur a été donnée). Le Conseil fédéral
a rappelé que le Département fédéral des finances DFF avait ouvert le 29 avril
2011 une action auprès du Tribunal administratif fédéral pour la confiscation de valeurs
patrimoniales identifiées comme appartenant à l'ancien président et des membres de sa
famille (procédure C-2528/2011) ; ces biens étaient bloqués sur la base de la LRAI
depuis l'entrée en vigueur de celle-ci le 1er février
2011 et, auparavant, en application de l'art. 184 al. 3 Cst. Il a expliqué que si la banque
s'était conformée à ses obligations en vertu de la législation sur le blanchiment
d'argent, elle aurait annoncé le compte plus tôt et, qu'alors, il aurait fait lui aussi l'objet
de l'action en confiscation. Ce manquement ne devant selon le Conseil fédéral pas empêcher
la LRAI de déployer ses effets, les conditions d'un blocage seraient remplies en l'espèce.
Pour les mêmes motifs, il a prononcé subsidiairement le blocage du compte en vertu de l'art. 184
al. 3 Cst. Le même jour, il a chargé le DFF d'ouvrir une action en confiscation des valeurs.
D.
Par
mémoire du 12 novembre 2012, les recourantes ont formé recours contre la décision
du 10 octobre 2012 en concluant principalement à son annulation sous suite de dépens,
subsidiairement à ce que le Conseil fédéral produise les requêtes d'entraide pénale
internationale du 12 juin 1986 et du 23 mai 2008. À l'appui du recours, les recourantes
déclarent que les avoirs bloqués sont d'origine licite et se trouvent en Suisse depuis des
décennies, soit avant l'exercice par D._______ de ses fonctions ministérielles. Celui-ci aurait
joué un rôle clé dans la chute du régime Duvalier. Elles expliquent que ces fonds
n'avaient jamais fait l'objet d'une mesure de blocage auparavant, ni dans le cadre de la première
demande d'entraide - qui a au final échoué faute pour la République d'Haïti
d'avoir présenté des garanties suffisantes quant à la régularité de la procédure
pénale et pour cause de prescription - ni dans le cadre de la seconde, qui a été
rejetée en raison de la prescription (pour le détail des faits cf. arrêt du Tribunal
fédéral 1C_374/2009 du 12 janvier 2010 publié dans ATF 136 IV 4). Elles relèvent
également que ces valeurs n'étaient pas visées par les décisions de blocage prises
par le Conseil fédéral en 2002 et 2010 sur la base de l'art. 184 al. 3 Cst. Les recourantes
estiment que la LRAI a été adoptée afin de pallier les situations dans lesquelles des
avoirs initialement bloqués à la suite d'une demande d'entraide devraient être libérés
faute pour l'État requérant de satisfaire aux conditions de l'entraide ; elle ne saurait
donc trouver application en l'absence d'une demande d'entraide ou lorsqu'une telle demande n'aboutit
pas pour d'autres motifs que la défaillance de l'État requérant. Or, d'une part, les avoirs
en question n'avaient jamais fait l'objet d'un blocage ; d'autre part, les demandes d'entraide avaient
échoué non en raison de la défaillance de l'État haïtien mais pour cause de
prescription. Leur compte ne peut ainsi faire l'objet d'un blocage en vertu de la LRAI. Les recourantes
déclarent que les deux procédures d'entraide ayant été définitivement rejetées,
elles ne permettent pas de justifier la présente procédure de blocage. En outre, les conditions
prévues dans la disposition transitoire ne seraient selon elles pas remplies non plus puisque les
avoirs n'étaient pas bloqués lors de l'entrée en vigueur de cette loi et qu'une action
en confiscation n'a pas été entreprise dans le délai d'un an prévu par cette disposition.
S'agissant de l'application de l'art. 184 al. 3
Cst., les recourantes font valoir une violation des principes de la légalité, de la bonne foi
et de la proportionnalité ainsi que du devoir de motivation. Elles estiment à cet égard
que la mesure prononcée ne s'avérait ni nécessaire, ni urgente, et qu'elle n'est pas limitée
dans le temps de manière appropriée comme l'exige la jurisprudence. Le Conseil fédéral
n'en aurait en outre pas exposé les motifs de manière suffisante mais se serait contenté
de renvoyer à ceux qu'il a mentionnés en lien avec la LRAI.
E.
Dans
sa réponse du 21 mars 2013, le Conseil fédéral, représenté par le Département
fédéral des finances DFF, a conclu au rejet du recours. Il maintient l'intégralité
de l'état de fait présenté dans la décision attaquée et rappelle les fonctions
exercées par D._______ sous le régime Duvalier, contestant l'allégué selon lequel
il aurait joué un rôle dans la chute du régime. L'autorité inférieure indique
que les demandes d'entraide de 1986 et de 2008 étaient toutes deux dirigées notamment contre
D._______. Celui-ci, utilisant sa fonction de ministre des finances, aurait régulièrement autorisé
que des fonds soient détournés du trésor public. Selon la demande d'entraide de 1986,
il se serait approprié plus de 900'000 dollars américains qui ne représenteraient cependant
qu'une partie des sommes effectivement volées. Le juge d'instruction du canton de Genève chargé
du traitement de la demande d'entraide avait, dans une ordonnance adressée aux banques, requis la
saisie des avoirs éventuels de plusieurs personnes dont D._______. Selon l'autorité inférieure,
la demande de 2008 - le visant en tant que membre de l'organisation criminelle dirigée par
Jean-Claude Duvalier - relatait l'existence de deux procédures pénales à Haïti
à son encontre et renvoyait à l'attestation du ministre de la justice haïtien du 16 janvier
1987 qui avait certifié sa responsabilité dans les détournements. L'autorité inférieure
déclare que, dans son arrêt du 12 août 2009 portant sur la demande d'entraide de
2008 (affaire RR.2009.94), le Tribunal pénal fédéral a estimé que D._______ avait
participé au pillage systématique des caisses de la République d'Haïti. S'agissant
de l'application de la LRAI au cas d'espèce, le Conseil fédéral explique que les demandes
d'entraide haïtiennes ont échoué en raison de la défaillance de la République
d'Haïti qui n'a pas été capable de donner les assurances nécessaires quant à
la régularité de la procédure pénale ; cette incapacité a provoqué
à son tour le rejet de ces demandes pour cause de prescription. Partant, le cas d'espèce tombe
sous le coup de la LRAI qui vise justement à pallier ce genre de situation. Il ajoute que les conditions
du blocage sont remplies compte tenu de l'existence préalable d'une procédure d'entraide visant
D._______, du fait que les avoirs visés se trouvent sous le pouvoir de disposition de la recourante 2
qui fait partie de l'entourage d'une personne politiquement exposée, de la situation de défaillance
déjà mentionnée et de la nécessité de sauvegarder les intérêts de
la Suisse. L'absence de blocage due à la négligence commise par un intermédiaire financier
ne doit pas empêcher l'application de la loi. Selon le Conseil fédéral, la décision
respecte les principes constitutionnels invoqués par les recourantes. À titre subsidiaire,
il estime que le blocage en vertu de l'art. 184 al. 3 Cst. respecte les exigences régissant
son application et s'avère conforme au principe de la proportionnalité dans la mesure où
sa durée est limitée jusqu'à décision entrée en force sur la confiscation des
fonds.
F.
Dans
leur réplique du 9 mai 2013, les recourantes déclarent que D._______ n'était pas
visé par la seconde demande d'entraide et les saisies subséquentes de biens. Son nom n'y aurait
été cité que dans le rappel des faits. Elles indiquent qu'une ordonnance de non-lieu avait
été rendue en sa faveur en 1987. En outre, les deux demandes ont été définitivement
rejetées bien avant que ne soit introduite la présente procédure. De même, le blocage
prononcé le 3 février 2010 sur la base de l'art. 184 al. 3 Cst. portait selon
elles sur des avoirs spécifiques dont ceux de D._______ ne faisaient pas partie. Elles relèvent
que la seconde demande, outre qu'elle ne pouvait pas le concerner après son décès, a échoué
non en raison de l'incapacité des autorités haïtiennes à donner les garanties demandées
- elles ont cette fois au contraire été jugées suffisantes - mais uniquement
pour cause de prescription ce qui infirme l'allégué du Conseil fédéral selon lequel
la République d'Haïti se serait trouvée en situation de défaillance. Attendu que
leur compte ne faisait pas l'objet d'une saisie dans le cadre d'une procédure d'entraide, les conditions
du blocage en vertu de la LRAI ne seraient pas remplies, le texte de la loi s'avérant à cet
égard parfaitement clair. Les recourantes réaffirment que les valeurs sont d'origine licite
ajoutant que la recourante 2 dispose d'une fortune issue de sa famille et de son premier mariage.
S'agissant du blocage sur la base de l'art. 184 al. 3 Cst., elles estiment que le Conseil fédéral
n'en a pas limité la durée de manière conforme aux exigences légales. Enfin, précisant
que les griefs soulevés en lien avec la violation de principes constitutionnels portaient sur le
blocage sur cette base et non en application de la LRAI, elles reprochent au Conseil fédéral
de ne pas y avoir répondu.
G.
Par
duplique du 30 avril 2014, le Conseil fédéral explique que, selon l'analyse du MROS, la
nomination de D._______ comme représentant de la République d'Haïti auprès de l'Organisation
des Nations Unies serait intervenue dans le but de gérer les capitaux du régime Duvalier en
Suisse. Il maintient que son nom figure dans les deux demandes d'entraide. Le Conseil fédéral
indique que, si (...) avait communiqué à temps l'existence des avoirs de la recourante
1, ceux-ci auraient été bloqués dans le cadre de la procédure d'entraide démarrée
en 1986, ensuite dans le cadre de celle de 2008 et enfin en vertu de sa décision du 3 février
2010. Il explique que l'ordonnance de non-lieu rendue en 1987 n'a pas mis fin aux poursuites à son
encontre de manière définitive, ajoutant qu'un juge avait décidé en 1999 d'un renvoi
en jugement à son égard ainsi qu'à celui de Jean-Claude Duvalier. Le Conseil fédéral
déclare que la Suisse a un intérêt essentiel à ne pas servir de refuge aux montants
considérables détournés illégalement par les représentants de régimes dictatoriaux ;
cet intérêt a motivé l'adoption de la LRAI. S'agissant du blocage prononcé sur la
base de l'art. 184 Cst., le Conseil fédéral indique qu'il n'a pas été prononcé
pour une durée illimitée mais jusqu'à la confiscation des fonds ; telle confiscation
interviendrait en vertu de la nouvelle loi fédérale sur le blocage et la confiscation des valeurs
patrimoniales d'origine illicite liées à des personnes politiquement exposées et non pas
en application de la LRAI. Il ajoute que la limitation de la durée de quatre ans prévue à
l'art. 7c al. 2 LOGA concerne les ordonnances rendues en application de l'art. 184 Cst.
et non pas les décisions. Enfin, il estime que la décision de blocage sur la base de l'art. 184
Cst. respecte les principes de la légalité, de la proportionnalité, de la bonne foi et
du droit d'être entendu.
H.
Dans
leurs observations du 10 juin 2014, les recourantes déclarent que la présente affaire
découle d'une situation factuelle et juridique différente de celle qui prévalait en lien
avec les fonds Duvalier dont le Tribunal de céans a prononcé la confiscation par arrêt
C-2528/2011 du 24 septembre 2013. D'une part, les avoirs de D._______ seraient arrivés en Suisse
avant l'exercice par celui-ci de ses fonctions ministérielles, qui n'ont par ailleurs duré
que deux à trois ans ; ainsi, la condition de l'augmentation exorbitante de sa fortune sur
laquelle se fonde la présomption d'illicéité ne serait pas remplie. D'autre part, il aurait
été libéré de toute accusation par jugement rendu par le cabinet d'instruction du
Tribunal civil de Port-au-Prince du 28 décembre 1987 qui n'aurait fait l'objet d'aucun appel.
L'ordonnance de 1999 mentionnée par le Conseil fédéral n'aurait, quant à elle, pas
été suivie d'effet. Les recourantes estiment par conséquent avoir établi, au degré
de la vraisemblance prépondérante, que les avoirs étaient d'origine licite. Elles rappellent
que D._______ n'avait jamais été condamné pénalement de sorte que les affirmations
du Conseil fédéral violeraient la présomption d'innocence. Selon elles, la condition prévue
à l'art. 2 let. a LRAI ne serait pas remplie en l'espèce puisque les avoirs ne faisaient
pas l'objet d'une saisie provisoire au moment de l'intervention de la décision de blocage ;
en outre, à la différence des avoirs Duvalier, ils n'étaient pas bloqués sur la base
de l'art. 184 Cst. de sorte que la disposition transitoire de l'art. 14 LRAI ne les concerne
pas. Faute pour le Conseil fédéral d'avoir déposé une demande de confiscation, une
mesure de blocage en vertu de cette disposition serait de toute manière devenue caduque. Enfin,
elles estiment que le maintien du blocage en vue d'une confiscation sur la base d'une nouvelle loi reviendrait
à appliquer celle-ci avec effet rétroactif et serait incompatible avec la sécurité
du droit.
Les arguments avancés de part et d'autre au cours
de la présente procédure seront repris plus loin dans la mesure où cela se révèle
nécessaire.
Droit :
1.
Le
Tribunal administratif fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (cf. ATAF 2007/6 consid. 1).
1.1 À teneur
de l'art. 31 LTAF, le Tribunal de céans est compétent pour juger des recours contre les
décisions au sens de l'art. 5 PA rendues par l'une des autorités mentionnées à
l'art. 33 LTAF ; en vertu de l'art. 33 let. b ch. 3 LTAF et de l'art. 11
al. 3 LRAI, le recours est notamment recevable contre les décisions du Conseil fédéral
concernant le blocage de valeurs patrimoniales fondé sur la LRAI. La procédure et les voies
de droit sont régies par la PA (art. 11 al. 4 LRAI). Dans la mesure où il est fondé
sur cette loi et revêt la qualité de décision, l'acte attaqué peut faire l'objet
d'un recours auprès du Tribunal de céans. En outre, même s'il intervient aussi en vertu
de l'art. 184 al. 3 Cst. et concerne la sûreté intérieure ou extérieure
du pays, il peut faire l'objet d'un recours puisqu'il porte sur des droits de caractère civil au
sens de l'art. 6 par. 1 CEDH et que, par conséquent, le droit international confère
un droit à ce que la cause soit jugée par un tribunal (art. 32 al. 1 let. a
LTAF ; cf. ATF 132 I 229 consid. 6).
Le Tribunal de céans peut donc connaître de la
présente affaire.
1.2 A qualité
pour recourir quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité inférieure,
est spécialement atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection
à son annulation ou à sa modification (art. 48 al. 1 let. a à c PA). Tel
est indéniablement le cas de la recourante 1 en tant que titulaire du compte bloqué. En
revanche, bien qu'elle se trouve elle aussi destinataire de la décision attaquée, la recourante 2
ne dispose pas de la qualité pour recourir ; en effet, en tant qu'ayant droit économique,
elle ne dispose pas d'un intérêt juridiquement protégé dans la mesure où elle
n'est qu'indirectement touchée et qu'elle peut au demeurant contester la décision attaquée
au travers de la personne détentrice du compte, à savoir la recourante 1 (cf. ATF
139 II 404 consid. 2.1.1, arrêts du TF 6B_422/2013 du 6 mai 2014 consid. 1.2 concernant
une confiscation d'avoirs et 1B_94/2012 du 2 avril 2012 consid. 2.1 portant sur un cas de séquestre).
1.3 Les dispositions
relatives au délai de recours, à la forme et au contenu du mémoire de recours ainsi qu'au
paiement de l'avance de frais (art. 50 al. 1 PA, art. 52 al. 1 et art. 63 al. 4
PA) sont en outre respectées.
Le recours est ainsi recevable en tant qu'il est déposé
par la recourante 1. Il est irrecevable pour ce qui est de la recourante 2. Les arguments et
conclusions de celle-ci sur le fond pourront cependant être traités en tant qu'ils sont communs
aux deux recourantes.
2.
Les
recourantes estiment que la LRAI n'est pas applicable au cas d'espèce car les demandes d'entraide
haïtiennes auraient échoué non pas en raison de la défaillance de ce pays mais pour
cause de prescription de la procédure pénale. Elles se réfèrent en outre à une
ordonnance de non-lieu du 10 septembre 1987 en faveur de D._______ ainsi qu'à un jugement du
28 décembre 1987 qui l'aurait libéré de toute accusation et n'aurait fait l'objet
d'aucun appel ; elles produisent à cet effet un certificat du Greffe du Tribunal de Première
Instance de Port-Au-Prince attestant de l'absence dans ses registres d'une déclaration d'opposition,
d'un appel ou d'un pourvoi en cassation contre l'ordonnance du 10 septembre 1987. Elles ajoutent
enfin que la demande de 2008 ne peut l'avoir visé puisqu'il était alors décédé
de sorte qu'aucune procédure pénale interne ne pouvait être en cours. Le Conseil fédéral
rétorque que l'échec de la procédure d'entraide était justement dû à la
situation de défaillance de la République d'Haïti qui n'a pas été capable de
fournir les assurances demandées en 1989 quant à la régularité de la procédure
de sorte que la prescription a été atteinte aboutissant au rejet des demandes. Il déclare
que l'ordonnance de non-lieu n'a pas permis à D._______ d'échapper définitivement aux
poursuites pénales à son encontre puisqu'une ordonnance de renvoi en jugement a été
rendue à son encontre en 1999 pour concussion et corruption de fonctionnaires publics. Il ajoute
que la demande d'entraide de 2008 était également dirigée contre D._______.
2.1 En vertu de l'art. 1
LRAI, cette loi fixe les modalités du blocage, de la confiscation et de la restitution de valeurs
patrimoniales de personnes politiquement exposées ou de leur entourage lorsqu'une demande
d'entraide judiciaire internationale en matière pénale ne peut aboutir en raison de la
situation de défaillance au sein de l'État requérant dans lequel la personne concernée
exerce ou a exercé sa fonction publique (État d'origine). La définition de "situation
de défaillance" retenue dans cet article ainsi qu'à l'art. 2 let. c LRAI reprend
les termes de l'art. 17 al. 3 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale
du 17 juillet 1998 (RS 0.312.1) ; tel est le cas si l'État en question est incapable,
en raison de l'effondrement de la totalité ou d'une partie substantielle de son propre
appareil judiciaire ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l'accusé,
de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener
autrement à bien la procédure. En d'autres termes, c'est la capacité, respectivement
l'incapacité, de l'État requérant à mener une procédure pénale
qui réponde aux critères de la loi sur l'entraide pénale internationale qui est
examinée (cf. Message du Conseil fédéral du 28 avril 2010 relatif à la
loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes
politiquement exposées, FF 2010 2995, en particulier 3013 ; ci-après : Message LRAI).
Cette situation peut souvent s'expliquer à la fois par l'état de délabrement
de leur appareil judiciaire après des années d'instabilité politique ou de dictature
et par l'influence que peuvent conserver dans le pays l'ancien chef de l'État
et son entourage (cf. Message LRAI, 3003).
2.2
2.2.1 En l'espèce,
la procédure ouverte suite à la demande d'entraide déposée le 12 juin 1986 par
la République d'Haïti a mené à une ordonnance du juge d'instruction genevois du 2 août
1988 ordonnant la transmission de documents bancaires saisis dans ce cadre et concernant les époux
Duvalier ; ceux-ci ont fait recours auprès de la Chambre d'accusation du canton de Genève
puis du Tribunal fédéral (arrêt 1A.58/1989 du 19 septembre 1989) qui l'ont tous deux
rejeté tout en précisant que l'État requérant devait fournir des assurances spécifiques
et formelles quant à la régularité de la procédure pénale et à l'interdiction
des tribunaux d'exception, garanties au sujet desquelles l'autorité d'exécution devait se prononcer
de nouveau (cf. ATF 136 IV 4 let. A des faits). Les garanties données dans un courrier
du Ministre de la justice haïtien du 27 août 1990 ont ensuite été considérées
par la Chambre d'accusation du canton de Genève comme n'étant plus d'actualité suite à
la destitution du Président Aristide en septembre 1991 (cf. ATF 136 IV 4 let. A des faits,
ordonnance n° 335 de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 30 octobre 1992
p. 2) ; celui-ci avait en effet été chassé du pouvoir par un coup d'État
de l'armée dans laquelle des duvaliéristes s'étaient réfugiés en 1986 et n'avait
pu reprendre ses fonctions qu'en octobre 1994 (cf. Mondes rebelles : guerres civiles et violences
politiques : [l'encyclopédie des conflits], Balencie/La Grange [éd.], 1999, p. 194).
De nouvelles garanties données le 27 novembre 1996 par le Ministre de la justice sur la régularité
de la procédure pénale engagée contre Duvalier en Haïti ont été jugées
insuffisantes par l'Office fédéral de la justice OFJ au vu de l'instabilité chronique
dont souffrent les institutions politiques et judiciaires de la République depuis des décennies
et de l'absence d'une amélioration significative de la situation sous les gouvernements qui s'étaient
succédés dans le courant des années précédentes ; l'OFJ a en outre relevé
que la prescription absolue était atteinte en droit suisse (cf. ATF 136 IV 4 let. A des
faits, décision de l'OFJ du 15 mai 2002 p. 2 s.). Il est donc patent que la République
d'Haïti se trouvait en situation de défaillance ; ce constat, partagé par le Conseil
fédéral (cf. Message LRAI, 3013 s.), n'a pas été remis en cause par les
Chambres et correspond à celui du Tribunal fédéral qui a observé que les États
victimes d'une dictature ne disposaient souvent pas d'un appareil judiciaire propre à assurer, de
manière efficace et respectueuse des droits de l'homme, la poursuite des anciens responsables et
la confiscation de leurs avoirs (cf. ATF 136 IV 4 consid. 7).
2.2.2 Il sied d'examiner
encore si les demandes n'ont pas abouti en raison de l'abandon des charges contre D._______. S'agissant
de l'ordonnance de non-lieu et du jugement de 1987 précités, tous les deux rendus par le même
juge d'instruction au Tribunal civil de Port-au-Prince, les recourantes renvoient à la demande d'entraide
de 2008 qui cite une déclaration de l'Office fédéral de la justice de 1991 selon laquelle
"le Tribunal fédéral a[vait] demandé à ce que les autorités suisses interviennent
auprès des autorités haïtiennes pour obtenir des clarifications concernant les ordonnances
de non-lieu qui ont été émises par les juges haïtiens". En raison de l'ordonnance
de non-lieu produite le 25 janvier 1988 par D._______, la Chambre d'accusation du canton de Genève
avait, par ordonnance du 22 février 1989, admis partiellement le recours de celui-ci contre
la décision du juge d'instruction genevois d'entrer en matière sur la demande d'entraide de
1986 en chargeant ce dernier de procéder à des clarifications à ce sujet ; le Tribunal
fédéral a confirmé la décision de la Chambre d'accusation (cf. arrêt du
TF 1A.63/1989 du 19 septembre 1989, en particulier let. B et C des faits). Il ressort toutefois
de l'arrêt du Tribunal fédéral que l'État requérant s'était prévalu
de la nullité de l'ordonnance de non-lieu du 10 septembre 1987 pour maintenir sa demande à
l'encontre du recourant et qu'une enquête avait été entreprise par un autre juge d'instruction
haïtien pour examiner les conditions dans lesquelles ladite ordonnance avait été rendue
(cf. arrêt du TF 1A.63/1989 du 19 septembre 1989 consid. 3). Les éventuelles
suites données à cet arrêt ne sont pas connues du Tribunal de céans. Elles n'ont
cependant pas à être établies in casu. En effet,
une ordonnance de non-lieu ne signifie pas que toute poursuite serait exclue à l'avenir ; la
procédure peut être reprise en cas de découverte de faits ou moyens de preuve nouveaux
(en droit suisse, cf. arrêt du TF 6B_24/2010 du 20 mai 2010 consid. 2.1). Cela ressort
d'ailleurs également du jugement du Tribunal civil de Port-au-Prince du 28 décembre 1987
dans lequel il est retenu que D._______ était "actuellement libre de toutes charges ou d'indices
susceptibles de motiver son renvoi par devant un Tribunal de repression (sic)". Il ne peut donc
en l'espèce être retenu que l'État haïtien avait à l'époque abandonné
définitivement et sans réserve toute charge à l'encontre de D._______. Ce résultat
correspond à la pratique en matière d'extradition au sens de l'art. 5 al. 1 let. a
de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale
(EIMP, RS 351.1) en vertu duquel la demande est irrecevable si, en Suisse ou dans l'État
où l'infraction a été commise, le juge a prononcé, statuant au fond, un acquittement
ou un non-lieu (ch. 1), a renoncé à infliger une sanction ou s'est abstenu provisoirement
de la prononcer (ch. 2) ; en matière d'extradition, lorsque la personne recherchée
entend se prévaloir d'une décision de non-lieu définitive rendue dans cet État, la
Suisse ne refuse l'extradition que si, au regard de la législation de l'État requérant,
les poursuites ne peuvent manifestement être reprises ; en cas de doute, l'extradition doit
être accordée, la question devant être tranchée définitivement par les tribunaux
compétents de l'État requérant (cf. arrêt du TF 1A.102/2002 du 10 juin
2002 consid. 4.1). Ce principe vaut mutatis mutandis pour
les autres domaines de l'entraide. Compte tenu du doute qui subsistait quant à la validité
de l'ordonnance et du jugement ainsi que de la possibilité de reprendre les poursuites, il ne peut
être conclu que ceux-ci aient mis fin à la procédure lancée en 1986 pour ce qui est
de D._______. En outre, elles ne font pas obstacle à la demande de 2008 qui porte, du moins en partie,
sur des éléments de fait et de droit différents ; en particulier, elle qualifiait
le régime Duvalier d'organisation criminelle. Il appert en outre à la lecture de cette demande
que D._______ faisait partie des personnes visées et non pas, comme le prétendent les recourantes,
que son nom n'y apparaîtrait seulement dans le rappel des faits de la procédure de 1986. Bien
qu'elle ait été entreprise après le décès de D._______, la demande de 2008 pouvait
le concerner puisqu'elle avait pour objectif le rapatriement des fonds détournés ; dans
cette mesure, l'entraide peut être requise malgré la disparition de la personne poursuivie
(cf. Peter Popp, Grundzüge der internationalen Rechtshilfe in Strafsachen,
2001, p. 187 ; Andreas Donatsch et al.,
Internationale Rechtshilfe, 2015, p. 115). Le fait qu'elle ait été entreprise après
la prescription des faits reprochés en droit suisse est imputable à l'instabilité qui
a continué de marquer le pays aussi après le retour du Président Aristide : blocage
politique (cf. Mondes rebelles, op. cit., p. 197), climat de violence dû aux partisans
d'Aristide (cf. Les nouveaux mondes rebelles, Balencie/La Grange [éd.], 2005, p. 388),
insurrection et départ de celui-ci en 2004 (cf. Les nouveaux mondes rebelles, op. cit.,
p. 391).
2.2.3 Il peut ainsi
être retenu que la situation de défaillance de la République d'Haïti est à l'origine
de l'échec des procédures d'entraide de 1986 et de 2008 pour cause de prescription en raison
du dysfonctionnement des institutions du pays et en particulier de leur incapacité à donner
en temps voulu des garanties conformes aux exigences légales suisses. Quant à la phrase "ne
peut aboutir", elle doit aussi être comprise dans le sens de "n'a pas abouti" (cf. ainsi
Message LRAI, 3009 et 3023), ce qui fait sens dans la mesure où il ne peut être nécessairement
conclu au non-aboutissement avant la conclusion formelle de la procédure d'entraide engagée.
2.3 Compte tenu de
ce qui précède et attendu que D._______ a exercé une fonction publique en République
d'Haïti, il convient de conclure que la présente affaire tombe dans le champ d'application
de la LRAI tel que défini à l'art. 1 LRAI.
3.
Les
recourantes déclarent que les conditions du blocage selon la LRAI ne sont pas remplies en l'espèce
car les fonds litigieux ne faisaient pas l'objet d'une mesure de séquestre provisoire dans le cadre
d'une demande d'entraide comme l'exige l'art. 2 let. a LRAI tandis que la disposition transitoire
ancrée à l'art. 14 LRAI vise les avoirs déjà bloqués, en pratique ceux
du clan Duvalier déjà bloqués sur la base de l'art. 184 al. 3 Cst. lors de l'entrée
en vigueur de la LRAI ; elles en déduisent qu'aucune de ces normes ne justifierait le séquestre
de leurs fonds. Le Conseil fédéral réplique que la négligence d'un intermédiaire
ne doit pas empêcher la LRAI de déployer ses effets.
3.1
3.1.1
L'art. 2 énumère les conditions régissant le blocage, par le Conseil fédéral,
de valeurs patrimoniales en Suisse, en vue de l'ouverture d'une procédure en confiscation ;
cette disposition exige notamment que les valeurs patrimoniales fassent l'objet d'une mesure
provisoire de saisie dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire internationale
en matière pénale ouverte à la demande de l'État d'origine (let. a).
Il est ainsi vrai que d'après la lettre de cette disposition lue a
contrario, des avoirs ne faisant pas l'objet d'un tel séquestre ne peuvent pas être
bloqués sur cette base. Se pose la question de savoir si la lettre de cet article reflète bien
la portée de la norme ou si l'on se trouve en présence d'une lacune. Le raisonnement sommaire
présenté dans la décision attaquée ainsi que dans les écritures du DFF -
à savoir que l'omission de (...) ne devrait pas empêcher la loi de s'appliquer -
se révèle insuffisant voire simpliste et ne permet pas d'y répondre.
3.1.2 La loi s'interprète
en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Dans le cas où plusieurs interprétations
sont possibles, le juge recherche la véritable portée de la norme en la dégageant de sa
relation avec d'autres dispositions légales et de son contexte (interprétation systématique),
du but recherché, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation
téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort des travaux
préparatoires (interprétation historique). Le sens que prend la disposition dans son contexte
constitue également un élément important. Lorsque le texte légal est clair, l'autorité
qui applique le droit ne peut s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que
ce texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée et conduit
à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le sentiment de
la justice ou le principe de l'égalité de traitement. De tels motifs peuvent résulter
des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation
avec d'autres dispositions (cf. ATF 138 II 557 consid. 7.1). Lorsqu'il est appelé à
interpréter une loi, le tribunal adopte une position pragmatique en suivant une pluralité de
méthodes, sans soumettre les différents éléments d'interprétation à un
ordre de priorité (cf. ATF 140 V 485 consid. 4.1, ATF 140 V 227 consid. 3.2 et les
réf. cit.).
3.1.3 L'interprétation
de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune proprement dite suppose que le
législateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune
solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur
a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une
intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la
lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse,
mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune
proprement dite (apparente ou occulte) appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe
interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation
des pouvoirs, de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens
réputé déterminé de la norme ne constitue un abus de droit ou ne viole la Constitution
(cf. ATF 139 I 159 consid. 5.2 et les réf. cit.).
3.2
3.2.1 Le projet de
loi présenté par le Conseil fédéral faisait suite à quatre interventions parlementaires
déposées en 2007 en lien avec les fonds bloqués de la famille Duvalier (cf. Message
LRAI, 3011) ainsi qu'à la constatation du Tribunal fédéral dans son arrêt 1C_374/2009
du 12 janvier 2010 publié dans ATF 136 IV 4 - concernant ces mêmes fonds -
selon laquelle les conditions posées par l'EIMP apparaissaient trop strictes pour ce genre d'affaires
et qu'il appartenait au législateur d'apporter les corrections et allègements nécessaires
pour tenir compte des particularités de ces procédures (cf. ATF 136 IV 4 consid. 7).
La nouvelle loi devait ainsi permettre à l'avenir de faire face aux difficultés rencontrées
par les autorités suisses pour restituer à des États dits défaillants les fonds bloqués
en Suisse après le non aboutissement de la procédure d'entraide pénale internationale
comme cela fut le cas dans les affaires Mobutu et justement Duvalier ; elle avait également
vocation à donner une issue aux cas de blocage décidés par le Conseil fédéral
fondés sur l'art. 184 al. 3 Cst., notamment les avoirs Duvalier (cf. Message
LRAI, 2996 et 3007). D'un point de vue systématique, l'art. 2 LRAI codifiait la pratique
du Conseil fédéral en matière de blocage fondée jusqu'alors sur l'art. 184
al. 3 Cst. (cf. Message LRAI, 3013). En vue de la confiscation et de la restitution, elle devait
empêcher le déblocage d'avoirs malgré le caractère notoire de leur origine délictueuse
lorsque celle-ci n'a pu être constatée formellement par un jugement en raison de l'incapacité
de l'État d'origine défaillant à mener des procédures judiciaires (cf. Message
LRAI, 3003). Le projet soumettait l'application de la loi au dépôt préalable d'une demande
d'entraide judiciaire notamment afin de s'assurer que les autorités de l'État en question avaient
réellement la volonté politique de demander la restitution des biens (cf. Message LRAI,
3014).
3.2.2 Le projet du
Conseil fédéral a recueilli le soutien et l'assentiment d'une large majorité dans les
deux Conseils. Dans les travaux parlementaires, il a été maintes fois souligné que cette
loi, outre qu'elle devait permettre la restitution d'avoirs aux populations spoliées en tant que
propriétaires légitimes, était aussi dans l'intérêt de la Suisse et protégeait
la réputation de sa place financière (cf. notamment interventions Leutenegger Oberholzer,
Roux et Huber, BO 2010 N 1180, 1180 s. et 1182 respectivement). À cette fin, elle entend combler
une lacune dans le dispositif légal existant pour combattre les avoirs d'origine illicite de personnes
politiquement exposées en donnant une base légale à la pratique du Conseil fédéral
en matière de blocage d'avoirs, lui évitant par là même de devoir faire usage de
la possibilité offerte par la Constitution de les bloquer sur la base de l'art. 184 al. 3,
celle-ci n'ayant pas pour vocation de régler ces cas (intervention Roux, BO 2010 N 1180 s).
Elle doit empêcher que des situations comme l'affaire Mobutu, où l'argent a dû être
débloqué, ne se présentent de nouveau (intervention Sommaruga, BO 2010 N 1183). En revanche,
la proposition d'une minorité visant à appliquer la loi également en l'absence d'une demande
d'entraide a été expressément rejetée par la majorité du Conseil national (BO
2010 N 1187).
3.2.3 Rien dans les
travaux préparatoires ne laisse penser que le Conseil fédéral ou les Chambres avaient
envisagé la situation dans laquelle des valeurs patrimoniales de potentats visés par la LRAI
seraient découverts ultérieurement sans avoir fait l'objet d'un séquestre préalable
dans le cadre d'une procédure d'entraide antérieure et close entretemps. Il est cependant manifeste
et incontestable que leur volonté tendait à permettre la restitution à la République
d'Haïti des avoirs détournés par Duvalier et son entourage ; la LRAI a d'ailleurs
été surnommée Lex Duvalier en raison de l'actualité et de l'importance de cette question.
Il est vrai que les débats se sont concentrés sur les fonds bloqués auxquels devait s'appliquer
la disposition transitoire de l'art. 14 LRAI ; celle-ci a été adoptée en vue
de permettre l'application de la LRAI à des avoirs qui, contrairement au cas d'espèce, étaient
déjà identifiés et bloqués. Si toutefois le législateur avait eu connaissance
de - ou du moins soupçonné - l'existence d'autres fonds liés à ce régime,
il aurait certainement légiféré de manière à les soumettre au champ d'application
de la LRAI et à son dispositif. L'exclusion de la prescription à l'art. 5 al. 3 LRAI
s'agissant de la confiscation découle de l'idée que la longueur des procédures due à
la défaillance des États requérants ne doit pas jouer en faveur des potentats, ceux-là
mêmes qui sont responsables du délabrement des systèmes judiciaires de ces pays (cf. Message
LRAI, 3010 s.).
À cela s'ajoute le fait que le Parlement cherchait
à limiter le recours par le Conseil fédéral à l'art. 184 al. 3 Cst. Certes,
cette compétence demeurait réservée pour les cas qui n'entreraient pas dans le cadre
de la nouvelle loi (cf. Message LRAI, 3008 ; cf. ATF 141 I 20 consid. 5.4.1) ;
le Conseil fédéral en a d'ailleurs fait usage peu de temps après l'adoption de la LRAI
à la suite de la chute des régimes dans certains pays arabes en adoptant entre autres l'ordonnance
du 2 février 2011 instituant des mesures à l'encontre de certaines personnes originaires
de la République arabe d'Egypte (RS 946.231.132.1). À la différence de ces
affaires, dans lesquelles l'absence d'une condition essentielle et voulue expressément par le législateur,
à savoir l'existence préalable d'une demande d'entraide (cf. supra consid. 3.2.1
et 3.2.2), s'opposait à l'application de la LRAI, le cas d'espèce entre indéniablement
dans le cadre des situations que ce dernier entendait régler en légiférant. Il s'avérerait
ainsi contraire aux objectifs visés par la loi et aux motifs qui ont mené à son élaboration
d'appréhender l'art. 2 LRAI dans un sens purement littéral mais il convient plutôt
de considérer que les valeurs patrimoniales visées par le passé par une demande d'entraide
mais non découvertes - fût-ce en raison de la négligence d'un intermédiaire
financier ou de la dissimulation des biens par leurs détenteurs - tombent sous le coup de
la loi. On peut relever à la lecture des travaux préparatoires que la pesée des intérêts
entre l'atteinte portée aux détenteurs des fonds, d'une part, et la protection des intérêts
de la Suisse et de ceux des pays spoliés, d'autre part, penchant de manière générale
en faveur de ces derniers, a obtenu l'aval d'une grande majorité dans les deux Chambres. La LRAI
a ainsi été adoptée le 1er octobre
2010 pour entrer en vigueur le 1er février
2011.
Il convient encore de relever que les Chambres délibèrent
actuellement du projet de loi fédérale sur le blocage et la restitution des valeurs patrimoniales
d'origine illicite de personnes politiquement exposées à l'étranger (FF 2014
5207) qui a pour objectif d'étendre les possibilités de blocage tout en reprenant le contenu
matériel de la LRAI (cf. Message relatif à la loi sur les valeurs patrimoniales d'origine
illicite, FF 2014 5121, en particulier 5123). Selon l'art. 4 al. 2 du projet correspondant
pour l'essentiel à l'art. 2 LRAI, le blocage ne s'avère - entre autres conditions
- admissible que si les valeurs patrimoniales ont fait l'objet d'une mesure provisoire
de saisie dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire internationale en matière
pénale ouverte à la demande de l'État d'origine (let. a). Il semble à
la lecture du message précité et des travaux parlementaires qu'ici aussi l'éventualité
d'une découverte ultérieure de fonds n'a pas été envisagée ; la volonté
d'éviter la fuite de fonds suspects ainsi que le recours à l'art. 184 al. 3 Cst.
en ressort cependant clairement. Afin de mettre en oeuvre la nouvelle possibilité de blocage
en vue de l'entraide judiciaire prévue à l'art. 3 du projet, qui possède de son côté
l'avantage d'englober des biens non encore identifiés, celui-ci introduit à son art. 7
une obligation spécifique de communiquer et de renseigner visant à identifier toutes les valeurs
patrimoniales concernées.
3.3 Il s'ensuit qu'une
lecture historique, systématique et téléologique de l'art. 2 let. a LRAI mène
à la conclusion que la volonté du législateur ne se limitait pas à la restitution
uniquement des fonds déjà bloqués et au règlement de cas d'entraide qui n'aboutiraient
pas à l'avenir mais qu'il tenait aussi à régler de manière définitive le sort
de fonds détournés en République d'Haïti. Par voie de conséquence, il faut retenir
l'existence d'une lacune au sens propre et considérer que la condition de l'art. 2 let. a
LRAI est remplie dans le cas d'espèce.
4.
Il
reste encore à examiner si les autres conditions du blocage sont satisfaites in
casu.
4.1 En vertu de l'art.
2 let. b ch. 1 et 2 LRAI, le pouvoir de disposition sur les valeurs patrimoniales devant être
bloquées doit appartenir à des personnes politiquement exposées (PPE) ou à leur entourage.
La notion de "pouvoir de disposition" au sens de l'art. 2 let. b LRAI est analogue
à celle figurant à l'art. 72 CP concernant la confiscation de valeurs patrimoniales d'une
organisation criminelle et s'apparente à la notion de "maîtrise effective",
soit la volonté de posséder une chose en fonction des possibilités effectives données ;
tel est notamment le cas d'un ayant droit économique (cf. Message LRAI, 3014 ; arrêt
du TAF B-2528/2011 du 24 septembre 2013 consid. 5.3). En l'espèce, les recourantes ne
contestent pas le fait que le pouvoir de disposition sur les valeurs patrimoniales litigieuses appartienne
à une personne proche d'une PPE ; en effet, en tant que veuve d'un ancien ministre, la recourante
2 correspond à la catégorie de personnes définie à l'art. 2 let. b ch. 2
LRAI. En sa qualité d'ayant droit économique de la recourante 1, elle bénéficie du
pouvoir de disposition sur ces fonds. La condition de l'art. 2 let. b LRAI s'avère ainsi
remplie en l'espèce.
4.2 La troisième
condition du blocage se trouve définie à l'art. 2 let. c LRAI, à savoir que
l'État d'origine n'est pas en mesure de répondre aux exigences de la procédure
d'entraide du fait de l'effondrement de la totalité ou d'une partie substantielle
de son appareil judiciaire ou du dysfonctionnement de celui-ci (situation de défaillance) ;
cette condition se révèle manifestement remplie en l'espèce compte tenu de ce qui a été
exposé plus haut (cf. supra consid. 2).
4.3 Enfin, selon
l'art. 2 let. d LRAI, le blocage des valeurs patrimoniales ne peut être prononcé
que si la sauvegarde des intérêts de la Suisse l'exige. Cette disposition reprend les termes
de l'art. 184 al. 3 Cst. et permet ainsi au Conseil fédéral d'exercer ses prérogatives
de politique étrangère. De tels intérêts commandent notamment d'éviter de porter
atteinte à la réputation de la Suisse vis-à-vis de l'étranger ou de nuire aux relations
qu'elle entretient avec d'autres États (cf. ATF 141 I 20 consid. 5.1.1). Or, la restitution
de fonds détournés a pour but entre autres de préserver l'image de la Suisse et
de sa place financière (cf. supra consid. 3.2.2 ; Message LRAI, p. 2999). Dans la
mesure où les valeurs patrimoniales des recourantes peuvent consister en de tels fonds, leur blocage
contribue à la sauvegarde des intérêts de la Suisse.
4.4 Il découle
de ce qui précède que les conditions prévues à l'art. 2 LRAI sont remplies en
l'espèce et que le blocage des fonds est licite en tant qu'il se fonde sur cette norme. Le recours
doit par conséquent être rejeté sur ce point.
4.5 Il sied encore
de relever que les arguments présentés de part et d'autre concernant l'origine licite ou illicite
des valeurs et notamment leur accroissement exorbitant ne sont pas pertinents au stade du blocage puisqu'ils
n'en constituent pas une condition. En effet, dans la mesure où il ne s'avère pas manifeste
en l'état actuel que les fonds soient d'origine licite de sorte que leur blocage serait infondé
et disproportionné, cette question pourra être traitée au stade d'une future procédure
de confiscation en vertu de l'art. 5 LRAI. Il appartiendra alors aux recourantes ainsi qu'au DFF
de présenter leurs motifs à ce sujet.
5.
Il
convient ensuite d'examiner si, dans l'hypothèse où le blocage des fonds ne pouvait intervenir
en application de la LRAI, celui prononcé à titre subsidiaire sur la base de l'art. 184
al. 3 Cst. s'avère fondé. Les recourantes estiment que les conditions définies à
cet article ne sont pas remplies et que, partant, le blocage des fonds s'avère contraire au principe
de la légalité ; elles déclarent en outre que le Conseil fédéral viole
par cette mesure le principe de la proportionnalité et ne se conforme pas aux règles de la
bonne foi. Enfin, elles lui reprochent de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision.
5.1
5.1.1 En vertu de
l'art. 184 al. 3 Cst., lorsque la sauvegarde des intérêts du pays l'exige,
le Conseil fédéral peut adopter les ordonnances et prendre les décisions nécessaires.
Les ordonnances doivent être limitées dans le temps. Cette disposition suppose donc que la
mesure prise sous forme de décision vise à sauvegarder les intérêts du pays dans
les relations avec l'étranger, d'une part, et qu'elle soit nécessaire et urgente, d'autre part
(cf. ATF 132 I 229 consid. 10.1). Dans la mesure où ses conditions sont respectées,
cet article vaut à lui seul base légale suffisante permettant de restreindre, en tant que de
besoin, les libertés fondamentales des particuliers (art. 36 al. 1 Cst. ; cf. ATF
141 I 20 consid. 4.2 et les réf. cit.), notamment la garantie de la propriété
ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst. Le Conseil fédéral a ainsi à diverses
reprises fait usage de cette prérogative, ancrée précédemment dans l'art. 102
ch. 8 aCst., pour bloquer des avoirs de PPE. Il a notamment décidé le gel des avoirs de
l'ancien Président des Philippines, Marcos, en 1986, de l'ancien Président du Zaïre,
Mobutu, en 1997 et de l'ancien Président haïtien, Duvalier, en 2002 (cf. Message
LRAI, 3002). Malgré l'adoption de la LRAI, la compétence prévue par l'art. 184
al. 3 Cst. reste intacte pour les cas qui n'entreraient pas dans le cadre de la nouvelle loi.
Dans certaines situations d'urgence, l'expérience a en effet montré que le Conseil
fédéral devait pouvoir bloquer provisoirement des avoirs, avant qu'une demande formelle
d'entraide judiciaire ne soit déposée, dans le but d'éviter une délocalisation
inopinée de ceux-ci, hors de Suisse et sauvegarder de cette manière l'intégrité
de la procédure (cf. Message LRAI, 3009). Le Conseil fédéral a ainsi effectivement
eu recours à cette disposition afin de bloquer les avoirs de chefs d'État ayant dû abandonner
le pouvoir à la suite des évènements dits du "Printemps arabe", en adoptant
par exemple l'ordonnance du 2 février 2011 instituant des mesures à l'encontre de certaines
personnes originaires de la République arabe d'Egypte (RS 946.231.132.1) ; la LRAI ne
pouvait trouver application dans ces cas attendu qu'aucune demande d'entraide n'avait - encore
- été déposée. Le Tribunal fédéral a relevé que les mesures
- ordonnances ou décisions - prises sur la base de la norme constitutionnelle en question
se situent en règle générale, par définition presque, praeter
legem et se substituent en quelque sorte à des lois qui n'existent justement pas (cf. ATF
141 I 20 consid. 5.4 et les réf. cit.).
5.1.2 Les tribunaux
doivent fait preuve de retenue lorsqu'il s'agit d'apprécier si les objectifs que le Conseil fédéral
annonce vouloir poursuivre en se fondant sur l'art. 184 al. 3 Cst. font partie des "intérêts
du pays" en matière de politique étrangère (cf. ATF 141 I 20 consid. 5.1.1).
Ils correspondent à ceux exposés plus haut s'agissant de la condition ancrée à l'art. 2
let. d LRAI (cf. supra consid. 4.3). Ainsi, comme d'autres mesures prises dans le
passé par le Conseil fédéral, le blocage prononcé en l'espèce intervient dans
l'optique d'éviter de nuire aux relations que la Suisse entretient avec d'autres États et des
organisations internationales, ou de porter atteinte à la réputation de la Suisse vis-à-vis
de l'étranger. En revanche, savoir si une mesure est nécessaire à la sauvegarde des intérêts
de la Suisse dans les relations avec l'étranger est une question de droit qui doit être examinée
librement ; au vu de ses implications politiques, elle comporte toutefois une importante marge d'appréciation
justifiant de procéder à cet examen avec une grande réserve (cf. ATF 141 I 20 consid. 5.2).
En l'occurrence, le blocage des fonds s'avérait nécessaire et urgent afin d'éviter qu'ils
ne soient retirés du compte de la recourante et donc soustraits au contrôle suisse avant que
les autorités ne puissent examiner l'éventualité de prendre des mesures et, le cas échéant,
de les prononcer (cf. ATF 141 I 20 consid. 5.2 et 6.2.3).
5.1.3 Il découle
de ce qui précède que les conditions prévues à l'art. 184 al. 3 Cst. sont
remplies et que cette disposition vaut base légale au sens de l'art. 36 al. 1 Cst.
5.2 Contrairement
à ce que déclarent les recourantes, le fait que la mesure ne soit pas limitée dans le
temps - ou simplement jusqu'à décision entrée en force sur leur confiscation -
ne constitue pas une violation des principes de la légalité et de la proportionnalité ;
en effet, contrairement aux ordonnances fondées sur l'art. 184 al. 3 Cst., les décisions
prononcées sur cette base n'ont pas à être limitées de la même manière
(art. 184 al. 3 2ème phrase
Cst. a contrario ; cf. Jörg
Künzli, in : Waldmann et al., Basler Kommentar Bundesverfassung, 2015, n° 48
ad art. 184). Les avoirs ne peuvent certes être bloqués à terme indéfini ou
pour une durée excessive ; tel n'est cependant pas le cas en l'espèce puisque le blocage
prononcé en 2012 devrait être suivi d'une procédure de confiscation dès l'entrée
en force de la décision attaquée.
Les autres exigences à la restriction de la propriété
des recourantes sont remplies en l'occurrence : pour ce qui est de l'intérêt public (art. 36
al. 2 Cst.), d'une part, il peut être renvoyé à ce qui a été exposé
plus haut sur la sauvegarde des intérêts de la Suisse (cf. supra consid. 4.3 et 5.1.2)
puisqu'en l'espèce, contrairement à l'affaire traitée par le Tribunal fédéral
dans ATF 141 I 20 où le Conseil fédéral avait édicté une ordonnance et non pas
une décision, les intérêts précités se recouvrent. Le fait que les fonds fassent
également l'objet d'un séquestre pénal ne remet pas en cause l'intérêt public
pour autant car les deux types de mesure sont différents tant dans leur nature que leur finalité
(cf. ATF 141 I 20 consid. 6.1.2). D'autre part, la mesure se révèle conforme au principe
de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) : elle est manifestement apte à
atteindre le but visé, soit empêcher le retrait des avoirs et permettre une ultérieure
procédure de confiscation ; elle s'avère aussi nécessaire pour les motifs déjà
exposés (cf. supra consid. 5.1.2) ; enfin, elle respecte le principe de la proportionnalité
au sens étroit attendu que le DFF a été chargé d'ouvrir une procédure de confiscation
susceptible, dans un avenir proche, de trancher définitivement le sort des fonds dans l'optique
de leur restitution, que le séquestre prononcé par les autorités pénales empêche
de toute manière les recourantes d'en disposer et que la recourante 2, selon ses propres dires,
dispose d'une certaine fortune qui atténue le degré de l'atteinte.
5.3 S'agissant de
la motivation de l'application de l'art. 184 Cst. à titre subsidiaire, il est vrai qu'elle
s'avère quasi inexistante comme le critiquent les recourantes. Le renvoi aux motifs exposés
en lien avec l'art. 2 LRAI permet toutefois de comprendre que le Conseil fédéral tenait
à bloquer des fonds qu'il considère illicites en vue de leur confiscation ultérieure.
En outre, le DFF est revenu sur cette question de manière plus détaillée dans ses écritures.
Partant, le devoir de motivation n'a pas été violé.
5.4 Le reproche des
recourantes portant sur la violation par le Conseil fédéral du principe de la bonne foi semble
découler de l'ensemble des autres griefs ; compte tenu de ce qui vient d'être exposé,
il se révèle infondé.
5.5 Par conséquent,
il peut être conclu que la mesure de blocage, en tant qu'elle est fondée sur l'art. 184
al. 3 Cst., respecte les exigences constitutionnelles. Le recours doit être également
rejeté sur ce point.
6.
Sur
le vu de l'ensemble de ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision entreprise
ne viole pas le droit fédéral, ne relève pas d'une constatation inexacte ou incomplète
des faits pertinents et n'est pas inopportune (art. 49 PA). Dès lors, mal fondé, le recours
doit être rejeté pour autant qu'il soit recevable.
7.
Les
frais de procédure comprenant l'émolument judiciaire et les débours sont mis à la
charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 PA et art. 1 al. 1 du règlement
du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal
administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). L'émolument judiciaire est calculé
en fonction de la valeur litigieuse, de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon
de procéder des parties et de leur situation financière (art. 2 al. 1 1ère phrase FITAF).
En l'espèce, la recourante 1 succombe dans l'ensemble
de ses conclusions tandis que le recours est irrecevable en tant qu'il est déposé par la recourante
2. En conséquence, les frais de procédure, lesquels s'élèvent à 15'000 francs,
doivent être intégralement mis à leur charge à hauteur respectivement de 13'000 et
2'000 francs. Ils seront compensés par les avances de frais du même montant versées par
les recourantes dès l'entrée en force du présent arrêt.
Vu l'issue de la procédure, les recourantes n'ont
pas droit à des dépens (art. 64 PA).
La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal
fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans
les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Le mémoire
doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer
les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée
et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains
du recourant (art. 42 LTF).