Cour II
B-1077/2007
{T 0/4}

Arrêt du 14 septembre 2007
Composition :
Jean-Luc Baechler (président du collège), Hans-Jacob Heitz, Philippe Weissenberger, Bernard Maitre (président de cour) et Eva Schneeberger (présidente de chambre), juges;
Pascal Richard, greffier.

A._______,
B._______,
C._______,
D._______,
E._______,
F._______,
G._______,
H._______,
I._______,
J._______,
tous représentés par Me Olivier Vocat, avocat, place Centrale 14, case postale 1014, 1920 Martigny,
recourants,

contre

Commission fédérale des maisons de jeu, Eigerplatz 1, 3003 Berne,
autorité inférieure,

concernant
la procédure administrative relative aux distributeurs "Tactilo" et "Touchlot"

Faits :
A. Par décision du 10 juin 2004, la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ) a ouvert une procédure afin de déterminer si les distributeurs "Tactilo", respectivement "Touchlot" sont assujettis à la loi sur les loteries et les paris professionnels ou à la loi sur les jeux de hasard et les maisons de jeux. Ces distributeurs sont ou vont être exploités par la Société de la Loterie de la Suisse romande (ci-après : Loterie romande) ainsi que par Swisslos Interkantonale Landeslotterie (ci-après : Swisslos).
A.a Par requête du 8 avril 2005, les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève et Jura ont demandé à intervenir dans la procédure susmentionnée en qualité de partie. La CFMJ puis, sur recours, la Commission fédérale de recours en matière de maisons de jeux (ci-après : Commission de recours) ont rejeté leur requête. Le Tribunal fédéral a quant à lui reconnu leur qualité de partie à la procédure par arrêt du 4 avril 2006.

Par décision du 12 mai 2006, la CFMJ a donné aux autres cantons la possibilité de participer à la procédure. Tous les cantons se sont ainsi constitués partie jusqu'au 28 novembre 2006.
A.b Par mémoire non daté reçu le 21 novembre 2005, les associations et fondations A._______, B._______, C._______, D._______, E._______, F._______ et H._______ ont requis de la CFMJ qu'elle leur reconnaisse la qualité de partie dans la procédure administrative relative à la qualification juridique des distributeurs "Tactilo" et "Touchlot". A ce mémoire était jointe une demande de suspension de la procédure au fond jusqu'à droit connu sur la requête.

Par mémoire du 6 décembre 2005, la fondation G._______ a, à son tour, requis que la qualité de partie lui soit reconnue dans le cadre de ladite procédure. Cette requête était également doublée d'une demande de suspension de la procédure.

Par décision du 13 décembre 2005, la CFMJ a rejeté leurs requêtes aux motifs que les associations et fondations requérantes ne satisfaisaient pas aux conditions mises à la reconnaissance de la qualité de partie. Elle relève entre autres que la décision à rendre quant à la qualification juridique des distributeurs "Tactilo" n'aura pas d'effet direct et immédiat pour les associations et fondations requérantes.

En date du 27 janvier 2006, les associations et fondations précitées ont contesté cette décision auprès de la Commission de recours.
A.c Par mémoires séparés du 27 janvier 2006, les organismes de répartition I._______ ainsi que J._______ ont tous deux requis de la CFMJ qu'elle leur reconnaisse la qualité de partie dans la procédure administrative relative à la qualification juridique des distributeurs "Tactilo" et "Touchlot". À ces mémoires était jointe une demande de suspension de la procédure au fond jusqu'à droit connu sur les requêtes.

Par décision du 1er mars 2006, la CFMJ a rejeté les deux requêtes. Elle a jugé que les requérants ne disposaient pas d'un intérêt propre et digne de protection à la modification ou à l'annulation de la décision qu'elle allait être amenée à rendre. La CFMJ précise que les requérants ne sont pas les créanciers des bénéfices de la Loterie romande et que, même s'ils l'étaient, cela serait insuffisant pour leur conférer la qualité de partie dans la procédure au fond. Elle ajoute que les sommes perçues ne font que transiter par les comptes des requérants si bien qu'ils ne sont pas directement atteints par la décision à rendre.

En date du 31 mars 2006, les organismes de répartition requérants ont recouru contre cette décision auprès de la Commission de recours.
A.d Le recours des associations et fondations et celui des organismes de répartition ont été joints par décision présidentielle du 5 mai 2006.

Par décision du 6 novembre 2006, la Commission de recours a rejeté les recours aux motifs que la décision sur le point d'être rendue au fond par la CFMJ n'aurait pas pour eux d'effet direct et immédiat.
A.e Les associations et fondations ainsi que les organismes de répartition ont porté la contestation devant le Tribunal fédéral par mémoire du 5 décembre 2006. Ils ont doublé leur recours d'une requête de mesures provisionnelles tendant à la suspension de la procédure relative à la qualification juridique des distributeurs "Tactilo" jusqu'à droit connu sur la procédure de recours.

En date du 23 avril 2007, le Tribunal fédéral a rayé la cause du rôle jugeant que le recours était devenu sans objet. Il a estimé que les associations et fondations ainsi que les organismes de répartition n'avaient pas d'intérêt actuel au recours dès lors qu'ils avaient contesté la décision au fond auprès du Tribunal administratif fédéral.
A.f Par décision non datée néanmoins rendue le 21 décembre 2006, la CFMJ a interdit l'exploitation des distributeurs "Tactilo" à l'extérieur des maisons de jeux au bénéfice d'une concession. Elle a en outre ordonné la mise hors service et le retrait du marché desdits distributeurs en exploitation, dans un délai de six mois dès l'entrée en force de la décision. La décision n'a pas été notifiée aux recourants; ceux-ci en ont néanmoins pris connaissance par le communiqué de presse de la CFMJ du 9 janvier 2007.
B.
B.a Par mémoire commun du 8 février 2007, A._______, B._______, C._______, D._______, E._______, F._______, G._______ et H._______ ainsi que I._______ et J._______ (ci-après : les recourants) ont recouru contre la décision rendue le 21 décembre 2006 auprès du Tribunal administratif fédéral. Ils concluent à ce que la nullité de la décision soit constatée et, subsidiairement, à son annulation. A l'appui de leurs conclusions, ils invoquent une violation de leur droit d'être entendu ainsi qu'une violation du principe de la bonne foi dans la mesure où la CFMJ a rendu sa décision avant que le Tribunal fédéral ne se soit prononcé sur la requête de mesures provisionnelles tendant à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur leur qualité de partie. Les recourants font également valoir que la loi sur les loteries et les paris professionnels ainsi que la loi sur les jeux de hasard et les maisons de jeux ont été violées, l'exploitation des distributeurs "Tactilo" étant exclusivement régie par la législation sur les loteries.
B.b S'agissant de la recevabilité de leur recours, les associations et fondations recourantes font valoir que la décision attaquée les touche directement et immédiatement, dès lors que les bénéfices de la Loterie romande doivent être intégralement reversés à des institutions d'utilité publique ou de bienfaisance. Elles précisent que cette obligation découlant des art. 3 et 5 de la loi sur les loteries et les paris professionnels est justifiée dans la mesure où des associations et fondations d'utilité publique pourraient elles-mêmes obtenir l'autorisation d'organiser des loteries. Elles invoquent qu'une diminution du bénéfice de la Loterie romande engendrerait inéluctablement une baisse de leurs ressources financières, ce qui, compte tenu des montants perçus habituellement, menacerait sérieusement leur survie. L'association H._______, quant à elle, fait valoir qu'elle dispose de la qualité de partie dans la mesure où elle représente les intérêts de ses membres qui perçoivent des aides de la Loterie romande. A l'appui de leur argumentation, les associations et fondations recourantes font expressément référence à l'arrêt du Tribunal fédéral qui a reconnu la qualité de partie des cantons. Elles prétendent qu'il en découle trois intérêts distincts : celui des cantons à autoriser les loteries, celui de la Loterie romande à les exploiter et celui des associations et fondations à bénéficier des profits dégagés.

Les organismes de répartition recourants font quant à eux valoir que la part des bénéfices échéant à un canton tombe dans leur patrimoine si bien qu'une baisse des bénéfices de la Loterie romande entraînerait avec elle une diminution de leur marge de manoeuvre. Ils ajoutent que leur qualité pour recourir découle pour le surplus du droit intercantonal. Selon eux, ils ont un intérêt propre à répartir les bénéfices de la Loterie romande entre les différentes institutions d'utilité publique et de bienfaisance ; en outre, cet intérêt ne se confond pas avec celui des bénéficiaires.
C.
C.a Invitée à se déterminer quant à la qualité pour recourir des recourants, l'autorité inférieure conclut, par mémoire du 16 mai 2007, à ce que le recours soit déclaré irrecevable; elle maintient le point de vue qu'elle a exposé dans ses décisions des 13 décembre 2005 et 1er mars 2006 ainsi que dans les observations déposées auprès de la Commission de recours.
Elle estime que les associations et fondations recourantes ne peuvent se prévaloir d'un intérêt propre, direct, concret et immédiat ayant un lien suffisamment étroit avec l'objet du litige. Elle précise qu'il n'y a pas de relation de cause à effet entre la décision de la CFMJ et le préjudice que les associations et fondations recourantes pourraient subir en cas de baisse des revenus de la Loterie romande. Elle ajoute que celles-ci ne disposent d'aucun droit à l'attribution d'une somme par l'organe de répartition et que le fait d'être les créancières du destinataire de la décision ne suffit pas pour leur conférer un intérêt digne de protection. Elle avance enfin que, étant donné qu'il est loisible à quiconque de déposer une demande en vue de percevoir une aide de la Loterie romande, il faudrait examiner si l'on ne se trouve pas en présence d'une action populaire.
Au sujet des organes de répartition, la CFMJ fait valoir qu'ils ne sont pas les créanciers des bénéfices de la Loterie romande et que, quand bien même, cela serait insuffisant pour leur conférer la qualité pour recourir. Elle invoque également qu'ils ne sauraient défendre un intérêt distinct de celui de la Loterie romande, étant donné qu'il y a largement identité entre les membres des organismes de répartition et les sociétaires de la Loterie romande pour les cantons concernés. Enfin, elle expose qu'ils n'ont aucun intérêt propre à défendre dès lors que les sommes qu'ils distribuent ne font que transiter sur leur compte.
C.b Également invités à se déterminer quant à la qualité pour recourir des recourants, la Loterie romande et les cantons ont conclu, par mémoires respectivement des 16 mai 2007 et 30 mai 2007, à la recevabilité du recours. Ils soutiennent l'avis des recourants et font valoir que, si la qualité pour recourir n'est pas reconnue à ces derniers, il n'y aura personne dans la procédure pour défendre l'intérêt économique de l'utilité publique à recevoir les profits des loteries.
D. Les arguments avancés de part et d'autre au cours de la présente procédure seront repris plus loin dans la mesure où cela se révèle nécessaire.

Le Tribunal administratif fédéral considère :
1. Le Tribunal administratif fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATAF 2007/6 consid. 1 p. 45).
2. Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), ce dernier connaît, en vertu de l'art. 31 LTAF, des recours contre des décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les autorités mentionnées aux art. 33 et 34 LTAF. En particulier, l'art. 33 let. f LTAF prévoit que les décisions des commissions fédérales peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif fédéral.

La décision de la CFMJ est une décision au sens de l'art. 5 PA. Aucune des clauses d'exception de l'art. 32 LTAF n'étant réalisée, le Tribunal administratif fédéral est donc compétent pour statuer sur le présent recours.
3. Si un recours devant le Tribunal administratif fédéral est en principe ouvert à l'encontre des décisions rendues par la CFMJ, il convient encore d'examiner si les recourants disposent, en l'espèce, de la qualité pour recourir.

A teneur de l'art. 48 al. 1 PA, la qualité pour recourir est reconnue à quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité inférieure ou a été privée de la possibilité de le faire (let. a), est spécialement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). L'art. 48 al. 2 PA ajoute qu'a également qualité pour recourir toute personne, organisation ou autorité qu'une autre loi fédérale autorise à recourir.
3.1 A titre liminaire, il sied de relever qu'aucune disposition légale de droit fédéral en matière de maisons de jeux ne confère aux recourants un droit de recours contre les décisions rendues par la CFMJ. Les recourants ne peuvent dès lors fonder leur qualité pour recourir sur l'art. 48 al. 2 PA.
3.2 Par ailleurs, le Tribunal fédéral a développé une jurisprudence en relation avec l'art. 116 de loi fédérale du 16 décembre 1949 d'organisation judiciaire (aOJ), abrogée au 1er janvier 2007 par l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF, RS 173.110), lorsqu'il a tranché la question de savoir si les cantons suisses pouvaient se voir reconnaître la qualité de partie dans la procédure administrative relative à la qualification juridique des distributeurs "Tactilo" et "Touchlot" (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.597/2005 du 4 avril 2006). Le Tribunal fédéral a ainsi reconnu la qualité de partie des cantons dans la procédure susmentionnée du fait que la décision de la CFMJ tranche également un conflit de compétence entre la Confédération et les cantons dans le cadre de l'application du droit administratif fédéral au sens de l'art. 116 let. a aOJ.

Or, A._______, B._______, C._______, D._______, E._______, F._______, G._______ et H._______ constituent des entités de droit privé; elles ne sauraient exciper d'une violation par la Confédération des compétences dévolues aux cantons. En ce qui concerne I._______ et J._______, ils ne peuvent pas non plus se fonder sur cette disposition - quelle que soit leur forme juridique - étant donné que les cantons pour lesquels ils sont chargés de procéder à la répartition des bénéfices de la Loterie romande, s'avèrent précisément d'ores et déjà partie à la procédure.
4. C'est au regard de l'art. 48 al. 1 PA qu'il convient ensuite d'examiner si les recourants sont légitimés à recourir contre la décision de la CFMJ.
4.1 Il sied en premier lieu de relever que la teneur du nouvel art. 48 al. 1 PA, en vigueur depuis le 1er janvier 2007, codifie la jurisprudence relative à l'art. 103 let. a aOJ et à l'ancien art. 48 let. a PA. Compte tenu des acquis jurisprudentiels, l'examen de la qualité pour recourir des recourants revient à répondre à la question de savoir si ceux-ci sont spécialement atteints par la décision et s'ils ont un intérêt digne de protection à son annulation au regard du droit fédéral déterminant. Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure ainsi qu'avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération; il faut donc que l'admission du recours procure au recourant un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale. Le recours d'un particulier formé dans l'intérêt de la loi ou d'un tiers est en revanche irrecevable (ATF 121 II 39 consid. 2c/aa et les références citées). La jurisprudence a ainsi dénié aux consommateurs la qualité pour recourir contre une autorisation relative aux aliments à base de soja manipulé génétiquement, car ils n'étaient pas plus touchés que l'ensemble du public par la décision attaquée (ATF 123 II 376 consid. 4c). Un rapport étroit et digne d'être protégé a également été nié dans le cas de riverains d'une ligne de chemin de fer sur laquelle étaient transportés des déchets radioactifs (ATF 121 II 176 consid. 2b) contrairement à ce qui est en principe admis pour les riverains d'installations fixes comme les aéroports (ATF 104 Ib 307 consid. 3b) ou les stands de tirs (ATF 110 Ib 99 consid. 1b). La qualité pour recourir contre une décision constatant la prescription de l'action en rétablissement de l'état antérieur en matière d'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger a également été déniée à un locataire ayant reçu un congé de son bailleur (étranger) actuel. Le Tribunal fédéral a en effet estimé que son recours visait à obtenir de l'autorité compétente une décision de refus d'autorisation afin de faire constater la nullité du contrat de bail et de pouvoir en conclure un nouveau avec un propriétaire supposé plus sûr ou plus accommodant que l'actuel. Il a dès lors jugé que ce n'était que de manière indirecte que le succès de sa démarche lui permettrait de retirer l'avantage convoité (ATF 131 II 649 consid. 3.4).

Quant à la qualité pour recourir des tiers qui agissent en faveur du destinataire, elle ne leur est reconnue que dans la mesure où ils peuvent faire valoir un intérêt propre à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise (Fritz Gygi, Bundesverwaltungsrechtsplege, 2e éd., Berne 1983, p. 162). Ainsi, la qualité pour recourir n'a pas été reconnue à l'actionnaire d'une société anonyme touchée par une décision administrative, même s'il était actionnaire unique ou principal, considérant qu'il n'était qu'indirectement concerné par la décision incriminée (ATF 116 Ib 331 consid. 1c ; ATF 131 II 306 consid. 1.2.2). De même, le recours de l'association suisse des producteurs de films contre la dissolution de la fondation Ciné-journal suisse a été déclaré irrecevable, les relations commerciales entretenues par certains membres de l'association avec la fondation ne constituant pas un lien suffisamment étroit avec l'objet de la décision attaquée (ATF 101 Ib 108 consid. 2a).
4.2
4.2.1 Les associations et fondations recourantes ne sont pas les exploitantes des appareils litigieux. Il convient toutefois d'examiner si elles peuvent tout de même faire valoir un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision. On ne saurait en effet d'emblée exclure que la décision querellée puisse engendrer un désavantage économique pour les associations et fondations recourantes dans la mesure où elles bénéficient régulièrement d'une aide financière de la part de la Loterie romande. A cet égard, dites associations et fondations pourraient se voir reconnaître, d'une certaine manière, un statut de créancières potentielles vis-à-vis de la Loterie romande, puisque l'obligation de verser les bénéfices des loteries à des institutions d'utilité publique ou de bienfaisance découle des art. 3 et 5 de la loi fédérale du 8 juin 1923 sur les loteries et les paris professionnels (LLP, RS 935.51).
4.2.2 Selon la jurisprudence, l'intérêt des recourants doit être direct et concret; en particulier, la personne doit se trouver dans un rapport suffisamment étroit avec la décision; tel n'est en revanche pas le cas de celui qui n'est atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 131 V 298 consid. 3, ATF 130 V 202 consid. 3, ATF 127 V 3 consid. 1b, ATF 127 V 82 consid. 3a/aa). En particulier, le lien obligationnel, qui existe entre un créancier et son débiteur, n'est pas suffisant pour lui conférer la qualité pour recourir (ATF 131 V 298 consid. 4, ATF 130 V 564 consid. 3.5; Fritz Gygi, Vom Beschwerderecht in der Bundesverwaltungsrechtpflege, in: Recht 1986, p. 10 s.; cf. aussi Isabelle Häner, op. cit., ch. 766 ss; Benoît Bovay, Procédure administrative, Berne 2000, p. 356).
4.2.3 En l'espèce, il est certes probable que la décision entreprise ait une incidence sur les résultats financiers de la Loterie romande, ce qui aurait pour conséquence une diminution des ressources financières des associations et fondations recourantes. Toutefois, il n'en demeure pas moins que l'intérêt des institutions d'utilité publique et de bienfaisance à percevoir les bénéfices réalisés par la Loterie romande n'est pas direct. En effet, c'est exclusivement la Loterie romande qui réalise des bénéfices grâce aux distributeurs "Tactilo" et non pas les associations et fondations bénéficaires. De plus, celles-ci ne perçoivent aucune aide directe de la part de la Loterie romande: les bénéfices sont en effet versés aux organismes de répartition cantonaux qui les distribuent à leur tour aux diverses institutions d'utilité publique. L'atteinte que les recourantes pourraient subir ne saurait dès lors être qualifiée de directe. Cette constatation n'est en rien altérée par le fait que la loi impose à la Loterie romande de reverser l'ensemble de ses bénéfices à des institutions d'utilité publique ou de bienfaisance. En effet, si la loi définit le cercle des créanciers potentiels de la Loterie romande, il n'en demeure pas moins que les institutions bénéficiaires sont désignées librement. La relation juridique en question s'apparente même fortement à une donation au sens des art. 239 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (CO, RS 220), dont une des particularités est précisément le caractère volontaire de la prestation à laquelle le donateur n'est pas tenu juridiquement avant la conclusion du contrat.
4.2.4 Les associations et fondations recourantes invoquent toutefois - en prenant pour base de leur raisonnement l'arrêt du Tribunal fédéral reconnaissant la qualité de partie des cantons (cf. Arrêt du Tribunal fédéral 2A.597/2005 du 4 avril 2006 consid. 3.2) - qu'elles disposent d'un intérêt distinct à bénéficier des profits réalisés par la Loterie romande; en particulier, il est fait référence au passage suivant dudit arrêt : "Même si la répartition du produit de la Loterie romande revient aux organes des cantons concernés, que beaucoup d'institutions d'utilité publique profitent de ces prestations et que les activités culturelles dans ces cantons pourraient être sensiblement compromises par l'éventuelle perte de bénéfices tirés des appareils litigieux, lesquels semblent aujourd'hui s'élever à plus d'un tiers des gains de la Loterie Romande, il est fort douteux que les cantons soient eux-mêmes directement touchés dans leurs propres intérêts publics et qu'ils soient habilités à recourir, au sens de la jurisprudence mentionnée, sur la base respectivement de l'art. 48 let. a PA et de l'art. 103 let. a OJ. Il appartient, en principe, au destinataire personnellement visé et non au tiers, qui n'est atteint qu'indirectement, de recourir contre une injonction".

Or, il faut tout d'abord replacer cette argumentation dans son contexte. Elle a en effet été développée afin d'expliquer pour quelle raison la qualité pour recourir des cantons sur la base de l'art. 48 PA était exclue. Quant à l'interprétation que les associations et fondations recourantes veulent en tirer, elle ne saurait être suivie par le Tribunal de céans. En effet, si le Tribunal fédéral reconnaît que beaucoup d'institutions d'utilité publique profitent des prestations de la Loterie romande et que les activités culturelles dans certains cantons pourraient sensiblement être compromises par d'éventuelles pertes de bénéfice, il n'en estime pas moins qu'il appartient au destinataire personnellement visé, et non au tiers qui n'est atteint qu'indirectement, de recourir contre une injonction. Étant donné que les associations ou fondations, à titre de tiers, ne sont atteintes que de manière indirecte par la décision querellée (cf. consid. 4.2.3), elles ne sont pas en mesure de déduire la qualité pour recourir sur la base de l'arrêt cité.

Dès lors, en dépit de la relation qui peut les lier à la destinataire de la décision, force est donc d'admettre que les associations et fondations recourantes ne sont pas autorisées à contester celle-ci, faute de pouvoir justifier d'un intérêt direct et concret suffisant au sens de la jurisprudence restrictive applicable aux tiers recourants (cf. consid. 4.1 ainsi que 4.2.2).
4.2.5 De surcroît, si, de prime abord, un manque à gagner n'est peut-être pas exclu pour les associations et fondations recourantes, celui-ci n'est aucunement établi. Dans leur mémoire de recours ces dernièrent allèguent de manière purement abstraite et péremptoire que ce manque à gagner sera la conséquence de la diminution des bénéfices de la Loterie romande. Elles ne cherchent cependant pas à l'évaluer en chiffres de manière concrète et raisonnée mais se contentent d'alléguer que la diminution des aides sera fonction de la baisse des profits de ladite Loterie car le système d'exploitation unique de grandes loteries implique nécessairement que l'argent soit distribué de manière équitable entre les différentes institutions d'utilité publique et de bienfaisance. Elles prétendent, en outre, qu'en raison de l'ampleur et de la régularité des versements provenant des bénéfices de la Loterie romande, leur survie sera menacée, sans toutefois le démontrer de manière probante.

Or, si les organismes cantonaux ont bien l'obligation légale de reverser la totalité des bénéfices réalisés par la Loterie romande à des institutions d'utilité publique ou de bienfaisance, ils sont libres de les répartir selon leur bon vouloir que ce soit par rapport au cercle des destinataires visés ou aux montants à octroyer. Il n'existe en effet aucune réglementation légale accordant une prérogative d'attribution en faveur des associations et fondations recourantes. Celles-ci ne disposent pas non plus d'un moyen de droit contre un éventuel refus de dons. Au demeurant, si les moyens financiers à disposition devaient diminuer, les organismes cantonaux pourraient alors procéder à une nouvelle répartition des profits de sorte que les associations et fondations recourantes ne subissent aucune réduction de leur aide matérielle ; à cet égard, les organismes cantonaux auraient, entre autres, la possibilité de réduire le nombre de bénéficiaires selon un choix qui leur serait propre et qui ne peut être fixé à l'avance. Enfin, quand bien même l'exploitation des distributeurs "Tactilo" se verrait maintenue dans les établissements publics, les associations et fondations recourantes ne seraient pas pour autant assurées de bénéficier à futur d'une aide équivalente à celle perçue jusqu'à ce jour.

Compte tenu des éléments susmentionnés, il n'est dès lors pas possible en l'état d'établir ex ante et in abstracto un lien de causalité entre la décision d'interdire l'exploitation des distributeurs "Tactilo" et le manque à gagner invoqué.
4.2.6 Plus particulièrement, l'association H._______ ne bénéficie pas directement des aides matérielles. En effet, elle a pour but statutaire la sauvegarde des ressources financières des artistes de toute la Suisse. Sont membres de cette association des artistes issus de toutes les disciplines artistiques et des personnes morales poursuivant des buts culturels. Ceux-ci reçoivent régulièrement des dons de la part de la Loterie romande.

Il ressort des considérants précédents que le fait de percevoir des aides provenant des bénéfices réalisés par la Loterie romande ne permettait pas pour autant de conférer le droit de recourir contre la décision querellée. Or, en arguant représenter les intérêts de ses membres (lesquels sont des bénéficiaires réguliers desdites aides), l'association H._______ ne peut se voir reconnaître a fortiori la qualité pour recourir puisque ses membres ne disposeraient pas eux-mêmes de dite qualité à titre individuel.
4.2.7 Sur le vu de ce qui précède, force est de constater que les associations et fondations recourantes ne sont pas en mesure de faire valoir un intérêt direct et digne de protection à l'annulation de la décision interdisant l'exploitation des distributeurs hors des maisons de jeux. En conséquence, elles n'ont pas la qualité pour recourir contre ladite décision; partant leur recours doit être déclaré irrecevable.
4.3
4.3.1 Les organes de répartition cantonaux ne sont pas non plus les destinataires de la décision attaquée car ils n'exploitent pas les appareils litigieux. Nonobstant, l'art. 10 al. 1 de la Convention relative à la Loterie romande prévoit que celle-ci verse les sommes revenant à chaque canton sur le compte des organes de répartition nommés ou agréés par les autorités cantonales. L'alinéa 3 dispose que les organes de répartition utilisent ensuite la part cantonale, conformément aux statuts de la Loterie romande et aux prescriptions de leur gouvernement, à des buts d'utilité publique ou de bienfaisance, notamment dans les domaines social, culturel et sportif; à cet égard, ils établissent des conditions cadre. En vertu du droit intercantonal, les organismes de répartition perçoivent donc l'ensemble des bénéfices réalisés par la Loterie romande. Ceux-ci sont ensuite répartis entre les différents organismes cantonaux selon une clé de répartition prévue à l'art. 9 de la Convention relative à la Loterie romande. Cette répartition est fonction pour une moitié de la population du canton en question et pour l'autre moitié du revenu brut des jeux. Enfin, les six organismes cantonaux de répartition peuvent soutenir ensemble un même bénéficiaire en fonction d'une clé de répartition identique.
4.3.2 Si une part des bénéfices réalisés par la Loterie romande entre bien provisoirement dans le patrimoine des recourants, il n'en demeure pas moins que le droit intercantonal ne leur confère aucune autre tâche que celle de répartir la somme ainsi perçue entre les différentes institutions idoines. En revanche, il ne ressort pas du droit intercantonal qu'ils pourraient se prévaloir d'une quelconque prérogative à l'encontre de la Loterie romande ou disposer d'un quelconque moyen de droit pour contester la somme perçue. Au contraire, ils n'ont d'autre choix que d'accepter la somme mise effectivement à disposition quelle que soit son importance. Il ressort en effet de l'obligation légale de redistribution des bénéfices (art. 3 et 5 LLP) ainsi que du système prédéfini de répartition entre les organes cantonaux de répartition (art. 9 de la Convention relative à la Loterie romande) que les organismes de répartition fonctionnent en qualité de simple intermédiaire entre la Loterie romande et les institutions d'utilité publique et de bienfaisance. Ce système trouve son origine dans le fait que les cantons romands n'ont délivré qu'une seule autorisation en faveur de la Loterie romande pour l'exploitation de grandes loteries permanentes avec mission de transmettre l'intégralité des profits à des institutions d'utilité publique ou de bienfaisance (art. 1 al. 3 de la Convention relative à la Loterie Romande); afin de répartir au mieux les bénéfices réalisés, chaque canton a institué à cet effet un organisme de répartition (art. 10 al. 1 de la Convention relative à la Loterie Romande).

Dans ces circonstances, force est de constater que les recourants agissent en qualité de simples exécutants de l'obligation légale imposée à la Loterie romande. Les organismes de répartition n'ont donc pas un intérêt propre à recourir.
4.3.3 Le Tribunal de céans ne saurait suivre les organismes de répartition recourants lorsqu'ils prétendent disposer d'un intérêt propre dès lors qu'une baisse des bénéfices de la Loterie romande diminuerait leur marge de manoeuvre dans la répartition. Il ne faut, en effet, pas perdre de vue que les bénéficiaires de la somme perçue ne sont pas les organismes cantonaux de répartition mais bien les institutions d'utilité publique ou de bienfaisance. De la sorte, les organismes de répartition ne peuvent être assimilés à des titulaires à part entière d'une créance agissant en vue de protéger leur propre patrimoine. Ils n'ont dès lors pas d'intérêt propre à défendre eux-mêmes les sources de revenus de la Loterie romande. Au contraire, l'intérêt que tente ici de faire valoir les recourants se confond avec celui des institutions bénéficiaires, lequel, au demeurant, ne peut être qualifié de direct et n'est pas suffisant pour conférer la qualité pour recourir (cf. consid. 4.2.1 à 4.2.5). Les organismes de répartition n'ont donc pas d'intérêt propre à s'opposer à l'interdiction de l'exploitation des distributeurs "Tactilo" hors des maisons de jeux.
4.3.4 Sur le vu de ce qui précède, il sied de constater que faute d'un lien suffisamment étroit avec l'objet du litige, les organismes de répartition n'ont pas qualité pour recourir contre la décision querellée; partant leur recours doit également être déclaré irrecevable.
5. Les frais de procédure comprenant l'émolument judiciaire et les débours sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 PA et 1 al. 1 du Règlement du 11 décembre 2006 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). L'émolument judiciaire est calculé en fonction de la valeur litigieuse, de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties et de leur situation financière (art. 2 al. 1 1ère phrase et 4 FITAF).

En l'espèce, les recourants ont succombé dans l'ensemble de leurs conclusions. En conséquence, les frais de procédure s'élevant à Fr. 5'000.-, dans la mesure où le présent arrêt se limite à la question de la recevabilité, doivent être intégralement mis à leur charge. Ils seront prélevés sur l'avance de frais de Fr. 20'000.- versée par ces derniers. Le solde de Fr. 15'000.- de dite avance de frais versée par les recourants leur sera restitué une fois le présent arrêt entré en force.

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1. Le recours est déclaré irrecevable.
2. Les frais de procédure sont fixés à Fr. 5'000.-. Ils seront imputés sur l'avance de frais à hauteur de Fr. 20'000.- versée par les recourants le 12 avril 2007. Le solde de Fr. 15'000.- sera restitué aux recourants une fois l'entrée en force du présente arrêt.
3. Le présent arrêt est communiqué :
- aux recourants (acte judiciaire)
- à la Société de la Loterie de la Suisse Romande, par l'intermédiaire de son conseil (sous pli simple)
- aux cantons suisses, par l'intermédiaire de leur conseil (sous pli simple)
- à l'autorité inférieure (acte judiciaire)

Le président de cour : Le greffier :

Bernard Maitre Pascal Richard

Voies de droit
Le présent arrêt peut être attaqué devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]), Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. L'arrêt attaqué et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains du recourant (cf. art. 42 LTF).

Date d'expédition : 31 octobre 2007

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