Droit
:
1.
1.1 Le
Tribunal administratif fédéral est compétent pour statuer sur le présent recours
(cf. art. 31, 32 et 33 let. f LTAF et 5 al. 1 let. a PA).
1.2 La
qualité pour recourir doit être reconnue à la recourante (cf. art. 48 al. 1 PA en relation
avec l'art. 37 LTAF). Les dispositions relatives à la représentation, au délai de recours,
à la forme et au contenu du mémoire de recours, ainsi qu'à l'avance de frais (cf. art.
11 al. 1, 50 al. 1, 52 al. 1 et 63 al. 4 PA) sont en outre respectées.
Le recours est ainsi recevable.
2.
2.1 La
loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence
(Loi sur les cartels, LCart, RS 251) - partiellement modifiée en 2004 (cf. RO 2004 1385) -
a pour but d'empêcher les conséquences nuisibles d'ordre économique ou social
imputables aux cartels et aux autres restrictions à la concurrence et de promouvoir ainsi la concurrence
dans l'intérêt d'une économie de marché fondée sur un régime
libéral (art. 1 LCart).
2.2 Les
accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens ou
services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique, ainsi
que tous ceux qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace, sont illicites (art.
5 al. 1 LCart). Par accords en matière de concurrence, on entend les conventions avec ou sans force
obligatoire ainsi que les pratiques concertées d'entreprises occupant des échelons du
marché identiques ou différents, dans la mesure où elles visent ou entraînent une
restriction à la concurrence (art. 4 al. 1 LCart). Un accord est réputé justifié
par des motifs d'efficacité économique lorsqu'il est nécessaire pour réduire les
coûts de production ou de distribution, pour améliorer des produits ou des procédés
de fabrication, pour promouvoir la recherche ou la diffusion de connaissances techniques ou professionnelles,
ou pour exploiter plus rationnellement des ressources (art. 5 al. 2 let. a LCart) ; et lorsque cet accord
ne permettra en aucune façon aux entreprises concernées de supprimer une concurrence efficace
(art. 5 al. 2 let. b LCart). Sont notamment présumés entraîner la suppression d'une
concurrence efficace les accords passés entre des entreprises occupant différents échelons
du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que les contrats
de distribution attribuant des territoires, lorsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés
sont exclues (art. 5 al. 4 LCart). L'entreprise qui participe notamment à un accord illicite
aux termes de l'art. 5 al. 4 est tenue au paiement d'un montant pouvant aller jusqu'à
10% du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices. Le
montant est calculé en fonction de la durée et de la gravité des pratiques illicites.
Le profit présumé résultant des pratiques illicites de l'entreprise est dûment
pris en compte pour le calcul de ce montant (cf. art. 49a
al. 1 LCart).
2.3 Le
Conseil fédéral institue la Commission de la concurrence et nomme les membres de la présidence
(art. 18 al. 1 LCart). Elle prend toutes les décisions qui ne sont pas expressément réservées
à une autre autorité (art. 18 al. 3 1ère
phrase LCart). Le secrétariat prépare les affaires de la commission, mène les enquêtes
et prend, avec un membre de sa présidence, les décisions de procédure. Il fait des propositions
à la commission et exécute ses décisions. Il traite directement avec les intéressés,
les tiers et les autorités (art. 23 al. 1 LCart).
S'il existe des indices d'une restriction illicite à la concurrence, le secrétariat
ouvre une enquête, d'entente avec un membre de la présidence de la commission (art. 27
al. 1 1ère phrase LCart). Le secrétariat
communique l'ouverture d'une enquête par publication officielle (art. 28 al. 1 LCart).
Sur proposition du secrétariat, la commission prend sa décision sur les mesures à prendre
ou sur l'approbation de l'accord amiable (art. 30 al. 1 LCart). Les participants à l'enquête
peuvent communiquer leur avis par écrit sur la proposition du secrétariat. La commission peut
procéder à des auditions et charger le secrétariat de prendre des mesures supplémentaires
pour les besoins de l'enquête (art. 30 al. 2 LCart). Les autorités en matière
de concurrence peuvent entendre des tiers comme témoins et contraindre les parties à l'enquête
à faire des dépositions (art. 42 al. 1 1ère
phrase LCart) ; elles peuvent ordonner des perquisitions et saisir des pièces à conviction
(art. 42 al. 2 1ère phrase LCart).
2.4 En
application de l'art. 6 al. 1 1ère phrase
LCart, selon lequel la Comco peut fixer par voie de communication les conditions auxquelles des accords
en matière de concurrence sont en règle générale réputés justifiés
par des motifs d'efficacité économique au sens de l'art. 5 al. 2 LCart, celle-ci
a, par décision du 18 février 2002, édicté la première Communication concernant
l'appréciation des accords verticaux (ci-après : aCommVert 2002). Dite communication
fixe les critères selon lesquels l'autorité inférieure apprécie la notabilité
des accords verticaux à la lumière de l'art. 5 al. 1 LCart. Elle a été abrogée
par la communication du même nom, arrêtée le 2 juillet 2007 (ci-après : aCommVert
2007), elle-même abrogée par la Communication concernant l'appréciation des accords verticaux
du 28 juin 2010 (ci-après : CommVert), entrée en vigueur le 1er
août 2010 et publiée sur le site Internet de la Comco (cf. < http://www.weko.admin.ch/dokumentation/01007/index.html?lang=fr ).
Dites communications - lesquelles s'apparentent à des ordonnances administratives qui ne lient
pas le Tribunal administratif fédéral - sont prises en considération dans la mesure
où elles permettent une interprétation équitable et adaptée au cas particulier des
dispositions légales applicables (cf. arrêt du TAF B-506/2010 du 19 décembre 2013 Gaba
consid. 11.1.7 ; Jean-Marc Reymond, in : Commentaire romand, Droit de la
concurrence, 2e éd. 2013 [CR-Concurrence],
art. 6 LCart no 40 ss p. 598 ss,
Klaus Neff, in : Basler Kommentar, Kartellgesetz, 2010 [BSK-KG], art. 6
no 24 ss p. 458).
3.
A
titre liminaire, il convient de déterminer si la LCart est applicable en l'espèce, à savoir
si les conditions d'application personnelles, locales et matérielles de la loi sont réunies.
3.1 Selon
l'art. 2 al. 1 LCart, la présente loi s'applique aux entreprises de droit privé ou de droit
public qui sont parties à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence,
qui sont puissantes sur le marché ou participent à des concentrations d'entreprises. Est soumise
à la présente loi toute entreprise engagée dans le processus économique qui offre
ou acquiert des biens ou des services, indépendamment de son organisation ou de sa forme juridique
(art. 2 al. 1bis LCart). La présente loi
est applicable aux états de fait qui déploient leurs effets en Suisse, même s'ils se sont
produits à l'étranger (art. 2 al. 2 LCart) (cf. Message du Conseil fédéral du 23
novembre 1994 concernant la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions de la concurrence
[FF 1995 I 472 ; ci-après : message LCart 1995] ch. 222 p. 534 ss).
Dès lors que Roger Guenat SA distribuait des produits destinés aux activités sportives
verticales au travers d'un réseau de 333 revendeurs indépendants en Suisse, il y a lieu d'admettre
qu'elle constitue une entreprise au sens de la LCart et que le prétendu accord sur les prix entre
celle-ci et ses revendeurs a été conclu et a produit ses effets en Suisse. Les conditions d'application
personnelles et locales de dite loi sont ainsi remplies.
3.2 S'agissant
des conditions d'application matérielles, il convient tout d'abord de préciser que Roger Guenat
SA était située entre les producteurs (fabricants) et les détaillants. La société
et ses revendeurs se trouvaient à différents niveaux de la chaîne de distribution. Roger
Guenat SA entretenait ainsi une relation commerciale verticale avec ses revendeurs.
Pour le reste, il convient de déterminer s'il existait entre Roger Guenat SA et ses revendeurs
un accord en matière de concurrence pour la période - délimitée par l'autorité
inférieure - s'étendant de la fin de l'année 2006 à mars 2010. L'examen de
cette question a une double pertinence, en ce sens que l'existence d'un accord en matière de concurrence
constitue non seulement une condition à l'application de la LCart mais également une prémisse
à l'admission, en l'espèce, de l'existence d'une restriction illicite à la concurrence.
La question sera examinée ci-après.
Dans le cadre de cet examen, il y a lieu de tenir compte de la CommVert qui
s'applique à tous
les accords verticaux en matière de concurrence, y compris ceux qui étaient en vigueur avant
le 1er août 2010 (cf. ch. 19 CommVert)
et ceux qui faisaient déjà l'objet d'une enquête préalable à cette date (cf.
Secrétariat Comco, DPC 2011/3, p. 364, Festool, ch. 11 note
de bas de page no 2 ; Reymond,
in : CR-Concurrence, op. cit., art. 6 LCart no
130 p. 617).
4.
L'objet
principal de la présente procédure de recours consiste à déterminer si c'est à
juste titre que l'autorité inférieure a admis que Roger Guenat SA avait, entre la fin de l'année
2006 et mars 2010, passé avec des revendeurs indépendants un accord illicite, au sens des art.
5 al. 4 LCart - en relation avec l'art. 5 al. 1 LCart - et 49a
al. 1 LCart, selon lequel les produits distribués par Roger Guenat SA ne devaient pas être
revendus aux clients finaux en dessous d'un prix minimum.
L'autorité inférieure a retenu que Roger Guenat SA avait imposé à ses revendeurs
des prix de revente minimaux, de manière indirecte, par la fixation d'un rabais maximal de 10% sur
la liste de prix établie par ses soins, et dont le non-respect était sanctionné par une
suspension ou un arrêt des livraisons. Ceci étant, elle a admis qu'il existait, durant la période
considérée, un accord imposant des prix de revente minimaux au sens de l'art. 5 al. 4 LCart,
présumé entraîner la suppression d'une concurrence efficace, entre Roger Guenat SA et
ses revendeurs. Selon la recourante, il ne s'agissait pas de prix imposés mais de prix recommandés,
si bien qu'il n'y avait pas d'accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart.
La question litigieuse qu'il convient d'examiner préliminairement est dès lors celle de
savoir s'il existait, pour la période en cause, un accord vertical en matière de concurrence
au sens des art. 4 al. 1 et 5 al. 4 LCart entre Roger Guenat SA et ses revendeurs prévoyant des
prix de vente minimaux par le biais de recommandations.
4.1 Selon
le ch. 1 CommVert, par accords verticaux en matière de concurrence, il convient d'entendre les conventions
avec ou sans force obligatoire ainsi que les pratiques concertées d'entreprises occupant des
échelons du marché différents, dans la mesure où elles visent ou entraînent
une restriction à la concurrence (cf. art. 4 al. 1 LCart), et qui concernent les conditions auxquelles
les entreprises parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services.
Un accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart suppose l'existence d'une
action collective, consciente et voulue des entreprises participantes. Il est donc essentiel d'établir
une concordance expresse ou tacite des volontés entre les deux parties. Il résulte du concept
même d'accord que deux entreprises participantes au moins sont nécessaires pour remplir les
exigences de la définition contenue à l'art. 4 al. 1 LCart. La forme juridique retenue par
les parties ne joue aucun rôle dans la qualification d'un comportement en tant qu'accord. D'après
la lettre de l'art. 4 al. 1 LCart, le concept d'accord en matière de concurrence recouvre trois
formes : les conventions avec force obligatoire (dont le non-respect entraîne une sanction juridique),
les conventions sans force obligatoire - toutes deux pouvant être conclues de manière
expresse ou tacite - et les pratiques concertées. Les pratiques concertées sont une forme
de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussées jusqu'à la réalisation
d'une convention proprement dite, adaptent sciemment et volontairement leur comportement à celui
des autres, de telle sorte que, même en l'absence d'une convention avec ou sans force obligatoire,
la collusion remplace la concurrence. Pour établir l'existence d'une pratique concertée, il
est en outre nécessaire de prouver un rapport de causalité entre la pratique concertée
et la coordination collective des comportements sur le marché en question. Un comportement semblable
peut en tous les cas laisser supposer une pratique concertée (cf. Marc Amstutz/Blaise
Carron/Mani Reinert, in : CR-Concurrence, op. cit., art. 4 al. 1 LCart no
15 et 21 ss p. 224 et 226 ss ; Thomas Nydegger/Werner Nadig, in
: BSK-KG, op. cit., art. 4 al. 1 no 78 ss
et 100 ss p. 165 et 169 ss ; ATF 129 II 18 Sammelrevers consid. 6.3).
Un accord en matière de concurrence doit en outre viser ou entraîner une restriction à
la concurrence. On entend par là toute atteinte au libre jeu de l'offre et de la demande. Il faut
donc qu'un accord affecte en plus un paramètre de concurrence, à savoir le prix, la quantité,
la qualité, le design d'un produit ou d'un service, le service au client, les conditions commerciales
appliquées ou encore les canaux d'écoulement ou d'approvisionnement. Un accord a pour objet
une restriction à la concurrence lorsqu'il a pour but d'influencer un ou plusieurs paramètres
concurrentiels, dont la gestion incombe en principe individuellement aux entreprises sur le marché.
Pour établir l'existence d'un accord qui entraîne une restriction à la concurrence, il
n'est en revanche pas nécessaire de prouver l'intention subjective des participants ni de se limiter
au but objectif de l'accord en question. Il suffit d'établir un effet sur le marché ainsi que
le rapport de causalité entre cet effet et la coordination entre participants. Si la restriction
à la concurrence est due à des facteurs exogènes, il n'y a pas d'accord en matière
de concurrence. Les effets restrictifs de concurrence peuvent être présents, futurs ou passés
(cf. Amstutz/Carron/Reinert, in : CR-Concurrence, op. cit., art. 4
al. 1 LCart no 72 ss p. 244 ss et réf.
cit. ; Nydegger/Nadig, in : BSK-KG, op. cit., art. 4 al. 1 no
67 ss p. 163 ss ; Mariel Hoch Classen, Vertikale Wettbewerbsabreden
im Kartellrecht, 2003, p. 217 ; arrêt du TAF B-8399/2010 du 23 septembre 2014 Baubeschläge
Siegenia consid. 5.3.2.5 ss et réf. cit.).
4.2 On
définit les recommandations de prix comme des indications unilatérales sans force contraignante
transmises à des entreprises. Dans le cas des recommandations verticales, les auteurs et les destinataires
de la recommandation sont situés sur des échelons différents du marché. Les recommandations
de prix verticales constituent en principe un comportement unilatéral et non pas un accord en matière
de concurrence. Néanmoins, les recommandations de prix peuvent être qualifiées d'accords
en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, et ce bien que celles-ci -
contrairement à ce qui était encore le cas dans la loi fédérale du 20 décembre
1985 sur les cartels et organisations analogues (aLCart 1985, RO 1986 874) - ne sont plus expressément
mentionnées dans la LCart actuelle (cf. Roland Köchli/Philippe M. Reich,
in : Stämpflis Handkommentar Kartellgesetz, 2007, art. 4 n° 14 p. 40 ; cf. aussi message
LCart 1995, ch. 224.1 p. 544, où le respect des recommandations pourrait être qualifié
de pratique concertée), en particulier, lorsqu'une recommandation de prix dissimule un prix de vente
imposé de manière contraignante (cf. Walter A. Stoffel, in : SIWR
V/2, 2000, p. 64 ; Andrea Christine Doss, Vertikalabreden und deren direkte
Sanktionierung nach dem schweizerischen Kartellgesetz, thèse Zurich 2009, p. 33 ss no
55 ; Juhani Kostka, Harte Kartelle, thèse Fribourg 2010, p. 410
ss no 1201 ss ; Dimitri
Antipas, Les recommandations de prix en droit suisse et en droit européen de la concurrence,
thèse Berne 2014, p. 204). Si elles en présentent les éléments constitutifs,
les recommandations de prix peuvent ainsi prendre la forme de conventions (avec ou sans force obligatoire)
ou de pratiques concertées. Les recommandations qui sont fondées sur une convention ou sur
une pratique concertée sont qualifiées de recommandations de prix plurilatérales, dès
lors que leur émission résulte ou repose sur un minimum de concertation (cf. Antipas,
op. cit., p. 342). L'ancienne Commission de recours DFE a ainsi confirmé une décision
de la Comco retenant l'existence d'une convention sans force obligatoire au sens de l'art. 4 al. 1 LCart
entre l'association fribourgeoise des écoles de circulation et ses membres dès lors qu'il a
été établi que les tarifs diffusés à tous les membres sous forme de tarifs conseillés
devaient être respectés, même en l'absence de sanction formellement prévue en cas
de violation de cette obligation, ceux-ci étant fixés par une décision de l'assemblée
générale (cf. décision de l'ancienne Commission de recours DFE 00/FB-002 du 12 mars 2001
consid. 2.1).
A teneur du ch. 10 CommVert, consacré aux présomptions, l'art. 5 al. 4 LCart
s'applique également aux accords revêtant la forme de recommandations, qui se fondent
sur une convention ou sur une pratique concertée, et qui ont notamment pour objet ou pour effet
l'établissement de prix de vente minimaux ou fixes (cf. par. 3 ; Comco, DPC 2009/2, p. 143,
Sécateurs et cisailles, ch. 37 ; Secrétariat Comco,
DPC 2011/3, p. 364, Festool, ch. 43 ; Silvio
Venturi/Christoph Vonlanthen, in : Les accords de distribution, 2005, p. 138 no
49).
Contrairement à l'al. 3, l'al. 4 de l'art. 5 LCart ne mentionne pas expressément les accords
fixant "indirectement" des prix. Le ch. 10 par. 2 CommVert prévoit toutefois que l'article
5 al. 4 LCart vaut également pour les accords conduisant indirectement à l'imposition
de prix de vente minimaux ou fixes. La doctrine majoritaire, tout comme l'autorité inférieure,
est d'avis que l'art. 5 al. 4 LCart s'applique aussi à la fixation indirecte des prix (cf. à
ce sujet : Amstutz/Carron/Reinert, in : CR-Concurrence, op. cit., art. 5
LCart no 566 ss p. 560 et réf.
cit., Patrick L. Krauskopf/Olivier Schaller, in : BSK-KG, op. cit.,
art. 5 no 521 p. 433 ; contra
: cf. Venturi/Vonlanthen, op. cit., p. 137 no
48).
4.2.1 Selon
le ch. 15 CommVert, intitulé "Recommandations de prix", en cas de recommandations de prix
des fournisseurs à leurs revendeurs ou à leurs distributeurs, il faut examiner au cas par cas
si on est en présence d'un accord illicite en matière de concurrence au sens de l'article
5 al. 4 LCart en relation avec l'alinéa 1 de cet article (par. 1). Les recommandations
de prix sont considérées comme qualitativement graves si elles ont le même effet que des
accords imposant des prix fixes ou minimaux, en raison de pressions ou d'incitations de la part
d'une entreprise partie à l'accord (par. 2). Les circonstances suivantes peuvent donner
lieu à l'examen de recommandations de prix : le fait que les recommandations de prix ne soient pas
généralement accessibles, mais émises à la seule attention des revendeurs ou distributeurs
(let. a) ; le fait que les recommandations de prix en francs suisses indiquées par les producteurs
ou fournisseurs sur les produits, les emballages ou dans les catalogues etc., ne soient pas expressément
désignées comme non-contraignantes (let. b) ; le fait que le niveau de prix des produits concernés
par les recommandations soit - à prestations comparables - significativement plus élevé
que dans les pays voisins (let. c) ; le fait que les recommandations de prix soient effectivement suivies
par une part importante des revendeurs ou des distributeurs (let. d) (par. 3).
Le ch. 15 CommVert prévoit ainsi différentes situations à examiner selon l'art. 4
al. 1 en lien avec l'art. 5 al. 4 LCart, notamment si une recommandation de prix est effectivement suivie
par une part importante des revendeurs (par. 3 let. d) et si elle produit un effet équivalant à
des accords imposant des prix fixes ou minimaux, en raison de pressions ou d'incitations de la
part d'une entreprise partie à l'accord (par. 2). Ce dernier critère a été
repris de l'art. 4 pt a) du règlement (UE) no
330/2010 de la commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101 paragraphe 3 du
traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords
verticaux et de pratiques concertées, JO L 102/1 du 23 avril 2010 (ci-après : le
règlement d'exemption par catégorie) dont la teneur est la suivante : "l'exemption prévue
à l'art. 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément
ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet : de
restreindre la capacité de l'acheteur de déterminer son prix de vente, sans préjudice
de la possibilité pour le fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix
de vente, à condition que ces derniers n'équivaillent pas à un prix de vente fixe ou minimal
sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations par l'une des parties". Cet alignement
sur les règles en vigueur dans l'Union européenne vise à éviter l'isolement du marché
suisse et à assurer la sécurité juridique (cf. consid. VII CommVert ; cf. également
sur la prise en compte du droit européen : arrêt du TAF B-7633/2009 du 14 septembre 2015
Swisscom consid. 167 ss). Il s'ensuit que les contrats de distribution
licites au regard du droit européen des cartels doivent également être considérés
comme licites en Suisse.
4.2.2 La
Commission européenne a édicté des lignes directrices exposant les principes sur lesquels
se fonde l'appréciation des accords verticaux au regard de l'art. 101 du traité sur le fonctionnement
de l'Union européenne (cf. pt 1 des Lignes directrices de la Commission européenne sur les
restrictions verticales, JO C 130/1 du 19 mai 2010 [ci-après : les Lignes directrices sur
les restrictions verticales]). Celles-ci indiquent que le recours à une mesure d'accompagnement
particulière ou la communication par le fournisseur à l'acheteur d'une liste de prix conseillés
ne sont pas considérés en soi comme un prix de vente imposé (cf. pt 48 des Lignes directrices
sur les restrictions verticales ; Steffen Nolte, in : Kommentar zum
deutschen und europäischen Kartellrecht, vol. II, 11e
éd. 2010, art. 81 CE no 515 p. 352 ;
du même avis : cf. Tobias Lettl, Informationsaustausch über
die Preisgestaltung als vertikale Wettbewerbsbeschränkung, WRP 10/2013 p. 1272 ss, spéc. p.
1274 no 20). Une recommandation de prix est
exemptée lorsque la part de marché de chacune des parties à l'accord n'excède pas
le seuil de 30% et que dite recommandation n'équivaut pas à un prix de vente minimum ou fixe
sous l'effet de pressions exercées par l'une des parties ou de mesures d'incitation prises par elle
(cf. art. 3 par. 1 et art. 4 pt a) du règlement d'exemption par catégorie) ; la position de
celui dont émane la recommandation de prix sur le marché en cause importe, plus sa position
est forte, plus grand est le risque qu'il impose sa conception du prix de revente (cf. pt 226 ss des
Lignes directrices sur les restrictions verticales). Il faut noter que le seuil de 30% est critiqué
en doctrine (cf. Ivo Van Bael/Jean-François Bellis, Competition
Law of the European Community, 5e éd.
2010, p. 194 ss). Des mesures telles que des menaces, des intimidations, des avertissements, des sanctions,
des retards ou suspensions de livraisons, ou la résiliation du contrat en cas de non-respect d'un
niveau de prix peuvent, selon l'évaluation de la Commission européenne, être utilisées
pour faire d'un prix maximal ou conseillé l'équivalent d'un prix de vente imposé (cf. Andreas
Röhling, in : Münchener Kommentar zum Europäischen und Deutschen Wettbewerbsrecht,
vol. I, 2007, art. 4 GVO no 772/2004 no 27
ss p. 1035 ss ; Alexander Petsche/Marc Lager, in : Handbuch der
EU-Gruppenfreistellungsverordnungen, 2e éd.
2012, p. 199 et 229 no 96 et 197 ss ; Richard
Whish/David Bailey, Competition Law, 7e
éd. 2012, p. 664 ; Romina Polley/Steffen Rhein, Anforderungen an
die Vereinbarung bzw. abgestimmtes Verhalten bei vertikaler Preisbindung - Praxis des BKartA
und europäische Rechtslage, KSzW 01/2011 p. 15 ss, spéc. p. 20). Le seul suivi d'une recommandation
de prix n'est dès lors pas déterminant. Au contraire, un lien de causalité doit exister
entre une recommandation de prix et le respect de celle-ci (cf. Bellamy & Child,
European Community Law of Competition, 6e
éd. 2008, p. 436 ss no 6.051).
Nolte conteste expressément qu'une concordance de volontés puisse être fondée sur
le seul fait que la recommandation de prix a en partie au moins été couronnée de succès
(cf. Nolte, op. cit., art. 81 CE no
512 p. 351 ; dans le même sens : cf. Thomas Weck/Peter Camesasca, Willenserklärungen
im Kartellrecht, WuW 01/2013 p. 17 ss, spéc. p. 20 ss ; Lettl,
op. cit., p. 1279 no 61). Il faut bien plus
démontrer que les distributeurs ont acquiescé à l'invitation, ou cédé à
la pression, pour conclure à l'admission de prix de vente imposés (cf. Lettl,
op. cit., p. 1275 ss no 21 ss).
4.2.3 Il
existe en outre déjà une pratique des autorités de la concurrence en la matière.
Le secrétariat a notamment considéré qu'une pression sur les revendeurs ne pouvait être
retenue dans l'affaire Scott Bikes puisque, malgré les recommandations
de prix reçues, ceux-ci accordaient certains rabais (cf. Secrétariat Comco, DPC 2008/3, p.
382, Scott Bikes). En revanche, dans l'affaire Hors-Liste
Medikamente, la Comco a qualifié d'illicites les recommandations de prix concernant certains
médicaments contre le dysfonctionnement érectile de différentes entreprises pharmaceutiques.
Elle a toutefois laissé indécise la question de savoir si et dans quelle mesure la recommandation
de prix devait être suivie pour qu'il y ait accord en matière de concurrence puisque les recommandations
en cause étaient communiquées également, voire principalement, dans l'intérêt
de leurs destinataires, ce qui laissait supposer, selon elle, l'existence d'une pratique concertée
(cf. Comco, DPC 2010/4, p. 649, Hors-Liste Medikamente : Preise
von Cialis, Levitra und Viagra [ci-après : Hors-Liste Medikamente],
ch. 109 et 118 ss ; cette décision est l'objet d'un recours pendant). Dans l'affaire Festool,
le secrétariat a constaté, tout en laissant la qualification de l'accord indécise, que
les recommandations de prix ne constituaient pas en soi des pratiques concertées, puisque celles-ci
devaient encore être suivies. Aucun pourcentage minimal de suivi n'a cependant été fixé.
De même, il a indiqué que celui-ci ne suffisait pas à lui seul, faute de quoi la qualification
de pratique concertée reposerait sur le comportement du destinataire de la recommandation sans que
l'auteur de celle-ci n'eût aucune influence sur le fait d'être ou non partie à un accord
en matière de concurrence (cf. Secrétariat Comco, DPC 2011/3, p. 364, Festool,
ch. 28 ss). Le secrétariat a également considéré qu'il y avait des indices
en faveur d'une pratique concertée entre des producteurs d'appareils auditifs et des acousticiens,
laquelle visait, et avait pour effet, de restreindre la concurrence sur les prix intramarque au niveau
du consommateur final. En particulier, le taux de suivi élevé des recommandations de prix,
de même que l'absence d'indication selon laquelle celles-ci n'étaient pas contraignantes plaidaient
en faveur d'une pratique concertée (cf. Secrétariat Comco, DPC 2011/2, p. 248, Markt
für Hörgeräte). Une enquête n'a toutefois pas été ouverte. La Comco
a estimé, dans l'affaire Kosmetikprodukte, que des recommandations
de prix édictées de manière unilatérale constituaient en principe un comportement
unilatéral et ne pouvaient dès lors être qualifiées d'accord au sens de l'art. 4
al. 1 LCart. Cependant, en présence d'un minimum de concordance de volontés entre l'auteur
et le destinataire des recommandations de prix, celles-ci peuvent constituer une pratique concertée.
Un taux de suivi élevé d'une recommandation de prix verticale laisse supposer l'existence d'une
pratique concertée. En raison de l'absence d'effets notables des recommandations de prix sur la
concurrence, la question de savoir s'il existait une pratique concertée est toutefois demeurée
indécise (cf. Comco, DPC 2014/1, p. 184, Kosmetikprodukte
[Dermalogica], ch. 85 et 91 ss).
4.2.4 Selon
la doctrine, il faut, pour admettre l'existence d'une pratique concertée, qu'il soit établi
que les recommandations de prix communiquées par un fournisseur sont suivies par leurs destinataires,
faute de quoi elles ne présentent qu'un caractère unilatéral (cf. Bruno
Schmidhauser, in : Kommentar zum schweizerischen Kartellgesetz vom 6. Oktober 1995 und zu den
dazugehörenden Verordnungen, 1996 [KG-Kommentar 1996], art. 4 LCart no
39 ss p. 17 ; Kölchi/Reich, op. cit., n° 15 ss ad art. 4 LCart
; Nydegger/Nadig, in : BSK-KG, op. cit., art. 4 al. 1 n° 126 p.
174 ss ; Jürg Borer, Handkommentar Wettbewerbsrecht I, 3e
éd. 2011, art. 4 LCart no 11 p. 54 ;
Stoffel, op. cit., p. 64 ; Kostka,
op. cit., p. 411 ss no 1203 ss ; Franz Hoffet,
KG-Kommentar 1996, op. cit., art. 5 LCart no 37
p. 27 ; Roger Zäch, Schweizerisches Kartellrecht, 2e
éd. 2005, p. 180 no 375 ; Doss,
op. cit., p. 107 no 186 ; contra
: cf. Pierre-Alain Killias, in : Commentaire romand, Droit de la concurrence,
1ère éd. 2002, art. 4 al. 1 LCart
n° 28 et 29 p. 155 [cette contribution n'a pas été reprise dans la 2e
éd.] et Sebastian Frehner, Die zivilrechtliche Unzulässigkeit von
Wettbewerbsabreden, thèse Fribourg 2007, p. 187 ss, pour qui, dès qu'une restriction à
la concurrence est visée, l'examen des effets, y compris celui de la question de savoir si la recommandation
est suivie, ne doivent pas avoir lieu à ce stade).
Une partie de la doctrine estime que la preuve
du respect effectif des prix recommandés ne doit
pas être soumise à des exigences plus élevées que celles prévalant de manière
générale en cas de pratique concertée (cf. Roger Zäch/Reto
A. Heizmann, recht 06/2009 p. 194 ss, spéc. p. 196 ss ; concernant les recommandations
horizontales : Kostka, op. cit., p. 413 ss no
1208 ss). Un faible taux de suivi suffirait (cf. Nydegger/Nadig,
in : BSK-KG, op. cit., art. 4 al. 1 n° 126 p. 175 ; il n'est toutefois pas clair si cette affirmation
est également applicable aux recommandations verticales). D'autres auteurs sont d'avis qu'un suivi
majoritaire ou notable est nécessaire pour admettre une pratique concertée (cf. Schmidhauser,
op. cit., art. 4 LCart no 42 p. 18 ;
concernant les recommandations horizontales : Amstutz/Carron/Reinert, in
: CR-Concurrence, op. cit., art. 4 al. 1 LCart no
47 p. 236). Weber/Volz proposent une règle générale pour le praticien, selon laquelle
un suivi d'environ trois quarts des destinataires plaide en faveur d'un accord en matière de concurrence
(cf. Rolf H. Weber/Stephanie Volz, Fachhandbuch Wettbewerbsrecht, 2013,
p. 83 no 2.124). Pour Antipas, une recommandation
largement suivie constitue déjà un accord sur les prix au sens de l'art. 4 al. 1 LCart mais
pas encore un prix de vente imposé au sens de l'art. 5 al. 4 LCart (cf. Antipas,
op. cit., p. 222 ss).
Certains auteurs estiment en revanche que, dans
une relation verticale, il ne suffit pas que des
recommandations de prix soient effectivement appliquées. Tout d'abord, le respect de la recommandation
par le distributeur peut reposer sur une décision autonome (cf. Gion Giger,
Vertikale Abreden - Entwicklungen im schweizerischen und europäischen Kartellrecht, sic! 2010
p. 859 ss, spéc. p. 864). Ensuite, si l'on présume l'existence d'une pratique concertée
à partir d'un taux de suivi, il s'ensuit un renversement du fardeau de la preuve, producteurs et
distributeurs devant prouver que le comportement de ceux-ci ne repose pas sur une concordance de volontés
réciproques, à savoir un fait négatif indéterminé (cf. Marc
Amstutz/Mani Reinert, in : Kartellgesetzrevision 2003, 2004, p. 88). Enfin, le taux de suivi des
distributeurs (respectivement des destinataires de la recommandation) ne peut à lui seul décider
de l'existence de l'accord, faute de quoi le producteur ne serait pas sanctionné en fonction de
son propre comportement mais en fonction de celui de ceux-ci (cf. Amstutz/Reinert,
op. cit., p. 88 ss ; Mani Reinert, in : Die Praxis des Kartellgesetzes
im Spannungsfeld von Recht und Ökonomie, 2011, p. 35). Aussi, conformément au ch. 15 par. 2
CommVert, il est requis, en sus d'un certain suivi, que des pressions soient exercées ou des mesures
d'incitation prises afin qu'une recommandation de prix puisse constituer un accord au sens de l'art.
4 al. 1 LCart (cf. supra consid. 4.2.1 ; du même avis également : Neff,
in : BSK-KG, op. cit., ch. 11 aCommVert 2007 no
9 p. 538). Il s'ensuit que, selon ces auteurs, des recommandations de prix consistent en principe
en des comportements unilatéraux. Tant que les destinataires de la recommandation sont effectivement
libres de fixer les paramètres concurrentiels, son auteur ne peut être sûr de la manière
dont ceux-là se comporteront, de sorte qu'il n'y a pas d'accord au sens de l'art. 4 al. 1 LCart
(cf. Amstutz/Carron/Reinert, in : CR-Concurrence, op. cit., art.
4 al. 1 LCart n° 56 p. 239 ; Giger, op. cit., p. 864).
4.2.5 En
définitive, il y a lieu d'admettre tout d'abord que lorsque le prix recommandé par un producteur
est accepté expressément ou tacitement par des distributeurs, il y a convention exprimant la
volonté commune et concordante des producteurs et des distributeurs de respecter des prix fixes.
Par ailleurs, il y a pratique concertée si d'une part, l'autonomie du destinataire de la recommandation
est restreinte par un producteur qui - de son propre chef ou à la demande d'autres distributeurs
- entrave la liberté de décision de ses distributeurs par des pressions ou des incitations
à respecter la recommandation et, d'autre part, si les recommandations sont, dans une large mesure,
effectivement respectées. En effet, dès lors que les recommandations de prix ne sont, en soi,
pas contraires à la LCart et que l'art. 4 de ladite loi se réfère expressément au
terme juridique de l'accord, le cumul des deux éléments est nécessaire à la reconnaissance
d'une pratique concertée en matière de concurrence.
4.3 En
l'espèce, il ressort du dossier qu'il n'y avait pas de contrat écrit entre Roger Guenat SA
et ses revendeurs fixant en détail les conditions de distribution. Néanmoins, le grossiste
avait établi un document interne, intitulé "Conditions à la revente", contenant
les critères auxquels un revendeur devait répondre pour être agréé. Ce document
avait la teneur suivante :
"a) Inscription au registre du commerce : la raison sociale doit avoir pour but la revente d'articles
correspondant à nos catégories.
b) Vitrine, surface de vente et/ou organisation de vente : possibilité d'exposer ses produits,
avec pignon sur rue, shop online, etc.
c) Horaires d'ouverture : des horaires affichés clairement, en vue du client
d) Compétences dans le conseil
e) Politique de prix raisonnable et responsable : avoir une politique respectueuse
du marché
établi (attention ne peut pas être clairement cité)
f) Solvabilité : capacité de payer les factures. 1ère
commande toujours avec paiement d'avance. Puis à juger au cas par cas.
g) D'autres fournisseurs ou une compétence ciblée dans le domaine (Kernkompetenz) : pas
de mono-marque, mono-produit... le souhait de travailler avec une offre de produits et services adéquats
par rapport au client ciblé"
Il appert ainsi de ce document que, pour être autorisés à revendre les produits distribués
par Roger Guenat SA, les revendeurs potentiels devaient satisfaire à la condition d'une politique
de prix raisonnable et responsable, respectueuse du marché établi. Roger Guenat SA avait à
cet égard établi des listes de prix de revente par marque, calculés sur la base des listes
de prix qu'elle recevait de ses fournisseurs. Elles étaient communiquées par Roger Guenat SA
aux revendeurs une fois par an. Elles étaient en outre disponibles sur son site Internet et accessibles
au public.
4.4 Dans
la décision querellée, l'autorité inférieure a retenu que les prix mentionnés
sur ces listes ne constituaient pas de simples recommandations que Roger Guenat SA invitait ses revendeurs
à respecter mais revêtaient un caractère obligatoire, dont le non-respect était sanctionné
par une suspension ou un arrêt des livraisons. Elle a en effet exposé qu'en contrepartie des
produits reçus par Roger Guenat SA, le revendeur acceptait - de gré ou de force -
la condition d'une politique de prix raisonnable et responsable, c'est-à-dire d'appliquer les prix
de la liste officielle et les rabais maximaux. L'autorité inférieure a indiqué qu'un tel
accord ressortait expressément des documents saisis lors de la perquisition de Roger Guenat SA.
Il résultait également de ceux-ci que certains revendeurs avaient aidé Roger Guenat SA
à faire respecter cette politique de prix en dénonçant les concurrents qui ne se conformaient
pas aux "Conditions à la revente", en particulier aux rabais maximaux. Aussi, l'autorité
inférieure a soutenu que le respect des prix recommandés par Roger Guenat SA n'était pas
la conséquence de comportements unilatéraux, indépendants du grossiste et du revendeur
mais était fondé sur une volonté commune de suivre ces prix, si bien qu'il existait, durant
la période visée, une collaboration consciente et voulue sur des prix de revente minimaux.
En outre, elle a considéré que le fait que Roger Guenat SA déterminait les prix à
l'attention des revendeurs et s'assurait que ceux-là soient respectés à l'aide de pressions,
telles que des menaces de suspension, voire de suppression, des livraisons, visait et entraînait
une restriction à la concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart. Les revendeurs ne pouvaient
en effet pas, en raison du comportement du fournisseur, déterminer de manière autonome leur
politique de prix. En conséquence, l'autorité inférieure a reconnu qu'il existait un accord
vertical portant sur des prix de revente minimaux au sens des art. 4 al. 1 et 5 al. 4 LCart entre Roger
Guenat SA et chacun de ses revendeurs, durant la période en cause.
4.5 La
recourante conteste l'existence d'un accord au sens des art. 4 al. 1 et 5 al. 4 LCart et invoque une
constatation inexacte et incomplète des faits pertinents. Il y a donc lieu d'examiner s'il existait,
durant la période sous investigation, une convention entre Roger Guenat SA et ses revendeurs ou,
à défaut, une pratique concertée portant sur l'application de prix de revente minimaux.
4.5.1 La
procédure administrative fédérale est essentiellement régie par la maxime inquisitoire
(ou inquisitoriale), ce qui signifie que l'autorité administrative constate les faits d'office et
procède, s'il y a lieu, à l'administration de preuves par les moyens idoines (cf. art. 12 PA,
applicable par renvoi de l'art. 39 LCart). La maxime inquisitoire doit cependant être relativisée
par son corollaire : le devoir de collaborer des parties (cf. art. 13 PA ; ATAF 2014/2 consid. 5.5.2.1
; arrêt du TAF B-7633/2009 précité Swisscom
consid. 186 et réf. cit. ; Clémence Grisel, L'obligation
de collaborer des parties en procédure administrative, thèse Fribourg 2008, p. 49 ss n°
142). Selon l'art. 13 al. 1 PA, les parties sont notamment tenues de collaborer à la constatation
des faits dans une procédure où elles prennent des conclusions indépendantes (let. b)
ou si une autre loi fédérale leur impose une obligation plus étendue de renseigner ou
de révéler (let. c). A cet égard, l'art. 40 LCart fonde une obligation de renseigner étendue
des parties et des tiers concernés.
La procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral est également
régie par la maxime inquisitoire en vertu du renvoi de l'art. 37 LTAF. Celle-ci est cependant
quelque peu tempérée, notamment en raison du fait qu'il ne s'agit dans ce cas pas d'un établissement
des faits ab ovo. Il convient de tenir compte de l'état de
fait déjà établi par l'autorité inférieure. Dans ce sens, le principe inquisitoire
est une obligation de vérifier d'office les faits constatés par l'autorité inférieure
plus que de les établir (cf. arrêts du TAF A-5584/2008 du 11 juin 2010 consid. 1.2.1 et A-6120/2008
du 18 mai 2010 consid. 1.3.2). La constatation des faits effectuée par l'autorité administrative
est inexacte lorsque celle-ci a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié
de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé
sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces par exemple. Elle
est incomplète lorsque tous les éléments de fait et moyens de preuve déterminants
pour la décision n'ont pas été pris en compte par l'autorité (cf. arrêt du TAF
B-5196/2011 du 14 juin 2012 consid. 8.1 ; Benoît Bovay, Procédure
administrative, 2000, p. 395 ss).
En procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral, des faits nouveaux,
de nouveaux moyens de preuve ainsi qu'une nouvelle argumentation peuvent être présentés
pour autant qu'ils n'excèdent pas l'objet du litige (cf. ATAF 2009/64 consid. 7.3, 2009/9 consid.
3.3.1 et réf. cit.). Il découle en effet de la maxime inquisitoire et de sa libre cognition
en matière de constatation des faits que le Tribunal administratif fédéral statue sur
la base du dossier tel qu'il se présente au moment de l'arrêt sur recours (cf. ATAF 2009/64
consid. 7.3, 2009/9 consid. 3.3.1, 2012/21 consid. 5.1 et réf. cit.).
4.5.2 La
procédure administrative fédérale est en outre régie par le principe de la libre
appréciation des preuves (cf. art. 40 PCF, applicable par analogie par renvoi de l'art. 19 PA).
L'appréciation des preuves est libre, en ce sens qu'elle n'obéit pas à des règles
de preuve légales, prescrivant à quelles conditions le juge devrait admettre que la preuve
a abouti et quelle valeur probante il devrait reconnaître aux différents moyens de preuve les
uns par rapport aux autres (cf. arrêt du TF 5A.12/2006 du 23 août 2006 consid. 2.3). Dès
lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la
provenance, évaluer la crédibilité des pièces produites pour déterminer si elles
emportent sa conviction, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un
jugement valable sur le droit litigieux (cf. arrêt du TF 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid.
4.2 ; arrêt du TAF B-8399/2010 précité Baubeschläge
Siegenia consid. 4.2.2). Est déterminante, la force de conviction attachée à chaque
moyen de preuve, et non le genre de preuve administrée, sur la base d'une évaluation globale
de l'ensemble des preuves rassemblées au dossier (cf. arrêt du TF 6B_380/2008 du 4 août
2008 consid. 5.3). Le principe de la libre appréciation des preuves interdit de dénier a
priori toute force probante à un moyen de preuve (cf. ATF
133 I 33 consid. 2.1).
Lorsque, comme en l'espèce, la procédure administrative porte sur des sanctions à
caractère pénal, le principe de la présomption d'innocence, garanti par les art. 32 al.
1 Cst. et 6 par. 2 CEDH notamment, préside à l'administration des preuves (cf. Regina
Kiener/Bernhard Rütsche/Mathias Kuhn, Öffentliches Verfahrensrecht,
2012, p. 169 no 712 ; arrêt du
TF 2C_721/2012 du 27 mai 2013 consid. 5.2.1). Ainsi, si un doute raisonnable sur la "culpabilité"
subsiste lors de l'appréciation des preuves, l'autorité doit renoncer à infliger une sanction.
En effet, le principe in dubio pro reo interdit au juge de
se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation
objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable
quant à l'existence de celui-là (cf. arrêt du TAF B-8399/2010 précité
Baubeschläge Siegenia consid. 4.4.28 et 6.4.4 ; cf. également
arrêt de la CJUE T-550/08 du 12 décembre 2014 consid. 89 ; cf. concernant la présomption
d'innocence en droit des cartels : Gerald Brei, Kartellrechtsverfahren nach
PubliGroupe - offene Fragen und praktische Probleme, RSJ 110/2014 p. 177 ss, spéc. p. 183).
Ceci étant, le juge du fond ne peut retenir un fait défavorable à l'accusé que s'il
est convaincu de la matérialité de ce fait, de sorte que le doute profite à l'accusé
(cf. ATF 127 I 38 consid. 2a ; arrêt du TF 6B_784/2011 du 12 mars 2012 consid. 1.1.1 ;
arrêt du TAF B-8399/2010 précité Baubeschläge Siegenia
consid. 6.4.5). Une certitude absolue n'est pas nécessaire ; la conviction subjective du juge suffit,
si elle est raisonnablement justifiée. N'importe quel indice peut, suivant les circonstances, emporter
la conviction du juge. Le juge décide ainsi selon son intime conviction si un fait est établi
ou non, avec la force probante qu'il croit pouvoir reconnaître à chaque preuve administrée,
voire à un indice, pour autant qu'ils ressortent du dossier (cf. ATF 133 I 33 consid. 2.1).
4.5.3
4.5.3.1 En
procédure administrative, un fait est en principe tenu pour établi lorsque le juge a pu se
convaincre de la véracité d'une allégation (certitude ; volle
Überzeugung, certezza). Toutefois, il suffit parfois, selon la loi ou la jurisprudence, que
le fait en question soit rendu vraisemblable, le degré de la preuve exigé étant celui
de la vraisemblance prépondérante (überwiegende Wahrscheinlichkeit,
verosimiglianza preponderante). Le juge retiendra alors, parmi plusieurs présentations des
faits, celle qui lui apparaît comme la plus vraisemblable. Cet allégement du degré de
la preuve est justifié par la difficulté d'accéder aux moyens de preuve, de sorte que
l'on se trouve à cet égard pour ainsi dire en état de nécessité (Beweisnotstand
; cf. Patrick L. Krauskopf/ Katrin Emmenegger, in : Praxiskommentar
VwVG, 2009, art. 12 no 216 p. 292, Michael
Tschudin, Glauben, Wissen, Zweifeln - über das Beweismass im Kartellrecht, PJA 2014
p. 1333 ss, spéc. p. 1345 ; arrêts du TAF B-8399/2010 précité Baubeschläge
Siegenia consid. 4.3.4 et réf. cit. et B-7633/2009 précité Swisscom
consid. 156 ss et réf. cit.). Le Tribunal fédéral a ainsi admis que, pour établir
l'existence d'un lien de causalité (naturelle, adéquate ou naturelle hypothétique), le
juge était en droit de forger sa conviction sur la vraisemblance prépondérante du processus
causal (voire sur la simple vraisemblance s'agissant de la causalité adéquate), dès lors
que, par la nature des choses, une preuve directe ne pouvait être apportée (cf. ATF 133 III
153 consid. 3.3, 133 III 81 consid. 4.2.2 et réf. cit. ; arrêt du TF 5P.166/2002 du 27 mai
2002 consid. 2 et réf. cit. ; arrêt du TAF B-7633/2009 précité Swisscom
consid. 159 et réf. cit. ; Fabienne Hohl, Procédure civile,
tome I, 2001, p. 203 ss no 1070
ss). La Haute Cour a également admis une preuve facilitée lorsque les conditions de la règle
légale constituent des faits négatifs (déterminés ou indéterminés) (cf.
ATF 139 II 451 consid. 2.4 ; arrêt du TF 2C_511/2013 du 27 août 2013 consid. 2.4 ; Hohl,
op. cit., p. 206 ss no 1082 ss).
Si une autorité retient que la vraisemblance prépondérante est déterminante alors
qu'elle eût dû être convaincue de manière certaine, il y a violation des règles
sur les preuves (cf. art. 8 CC applicable en qualité de principe général du droit [cf.
arrêt du TAF B-1292/2006 du 26 novembre 2007 consid. 4.3.1]). Relève en revanche de l'appréciation
des preuves (cf. consid. 4.5.2), le point de savoir si, sur la base des preuves administrées, le
degré de preuve requis est atteint dans un cas concret (cf. arrêts du TF 4A_60/2011 du 2 mai
2011 consid. 5.2 et 5C.167/2003 du 23 septembre 2004 consid. 7.2).
4.5.3.2 En
l'occurrence, à l'instar de la procédure administrative ordinaire, la certitude est en principe
également requise en droit des cartels suisse (cf. arrêt du TAF B-8399/2010 précité
Baubeschläge Siegenia consid. 4.3.2). Les autorités
de la concurrence doivent ainsi être convaincues de l'existence des éléments constitutifs
de la définition de l'accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart.
Il en va de même s'agissant de la preuve de l'illicéité de l'accord (art. 5 LCart).
Cependant, selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, en présence d'un
état de fait économique complexe, l'exigence de la certitude doit être atténuée.
La complexité des questions économiques ressortissant au droit de la concurrence doit en effet
être prise en compte de manière appropriée, si bien que l'on ne saurait poser des exigences
excessives quant au degré de preuve requis (cf. arrêts du TAF B-8399/2010 précité
Baubeschläge Siegenia consid. 4.3.7 et réf. cit. et
B-7633/2009 précité Swisscom consid. 160 et réf.
cit. ; cf. également Tschudin, op. cit., p. 1336). Le Tribunal fédéral
a également constaté dans son arrêt Publigroupe,
en lien avec l'appréciation des circonstances du marché, qu'il s'agissait d'une analyse complexe
qui reposait nécessairement sur des données économiques. Aussi, il a admis qu'au regard
du but de la loi sur les cartels, à savoir empêcher les conséquences nuisibles d'ordre
économique ou social imputables aux cartels et aux autres restrictions à la concurrence et
promouvoir ainsi la concurrence dans l'intérêt d'une économie de marché fondée
sur un régime libéral (cf. art. 96 Cst. et 1 LCart), les exigences liées à la preuve
ne pouvaient être exagérées. Une stricte administration des preuves n'apparaissait dans
ce contexte guère possible. En revanche, l'exactitude de l'analyse économique doit
paraître vraisemblable et sa logique doit être intelligible et convaincante (cf. ATF 139 I
72 Publigroupe consid. 8.3.2 ; arrêts du TAF B-8399/2010
précité Baubeschläge Siegenia consid. 4.3.8 et
B-7633/2009 précité Swisscom consid. 161 ; Stephan
Breitenmoser, Beweis- und verfahrensrechtliche Fragen in Kartellrechtsfällen, Jusletter du
20 avril 2015 no 6 ss ; cf. également
à ce sujet : Marino Baldi/Felix Schraner, Die Kartellrechtlichen Urteile
des Bundesverwaltungsgerichts im Fall "Baubeschläge" - revisionistisch oder nur
beiläufig falsch ? [ci-après : Die Kartellrechtlichen Urteile des Bundesverwaltungsgerichts
im Fall "Baubeschläge], PJA 2/2015 p. 269 ss, spéc. p. 275 ; Carl
Baudenbacher, Kartellrecht : Mit wie vielen Zungen spricht das Bundesverwaltungsgericht?, Jusletter
du 2 février 2015 no 9).
Par conséquent, compte tenu de l'analyse économique qu'implique l'appréciation des
effets de l'accord sur la concurrence, il y a lieu d'admettre que la preuve est apportée si les
autorités de la concurrence, respectivement le tribunal, parviennent à la conclusion que l'accord
en cause a très vraisemblablement produit des effets ; le degré de preuve requis étant
alors celui de la vraisemblance prépondérante (cf. arrêt du TAF B-7633/2009 précité
Swisscom consid. 162 ss.). Cette atténuation s'apparente
à celle déjà opérée par le Tribunal fédéral dans d'autres domaines
du droit (cf. consid. 4.5.3.1).
4.5.4 Enfin,
il convient de rappeler que la maxime inquisitoire n'a aucune influence sur la répartition du fardeau
de la preuve. Ainsi, si la conviction du tribunal n'est pas acquise sur la base des preuves à disposition,
la partie à qui incombe le fardeau de la preuve supporte les conséquences d'un échec de
la preuve (cf. arrêts du TAF A-1604/2006
du 4 mars 2010 consid. 3.5, A-1557/2006 du 3 décembre 2009 consid. 1.6 et A-680/2007
du 8 juin 2009 consid. 5). Dans le cas d'espèce, la charge et le fardeau de la preuve de l'existence
d'une convention ou d'une pratique concertée incombent aux autorités de la concurrence (cf. Amstutz/Carron/Reinert,
in : CR-Concurrence, op. cit., art. 4 al. 1 LCart no
36 p. 232).
4.5.5 Dans
le but de corroborer les allégués contenus dans ses écritures, la recourante a requis
du juge instructeur qu'il procède à son interrogatoire ainsi qu'à l'audition de plusieurs
témoins, dont Roger Guenat. Cette requête a été rejetée par décision
incidente du 26 mai 2014.
Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 29 PA, comprend notamment le
droit pour le justiciable d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il y soit donné suite et
de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer
sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf.
ATF 133
I 270 consid. 3.1). Cependant, comme il appartient à l'autorité d'établir d'office
les faits pertinents (cf. consid. 4.5.1), celle-ci n'est pas liée par les offres de preuves
des parties mais peut se limiter à ce qui lui paraît pertinent ; en particulier, le droit d'être
entendu n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves
administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non
arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées,
elle a la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion (cf. art. 12
PA ; ATF 136 I 229 consid. 5.3 et réf. cit.). Partant, il n'est procédé à l'audition
de parties ou de témoins que si de telles mesures d'instruction paraissent indispensables à
l'établissement des faits de la cause (cf. arrêt du TF 1C_323/2011
du 12 octobre 2011 consid. 2.2 et réf. cit.). En particulier, l'audition de témoins apparaît
comme un moyen de preuve subsidiaire qui n'est utilisé qu'à titre exceptionnel lorsque les
faits ne peuvent pas être suffisamment élucidés d'une autre manière (cf. art.
14 al. 1 let. c PA ; arrêt du TF 5A.15/2006
du 15 juin 2006 consid. 2.1 et réf. cit.).
En l'espèce, il convient de relever que Roger Guenat et Frédéric Salamin ont largement
pu s'exprimer par écrit au cours de la présente procédure. Ils ont de même été
entendus oralement par l'autorité inférieure en date des 11 juin 2010, 5 octobre 2010 et 2
juillet 2012, les procès-verbaux d'audition figurant au dossier de la cause. La recourante n'explique
ainsi pas ce que des commentaires oraux supplémentaires apporteraient dans la présente affaire.
Pour le reste, les pièces figurant au dossier sont suffisantes pour établir les faits pertinents
de la cause, de sorte que l'audition des témoins proposés par la recourante ne s'avère
pas nécessaire.
Aussi, le tribunal, procédant par appréciation anticipée des preuves, renonce à
l'interrogatoire de la recourante ainsi qu'à l'audition des témoins proposés.
Partant, il y a lieu de confirmer le rejet des réquisitions de preuves déposées par
la recourante.
4.6 Pour
démontrer l'existence d'un accord en matière de concurrence au sens des art. 4 al. 1 et 5 al.
4 LCart entre Roger Guenat SA et ses revendeurs durant la période en cause, l'autorité inférieure
se réfère à quatre revendeurs pour lesquels il existerait des preuves claires de pressions
exercées dans le but de faire respecter les prix de revente minimaux. Il s'agit des revendeurs C._______,
G._______, Athleticum et d'un détaillant ayant souhaité conserver l'anonymat. Selon la recourante,
ces situations concernent des réalités très différentes ; elles ne sont pas des exemples
d'imposition du respect de la liste de prix. En outre, la preuve que l'ensemble des détaillants
était contraint de suivre la liste officielle n'aurait pas été apportée.
4.6.1 L'autorité
inférieure a tout d'abord retenu, concernant le revendeur C._______, qu'il s'agissait d'un exemple
concret de retard ou d'arrêt des livraisons en 2009 et 2010 pour non-respect des prix minimaux de
la liste officielle.
4.6.1.1 Dans
son courrier électronique du 18 septembre 2009, C._______ a informé le secrétariat que
l'un de ses fournisseurs, Roger Guenat SA, lui imposait des prix de revente minimaux et avait cessé
de le livrer car il ne les respectait pas ; il a transmis des courriers électroniques attestant
ses dires. Dès le début de leur relation contractuelle en juin 2009, Roger Guenat SA l'aurait
menacé de ne plus le livrer s'il fixait des prix inférieurs de 10% aux prix figurant sur la
liste officielle. Le grossiste lui aurait également indiqué le nom d'un autre revendeur, Bächli,
en tant que référence de prix minimaux à appliquer. Il ressort des échanges de courriels
qu'en juin 2009, C._______ a pris contact avec Roger Guenat SA afin d'obtenir les "Conditions
à la revente". Celle-ci les lui a remises en précisant ce qui suit : "Wie besprochen
erwarten wir im Falle einer Zusammenarbeit, dass die empfohlenen Preise für euch verbindlich sind.
Preise wie ihr einige Artikel von Mammut anbietet, werden wir nicht akzeptieren". De même,
le 16 septembre 2009, C._______ a adressé le courriel suivant à Roger Guenat SA :
"Ich bin sehr überrascht, dass ihr ohne Voranmeldung die Lieferungen an mich suspendiert habt.
Gemäss Abmachung die wir mündlich miteinander in Hedingen getroffen haben darf ich meinen Kunden
10% anbieten oder der Preis eines Konkurrenten falls dieser günstiger ist. Ich halte mich strikt
an unsere Abmachung. Vor 2 Monaten wurde ich von einem guten Kunden auf die Preise bei [Z] hingewiesen,
welche generell 12.5% unter den empfohlenen Preisen liegen. Um den Kunden zu behalten musste ich meine
Preise anpassen. Was aber immer noch mit unserer Abmachung übereinstimmt, da sie nicht unter den
Preisen von [Z] liegen". C._______ a reçu, le 17 septembre 2009, la réponse suivante
à son courriel : "Bei unserer mündlichen Abmachung habe ich dir ganz klar gesagt, dass
die Lieferungen sofort gestoppt werden, sobald du Preise unter 10% des von uns empfohlenen Verkaufspreise
angibst. Ich habe Dir den von Bächli (namentlich) angebotenen Preis als unterste Limite angeben.
Das war die Abmachung die es einzuhalten gilt. Zudem erwarten wir Anpassungen in deinem Geschäftslokal,
es braucht ein Schaufenster, eine gewisse Mindestmenge der von dir angebotenen Ware aus unserem Sortiment,
die in deinem Geschäft ausgestellt sind und gängige Öffnungszeiten. Wenn diese Faktoren
nicht vorhanden sind, betrachten wir dich als reinen Internethändler und als solcher wirst du von
uns auch nicht beliefert. Diese Faktoren habe ich dir bei meinem Besuch ganz genau erklärt. Ich
stehe gerne wieder zu Verfügung wenn diese Anpassungen vorgenommen sind, wir diese bei einem Besuch
in deinem Geschäft überprüfen können". A réception de ce courrier, C._______
a informé Roger Guenat SA de ce qui suit :
"Angehängt findest Du die [Z] Preisliste welche einer meiner wichtigsten Kunden erhalten
hat. Die Preise sind generell 12.5% unter dem von euch empfohlenen VK. Dies ist ein direkter Konkurrent
und ich verstehe nich[t] weshalb ich mit einem Lieferstopp belegt wurde. In unserer mündlichen Abmachung
war klar von Bächli Sport die Rede, es wurde aber auch gesagt, dass wenn ein anderer Anbieter unter
die Preise von Bächli geht, dass ich dann auch auf dieses Preisniveau gehen kann.
Die von dir verlangten Anpassungen an : Öffnungszeiten, Schaufenster und Mindestmenge des Sortiments
höre ich heute zum ersten Mal und ich brauche mindestens 2 Wochen Zeit um dies umzusetzen.
[...] In diesem Sinn möchte ich einen Vorschlag machen :
Sofortige Anhebung der Preise um 2.5% auf 10% unter
dem empfohlenen VK
Sofortige Wiederaufnahme der Lieferungen
Erstellung eines Schaufensters bis Ende September
Öffnungszeiten ab 1. Okt. Mo: 09:00 bis 11:30 Di: 09:00 bis 11:30 Mi: 09:00 bis 11:30 Do:
17:30 bis 20:00 Fr: 17:30 bis 20:00 Sa: 09:00 bis 13:00
Ab 1. Okt. Petzl / Ortovox Material im Wert von mindestens
Fr. 1500 im VK permanent ausgestellt im
Shop
Ab 1. Okt. Anpassung der Preise auf Niveau [Z]"
En réponse, l'importatrice a adressé, le même jour, le courriel suivant à C._______
: "Die Abmachung war ganz klar der Preis von Bächli und bei nicht einhalten Lieferstopp. Es
scheint mir auch, das[s] du bei den anderen Lieferbedingungen beim überhören der Details etwas
grosszügig warst. Ab dem 26.09. bin ich für 2 Wochen abwesend, da kannst du deine Anpassungen
vornehmen; sobald du bereit bist, kannst du mich [...] anrufen. Nach meinem Besuch werden wir den
Fall von Dir nochmals überprüfen, bis zu diesem Entscheid gilt der Lieferstopp."
En date du 24 septembre 2009, Roger Guenat SA a fait savoir au revendeur que
les articles qu'il avait
commandés lui seraient livrés ce jour, en précisant : "Wie bereits erwähnt,
fordern wir, dass Sie unsere Produkte mit maximal 10% Rabatt auf dem Listenprei[s] anbieten".
Par courrier électronique du 21 octobre 2009, Bächli a écrit à Roger Guenat
SA pour lui faire savoir que C._______ vendait ses produits à des prix nettement inférieurs
aux siens, que ce n'était pas admissible, qu'il informerait les autres détaillants de cette
situation et qu'il priait Roger Guenat SA d'intervenir auprès de ce revendeur. Il ressort des échanges
ultérieurs de courriels que l'instruction a été donnée de ne pas livrer C._______,
sous prétexte d'une rupture de stock.
4.6.1.2 La
recourante indique que Roger Guenat SA a livré C._______ pour la première fois en septembre
2009. Cette première livraison a été effectuée alors que C._______ n'avait pas encore
fait l'objet d'une visite préalable par Roger Guenat SA - comme il est d'usage, afin de vérifier
que le revendeur potentiel remplit les conditions requises -, ceci en raison du peu de personnel
au service du fournisseur et du faible montant de la commande. La recourante souligne qu'au cours de
la visite qui a eu lieu ultérieurement, Roger Guenat SA s'est rendue compte que C._______ ne disposait
pas d'un magasin, qu'il entreposait ses produits dans une grange, qu'il n'avait pas de vitrine, que les
heures d'ouverture étaient limitées à 12 heures par semaine et qu'il pratiquait des rabais
de 20%. Il ne répondait de ce fait pas aux exigences contenues dans le document "Conditions
à la revente". Roger Guenat SA a dès lors exigé de C._______ qu'il se conforme à
ces critères s'il souhaitait continuer à être livré. Lorsqu'il s'est avéré
que C._______ ne satisfaisait toujours pas auxdites conditions, Roger Guenat SA a informé celui-ci
qu'elle ne pouvait plus l'approvisionner. La recourante relève à cet égard qu'il est normal
que Roger Guenat SA ait fait "objection" à ce nouveau détaillant qui pratiquait des
rabais élevés alors qu'il ne remplissait pas (ou pas encore) les conditions requises pour devenir
un revendeur reconnu par elle. La recourante indique en effet qu'un fournisseur ne peut pas exiger de
ses revendeurs des efforts dans la présentation des produits et le conseil à la vente si, dans
le même temps, il approvisionne un détaillant qui pratique d'importants rabais précisément
parce qu'il n'a pas investi dans l'aménagement d'un local de vente et le conseil à la clientèle
; c'est d'ailleurs pour cette raison que le concurrent Bächli est intervenu auprès de Roger
Guenat SA.
La recourante produit encore, en annexe à son recours, une lettre recommandée, datée
du 10 novembre 2009, adressée à C._______, qui n'a pas été mentionnée par l'autorité
inférieure. Dans ce courrier, Roger Guenat SA rappelle à celui-ci les conditions à satisfaire
pour être admis en qualité de revendeur :
"Ihre Verkaufstelle entspricht keinem dieser oben erwähnten Kriterien eines Wiederkäufers
:
- Lokal in einem Holzschopf
- Kein Schaufenster
- Verkürzte Öffnungszeiten (nur 12 Std. pro Woche gegenüber den 46 Std./Woche
eines Sportgeschäftes)
- Kein Lager
- Verkauf von Ortovox Produkten via Ihrer Website ohne unser Einverständnis"
La recourante en déduit que Roger Guenat SA n'a non pas cessé de livrer C._______ mais
a purement et simplement refusé de l'accepter en tant que revendeur. S'il est vrai que quelques
livraisons ont été effectuées à C._______, celui-ci n'a cependant jamais été
agréé comme revendeur. Partant, la recourante relève que c'est à tort que l'autorité
inférieure a considéré que c'était uniquement en raison de la politique de rabais
pratiquée par C._______ que Roger Guenat SA avait cessé de l'approvisionner. La recourante
reproche ainsi à l'autorité inférieure de ne pas avoir tenu compte des autres preuves
concernant le local, les heures d'ouverture, l'absence de personnel spécialisé, alors que c'est
l'ensemble de ces éléments de fait qui permet de qualifier juridiquement le refus de livrer.
Selon la recourante, ce cas de figure, très particulier, ne serait dès lors pas une illustration
d'une imposition de prix de revente mais un refus légitime d'entrer en relation commerciale avec
un revendeur qui ne remplit pas les conditions posées par le distributeur quant à l'organisation
de la vente.
4.6.1.3 L'autorité
inférieure fait valoir dans sa réplique que les courriels échangés depuis juin 2009
portent sur l'importance du respect des prix et les conséquences de leur non-application, alors
que le problème du local de vente n'a été, selon le dossier, évoqué que plus
tard, à savoir la première fois dans le courriel du 17 septembre 2009, et ceci seulement après
avoir rappelé la règle relative aux prix de vente. Dans sa réponse à ce courrier
électronique, C._______ mentionne que c'est même la première fois qu'il entend parler
des critères relatifs au local de vente. Il semble en revanche être informé du critère
lié aux rabais maximaux. Même après la visite du magasin de C._______ et le constat que
celui-là ne correspondait pas aux exigences concernant le local de vente, Roger Guenat SA n'a pas
exclu de continuer à fournir C._______ à condition que celui-ci respecte les consignes de prix.
Le problème premier de la relation contractuelle était bien le non-respect des prix. Quant
au refus légitime de livrer C._______ soulevé par la recourante, l'autorité inférieure
rétorque que Roger Guenat SA ne distribuait pas les produits Petzl en Suisse par le biais d'un système
de distribution sélective. Elle relève à cet égard que le document "Conditions
à la revente" est un document interne qui pose des conditions très générales.
Il ne comprend pas d'interdiction de revendre à des distributeurs non agréés. Des obligations
ou critères plus spécifiques concernant la distribution des produits ne sont pas non plus précisés.
Le terme de "distributeur agréé" ou une dénomination équivalente n'apparaît
d'ailleurs dans aucun document.
4.6.1.4 Sur
le vu de ce qui précède, le tribunal retient que C._______ ne respectait pas les prix de revente
minimaux fixés par Roger Guenat SA ni ne considérait devoir le faire. Aussi, il y
a lieu d'admettre qu'aucune convention portant sur les prix n'a été passée entre le grossiste
et ce revendeur, celui-ci l'ayant refusée.
Cela étant, si C._______ ne remplissait pas les exigences contenues dans le document "Conditions
à la revente" comme cela ressort du courriel précité du 17 septembre 2009 et de la
lettre recommandée du 10 novembre 2009, il appert sans équivoque des courriels saisis
lors de la perquisition que Roger Guenat SA a imposé à C._______ des prix de revente minimaux,
en le menaçant d'interrompre ses livraisons en cas de non-respect de ceux-ci. Le fait que les livraisons
auraient également cessé pour le motif que C._______ ne satisfaisait pas aux "Conditions
à la revente" n'y change rien. Peu importe à cet égard qu'il s'agissait ou non d'un
système de distribution sélective. Le cas C._______ atteste la manière de procéder
de Roger Guenat SA pour imposer des prix de revente minimaux à ses revendeurs.
De même, il ressort des faits ayant conduit à la non-livraison de C._______ que Bächli,
de son côté, considère devoir respecter ces prix et attend de même de tous les revendeurs
; ces éléments seront examinés plus loin.
4.6.2 L'autorité
inférieure se réfère également à la situation d'un autre revendeur de Roger
Guenat SA, G._______.
4.6.2.1 Il
ressort du dossier que ce magasin a, dès son ouverture en octobre 2006, pratiqué une politique
de prix agressive en comparaison avec ses deux concurrents locaux, J._______ et H._______ AG. J._______
s'en est d'ailleurs plainte auprès de Roger Guenat SA. Deux courriels internes concernant ce
magasin ont été saisis lors de la perquisition de Roger Guenat SA. Le premier, envoyé
le matin du 28 novembre 2006, a la teneur suivante :
"Ne pas livrer un M. G._______, nouveau magasin de sport (à côté de J._______)
il fait du rabais 20% à tous ses clients, J._______ est fâché !!! ce qui est normal !
Donc : NE PAS LIVRER, s'il vient demander : informer O._______ de suite ! [...]"
Le second courriel, envoyé le même jour en fin d'après-midi, indique ce qui suit :
"Pour info, je suis passée voir le magasin ce matin après ma visite chez J._______.
C'est un magasin Intersport, beaucoup de vêtements modernes et du Mammut (vêtements et technique)
et Black-D (technique). J._______ a annul[é] ses commandes BD et Mammut déjà pour cet
hiver et pour l'été prochain. Il ne prend plus ces marques. A plus, on en reparlera, pour l'instant
j'ai été en espionne dans ce magasin (je me suis pas annoncée). Ils ne nous ont pas contactés
et j'ai informé le bureau."
4.6.2.2 Dans
la décision contestée, l'autorité inférieure relève qu'il appert du courriel
du 28 novembre 2006 que Roger Guenat SA ne livrait pas G._______ ; soit qu'elle avait cessé de le
livrer, soit qu'elle n'avait pas commencé. Quoi qu'il en soit, dans les deux hypothèses, G._______
ne recevait pas les produits de Roger Guenat SA en raison de sa politique de prix agressive, laquelle
ne correspondait pas aux directives du grossiste. Or, G._______ fait, depuis 2007, partie des revendeurs
agréés de Roger Guenat SA, si bien que l'autorité inférieure en a déduit que
ce magasin avait "forcément" dû accepter de suivre la politique de prix de Roger
Guenat SA pour être livré.
4.6.2.3 Dans
ses écritures, la recourante indique que G._______ ne revendait pas les produits distribués
par Roger Guenat SA à l'époque où les courriels ont été envoyés et n'avait
même pas encore passé de commande à Roger Guenat SA. Celle-ci n'a donc pas cessé
ses livraisons à la suite de l'octroi de rabais de 20% puisque les livraisons n'avaient pas encore
commencé en novembre 2006. Une première - petite - commande a été passée
par G._______ en automne 2007, puis une seconde, cette fois-ci conséquente, est intervenue en mars 2008.
Une visite officielle du magasin a alors eu lieu, des informations ont été échangées
et, en raison du potentiel de ce point de vente et dès lors qu'il remplissait les "Conditions
à la revente", il a été décidé d'établir une relation commerciale
avec ce revendeur. Roger Guenat SA a donc accepté de livrer ce magasin malgré les rabais
de 20% pratiqués. Il n'y a eu aucune intervention auprès de G._______ ni refus de livraison
ni aucune sanction pour non-respect d'un prix minimum ; ce magasin a continué de pratiquer des rabais
de 20%. La recourante relève que l'autorité inférieure, qui supporte la charge et le fardeau
de la preuve, n'a démontré ni que G._______ aurait modifié sa pratique de rabais ni que
Roger Guenat SA lui aurait imposé sa liste de prix.
4.6.2.4 Contrairement
à l'avis de l'autorité inférieure, on ne saurait déduire du fait que G._______ ait
été livré par Roger Guenat SA que ce magasin a cessé de pratiquer des rabais de 20%
; il s'agit là d'une simple supposition. L'existence d'une
convention sur les prix entre Roger Guenat SA et G._______ n'a dès lors pas été
prouvée. En revanche, le fait que le concurrent J._______ se soit plaint auprès de Roger Guenat
SA de ce que G._______ pratiquait une politique de prix agressive plaide en faveur d'une convention avec
le revendeur J._______.
Par ailleurs, le courriel interne, interdisant de livrer G._______ en raison
des rabais octroyés,
atteste la politique de prix menée par Roger Guenat SA auprès de ses revendeurs. Le fait
que l'importatrice ait cessé, ou refusé, de livrer un certain temps G._______ en raison des
réductions pratiquées constitue dans les deux cas un moyen de pression pour faire respecter
les prix.
4.6.3 L'autorité
inférieure mentionne ensuite la situation du revendeur Athleticum.
4.6.3.1 Selon
les informations détenues par Roger Guenat SA, Athleticum avait, dans tous les cas depuis 2008,
la possibilité de se fournir à l'étranger pour les produits des marques Petzl et Beal.
Aussi, par crainte que ce magasin propose ces produits à des prix inférieurs à ceux pratiqués
par les revendeurs de Roger Guenat SA et afin de pouvoir contrôler la politique de prix de ce détaillant,
l'importatrice a accédé à la demande d'Athleticum et a livré ses succursales de Bussigny
et de Collombey en produits techniques Petzl et Beal, en leur imposant des conditions strictes, notamment
relatives aux prix appliqués ainsi qu'aux rabais octroyés aux clients finaux. Avant 2008, Roger
Guenat SA livrait Athleticum uniquement en lampes frontales.
Lors de la perquisition de Roger Guenat SA, le secrétariat a saisi un certain nombre de documents
concernant Athleticum, à savoir des courriers envoyés par le fournisseur aux revendeurs établis
dans les régions de Bussigny et de Collombey ainsi qu'un procès-verbal et des courriels internes
à la société distributrice. Dites pièces ont la teneur suivante :
"[...] L._______, l'acheteur Hardware d'Athleticum m'a [...] fai[t] la proposition suivante
: Livraison par R.G SA du matériel technique des 2 marques uniquement Bussigny et Collombey.
Si ok de notre part, toutes les succursales Athl[e]ticum de Suisse vendron[t] en exclusivité les
cordelettes BEAL. Tous les prix seraient tenus et affichés selon notre L.P. Un vendeur spécialisé
sera présent en permanence dans les 2 succursales mentionnées [...]." (courriel
interne du grossiste du 20 septembre 2007)
"Je pense que si nous ne livrons pas, ils [Athleticum] vont certainement ralentir l'achat de
nos frontales...déjà la tendance 2005-2006 = moins 50% et nos produits seront de toute
façon mis en vente et peut-être à des prix cassés." (courriel interne du grossiste
du 21 septembre 2007)
Dans une lettre du 14 janvier 2008 à un revendeur sis à D._______ (NE), M. Roger Guenat
écrivait ce qui suit : "[...] Décision a été prise de fournir ce client
[Athleticum] avec un temps d'essai pour un an. En effet, pour éviter qu'ils cassent les prix comme
je vous l'ai expliqué, c'est la seule façon de les contrôler puisqu'ils ont la possibilité
de s'approvisionner ailleurs [...]. Il est évident que nous serons très à cheval sur
les conditions suivantes :
1) Les prix affichés devront correspondre à notre liste de prix actuelle.
2) Les vendeurs devront être capables de renseigner correctement les clients.
3) La vente de nos produits actuels sera prohibée dans les Outlets.
4) Pas de rabais de caisse plus élevés que les détaillants de la région.
Ces conditions ont été acceptées par leur direction, si elles ne sont pas tenues,
les livraisons seront stoppées et le matériel sera repris par nos soins. Je suis persuadé
que cette situation ne perturbera pas vos ventes".
Il ressort en outre du procès-verbal de la société distributrice, daté du 28 avril
2008, que :
"[...] Athleticum : Les prix des lampes ne sont pas au prix de vente conseillé. Roger
va écrire une lettre [...]"
4.6.3.2 Se
fondant sur ce qui précède, l'autorité inférieure soutient que Roger Guenat SA exigeait
d'Athleticum que ses prix correspondent à la liste de prix, sous la menace de suspension des livraisons.
De plus, elle déduit du fait qu'un client aussi important qu'Athleticum, qui vendait déjà
un volume important de lampes frontales, accepte de suivre la liste de prix officielle de l'importatrice
- alors qu'il est un supermarché du sport pratiquant une politique de prix bas - que
les autres revendeurs se sont eux aussi engagés envers Roger Guenat SA à respecter les prix
minimaux. Elle fait en outre valoir qu'il n'est pas vraisemblable que d'autres rabais maximaux plus importants
que ceux documentés concernant C._______ aient été convenus ou tolérés avec
d'autres revendeurs, étant donné la haute transparence sur les prix du marché. En effet,
si l'importatrice générale avait toléré que certains revendeurs accordent des rabais
plus hauts que ceux prévalant pour Bächli, les autres revendeurs, et en particulier les clients
importants (Key Accounts), auraient probablement eux aussi refusé
de suivre les prix minimaux. En d'autres termes, l'autorité inférieure considère que l'accord
sur les prix de revente minimaux ne peut se limiter à Athleticum, Bächli et C._______ mais
doit concerner l'ensemble des revendeurs.
4.6.3.3 La
recourante considère que le raisonnement ayant conduit l'autorité inférieure à admettre
l'existence d'un accord sur les prix entre Roger Guenat SA et Athleticum est purement hypothétique.
L'autorité inférieure n'a pas prouvé qu'Athleticum s'était engagée à suivre
la liste de prix. Cet accord n'est rapporté que par M. Guenat. Elle relève par ailleurs qu'un
tel engagement n'était pas nécessaire. L'élément important dans le cas d'Athleticum
est le recrutement de personnel spécialisé pour la vente et le conseil au client. En effet,
lorsqu'un revendeur engage un tel personnel, cela engendre des coûts supplémentaires attendu
que celui-ci coûte plus cher. Le revendeur qui débourse des salaires plus élevés
ne va pas encore, en plus, diminuer ses revenus en accordant des rabais importants. Autrement dit, en
obtenant qu'Athleticum engage ce personnel spécialisé et pratique uniquement des rabais de
caisse, Roger Guenat SA n'avait pas besoin d'un engagement sur une liste de prix ni sur l'ampleur
du rabais de caisse. En n'affichant pas le pourcentage des rabais, ce n'est qu'au moment de payer que
le client sait qu'il y a un rabais ; ceci permet d'éviter le phénomène du "passager
clandestin". En effet, si les rabais sont affichés sur les articles et qu'il n'y a pas dans
le magasin un conseiller pour la vente, il y a un risque que le client se rende dans le petit magasin
spécialisé pour obtenir toutes les informations et les conseils utiles sur le produit, puis
retourne dans le magasin Athleticum pour acheter le produit en profitant du rabais affiché. Or,
le fait de pratiquer des rabais sans les afficher sur les articles ne constitue pas un accord qui affecte
la concurrence. Pour le surplus, elle conteste que les autres revendeurs se soient engagés à
suivre la liste de prix ou les prix minimaux, comme cela ressort des réponses au sondage du 15 octobre
2012. Enfin, la recourante relève que le marché n'est pas totalement transparent, dès
lors que, dans le cas d'un rabais de caisse, le montant du rabais n'est connu que du vendeur et du client
final. La pratique suivie par Athleticum en matière de rabais n'est de ce fait pas connue. En outre,
le prix d'achat du revendeur détermine sa capacité à accorder un rabais et ces prix d'acquisition
sont variables.
4.6.3.4 Le
fait que Roger Guenat SA ait exigé d'Athleticum qu'il ne pratique que des rabais de caisse constitue
un indice que l'importatrice avait effectivement passé une convention avec ses revendeurs. Ces indices,
datant des années 2007 et 2008, ne se rapportent toutefois qu'aux revendeurs actifs dans les régions
de Bussigny et de Collombey, puisque ce sont uniquement les deux succursales d'Athleticum sises dans
dites régions qui étaient livrées par Roger Guenat SA à cette époque et qui
ont donc suscité des réactions de la part des revendeurs des environs. En effet, si Athleticum
avait affiché les mêmes rabais que ses concurrents locaux de moins grande importance, les consommateurs
auraient pu davantage s'approvisionner dans ce magasin, de grande taille et connu. Dans ce cas, il y
avait un risque que les revendeurs locaux "cassent" leurs prix pour être concurrentiels.
En agissant ainsi, Roger Guenat SA souhaitait donc éviter une concurrence entre les détaillants
de la région. En outre, le fait d'écrire à l'un d'eux en lui expliquant avoir accepté
de livrer Athleticum car c'était le seul moyen de contrôler qu'il ne "casse" pas
les prix et avoir obtenu de ce magasin qu'il affiche la liste de prix et ne pratique pas de rabais plus
élevés que ceux octroyés par les autres revendeurs de la région, constitue un autre
indice de l'existence d'une convention entre Roger Guenat SA et les détaillants situés dans
les régions de Bussigny et de Collombey. Sur la base de la liste des revendeurs de Roger Guenat
SA contenue au dossier, le tribunal retient que, peuvent être considérés comme concurrents
du magasin Athleticum de Bussigny, les revendeurs situés dans le Nord vaudois - où l'on
en dénombre 7 - et sur le Littoral neuchâtelois - où l'on compte un seul revendeur.
Les détaillants situés dans la région de Collombey sont au nombre de 27, en tenant compte
de la Riviera et du Chablais vaudois ainsi que des districts valaisans de Monthey, St-Maurice, Martigny
et Entremont.
Il s'ensuit qu'il y a lieu de reconnaître l'existence d'une convention liant Roger Guenat SA
et les 35 détaillants susmentionnés tendant au respect strict des listes de prix.
Il n'y a en revanche aucun élément factuel dans le dossier permettant d'établir qu'Athleticum
s'était engagée auprès de Roger Guenat SA à appliquer les prix de revente minimaux
de la liste officielle. Un tel engagement est uniquement rapporté par M. Guenat pour rassurer ses
autres détaillants. Le seul fait qu'Athleticum ait été livré n'est pas suffisant.
Par ailleurs, il ressort de la réponse de ce revendeur au questionnaire établi par l'autorité
inférieure (cf. Infra consid. 4.6.4) qu'il ne considérait pas les recommandations de prix comme
étant contraignantes. Par conséquent, on ne saurait reconnaître l'existence d'une convention
au sens de l'art. 4 al. 1 LCart entre Athleticum et Roger Guenat SA.
4.6.4 Dans
le cadre de l'observation de marché, l'autorité inférieure a envoyé un questionnaire
à vingt revendeurs de Roger Guenat SA. Seuls dix d'entre eux ont retourné lesdits questionnaires.
4.6.4.1 Un
revendeur ayant souhaité garder l'anonymat a déclaré dans sa réponse audit questionnaire
:
"Lorsque nous avons repris [Z], M. Roger Guenat nous a clairement dit que si nous ne respections
pas scrupuleusement les prix recommandés, comme par hasard [...] lorsque nous commanderons du
matériel, celui-ci ne sera jamais disponible...A nous de jouer le jeu !!! [...]". Un
collaborateur de Roger Guenat SA nous a contactés pour nous faire savoir qu'il avait appris "que
nous avions fait des rabais à des clients et que cela n'était pas admissible". Ce revendeur
indique pratiquer des rabais de l'ordre de 12,5%, sans les afficher. Aussi, dès lors qu'il ne respectait
pas les prix de revente minimaux fixés par Roger Guenat SA, aucune convention au sens de l'art.
4 al. 1 LCart ne peut être retenue entre ce revendeur et l'importatrice.
4.6.4.2 En
revanche, il ressort de la réponse envoyée par le revendeur M._______ AG que celui-ci s'en
tenait strictement aux recommandations de prix, qu'il considérait comme contraignantes. Il n'a toutefois
pas répondu à la question de savoir si le respect de celles-ci s'accompagnait de pressions
ou d'incitations. Dite déclaration laisse ainsi penser que M._______ AG s'était engagée
auprès de Roger Guenat SA à appliquer les prix minimaux, si bien qu'il y a lieu d'admettre
l'existence d'une convention sur les prix de revente minimaux entre Roger Guenat SA et M._______ AG.
4.6.5 L'autorité
inférieure se réfère encore au revendeur A._______ AG. Il ressort d'un courriel adressé
le 5 février 2010 par ce détaillant à Roger Guenat SA ce qui suit :
"Guten Tag Wie wir vernommen haben, verkauft der Sportoutlet in Affoltern am Albis die Petzl
Zipka Stirnlampe mit 4 LED für Fr. 43.00, wir halten uns an Ihren VP von Fr. 68.00?"
Confrontée à ce courriel, la recourante a expliqué au cours de son audition que cette
grande différence de prix était due au fait qu'il s'agissait d'un modèle ancien. Or, comme
le relève l'autorité inférieure, ceci ne change rien au fait que le revendeur, qui a signalé
la différence de prix, estime devoir suivre la recommandation de prix de Roger Guenat SA et s'attend
à ce que tous les revendeurs s'y tiennent. Ce courriel plaide de ce fait également en faveur
d'une convention sur les prix de revente minimaux entre Roger Guenat SA et A._______ AG.
4.6.6 Enfin,
l'autorité inférieure a présenté, dans la décision attaquée, un tableau
comparant les prix de la liste officielle avec ceux pratiqués par Bächli en 2010 et dès
2011, date du passage de la recourante au statut d'agente.
Il en ressort qu'en 2010, Bächli appliquait des prix oscillant en moyenne entre -6% et 4% par
rapport à ceux de la liste officielle. Les prix étaient au maximum 8% moins chers que les prix
conseillés par Roger Guenat SA. Pour l'année 2012 en revanche, la comparaison des prix montre
que ce revendeur s'écarte systématiquement et davantage des prix fixés par Roger Guenat
SA, en ce sens qu'il existe en moyenne une différence de prix de 9%, toujours à la baisse.
L'autorité inférieure ajoute à cet égard, dans sa réponse, que l'argument de
la recourante selon lequel Bächli pratiquait des rabais supérieurs à 10% n'est pas pertinent
dès lors que celle-ci ne se réfère pas aux prix pratiqués durant la période
sous investigation. La recourante relève pour sa part que le fait que Bächli publiait sa propre
liste de prix pour les produits qu'il achetait à Roger Guenat SA montre qu'il était indépendant.
Elle ajoute que la fluctuation du cours franc suisse/euro, et non son passage au statut d'agente, permet
d'expliquer pourquoi les écarts ont augmenté en 2011.
La comparaison des prix effectuée par l'autorité inférieure ci-dessus, durant et après
la période litigieuse, de même que le fait que Bächli ait dénoncé C._______
auprès de Roger Guenat SA car il ne respectait pas la liste de prix recommandés (cf. consid.
4.6.1.1) plaident clairement en faveur d'une convention entre Bächli et le grossiste. Une telle
dénonciation montre en effet que le détaillant tenait la liste de prix pour obligatoire et
s'attendait à ce que les autres revendeurs des marques distribuées par Roger Guenat SA la respectent
également.
4.7 Sur
le vu de ce qui précède, le tribunal retient que l'autorité inférieure a apporté
la preuve qu'il existait, durant la période sous investigation, une convention sur les prix de revente
minimaux entre Roger Guenat SA et J._______, A._______ AG, M._______ AG, Bächli et 35 revendeurs
établis dans les régions de Bussigny et de Collombey.
4.8 S'agissant
des autres revendeurs de Roger Guenat SA, pour lesquels les éléments du dossier ne permettent
pas de déduire, eu égard au principe de présomption d'innocence, qu'ils se sont engagés,
expressément ou tacitement, à respecter les prix de revente minimaux, il convient d'examiner
s'il existait néanmoins une pratique concertée tendant à l'application de ceux-ci.
4.8.1 Il
ressort d'un courriel interne à la société Roger Guenat SA, daté du 10 décembre
2009, que :
"Information importante. Commission de la concurrence. Au cas où quelqu'un vous téléphone
pour demander des renseignements, ATTENTION de ne JAMAIS dire que nous cessons de livrer un magasin PARCE
qu'il ne tient pas les prix."
De même, selon les réponses des revendeurs au questionnaire précité envoyé
par l'autorité inférieure, ceux-ci - à savoir les dix ayant répondu -
ont tous reçu des recommandations de prix du grossiste. Six de ces dix revendeurs ont déclaré
s'en tenir exactement à la liste de prix recommandés ou accorder des rabais jusqu'à 10%.
Il s'agit des magasins R._______ AG, S._______ AG, T._______ AG, U._______, V._______ et M._______ AG,
pour lequel un accord a été admis (cf. consid. 4.6.4.2). Pour trois revendeurs, les prix établis
par Roger Guenat SA étaient contraignants, dont deux ont relevé que ceux-ci s'accompagnaient
de pressions, à savoir de menaces de retard ou d'arrêt des livraisons. Ces deux détaillants
sont C._______ (cf. consid. 4.6.1) et le "revendeur anonyme" (cf. consid. 4.6.4.1). Pour quatre
revendeurs, il ne s'agissait que de prix recommandés. Trois détaillants n'ont pas renseigné
l'autorité inférieure sur ce point.
En outre, le 15 octobre 2012, soit après le prononcé de la décision attaquée,
la recourante a envoyé un sondage par courriel à des revendeurs d'articles de sports de montagne
distribués par Roger Guenat SA, dont la teneur était la suivante :
"En vue de la préparation de notre recours, pourriez-vous jusqu'au 20 octobre répondre
à la question suivante : Dans la vente des produits Petzl aviez-vous l'obligation de suivre la liste
de prix de Roger Guenat SA ou aviez-vous la liberté de fixer le prix final à votre client (prix
affiché et rabais éventuel) ? Il n'est pas nécessaire de répondre à cette question
par des chiffres. Le but de cette question n'est en effet pas d'obtenir des informations sur votre politique
de rabais mais uniquement de démontrer si vous étiez contraints d'appliquer ou non la liste
de prix."
La recourante a reçu 72 réponses, qu'elle a produites à l'appui de son recours. Il
en ressort en substance que les revendeurs interrogés n'avaient aucune obligation de suivre la liste
de prix et fixaient librement le prix final à leurs clients, sans pression, et accordaient des rabais.
Il n'est toutefois pas possible, sur la base de ces réponses, de déterminer si les prix minimaux
recommandés étaient (de gré) suivis et si les rabais accordés étaient supérieurs
à 10% par rapport aux prix recommandés. Seuls onze détaillants indiquent expressément
qu'ils s'en tenaient à la liste de prix recommandés, à savoir : (...).
4.8.2 Dans
la décision attaquée, l'autorité inférieure indique que Roger Guenat SA était,
durant la période considérée, l'importatrice exclusive en Suisse des produits des marques
Petzl, Beal et Entre-prises. Les revendeurs qui n'étaient pas livrés par Roger Guenat SA n'avaient
en principe pas non plus la possibilité de se fournir chez un importateur ou un agent national de
la marque dans les pays limitrophes. Une pratique était en effet établie entre les importateurs
généraux, à savoir Roger Guenat SA et ses homologues à l'étranger, selon
laquelle chacun était responsable pour son pays. Les revendeurs en Suisse des produits desdites
marques étaient dès lors dépendants des livraisons de Roger Guenat SA, si bien qu'une
menace de suppression des livraisons était grave. Roger Guenat SA disposait ainsi d'un moyen
de pression efficace pour faire respecter la politique de prix : ne pas admettre comme revendeurs ceux
qui représentaient un danger pour celle-ci et, pour ceux déjà admis à la revente,
suspendre ou cesser les livraisons. La politique de prix était appliquée auprès de tous
les revendeurs, quelle que soit leur taille. Ces moyens de pression n'en restaient pas au stade
de simples menaces mais étaient effectivement mis en oeuvre. Aussi, en raison de la sanction
appliquée en cas de non-observation de la liste de prix officielle - laquelle était efficace,
dès lors que les revendeurs n'avaient pas de source d'approvisionnement alternative
en Suisse et à l'étranger - et par la possibilité dont disposait Roger Guenat
SA de contrôler le respect des prix de presque tous les revendeurs, l'autorité inférieure
considère que les prix minimaux étaient suivis par la quasi-totalité des détaillants.
En effet, l'autorité inférieure relève, s'agissant des clients clés et des "revendeurs
50", qu'il existait un niveau élevé de transparence sur les prix pratiqués aux consommateurs
par ces revendeurs. Certains de ceux-ci publiaient des catalogues dans lesquels figuraient les prix.
En outre, les articles distribués pouvaient également être achetés en ligne chez
les revendeurs les plus importants de cette catégorie, à l'instar de Bächli, Athleticum,
Manor, Transat et Eiselin. Etant donné le nombre limité de revendeurs importants (une vingtaine
de clients clés et environ 80 "revendeurs 50"), ce contrôle était facile
à mettre en oeuvre. Une surveillance du respect des prix de la liste officielle était donc
aisée. Dans ce type de magasins, les rabais négociés à la caisse sont rares, voire
impossibles. De plus, les fluctuations de volume découlant de prix éventuellement plus bas
chez les clients clés étaient facilement détectables par Roger Guenat SA puisqu'elle
était la seule source d'approvisionnement de ceux-ci. Cette "surveillance" à
distance pouvait être complétée par des visites en magasin ou par des renseignements fournis
par des concurrents. Le contrôle de ces revendeurs, qui représentaient environ 60% du chiffre
d'affaires de Roger Guenat SA, était dès lors sans faille. S'agissant des revendeurs
de plus petite taille ("revendeurs 43"), en nombre plus élevé (plus de 200 revendeurs),
l'autorité inférieure expose qu'ils ne disposaient pas tous d'un catalogue ou d'une
liste de prix accessible publiquement ou encore d'un site de vente en ligne. De plus, les rabais
à la caisse ne pouvaient être exclus dans ce type de magasins. Les visites spontanées
sur place et surtout les dénonciations par des concurrents locaux rendaient cependant la surveillance
et la détection possibles. Dès lors que le nombre de revendeurs actifs localement était
restreint et que les produits étaient les mêmes, tant les concurrents proches que les consommateurs
pouvaient facilement surveiller, respectivement comparer, les prix des différents revendeurs au
niveau local. Comme les règles du jeu étaient claires pour tous les revendeurs (les prix ne
devaient pas être inférieurs de 10% par rapport au prix listés) et qu'une différence
de prix avait une conséquence directe pour le revendeur (perte de clients), un concurrent était
fortement incité à dénoncer à Roger Guenat SA celui qui ne respectait pas l'accord.
Quant aux pièces nouvelles produites par la recourante en annexe à son recours, l'autorité
inférieure a relevé dans sa réponse que celles-ci ne modifiaient nullement ses conclusions.
Elle a notamment indiqué que les revendeurs ayant répondu audit sondage ne voulaient certainement
pas nuire à leur partenaire contractuel et que la question posée ne se référait pas
explicitement à la période sous investigation, le système de prix de vente minimaux n'étant
plus appliqué depuis 2011, date du passage de Roger Guenat SA au statut d'agente.
4.8.3 La
recourante conteste que la liste de prix établie par ses soins était contraignante et qu'elle
était suivie. En particulier, s'agissant de la déclaration du "revendeur anonyme",
elle relève que celle-ci n'est pas crédible puisqu'il n'est nullement contesté que des
rabais pouvaient être effectués par rapport à la liste de prix. De même, elle rétorque
que les revendeurs ayant répondu au sondage précité n'étaient plus ses acheteurs
dès lors qu'elle n'exerçait justement plus que la fonction d'agente ; en outre, ceux-ci n'avaient
aucune obligation de répondre à sa demande d'information.
4.8.4 Les
réponses aux questionnaires ne sont examinées que dans la mesure où elles contiennent
des indications concrètes sur le comportement déterminé et revêtent une valeur probante
(cf. arrêt du TAF B-8399/2010 précité Baubeschläge
Siegenia consid. 6.3.19). Eu égard à sa liberté en matière d'appréciation
des preuves (cf. consid. 4.5.2), le tribunal retient que les déclarations des revendeurs
expressément recueillies aux fins de la procédure par le secrétariat et la recourante
possèdent une valeur probante moins forte que les pièces, contemporaines, saisies lors de la
perquisition de la société distributrice. En effet, dès lors que les revendeurs connaissaient
les raisons pour lesquelles ils étaient invités à fournir des renseignements, il ne peut
être exclu que leurs réponses aient été orientées, soit par la crainte d'être
eux-mêmes inquiétés, dans la mesure où ils auraient suivi les recommandations de
prix, soit par la peur de tensions dans leurs relations commerciales, attendu qu'ils revendent les produits
de la marque Petzl pour laquelle la recourante est désormais agente. En outre, il y a lieu de préciser
qu'aucune contrainte n'était ressentie par les revendeurs qui, de leur plein gré, suivaient
la liste de prix officielle.
Sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, il appert que, durant la période sous investigation,
Roger Guenat SA a tenté d'imposer à ses revendeurs des prix de revente minimaux - en
ce sens que ceux-là ne devaient pas fixer de prix inférieurs de 10% à ceux de la liste
de prix recommandés - et s'est assuré que ceux-ci soient effectivement appliqués,
à l'aide de pressions, soit en les menaçant de retard, voire de suspension, des livraisons
en cas de non-respect. Le fait que deux détaillants se soient plaints auprès du grossiste de
ce que des concurrents s'écartaient de la liste de prix, qu'ils aient déclaré qu'ils en
informeraient les autres revendeurs et qu'ils aient requis des explications ou une intervention de la
part de l'importatrice en vue de faire respecter la liste, constitue un indice, selon lequel il était,
en principe, attendu des revendeurs qu'ils se conforment aux listes de prix. L'ensemble des courriels
contenus dans le dossier constituent en particulier des indices qui, selon le cours ordinaire des choses
et l'expérience générale de la vie, plaident plutôt en faveur d'une généralisation
de la politique de prix menée par Roger Guenat SA à l'ensemble de ses revendeurs, en ce sens
que le fournisseur a très vraisemblablement exigé de ses détaillants le respect de sa
liste de prix de revente minimaux. Il faut toutefois relever que, parmi les dix détaillants pour
lesquels l'autorité inférieure a reçu une réponse aux questionnaires envoyés,
seuls trois ont clairement indiqué avoir subi des pressions de la part de Roger Guenat SA en vue
d'un respect strict des prix minimaux.
Quant à savoir si la liste de prix minimaux a effectivement été respectée, de
gré ou de force, par la plupart, ou du moins par une part importante, des revendeurs de Roger Guenat
SA, force est d'admettre que l'autorité inférieure, qui en supporte la charge et le fardeau,
n'en a pas apporté la preuve. La déduction, selon laquelle les recommandations de prix minimaux
étaient suivies par la quasi-totalité des revendeurs en raison de la sanction appliquée
en cas de non-respect et par la possibilité dont disposait Roger Guenat SA de contrôler l'application
des prix de presque tous les revendeurs, relève de la pure conjecture ; elle ne repose sur aucun
fondement factuel. Les éléments contenus dans le dossier ne suffisent pas à admettre que
les menaces de retard ou de suppression des livraisons étaient effectivement exécutées
en cas de non-observation des prix recommandés. Seul le cas du revendeur C._______ a été
rapporté par l'autorité inférieure. En outre, un contrôle de tous les revendeurs,
en particulier des "revendeurs 43" - lesquels sont plus de 200 -, est quasi impossible.
Les dénonciations par des concurrents locaux ne sont par ailleurs envisageables que pour autant
que ceux-ci respectent eux-mêmes lesdits prix. La prétendue transparence du marché ne
permet pas davantage de déduire que les clients clés et les "revendeurs 50" suivaient
effectivement les prix. Sans un contrôle efficace de près de l'ensemble des revendeurs, les
menaces émises par Roger Guenat SA ne pouvaient produire de réels effets contraignants. A cet
égard, il convient de relever qu'il ressort des courriels précités contenus dans le dossier
que des revendeurs s'écartaient effectivement des prix minimaux.
De plus, le respect par les revendeurs de Roger Guenat SA de la liste de prix
recommandés est
une question empirique qui nécessite des données matérielles. Or, aucunes données
portant sur l'évolution des prix pratiqués par les revendeurs de Roger Guenat SA durant et
après la période concernée sur les différents marchés n'ont en l'espèce
été fournies par l'autorité inférieure, exception faite de celles relatives au revendeur
Bächli. De même, dans le cadre de l'observation de marché, l'autorité inférieure
n'a envoyé que vingt questionnaires sur les 333 revendeurs que compte Roger Guenat SA et s'est contentée
des dix réponses reçues, lesquelles ne sont de plus nullement unanimes sur ce point puisque
quatre des détaillants ayant répondu ont déclaré ne pas respecter les prix recommandés.
Or, on aurait pu attendre de l'autorité inférieure que, par exemple, elle procède à
un examen des prix pratiqués par les revendeurs clés de Roger Guenat SA, ou à tout le
moins par la plupart d'entre eux, ainsi que d'une part non négligeable des revendeurs des deux autres
catégories pour déterminer si les prix minimaux étaient effectivement suivis et, le cas
échéant, qu'elle établisse quelle part du chiffre d'affaires de l'importatrice représentent
les revendeurs respectant les recommandations. Il s'ensuit que les investigations menées par l'autorité
inférieure pour établir le suivi des prix minimaux sur les marchés pertinents durant la
période considérée sont insuffisantes. Il n'est dès lors pas possible, sur la base
des éléments rapportés par l'autorité inférieure, d'admettre que tous les revendeurs
de Roger Guenat SA, ou du moins une part importante de ceux-ci, s'en tenaient exactement à la liste
de prix recommandés.
Ainsi, seules les déclarations précitées, recueillies aux fins de la procédure,
contiennent des éléments parlant en faveur d'un suivi effectif des recommandations de prix
minimaux. Dans le cadre de l'observation de marché, six détaillants ont ainsi indiqué
s'en tenir à la liste officielle, de même que onze des revendeurs interrogés par la recourante
(cf. consid. 4.8.1). Dès lors que l'aveu d'un suivi ne sert ni les intérêts
des revendeurs ni ceux de la recourante, il y a lieu de reconnaître, sur ce point, une certaine
force probante à ces déclarations. En outre, il doit être tenu compte des revendeurs liés
par convention avec la recourante dès lors qu'ils ont volontairement respecté les recommandations.
Pour le reste, compte tenu des maigres éléments de fait réunis par l'autorité inférieure,
on ne saurait admettre un plus large suivi des prix par les revendeurs de Roger Guenat SA.
En conséquence, le tribunal retient, en application du principe de la libre appréciation
des preuves, que la preuve du suivi des recommandations de prix n'a été apportée que pour
17 - dont aucun client clé - en sus des 39 liés par convention, à savoir un
total de 56, parmi les 333 détaillants de Roger Guenat SA, ce qui représente un sixième.
On ne saurait ainsi admettre que lesdites recommandations ont été suivies dans une large mesure.
Partant, il y a lieu de reconnaître que l'existence d'une pratique concertée entre les revendeurs
et Roger Guenat SA tendant à l'application des prix minimaux recommandés durant la période
considérée n'a pas été prouvée (cf. consid. 4.5.3.2).
4.9 En
définitive, il convient de reconnaître, pour la période considérée, l'existence
d'un accord vertical revêtant la forme de recommandations de prix minimaux, visant une restriction
à la concurrence au sens des art. 4 al. 1 et 5 al. 4 LCart, entre Roger Guenat SA et J._______,
A._______ AG, M._______ AG, Bächli et 35 revendeurs situés dans les régions de Bussigny
et de Collombey. Il est à cet égard précisé que seul Bächli figurait parmi les
clients clés de Roger Guenat SA. Pour les autres revendeurs, aucun accord au sens de la LCart ne
peut être reconnu.
5.
L'art.
5 al. 4 LCart, entré en vigueur le 1er
avril 2004 (cf. RO 2004 1385, p. 1386), crée une présomption d'illicéité pour
les accords passés entre des entreprises occupant différents échelons du marché qui
imposent un prix de vente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que pour les contrats de distribution
attribuant des territoires, lorsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés sont exclues.
De tels accords, qualifiés de "durs", sont de l'avis du législateur parmi les plus
dommageables pour la concurrence, de sorte qu'ils sont présumés entraîner la suppression
d'une concurrence efficace (cf. Amstutz/Carron/Reinert, in : CR-Concurrence,
op. cit., art. 4 al. 1 LCart no 110 p. 254
ss ; arrêt du TAF B-420/2008 du 1er
juin 2010 Strassenbeläge Tessin consid. 8 en relation avec
l'art. 5 al. 3 LCart).
La détermination des prix de vente par le distributeur et l'imposition de ces prix aux
revendeurs ont pour effet d'éliminer la concurrence par les prix entre ceux-ci. L'imposition
de prix de vente empêche ainsi les revendeurs de baisser leurs prix pour la marque concernée.
En d'autres termes, l'effet direct des prix de vente imposés est une hausse de prix. Aussi, les
prix de vente imposés peuvent empêcher des revendeurs plus efficaces d'entrer sur le marché
ou de parvenir à une taille critique grâce à des prix inférieurs. Un distributeur
disposant d'un pouvoir de marché peut également recourir aux prix de vente imposés pour
évincer du marché des concurrents plus petits. Les prix de vente imposés ont également
pour effet d'atténuer la pression sur la marge bénéficiaire du fournisseur. Les marges
des revendeurs étant ainsi préservées, ils ne sont pas incités à négocier
de meilleures conditions avec leur fournisseur. De même, la marge supérieure que les prix de
vente imposés sont susceptibles de garantir aux revendeurs peut inciter ceux-ci à recommander
aux clients la marque concernée plutôt que d'autres marques concurrentes, même si ce conseil
n'est pas dans l'intérêt de ces clients ou à ne pas vendre du tout les marques concurrentes
(cf. pt 224 des Lignes directrices sur les restrictions verticales).
En l'espèce, il y a lieu d'admettre que les accords verticaux revêtant la forme de recommandations,
fondés sur des conventions passées entre Roger Guenat SA et J._______, A._______ AG, M._______
AG, Bächli et 35 revendeurs établis dans les régions de Bussigny et de Collombey, imposant
auxdits revendeurs des prix de revente minimaux, de manière indirecte, par la fixation d'un rabais
maximal de 10% par rapport à la liste de prix officielle, sont présumés entraîner
la suppression de la concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart (cf. consid. 4.2).
5.1 La
présomption d'illicéité contenue à l'art. 5 al. 4 LCart est réfragable. La LCart
ne précise cependant pas à quelles conditions celle-ci peut être renversée. Selon
la jurisprudence, le renversement exige la preuve qu'une concurrence efficace suffisante subsiste sur
le marché de référence nonobstant l'accord en matière de concurrence (cf. ATF 129
II 18 Sammelrevers consid. 8.3.2 ; arrêt du TAF B-420/2008
précité Strassenbeläge Tessin consid. 7 et 9 ;
Comco, DPC 2009/2, p. 143, Sécateurs et cisailles, ch. 39
; message LCart 1995 ch. 231.4 p. 561 ; Borer, op. cit., art. 5 LCart no
31 p. 80 ; Krauskopf/Schaller, in : BSK-KG, op. cit., art. 5 no
574 p. 439). L'art. 5 al. 4 LCart règle ainsi le fardeau de la preuve, c'est-à-dire les conséquences
d'une absence de preuves : s'il ne peut être prouvé qu'une concurrence efficace suffisante
subsiste malgré la restriction, la présomption l'emporte ; la suppression de la concurrence
efficace est admise sans autre démonstration (cf. ATF 129 II 18 Sammelrevers
consid. 7.1 et réf. cit). En procédure administrative, le recours à la présomption
ne signifie toutefois pas que la charge de la preuve appartient aux seules parties à l'accord incriminé.
Celles-ci ont certes le plus grand intérêt à ce que la présomption soit renversée
; cependant, pour être convaincante, la démonstration doit parfois s'appuyer sur des données,
qui leur échappent, relatives aux conditions objectives du marché. Le cas échéant,
les autorités de la concurrence devront, en application de la maxime inquisitoire et en collaboration
avec les entreprises concernées (cf. consid. 4.5.1), examiner si, malgré l'accord, une concurrence
efficace suffisante subsiste. Ainsi, les autorités de la concurrence ne doivent pas confirmer la
présomption ancrée à l'art. 5 al. 4 (al. 3) LCart ; elles peuvent toutefois la renverser
(cf. message LCart 1995 ch. 231.4 p. 560 ss ; arrêt du TAF B-420/2008 précité
Strassenbeläge Tessin consid. 7 et 9 et réf. cit. ;
Doss, op. cit., p. 46 no 75).
Ceci étant, il convient d'examiner si la présomption légale de suppression de la concurrence
efficace, à laquelle sont soumis les accords litigieux, peut en l'espèce être renversée.
5.2 Selon
le ch. 11 CommVert, le renversement de la présomption de suppression de la concurrence efficace
nécessite un examen du marché dans son ensemble, à la lumière de la concurrence intramarque
et intermarques. Est décisive, la présence d'une concurrence intramarque ou intermarques
suffisante sur le marché pertinent ou celle d'une combinaison des deux conduisant à une
concurrence efficace suffisante.
5.3 En
l'occurrence, l'autorité inférieure a admis que la présomption d'illicéité était
renversée sur tous les marchés pertinents, à l'exception de celui des lampes frontales.
La recourante rétorque - dans l'hypothèse d'un accord en matière de concurrence
- que la présomption est également renversée sur le marché des lampes frontales.
Ce seul point est dès lors litigieux.
Le message du Conseil fédéral précise ce qu'il convient d'entendre par concurrence
efficace : "la concurrence doit inciter, voire forcer, les entreprises à optimiser l'utilisation
des ressources, à adapter produits et production aux conditions externes et à innover au niveau
des produits et des procédés de production. Il y a donc concurrence efficace lorsque, sur un
marché donné, ces fonctions fondamentales de la concurrence ne sont pas faussées"
(cf. message LCart 1995, ch. 143.3 p. 515).
Afin de déterminer l'intensité de la concurrence, il est avant tout nécessaire de
délimiter le marché de référence du point de vue matériel et géographique.
La délimitation du marché pertinent - laquelle relève de l'appréciation des
faits - permet de constater si, et dans quelle mesure, la concurrence efficace est effectivement
supprimée par un accord en matière de concurrence (cf. arrêt du TAF B-8399/2010 précité
Baubeschläge Siegenia consid. 6.1.2). La notion de marché
de référence n'est pas définie dans la loi. L'art. 11 al. 3 let. a et b de l'ordonnance
du 17 juin 1996 sur le contrôle des concentrations d'entreprises (OCCE, RS 251.4) peut toutefois,
dans le cadre de l'appréciation des accords en matière de concurrence, être appliqué
par analogie à la délimitation matérielle et géographique du marché de référence
(cf. arrêt du TAF B-420/2008 précité Strassenbeläge
Tessin consid. 9.1 et réf. cit. ; Secrétariat Comco, DPC 2011/2, p. 248, Markt
für Hörgeräte, ch. 142 et 148). Ainsi, outre
le marché de produits, qui comprend tous les produits ou services que les partenaires potentiels
de l'échange considèrent comme substituables en raison de leurs caractéristiques et de
l'usage auquel ils sont destinés (art. 11 al. 3 let. a OCCE), il convient également de circonscrire
le marché géographique. Celui-ci comprend le territoire sur lequel les partenaires potentiels
de l'échange sont engagés du côté de l'offre ou de la demande pour les produits ou
services qui composent le marché de produits (art. 11 al. 3 let. b OCCE).
5.3.1 A
l'instar de l'autorité inférieure, il y a lieu d'admettre que les partenaires potentiels de
l'échange de Roger Guenat SA sur le marché des produits sont les revendeurs d'articles de sports
de montagne. Les produits destinés aux activités verticales représentent une gamme relativement
large qu'il est possible de classer dans les catégories suivantes : harnais, casques, cordes, mousquetons,
piolets, crampons et lampes frontales. Chaque catégorie de produits constitue un marché séparé.
5.3.2 Quant
au marché géographique, l'autorité inférieure indique que les producteurs des produits
en question, à savoir notamment Mammut, Black Diamond et Petzl, opèrent en principe dans chaque
pays d'Europe avec un partenaire national de distribution lequel bénéficie d'une expérience
et des connaissances du pays. Ceux-ci disposent ainsi en Suisse d'une filiale, d'une organisation nationale
ou encore d'un partenaire national de distribution. Un comparatif, effectué par l'autorité
inférieure, entre les prix pratiqués en Suisse et ceux en vigueur dans trois pays voisins (Allemagne,
Autriche, France) pour les catégories de produits analysées montre que les prix en Suisse diffèrent
sensiblement - à la hausse - de ceux appliqués dans les pays limitrophes. Enfin,
selon des données, établies par l'Office Fédéral de la Statistique (OFS), relatives
aux achats en articles de sport des consommateurs en Suisse, les ménages privés en Suisse effectuent
plus de 90% de leurs achats d'articles de sport en Suisse.
Partant, eu égard aux éléments recueillis et analysés de manière convaincante
par l'autorité inférieure, la délimitation nationale - choisie par l'autorité
inférieure - du marché géographique, du point de vue du consommateur final, apparaît
fondée, ce que la recourante ne conteste par ailleurs pas.
5.4 Ceci
étant, il convient d'examiner si, nonobstant l'accord en cause, il subsistait, durant la période
considérée, une concurrence intramarque et/ou intermarques suffisante sur le marché des
lampes frontales en Suisse.
5.4.1 La
loi ne définit pas la concurrence intramarque ; elle ne fournit pas non plus d'indication permettant
de déterminer dans quel cas elle est ou non suffisante. Selon la doctrine, une concurrence intramarque
- à savoir une concurrence entre revendeurs de produits de la même marque - peut
subsister de manière suffisante malgré l'existence d'un accord sur les prix si les entreprises
parties audit accord continuent à se concurrencer. Tel est le cas si elles ne respectent pas ou
pas suffisamment l'accord ou si elles se concurrencent sur d'autres paramètres que le prix, tels
le conseil ou le service (concurrence intramarque interne) (cf. Krauskopf/Schaller,
in : BSK-KG, op. cit., art. 5 no 596
ss p. 442). A cet égard, l'autorité inférieure a considéré, dans l'affaire Hors-Liste
Medikamente, qu'un suivi d'environ 63% était trop élevé pour admettre l'existence
d'une concurrence intramarque suffisante (cf. Comco, DPC 2010/4, p. 649, Hors-Liste
Medikamente, ch. 202 ss). Dans l'affaire Festool,
le secrétariat a admis que la concurrence intramarque était suffisante dès lors que 26%
des revendeurs étaient d'avis que la recommandation de prix était obligatoire et la suivaient
(cf. Secrétariat Comco, DPC 2011/3, p. 364, Festool,
ch. 59). Une concurrence intramarque suffisante peut aussi résulter du fait que les revendeurs
participant à l'accord sont peu nombreux ou ne disposent que d'une part de marché limitée
; ceux-ci se trouvent alors en concurrence avec les entreprises non parties à l'accord pour le produit
en question (concurrence intramarque externe) (cf. Amstutz/Carron/Reinert,
in : CR-Concurrence, op. cit., art. 5 LCart no 661
p. 582). C'est à l'aune des parts de marché des concurrents liés et non liés par
l'accord que l'on peut estimer l'intensité de la concurrence intramarque. S'agissant du taux déterminant
pour admettre ou réfuter la présence d'une concurrence intramarque suffisante, il doit nécessairement
être évalué au cas par cas. La pratique de l'autorité inférieure ne donne pas
de lignes directrices claires : dans l'affaire Markt für Hörgeräte,
une concurrence intramarque suffisante a été admise alors que des revendeurs, représentant
35% de parts de marché, ne respectaient pas la recommandation (cf. Secrétariat Comco, DPC 2011/2,
p. 248, Markt für Hörgeräte, ch. 154), tandis que,
dans le cas Hors-Liste Medikamente, les mêmes parts de marché
ont été considérées comme insuffisantes (cf. Comco, DPC 2010/4, p. 649, Hors-Liste
Medikamente, ch. 202 ss). Si cette pratique est source d'insécurité, elle signifie toutefois
qu'à partir de parts de marché de 35%, la concurrence intramarque peut être suffisante.
Elle signifie également que l'on ne peut donner d'estimation générale sur l'ampleur des
parts de marché déterminantes ; il y a lieu de considérer les circonstances de chaque
cas, compte tenu également d'une approche globale, prenant en considération la concurrence
intermarques (cf. Antipas, op. cit., p. 352 ss).
5.4.2 Si
la concurrence intramarque est faible ou inexistante, il convient d'analyser la concurrence intermarques
actuelle, c'est-à-dire s'il existe une concurrence avec des substituts provenant d'autres producteurs
(cf. ch. 11 CommVert ; Amstutz/Carron/Reinert, in : CR-Concurrence,
op. cit., art. 5 LCart no 203 p. 483). Il
s'agit à cet égard de déterminer d'une part, les parts de marché détenues par
les concurrents d'autres marques et, d'autre part, si celles-ci sont suffisantes - le cas échéant,
en combinaison avec la concurrence intramarque résiduelle - à renverser la présomption.
A défaut, on examinera également la concurrence intermarques potentielle (cf. Antipas,
op. cit., p. 356).
5.5 Partant,
il s'agit tout d'abord d'examiner si, nonobstant l'existence d'une convention sur les prix de revente
minimaux entre Roger Guenat SA et J._______, A._______ AG, M._______ AG, Bächli et 35 revendeurs
situés dans les régions de Bussigny et de Collombey, il subsistait, entre 2006 et 2010, une
concurrence efficace suffisante entre les revendeurs de lampes frontales Petzl en Suisse - concurrence
intramarque.
5.5.1 Comme
exposé ci-dessus (cf. consid. 4.8.2), l'autorité inférieure considère qu'il y avait
un accord en matière de concurrence sur les prix de revente minimaux entre Roger Guenat SA et chacun
de ses revendeurs. Elle estime en effet que la liste de prix minimaux était suivie par la quasi-totalité
des détaillants en raison de la menace de sanction appliquée en cas de non-respect, ainsi que
par la possibilité dont disposait Roger Guenat SA de contrôler le respect des prix de presque
tous les revendeurs. Ceci étant, elle a retenu une absence de concurrence intramarque sur les prix
sur tous les marchés pertinents durant la période considérée.
En conséquence, l'autorité inférieure a examiné s'il subsistait sur les marchés
de référence une concurrence intermarques suffisante. S'agissant du marché des lampes
frontales en particulier, elle a indiqué que, parmi toutes les catégories de produits distribués
par Roger Guenat SA, celui-ci constituait le marché principal de l'importatrice du point
de vue du chiffre d'affaires. En substance, elle a relevé que le marché des lampes frontales
était un marché concentré, dominé par trois acteurs principaux, et que Roger Guenat
SA, avec la marque Petzl, y occupait, durant les années 2006-2010, de loin le premier rang avec
une part de marché qui est passée, au cours de cette période, de [70-80]% à [60-70]%,
à la suite de l'entrée sur le marché de deux nouveaux concurrents. L'examen des
parts de marché a ainsi montré que le grossiste détenait la majorité du marché
des lampes frontales et, selon les années, même plus du double de la somme des parts de marché
des autres acteurs. L'autorité inférieure a ainsi conclu que, durant la période visée,
la concurrence intermarques sur le marché des lampes frontales pouvait être qualifiée
d'insuffisante. En conséquence, elle a admis que la présomption de suppression de la concurrence
efficace n'était pas renversée sur le marché des lampes frontales.
5.5.2 Comme
démontré plus haut (cf. consid. 4.9), un accord vertical en matière de concurrence sur
les prix de revente minimaux n'a été établi qu'en ce qui concerne J._______, A._______
AG, M._______ AG, Bächli et 35 revendeurs situés dans les régions de Bussigny et
de Collombey. Il ressort du dossier que Bächli et A._______ AG étaient actifs sur le marché
des lampes frontales Petzl durant la période considérée. Les pièces versées
au dossier ne permettent en revanche pas de déterminer si les autres détaillants liés
par la convention étaient également actifs sur ce marché. Le dossier ne permet pas non
plus de définir le nombre total de revendeurs de Roger Guenat SA actifs sur le marché
des lampes frontales, pas plus que la position occupée par Bächli et A._______ AG sur ce marché
durant la période considérée. Il ressort uniquement du dossier qu'à l'époque,
Bächli était le revendeur le plus important de Roger Guenat SA et que, durant les années
2006-2010, celle-ci a réalisé plus de 80% de son chiffre d'affaires dans le domaine "sport"
avec des produits de la marque Petzl, étant précisé que cette marque ne concerne pas uniquement
les lampes frontales. En outre, selon un document interne de Roger Guenat SA daté de 2008,
10% de ses clients représentaient environ 80% de son chiffre d'affaires ; de plus, le domaine
"sport" constituait durant les années 2006-2010 plus des deux tiers de son chiffre d'affaires
total.
Ainsi, il est établi que deux détaillants - dont un des clients clés -
étaient très vraisemblablement liés, durant la période visée, par un accord
sur les prix. Dans ces circonstances, on ne saurait considérer que l'accord en cause a supprimé
la concurrence intramarque sur le marché des lampes frontales en Suisse entre 2006 et 2010. Il n'en
va pas différemment même à supposer que tous les revendeurs liés par la convention
étaient actifs sur le marché des lampes frontales. En effet, les détaillants participant
à l'accord sont dans tous les cas trop peu nombreux - par rapport à l'ensemble de ceux
travaillant avec Roger Guenat SA - pour que celui-ci supprime la concurrence intramarque sur les
prix sur le marché des lampes frontales.
Sur le vu de ce qui précède, le tribunal retient que l'accord vertical en cause n'a pas
supprimé la concurrence intramarque sur les prix sur le marché pertinent des lampes frontales
en Suisse entre 2006 et 2010. Point n'est dès lors besoin d'examiner la concurrence intermarques
résiduelle sur ce marché (cf. consid. 5.4.2).
En conséquence, il sied de reconnaître que c'est à tort que l'autorité inférieure
a considéré que la présomption légale de suppression de la concurrence efficace n'était
pas renversée sur le marché des lampes frontales durant la période sous investigation.
6.
Dès
lors qu'il a été établi que l'accord vertical sur les prix de revente minimaux entre Roger
Guenat SA et les revendeurs liés ne supprimait la concurrence
efficace sur aucun des marchés pertinents, il convient, à ce stade, d'examiner si celui-ci
n'affecte néanmoins pas la concurrence de manière notable au sens de l'art. 5 al. 1 LCart (cf.
Secrétariat Comco, DPC 2012/2, p. 171, FTTH Freiburg, ch.
303).
6.1 Si
la LCart ne s'applique pas aux atteintes légères à la concurrence -celles-ci étant
autorisées sans autre examen matériel -, elle ne définit pas pour autant ce qu'il
convient d'entendre par "notable". Le message du Conseil fédéral renvoie à la
pratique développée sous l'empire de la aLCart 1985, laquelle contenait déjà le critère
de la notabilité comme condition préalable à l'application des dispositions matérielles
sur les cartels (cf. message LCart 1995, ch. 231.1 p. 551 ss). Cependant, comme le relève à
juste titre Hoch Classen, le renvoi à la pratique développée sous la aLCart 1985 est inapproprié.
Contrairement à la LCart, celle-ci différenciait en effet, d'un point de vue du droit matériel,
entre l'illicéité selon le droit privé et selon le droit administratif. Aussi, la notion
de notabilité ne peut plus être comprise selon l'ancien droit (cf. Hoch
Classen, op. cit., p. 267 ; arrêt du TAF B-506/2010 précité Gaba
consid. 11.1.4). La plupart des lois cartellaires étrangères connaissent par ailleurs
également des critères permettant d'établir si une restriction engendre des effets notables
(erheblich) ou sensibles (spürbar)
(cf. message LCart 1995, ch. 231.1 p. 552 ; Marino Baldi, Für eine
"informierte" Wettbewerbspolitik, PJA 2012 p. 1183 ss, spéc. p. 1186).
Selon la jurisprudence, une affectation de la concurrence
existe si la liberté d'action des
concurrents est restreinte par un accord portant sur un ou plusieurs
paramètres concurrentiels.
Dès lors que la LCart veut protéger, à côté
de la concurrence individuelle, également la concurrence en tant que telle (concurrence institutionnelle),
la notabilité ne doit plus être appréciée à la légère du seul point
de vue de l'entrepreneur mais en lien avec le fonctionnement de la concurrence efficace (cf. ATF 129
II 18 Sammelrevers
consid. 5.1 et 5.2.1 ; Borer, op.
cit., art. 5 LCart no
19 p. 72 ss).
6.2
6.2.1 Sont
considérés comme qualitativement graves, les accords ayant notamment pour objet (ch. 12 par.
2 CommVert) : de restreindre la capacité de l'acheteur de déterminer son prix de vente, sans
préjudice de la possibilité pour le fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou
de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n'équivaillent pas à
un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations
par l'une des parties (let. a). Le ch. 12 par. 2 let. a CommVert est à cet égard identique
à la restriction, contenue à l'art. 4 pt a) du règlement d'exemption par catégorie,
retirant le bénéfice de l'exemption par catégorie et qualifiée de restriction caractérisée
(cf. consid. 4.2.1). En particulier, le ch. 15 par. 2 CommVert précise que les recommandations
de prix sont considérées comme qualitativement graves si elles ont le même effet que des
accords imposant des prix fixes ou minimaux, en raison de pressions ou d'incitations de la part
d'une entreprise partie à l'accord. Aussi, selon l'autorité inférieure, les
accords imposant un prix de revente minimal ou fixe pour lesquels la présomption de l'art. 5 al.
4 LCart a pu être renversée, entraînent une restriction qualitativement notable à
la concurrence. L'autorité inférieure a admis, dans de récentes décisions, que les
restrictions visées à l'art. 5 al. 4 LCart - en l'espèce un accord sur
les prix de revente - avaient "été considérées par le législateur
comme particulièrement nuisibles pour une concurrence efficace [et] rempliss[ai]ent l'élément
qualitatif de notabilité de par leur nature déjà" (cf. Comco, DPC 2009/2, p. 143,
Sécateurs et cisailles, ch. 75 ; Comco, DPC 2010/4, p. 649,
Hors-Liste Medikamente, ch.
150 et 229 ss ; Comco, DPC 2010/1, p. 65, Gaba, ch. 305 ; cf.
pour une critique : Amstutz/Carron/Reinert, in : CR-Concurrence, op. cit.,
art. 5 LCart no 190 p. 480 et renvois ; cf.
également arrêts du TAF B-506/2010 précité Gaba
consid. 11.1.8 et B-3332/2012 du 13 novembre 2015 BMW
consid. 9.1.4 ; Hansueli Raggenbass, BO 2002 N 1436). L'analyse qualitative
a ainsi trait à l'importance du paramètre concurrentiel touché par l'accord (cf. Amstutz/Carron/Reinert,
op. cit., art. 5 LCart no 176 p. 475,
Venturi/Vonlanthen, op. cit., p. 144 no
62, Krauskopf/Schaller, in : BSK-KG, op. cit., art. 5 no
186 p. 388).
6.2.2 Dans
la décision déférée, l'autorité inférieure indique que l'accord vertical
en cause est particulièrement grave du point de vue qualitatif. Comme déjà exposé
ci-dessus (cf. consid. 4.8.2), elle relève que Roger Guenat SA a non seulement imposé des prix
de revente minimaux mais a également mis en place un système de contrôles et de sanctions
afin de veiller au respect de ceux-ci par tous les revendeurs, assurant ainsi une application particulièrement
effective de sa politique de prix. Elle ajoute en outre que les preuves dont elle dispose démontrent
clairement que Roger Guenat SA a cherché à maintenir les prix des produits vendus en Suisse
à un niveau élevé ; elle a en effet mis tout en oeuvre pour éviter une pression
sur les prix, comme le montre à titre d'exemple le cas du revendeur Athleticum (cf. consid.
4.6.3).
6.2.3 En
l'espèce, les recommandations de prix verticales émises par Roger Guenat SA sont constitutives
d'un accord sur les prix de revente minimaux au sens des art. 4 al. 1 et 5 al. 4 LCart (cf. consid. 5).
Ainsi, il y a lieu d'admettre que l'accord en cause satisfait à la condition de la notabilité
qualitative, ce qui n'est au demeurant pas contesté par la recourante.
6.3 Il
convient ensuite de déterminer si, pour conclure à une affectation notable de la concurrence,
des critères quantitatifs doivent également entrer en ligne de compte.
6.3.1 La
pratique de l'autorité inférieure quant à la notabilité a également connu des
développements divers (pour un aperçu : cf. Hoch Classen, op. cit.,
p. 271 ss ; Krauskopf/Schaller, in : BSK-KG, op. cit., art. 5 no 167
ss p. 385 ss). La aCommVert 2007 - à l'instar de la aCommVert 2002 - retenait une
notabilité per se de certains accords verticaux, en particulier
ceux pour lesquels la présomption de suppression de la concurrence efficace avait été
renversée (cf. ch. 10 par. 3 aCommVert 2007) et ceux décrits par le ch. 12 aCommVert 2007
: "Notabilité en raison de l'objet de l'accord" (cf. Reymond,
in : CR-Concurrence, op. cit., art. 6 LCart no
154 p. 622 et réf. cit.). Néanmoins, depuis la décision de principe Sécateurs
et cisailles (cf. Comco, DPC 2009/2, p. 143, Sécateurs
et cisailles), l'autorité inférieure semble en principe considérer qu'une analyse
combinée des paramètres qualitatif et quantitatif est nécessaire pour déterminer
si la concurrence est notablement affectée, indépendamment du paramètre concurrentiel
touché par l'accord (cf. Secrétariat Comco, DPC 2011/3, p. 364, Festool,
ch. 61 ss et 65 ; Comco, DPC 2011/3, p. 372, Behinderung des Online-Handels,
ch. 81 ss et 113 ss). Cette pratique a notamment trouvé concrétisation dans l'actuelle CommVert,
dont le ch. 12, intitulé "Restrictions notables de la concurrence", prévoit
au par. 1 que l'existence d'une affectation notable s'examine au regard de critères tant qualitatifs
que quantitatifs. Elle ne prévoit en particulier plus de notabilité per
se des prix de revente imposés (cf. à ce sujet : Andrea Graber,
Die neue Vertikalbekanntmachung 2010 der WEKO, Jusletter du 23 août 2010 no
13). Ainsi, une approche plus économique est adoptée (more
economic approach), tenant compte des effets observés de l'accord et des caractéristiques
du marché concerné dans le cas particulier (cf. Reymond, in
: CR-Concurrence, op. cit., art. 6 LCart no
154 p. 622).
L'autorité inférieure semble cependant vouloir assouplir cette condition de la double notabilité.
Dans des décisions récentes, elle a en effet affirmé qu'en présence d'une restriction
qualitative importante, il ne faudrait pas formuler d'exigences trop élevées en ce qui concerne
l'élément quantitatif et qu'il suffirait de constater que l'accord en question produit des
effets sur le marché pertinent (cf. Comco, DPC 2010/4, p. 717, Baubeschläge
für Fenster und Fenstertüren, ch. 319 ; Secrétariat Comco, DPC 2012/2, p. 171,
FTTH Freiburg, ch. 303 note de bas de page no 121).
Cette pratique a été critiquée en doctrine ; elle serait erronée d'un point de vue
économique et ne correspondrait pas à la volonté du législateur et à la jurisprudence
du Tribunal fédéral. Selon la doctrine, les accords verticaux ne peuvent entraîner des
effets indésirables que si les entreprises participantes détiennent un pouvoir de marché
ou s'il n'y a pas de concurrence intermarques efficace. Aussi, il serait faux d'imposer des exigences
quantitatives plus sévères pour certains accords verticaux que pour d'autres. Dans tous les
cas, l'existence de simples effets de l'accord sur le marché pertinent ne peut autoriser les autorités
de la concurrence à admettre automatiquement une affectation notable de la concurrence. En effet,
un accord portant sur un paramètre concurrentiel produit par définition des effets sur le marché
pertinent, sans pour autant entraîner nécessairement une affectation notable : une concurrence
efficace peut tout à fait subsister malgré l'accord (cf. Amstutz/Carron/Reinert,
in : CR-Concurrence, op. cit., art. 5 LCart no
139 et 175 p. 465 et 474 ; Amstutz/Reinert, op. cit., p. 106 ss ;
Graber, op. cit., ch. 13).
6.3.2 Le
Tribunal fédéral s'est par le passé fondé sur des critères quantitatifs et qualitatifs
pour juger de la notabilité d'un accord en matière de concurrence. Il a ainsi retenu qu'il
y avait affectation notable de la concurrence si l'accord portait sur un paramètre concurrentiel
sur le marché de référence correspondant et si les entreprises participantes disposaient
d'une part de marché importante. Il a en effet admis que, dès lors que la loi part du principe
qu'un accord sur les prix est présumé supprimer la concurrence efficace, une suppression de
la concurrence sur les prix constitue au moins une affectation notable de la concurrence dans la mesure
où elle concerne des biens avec une part de marché importante. En l'espèce, la part de
marché s'élevait à environ 90% ; le Tribunal fédéral a reconnu une affectation
notable de la concurrence (cf. ATF 129 II 18 Sammelrevers consid.
5.2.1, 5.2.2 et réf. cit.).
6.3.3 Dans
ses arrêts concernant les affaires Gaba/Gebro, le Tribunal
administratif fédéral a examiné si un contrat de licence stipulant une interdiction des
ventes passives affectait notablement la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Il a à cet
égard confirmé que l'examen de la notabilité d'un accord en matière de concurrence
devait en principe être effectué dans le cadre d'une appréciation d'ensemble des critères
qualitatifs et quantitatifs. Cependant, il a, en l'espèce, retenu qu'un accord par lequel Gebro
s'interdisait envers Gaba d'exporter ses produits en dehors du territoire autrichien constituait en principe
une restriction notable à la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. En effet, il a affirmé
que les restrictions dures à la concurrence constituaient en soi d'un point de vue qualitatif une
restriction notable à la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, sans que l'aspect quantitatif
ne doive nécessairement être examiné en l'espèce. Il a ainsi admis que, dès
lors que l'art. 5 al. 4 LCart établit la présomption qu'une exclusion des ventes passives est
suppressive de concurrence, une telle exclusion présente en principe, a
maiore ad minus, une notabilité au sens de l'art. 5 al. 1 LCart en cas de renversement de
la présomption (cf. arrêts du TAF B-506/2010 précité Gaba
consid. 11.1.8, 11.3.4 et réf. cit. et B-463/2010 du 19 décembre 2013 Gebro
consid. 11.1.4, 11.3.4 et réf. cit. ; cf. également, dans le même sens : Marino
Baldi, Kartellgesetzrevision : Vom Widersinn der Teilkartellverbote, PJA 2014 p. 960 ss, spéc.
p. 962 ; Marino Baldi/Felix Schraner, Gaba-Urteil des Bundesverwaltungs-gerichts
als wettbewerbspolitischer Markstein, RSJ 110/2014 p. 501 ss, spéc. p. 509 ; Baudenbacher,
op. cit., no 2). Ces considérations
se référant à des accords verticaux opérant des répartitions géographiques
sont désormais confirmées par l'arrêt BMW (cf.
arrêt du TAF B-3332/2012 précité BMW consid. 9.1).
Elles pourront être examinées par le Tribunal fédéral dans le cadre du recours pendant
contre l'arrêt Gaba.
Dans ses arrêts Baubeschläge Siegenia et Baubeschläge Koch,
portant sur un accord horizontal sur les prix au sens de l'art. 5 al. 3 let. a LCart, le Tribunal administratif
fédéral a retenu que de lege lata l'autorité inférieure
devait déterminer si la concurrence était affectée notablement par l'accord en question
et, partant, examiner les effets de l'accord sur le marché (cf. arrêts du TAF B-8399/2010
précité Baubeschläge Siegenia consid. 6.1.3
et B-8430/2010 du 23 septembre 2014 Baubeschläge Koch
consid. 7.1.3 ; cf. également Breitenmoser, op. cit., p. 3 no
2 ; dans le même sens : cf. Reto Jacobs, Entwicklungen im Kartellrecht,
RSJ 111/2015 p. 229 ss, spéc. p. 232 ; Daniel Zimmerli, Urteile
des Bundesverwaltungsgerichts in Sachen "Fensterbeschläge", dRSK publié le 10 avril
2015 no 18 ; contra
: cf. Baldi/Schraner, Die Kartellrechtlichen Urteile des Bundesverwaltungsgerichts
im Fall "Baubeschläge", op. cit., p. 273 ; cf. également sur cette
question : Andreas Heinemann, Die Erheblichkeit bezweckter und bewirkter
Wettbewerbsbeschränkungen, Jusletter du 29 juin 2015 no
20 ss).
6.3.4 En
cas d'accord vertical imposant un prix de vente minimum, le Tribunal administratif fédéral
n'entend pas s'écarter de la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui s'est jusqu'ici fondée
sur des critères quantitatifs et qualitatifs pour juger de la notabilité d'un tel accord (cf.
ATF 129 II 18 Sammelrevers consid. 5.2.1, 5.2.2 et réf. cit.
; cf. également arrêt du TF 2A.430/2006 du 6 février 2007 consid. 3.3 et 4), et de
la Commvert, qui prescrit de tenir compte de ces deux critères (cf. également arrêt du
Tribunal de commerce du canton de Zurich du 17 décembre 2014 consid. 7.3.4, in : ZR 114/2015
p. 86). Toutefois, la pesée de ces deux critères s'effectue au cas par cas et dans le cadre
d'une appréciation d'ensemble. Ainsi, une atteinte qualitativement grave peut être
notable malgré ses effets limités sur le plan quantitatif. Inversement, une atteinte ayant
des effets importants d'un point de vue quantitatif peut affecter la concurrence de manière
notable, même si elle n'est pas grave d'un point de vue qualitatif (ch. 12 par. 1 CommVert).
En effet, d'un point de vue quantitatif, des exigences moins strictes suffisent pour qualifier
de restrictions notables à la concurrence des accords qui, en raison de leur objet, sont considérés
comme qualitativement graves (consid. IX CommVert).
Les accords mentionnés aux al. 3 et 4 de l'art. 5 LCart sont présumés supprimer toute
concurrence ; ils affectent en conséquence notablement la concurrence du point de vue qualitatif.
De même, dès lors qu'on présume qu'un accord opérant des répartitions géographiques
ou fixant les prix des marchés supprime la concurrence, on peut a
majore ad minus présumer qu'il affecte quantitativement notablement la concurrence.
Toutefois, comme la présomption de suppression de la concurrence, prévue expressément
par la loi, est réfragable, celle que l'on déduit, par interprétation légale, pour
la notabilité au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, des al. 3 et 4 de l'art. 5 LCart, doit nécessairement
l'être également. Il s'ensuit qu'il doit être possible non seulement de démontrer
que la concurrence n'a pas été supprimée mais encore qu'elle n'a pas été affectée
de manière notable. Par conséquent, il convient d'examiner, en particulier à l'aune des
griefs soulevés par la recourante, si l'accord litigieux est notable également du point de
vue quantitatif.
6.4
6.4.1 S'agissant
des éléments quantitatifs, se fondant sur le ch. 12 par. 1 CommVert précité
(cf. consid. 6.3.1), l'autorité inférieure indique dans la décision attaquée que,
pour déterminer si l'accord affecte la concurrence de manière notable sur le plan
quantitatif, il y a lieu d'examiner la concurrence actuelle exercée par d'éventuels outsiders
à l'accord, ce qui revient à examiner dans le cas présent la concurrence intermarques.
Elle précise qu'une concurrence intermarques suffisante limite l'incitation du fabricant et des
revendeurs à demander des prix trop élevés aux acheteurs qui risquent de substituer aux
produits soumis aux prix minimaux des produits d'autres marques concurrentes moins chers. Dès
lors qu'elle a considéré qu'il y avait un accord en matière de concurrence sur les prix
de revente minimaux entre Roger Guenat SA et chacun de ses revendeurs, l'autorité inférieure
a retenu une absence de concurrence intramarque sur les prix (cf. consid. 5.5.1).
Ainsi, elle expose que, sur les différents marchés, on retrouve en principe toujours les
trois mêmes grands acteurs - Mammut, Roger Guenat SA et Black Diamond - lesquels disposent,
toutes catégories confondues, des parts de marché les plus élevées, à savoir
20-30% chacun. Malgré des pertes de parts de marché sur certaines catégories de produits
entre 2006 et 2010, Roger Guenat SA est restée, selon l'autorité inférieure, un des principaux
grossistes d'articles de sports de montagne en Suisse, durant la période considérée,
occupant la deuxième place après Mammut. En outre, l'autorité inférieure relève
qu'un accord sur un marché présentant une telle structure peut favoriser un accord horizontal
sur les prix entre les différents producteurs d'articles de sports de montagne. De même, le
marché étant également concentré du côté des revendeurs - 10% des
clients de Roger Guenat SA représentent environ 80% de son chiffre d'affaires - c'est
en principe dans une telle constellation, indique l'autorité inférieure, où tant le producteur
que les revendeurs disposent d'une puissance de marché, que l'on peut s'attendre
à trouver des restrictions verticales efficaces. Ainsi, la position des partenaires à l'échange
de Roger Guenat SA peut être considérée de manière globale comme insuffisamment forte
pour limiter l'effet de l'accord entre Roger Guenat SA et ceux-ci. Dès lors, compte
tenu de la part de marché de l'importatrice sur tous les marchés ainsi que de la structure
de marché, l'accord doit être considéré comme affectant notablement la concurrence.
L'autorité inférieure retient ainsi que tant de manière globale, qu'au niveau de
chaque catégorie de produits, l'accord vertical en cause a affecté de manière notable
la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart sur les marchés des harnais, casques, piolets
et crampons, mousquetons et cordes. Elle a ajouté qu'à supposer que la présomption de
suppression de la concurrence efficace soit renversée sur le marché pertinent des lampes frontales,
celle-ci serait dans tous les cas affectée de manière notable compte tenu de la position dominante
occupée par Roger Guenat SA sur ce marché.
S'agissant en particulier du marché des cordes, l'autorité inférieure relève
que ce marché était en 2010 dominé par Mammut, lequel disposait d'une part de marché
de [70-80]%, et par Roger Guenat SA qui détenait une part de marché de [10-20]%. Elle relève
que l'évolution dynamique des parts de marché montre que Roger Guenat SA a connu une
progression des ventes sur les années 2006-2010. En outre, dès lors que le seuil d'affectation
quantitative en présence d'une restriction qualitativement grave n'est pas élevé,
une affectation notable ne pourrait être niée que si Roger Guenat SA n'était qu'un
acteur insignifiant sur le marché des cordes, ce qui n'est pas le cas attendu que ce marché
était dominé par deux acteurs seulement, dont Roger Guenat SA. Une telle structure de marché
favorise le risque de collusion ou de comportements parallèles de hausse des prix.
6.4.2 La
recourante conteste que les prix minimaux recommandés étaient suivis par les revendeurs, si
bien que, dans l'hypothèse d'un accord au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, celui-ci n'affecterait pas
notablement la concurrence sur le plan quantitatif. Aussi, elle reproche à l'autorité inférieure
- laquelle a pourtant indiqué dans sa réponse que la question du respect de l'accord
relevait de l'examen de l'illicéité du comportement dans le cadre de l'art. 5 LCart -
de ne pas avoir procédé à un tel examen au stade de l'analyse de la notabilité, se
contentant d'apprécier le pouvoir de marché de Roger Guenat SA. En outre, s'agissant du marché
pertinent des cordes, la recourante ajoute que, contrairement à ce qu'affirme l'autorité inférieure,
Roger Guenat SA ne dominait pas le marché avec Mammut ; elle était un concurrent de Mammut
et lui disputait des parts de marché. Elle indique que l'évolution de la part de marché
de Roger Guenat SA de [10-20]% à [10-20]% en quatre ans et l'arrivée sur ce marché de
deux nouveaux concurrents démontrent que le marché était dynamique.
6.4.3 Le
ch. 13 par. 1 CommVert prévoit que les accords verticaux en matière de concurrence non visés
au ch. 12 par. 2 let. a-e CommVert n'entraînent en règle générale pas d'affectation
notable de la concurrence lorsqu'aucune des entreprises parties à l'accord ne détient
une part de marché supérieure à 15% sur un marché pertinent concerné par l'accord
(par. 1). L'autorité inférieure a ainsi fixé des safe
harbours, à savoir des seuils de parts de marché en dessous desquels les accords n'affectent
quantitativement pas notablement la concurrence. Ces seuils ne s'appliquent toutefois pas aux restrictions
qualitativement graves, telles qu'elles sont énumérées au ch. 12 par. 2 let. a-e CommVert
(cf. Amstutz/Carron/Reinert, in : CR-Concurrence, op. cit., art. 5 LCart
no 194 et 196 p. 481 ss, Krauskopf/Schaller,
in : BSK-KG, op. cit, art. 5 no 255 ss p.
395 ss). Ainsi, les recommandations de prix, constitutives d'un accord en matière de concurrence,
qui revêtent une composante plurilatérale notamment - comme tel est le cas en l'espèce
(cf. ch. 12 par. 2 let. a CommVert ; consid. 6.2.1) - ne peuvent être mises au bénéfice
des seuils de sécurité ; celles-ci sont soumises à un examen individuel de leur notabilité
quantitative (cf. Antipas, op. cit., p. 363 ss).
En d'autres termes, doivent faire l'objet d'un tel examen, les recommandations de prix qui sont soumises
à la présomption de l'art. 5 al. 4 LCart mais pour lesquelles celle-ci a pu être renversée
et qui, par conséquent, entraînent une restriction qualitativement notable à la concurrence
(cf. consid. 6.2.3). Selon la pratique de l'autorité inférieure, les critères quantitatifs
applicables audit examen individuel sont les mêmes que ceux utilisés pour le renversement de
la présomption (cf. Comco, DPC 2010/4, p. 649, Hors-Liste Medikamente,
ch. 233). Le constat que la présomption de suppression de la concurrence efficace doit être
renversée n'implique toutefois pas une absence d'affectation notable au plan quantitatif, le seuil
d'entreprises ne respectant pas l'accord étant différent dans le cadre de la notabilité
(cf. Antipas, op. cit., p. 364).
Ceci étant, la détention d'un fort pouvoir de marché par l'émetteur de la recommandation
est certes nécessaire mais pas suffisante pour établir une notabilité quantitative (contra
: cf. Adrien Alberini, Droit des accords verticaux : De l'enfance à
l'adolescence, SJ 2010 II p. 123 ss, spéc. p. 133). Un accord vertical mis en oeuvre
par une entreprise possédant un pouvoir de marché important n'entraîne en effet pas nécessairement
des effets anti-concurrentiels correspondants. Il faut que l'accord en cause ait - ou soit sur
le point d'avoir - effectivement un impact négatif considérable sur la concurrence efficace
au point de l'affecter notablement (cf. Amstutz/Carron/Reinert, in :
CR-Concurrence, op. cit., art. 5 LCart no 207
p. 485). Ainsi, dans l'appréciation quantitative de la notabilité, il convient de prendre également
en considération le taux de suivi de l'accord - faute de quoi l'accord n'affecte pas notablement
la concurrence - (cf. Comco, DPC 2010/4, p. 649, Hors-Liste
Medikamente, ch. 233 ;
Secrétariat Comco, DPC 2011/2, p. 248, Markt für Hörgeräte,
ch. 164 ; Secrétariat Comco, DPC 2011/3, p. 364, Festool,
ch. 67 ; Antipas, op. cit., p. 366), ainsi que les parts
de marché des revendeurs respectant celui-ci. En effet, plus que le nombre d'entreprises respectant
l'accord, ce sont leurs parts de marché qui sont pertinentes (cf. Antipas,
op. cit., p. 322). A cet égard, l'analyse économique enseigne qu'une affectation notable
de la concurrence est impossible si les entreprises participantes détiennent de faibles parts de
marché (p. ex. 30%) (cf. Amstutz/Carron/Reinert, in : CR-Concurrence,
op. cit., art. 5 LCart no 207 p. 485).
Ainsi, dans l'affaire Hors-Liste Medikamente, l'autorité
inférieure a estimé qu'un suivi des recommandations de prix d'environ 63% était trop élevé
pour admettre l'existence d'une concurrence intramarque efficace et que la concurrence intermarques,
qui s'ajoutait à la faible concurrence intramarque, n'était pas suffisante pour admettre l'existence
d'une concurrence efficace, de sorte qu'il en résultait une affectation quantitativement notable
de la concurrence (cf. Comco, DPC 2010/4, p. 649, Hors-Liste Medikamente,
ch. 233). Dans l'affaire Markt für Hörgeräte, une
affectation notable de la concurrence dans son ensemble a été admise alors que les recommandations
de prix étaient suivies dans plus de 65% des cas et qu'elles n'étaient pas qualitativement
notables (cf. Secrétariat Comco, DPC 2011/2, p. 248, Markt
für Hörgeräte, ch. 164 et 165). Dans l'affaire
Festool, le secrétariat a nié l'existence d'une affectation
quantitativement notable de la concurrence, dès lors que seuls 26% des détaillants suivaient
les recommandations de prix et que ceux-ci n'occupaient que 6% du marché pertinent. Dès lors
que la concurrence ne se trouvait pas non plus affectée qualitativement par les recommandations
de prix, l'absence de notabilité de l'accord a été reconnue (cf. Secrétariat Comco,
DPC 2011/3, p. 364, Festool, ch.
67).
6.4.4 Sur
le vu de ce qui précède, il convient d'examiner, en application du principe inquisitoire, le
respect de l'accord en matière de concurrence, de même que les parts de marché détenues
par les entreprises participantes sur tous les marchés pertinents, pour ensuite déterminer
si celui-ci a affecté de manière quantitativement notable la concurrence efficace entre 2006
et 2010.
Comme déjà exposé ci-dessus, il a été établi que Roger Guenat SA a
passé une convention sur les prix de revente minimaux avec J._______, A._______ AG, M._______ AG,
Bächli et 35 revendeurs situés dans les alentours de Bussigny et de Collombey, où se trouvent
les deux succursales d'Athleticum livrées en produits Petzl et Beal (cf. consid. 4.9).
Dès lors qu'ils se sont engagés à respecter les prix de la liste officielle, il y
a lieu d'admettre, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la
vie, que l'ensemble des revendeurs susmentionnés appliquait exactement les prix minimaux prescrits,
ce qui représentait 39 détaillants sur un total de 333, soit un taux de suivi de l'ordre de
12% pour les marques exclusivement distribuées par Roger Guenat SA. Il n'est cependant pas possible,
sur la base des pièces versées au dossier, de déterminer, à l'exception du revendeur
Bächli, les marchés de référence sur lesquels ces détaillants étaient actifs.
De même, le dossier ne contient aucun élément permettant de déterminer les parts
de marché détenues par les revendeurs liés par la convention sur lesdits marchés
durant la période sous investigation. Sur ce point, on peut toutefois relever que seul un client
clé, parmi 21, était lié à l'accord. Aussi, la prise en compte des parts de marché
des détaillants parties à l'accord ne conduirait très vraisemblablement pas à un
pourcentage très différent.
En conséquence, même si on ignore la position occupée par les revendeurs liés
sur les marchés pertinents durant la période en cause, il sied de reconnaître qu'un suivi
par 39 revendeurs sur un total de 333, à savoir 12% - considérant que l'ensemble des
revendeurs liés était actif sur tous les marchés de référence - n'est
pas suffisant pour affecter notablement la concurrence intramarque externe sur les prix du point de vue
quantitatif sur les marchés de référence et ce, bien que Bächli représentait,
comme déjà dit, le client le plus important de Roger Guenat SA à l'époque
(cf. consid. 6.4.3).
6.4.5 Au
demeurant, avec un taux de suivi des prix minimaux de l'ordre de 12%, l'accord en matière de concurrence
en cause n'était pas non plus susceptible d'affecter notablement la concurrence intermarques et
ceci, même si Roger Guenat SA disposait, durant la période considérée, de parts de
marché significatives sur la plupart des marchés pertinents, comme sur celui des lampes frontales
où l'importatrice occupait le premier rang avec une part de marché passant de [70-80]% à
[60-70]% entre 2006 et 2010, contre une part de marché variant entre [10-20]% et [20-30]% suivant
les années pour son concurrent le plus proche, Black Diamond. En effet, dès lors qu'il n'a
pas été établi que les prix de la liste officielle étaient respectés par l'ensemble
des revendeurs de Roger Guenat SA, seules les parts de marché détenues par celle-ci se référant
aux revendeurs liés par l'accord sur les différents marchés entrent en ligne de compte
pour apprécier l'impact de l'accord sur les prix sur la concurrence intermarques, à savoir
12%. Aussi, avec de telles parts de marché - considérées en lien avec celles des
concurrents du fournisseur - il y a lieu de retenir qu'une concurrence intermarques efficace
subsistait entre 2006 et 2010 sur l'ensemble des marchés pertinents.
En définitive, dès lors que la concurrence sur les prix intramarque et intermarques n'était
pas inefficace sur les marchés pertinents durant la période considérée, il y a lieu
d'admettre que l'accord sur les prix litigieux n'a pas notablement affecté la concurrence sur le
plan quantitatif sur les marchés - matériels et géographique - délimités
par l'autorité inférieure, entre 2006 et 2010.
6.5 Partant,
le tribunal retient que, nonobstant une notabilité qualitative, l'accord en cause n'a pas affecté
notablement la concurrence sur les marchés pertinents au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, faute de
restriction notable sur le plan quantitatif.
7.
En
définitive, il y a lieu d'admettre que, dès lors qu'elle a reconnu qu'il existait, entre 2006
et 2010, un accord sur les prix entre Roger Guenat SA et ses revendeurs entraînant la
suppression de la concurrence efficace sur le marché des lampes frontales et l'affectant de manière
notable sur les autres marchés de référence, la décision attaquée viole les
art. 5 al. 4 et 5 al. 1 LCart. Bien fondé, le recours doit donc être admis.
Vu l'issue du litige, la question de savoir si
la recourante peut se voir imputer le comportement
de Roger Guenat SA peut demeurer indécise. Il en va de même des autres griefs soulevés
par la recourante.
Comme l'autorité inférieure décide de l'opportunité de l'ouverture d'une enquête
concernant des restrictions à la concurrence (cf. ATF 135 II 60 consid. 3.1.2)
et, donc, le cas échéant, également de la reprise de celle-ci, il est expédient en
l'espèce de purement et simplement annuler la décision du 20 août 2012.
8.
Les
frais de procédure, comprenant l'émolument judiciaire et les débours, sont mis à
la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 PA et art. 1 al. 1 du règlement du 21 février
2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral
[FITAF, RS 173.320.2]). L'émolument judiciaire est calculé en fonction de la valeur litigieuse,
de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties et de
leur situation financière (art. 2 al. 1 et 4 FITAF). Aucun frais de procédure n'est mis
à la charge des autorités inférieures déboutées (cf. art. 63 al. 2 PA).
En l'espèce, il n'y a pas lieu de percevoir de frais de procédure de l'autorité inférieure
qui succombe à l'issue du présent arrêt. Pour le reste, les frais de procédure, relatifs
à la décision incidente du 26 mai 2014 rejetant les réquisitions de preuves de la recourante,
doivent être fixés à 500 francs et mis à la charge de celle-ci. Ils sont imputés
sur l'avance de frais de 12'000 francs versée par la recourante le 27 novembre 2012. Le solde de
11'500 francs lui sera restitué dès l'entrée en force du présent arrêt.
9.
L'autorité
de recours peut allouer, d'office ou sur requête, à la partie ayant entièrement gain de
cause une indemnité pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été
occasionnés (art. 64 al. 1 PA en relation avec l'art. 7 al. 1 FITAF). Les dépens comprennent
notamment les frais de représentation (cf. art. 8 al. 1 FITAF), lesquels englobent en particulier
les honoraires d'avocat (cf. art. 9 al. 1 let. a FITAF). Ils sont calculés en fonction du temps
nécessaire à la défense de la partie représentée (art. 10 al. 1 FITAF)
; le tarif horaire des avocats est de 200 francs au moins et de 400 francs au plus (art. 10 al. 2 FITAF).
Les parties qui ont droit aux dépens doivent faire parvenir au tribunal, avant le prononcé
de la décision, un décompte de leurs prestations ; à défaut, le tribunal fixe l'indemnité
sur la base du dossier (art. 14 FITAF).
En l'occurrence, la recourante, qui obtient gain de cause à l'issue du présent arrêt
et qui est représentée par un avocat, dûment légitimé par procuration, a droit
à des dépens. L'intervention de celui-ci - qui n'a produit aucune note de frais et honoraires
- a impliqué le dépôt d'un recours de 43 pages et d'une réplique de 14 pages.
Compte tenu de l'ampleur et de la complexité du dossier à examiner, il se justifie, au regard
du barème précité, d'allouer à la recourante une indemnité équitable de
dépens de 25'000 francs (TVA comprise), à la charge de l'autorité inférieure (cf.
art. 64 al. 2 PA).