Cour I

A-6749/2010

 

 

 


Faits :

A.
A._______ a étudié à (...) en vue d'obtenir un diplôme d'enseignement au degré secondaire I. Ses études comprenaient notamment des cours en sciences du sport et des cours de motricité.

B.
Les soldats B._______, C._______ et A._______ ont effectué leur école de recrues à (...) durant l'été 2005. Le 15 juillet 2005, A._______, alors qu'il tentait de séparer les deux autres précités qui se battaient devant le restaurant où la troupe avait pris son repas, reçut une caisse à la nuque, ce qui le blessa.

C.
Selon son dossier médical, A._______ a subi un traumatisme cranio-cérébral avec commotion cérébrale, contusion et entorse cervicale. Par la suite, il a souffert de céphalées, d'insomnies, de fatigue et d'irritabilité. Dans la mesure où il effectuait son service militaire au moment où il a été blessé, il était couvert par l'assurance militaire (cf. courrier de l'assurance militaire du 4 mai 2010, pièce 6 du bordereau de pièces du Centre de dommages du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports [ci-après: le DDPS] du 4 janvier 2011). Celle-ci a pris en charge les frais de traitement de A._______ pour un montant de 4'539.55 francs (cf. courrier de l'assurance militaire du 7 septembre 2010, pièce 1 du bordereau de pièces susmentionné).

D.
Par courrier du 24 avril 2009, A._______, par l'intermédiaire de son mandataire, a néanmoins formé auprès du Centre de dommages du DDPS (ci-après: le CEDO) des prétentions civiles correspondant à l'indemnité relative au dommage non couvert par l'assurance militaire. Il lui a aussi demandé de signer une déclaration de renonciation à se prévaloir de l'exception de prescription.

E.
En réponse à cette lettre, le CEDO a en particulier attiré l'attention de l'intéressé, en date du 18 mai 2009, sur le fait que le sinistre était survenu après un repas et non lors d'une activité de service; la responsabilité de la Confédération ne semblait dès lors pas engagée. Il lui a également indiqué que l'assurance militaire était seule compétente pour prendre en charge le dommage subi.

F.
En parallèle, une procédure a aussi été engagée devant la juridiction pénale militaire. A cette occasion, A._______ a formé des prétentions civiles contre l'auteur du dommage. Par jugement du 4 décembre 2009, le Tribunal militaire d'appel 1 les a toutefois déclarées irrecevables. A ce propos, il a exposé que la responsabilité de la Confédération était engagée, vu que les faits incriminés résultaient d'une activité de service au sens des dispositions sur l'armée et l'administration militaire, ce qui entraînait l'irrecevabilité des prétentions civiles élevées à l'encontre du responsable du dommage.

G.
Par décision du 17 août 2010, le CEDO a déclaré irrecevable la "requête en prétentions récursoires" déposée par A._______ contre la Confédération. Il a considéré ne pas être compétent, tout en soulignant que le précité devait s'adresser exclusivement à l'assurance militaire; en effet, dans la mesure où celui-ci avait été blessé durant son service militaire, il ne pouvait pas engager la responsabilité de la Confédération en se fondant sur les prescriptions sur l'armée et l'administration militaire. Pour ce même motif, le CEDO a déclaré irrecevable la demande tendant à la signature d'une déclaration de renonciation à se prévaloir de la prescription. En outre, il a relevé que le jugement pénal, qui admettait la responsabilité de la Confédération sur la base de la législation sur l'armée et l'administration militaire, ne pouvait le contraindre à se déclarer compétent.

H.
Le 17 septembre 2010, A._______ (ci-après: le recourant) a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après: le TAF). Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce que sa demande tendant à une indemnisation complète par la Confédération du dommage subi le 15 juillet 2005 soit déclarée recevable. Il a également requis que le CEDO soit invité à examiner le bien-fondé de ses prétentions.

A l'appui de ses conclusions, il a soutenu que ses ennuis de santé avaient eu des répercussions sur le déroulement de ses études; il a ainsi dû reporter son entrée en voie de master d'une année, dans la mesure où il n'a pas pu réaliser à temps les crédits nécessaires en sport. Il a allégué d'une manière générale une violation de l'art. 59 al. 5 de la Constitution fédérale, qui garantit une aide appropriée à toute personne atteinte dans sa santé durant le service militaire, ainsi que des principes de la responsabilité civile en droit privé. De façon plus précise, il a fait valoir une violation des principes de l'égalité de traitement et de la bonne foi, en particulier du principe de la confiance.

I.
Invité à répondre au recours, le CEDO a conclu à son rejet en date du 4 janvier 2011. Se référant à la jurisprudence fédérale, il a allégué que les dispositions sur l'assurance militaire s'appliquaient à titre exclusif en cas de dommages personnels subis par un militaire. En outre, selon la législation sur l'armée et l'administration militaire, lorsque la responsabilité pour des faits déterminés était prévue par d'autres dispositions, ces dernières régissaient la responsabilité de la Confédération ; or, selon le Tribunal fédéral, les dispositions sur l'assurance militaire devaient être considérées comme telles; dès lors, la Confédération ne devait répondre qu'en regard de ces normes. Par ailleurs, le CEDO a soutenu que ni le principe de l'égalité de traitement, ni celui de la protection de la bonne foi n'étaient violés.

J.
Les autres faits et arguments des parties seront repris en cas de besoin dans les considérants en droit du présent arrêt.

Droit :

1.  

1.1. Aux termes de l'art. 142 al. 3 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire (loi sur l'armée, LAAM, RS 510.10), le Conseil fédéral désigne les autorités compétentes au sens de la présente loi pour traiter, en première instance, les demandes litigieuses d'ordre pécuniaire et administratif, formées par la Confédération ou contre elle. Le Secrétariat général du DDPS (centre des sinistres) est compétent pour connaître des actions en dommages et intérêts d'un tiers visées aux art. 134 à 136 LAAM, si aucun autre service ne l'est (cf. art. 168 al. 1 let. a chiffre 1 de l'ordonnance sur l'administration de l'armée du 29 novembre 1995 [OAA, RS 510.301]; cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral [TAF] A-7385/2006 du 6 juillet 2007 consid. 1.1).

Selon l'art. 142 al. 4 LAAM, le TAF est compétent pour connaître des recours contre les décisions du Secrétariat général du DDPS au sens de l'art. 5 PA. La décision du CEDO du 17 août 2010 - qui déclare irrecevable la demande du recourant tendant à obtenir de la Confédération, sur la base de la LAAM, une indemnité pour le dommage non couvert par la loi fédérale du 19 juin 1992 sur l'assurance militaire (LAM, RS 833.1) - satisfait aux conditions posées à l'art. 5 PA. En outre, elle n'entre pas dans le champ d'exclusion prévu à l'art. 32 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32). Le TAF est donc compétent pour connaître du litige.

1.2. Déposé en temps utile (art. 50 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [PA, RS 172.021]) par une personne ayant qualité pour agir (art. 48 al. 1 PA), le présent recours répond par ailleurs aux exigences de forme et de contenu prévues à l'art. 52 PA. Il est donc recevable.

2.
Le TAF applique le droit d'office, sans être lié par les motifs invoqués (cf. art. 62 al. 4 PA), ni par l'argumentation juridique développée dans la décision attaquée (cf. Pierre Moor/Etienne Poltier, Droit administratif, volume II, Berne 2011, p. 300, n. 2.2.6.5). La procédure est régie par la maxime inquisitoire, ce qui signifie que le TAF définit les faits et apprécie les preuves d'office et librement (cf. art. 12 PA). Les parties doivent toutefois collaborer à l'établissement des faits (art. 13 PA) et motiver leur recours (art. 52 PA). En conséquence, l'autorité saisie se limite en principe aux griefs soulevés et n'examine les questions de droit non invoquées que dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l'y incitent (ATF 122 V 157 consid. 1a, ATF 121 V 204 consid. 6c; ATAF 2007/27 p. 315, 319 consid. 3.3).

3.  

3.1. Tout d'abord, il convient de déterminer l'objet du litige. Celui-ci est défini par le contenu de la décision attaquée - plus particulièrement son dispositif -, en tant qu'il est effectivement contesté par le recourant (ATF 125 V 413 consid. 1; ATAF 2009/54 consid. 1.3.3, arrêt du TAF A-1791/2009 du 28 septembre 2009 consid. 1.2; André Moser/Michael Beusch/Lorenz Kneubühler, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, Bâle 2008, n. 2.7 ss). Il est fixé par les conclusions du recours, qui doivent rester dans le cadre de l'acte attaqué (l'objet de la contestation) (cf. arrêt du TAF A-1818/2006 du 16 août 2007 consid. 2.2). Lorsque le recours porte sur une décision d'irrecevabilité, le Tribunal, s'il admet le recours, annule celle-ci et renvoie le dossier à l'autorité inférieure afin que cette dernière se prononce sur le fond (cf. arrêt du Tribunal fédéral [TF] 4D 84/2007 du 11 mars 2008 consid. 1.2; ATF 132 V 74 consid. 1.1; arrêts du TAF A-67/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.1, A-165/2008 du 22 juin 2009 consid. 3 et E-5512/2010 du 16 août 2010 consid. 2.1).

3.2. Dans l'acte attaqué, l'autorité inférieure s'est estimée incompétente. Dans le dispositif de sa décision, elle a donc déclaré irrecevable la demande de A._______ tendant à obtenir une indemnité pour le dommage non couvert par la LAM. Dans son recours, le recourant a conclu à l'annulation de l'acte attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure, afin que celle-ci statue sur les prétentions litigieuses. L'autorité inférieure a toutefois conclu au rejet du recours et non plus à son irrecevabilité dans sa réponse au recours, et s'est déterminée de façon circonstanciée sur les conditions d'application de la LAAM au cas d'espèce.

3.3. La question de la compétence de l'autorité inférieure est une question que le Tribunal, saisi d'un recours, doit examiner d'office. On l'a vu, le Secrétariat général du DDPS (centre des sinistres) est compétent pour connaître des actions en dommages et intérêts d'un tiers visées aux art. 134 à 136 LAAM, si aucun autre service ne l'est (cf. art. 168 al. 1 let. a chiffre 1 OAA). Il convient d'en déduire que, pour admettre la compétence du CEDO en l'espèce, il faut au préalable que la LAAM soit applicable (cf. décisions de la Commission de recours du DDPS du 5 novembre 2005, in: JAAC 70.37 consid. 5, 6 et 7 et du 11 novembre 2005, in: JAAC 70.38 consid. 9; voir aussi arrêts du TAF A-8433/2007 du 3 novembre 2009 consid. 8 et les réf. citées et A-1219/2007 du 1er octobre 2008 consid. 2.1 et la réf. citée). La présente contestation porte ainsi précisément sur la question de savoir si la LAAM est applicable. De façon plus générale, il s'agit d'examiner si le CEDO s'est déclaré à bon droit incompétent pour statuer sur les prétentions en cause et s'il les a déclarées à juste titre irrecevables.

4.  

4.1. La responsabilité de l'Etat est régie, sous réserve de textes spéciaux, en droit fédéral par la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (Loi sur la responsabilité, LRCF, RS 170.32). En l'espèce, le recourant ne peut donc se prévaloir de façon générale des principes de la responsabilité civile développés en droit privé. Selon l'art. 1 al. 2 LRCF, les personnes appartenant à l'armée, pour ce qui concerne leur situation militaire et leurs devoirs de service, sont toutefois exclues du champ d'application de cette loi. Le soldat B._______ effectuait son école de recrues au moment où il a lancé la caisse qui a heurté la nuque du recourant et provoqué des lésions. La LRCF ne s'applique donc pas au cas d'espèce (cf. à ce sujet André Grisel, Traité de droit administratif, volume II, Neuchâtel 1984, p. 807). L'art. 135 al. 1 LAAM prévoit de son côté que, sans égard à la faute, la Confédération répond du dommage causé sans droit à un tiers par des militaires ou par la troupe lorsqu'il résulte d'une activité militaire particulièrement dangereuse (let. a) ou d'une autre activité de service (let. b).

Il sied ainsi de déterminer si les faits qui se sont déroulés le 15 juillet 2005 et à l'origine du dommage causé au recourant peuvent être considérées comme une "activité militaire particulièrement dangereuse" ou une "autre activité de service". Si tel n'est pas le cas, la LAAM ne s'applique pas en l'espèce.

4.2.  

4.2.1. Dans un arrêt du 6 juillet 2007, le TAF a examiné les notions d'"autre activité de service" et d'"activité militaire particulièrement dangereuse", mentionnées à l'art. 135 al. 1 LAAM. Il ressort de la jurisprudence qu'est considéré notamment comme "activité militaire particulièrement dangereuse" l'usage d'armes ou d'explosifs (arrêt du TAF A-7385/2006 du 6 juillet 2007 consid. 3.1 et les réf. citées). Sont également compris dans cette définition tous les exercices de tir à balles d'une troupe, mais aussi le service armé.

Entre dans la notion d'"autre activité de service" une activité militaire ou une activité qu'exige la mission ou la marche du service (voir message relatif à la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire et à l'arrêté fédéral sur l'organisation de l'armée du 8 septembre 1993, Feuille fédérale [FF] 1993 IV 124; voir aussi Jost Gross, Schweizerisches Staatshaftungsrecht, Berne 2001, p. 48). Selon la jurisprudence, par les termes "activité de service", il faut comprendre l'activité entreprise par un militaire, soit en vertu d'un règlement ou d'un ordre, soit sous la pression des circonstances à l'aide de moyens qui ont été mis à sa disposition ou dont il est autorisé à se servir (ATF 78 II 429 consid. 3, ATF 79 II 147 consid. 3; décision de la Commission de recours du Département fédéral militaire du 24 mai 1996, in: JAAC 61.85 consid. 4.2). La vie et les repas en commun de la troupe, le fait de dormir dans la même pièce durant le service militaire, sont des "activités de service" (Karl Oftinger/Emil W. Stark, Schweizerisches Haftspflichtrecht, volume II, 4ème édition, Zurich 1991, n. 218). A cet égard, il faut tenir compte du fait que le militaire qui exerce une activité de service n'agit pas à sa guise, mais obéit aux ordres, ce qui le place dans une situation dont il ne peut pas être maître. La responsabilité de la Confédération vise à compenser le fait que le militaire soit soumis à l'obligation de servir et n'agisse pas toujours conformément à sa volonté (arrêt du TAF A-7385/2006 du 6 juillet 2007 consid. 3.2 et les réf. citées).

En revanche, la responsabilité de la Confédération n'est pas engagée, lorsque la marche du service n'imposait pas, à l'évidence, l'accomplissement de l'acte. Dans cet ordre d'idée, un militaire qui commet un dommage alors qu'il est de sortie ou en congé est responsable personnellement; la responsabilité de la Confédération pour les activités militaires n'est pas engagée (FF 1993 IV 124). Autrement dit, la Confédération ne répond pas du dommage causé lors de l'exercice d'une activité privée même si celle-ci s'est déroulée à l'occasion d'une activité militaire. Le vol commis par un soldat n'est manifestement pas un acte de service (voir décision de la Commission fédérale de recours en matière de responsabilité de l'Etat du 18 décembre 2002 [CRR 2002-001], in: JAAC 67.64 consid. 3b et les réf. citées).

4.2.2. Pour rappel, une bagarre a éclaté entre les soldats B._______ et C._______ le soir du 15 juillet 2005 devant le restaurant où la troupe prenait son repas. B._______ a heurté par négligence la nuque du recourant au moyen d'une caisse, alors que celui-ci tentait de séparer les deux soldats précités. Le recourant a subi un traumatisme cranio-cérébral. Les douleurs dont il a souffert par la suite l'auraient empêché, selon ses déclarations, de réaliser dans les temps les crédits nécessaires pour son entrée en master. Il n'aurait ainsi pu accomplir son master qu'une année plus tard.

Il faut considérer que l'acte dommageable survenu dans le cas d'espèce ne peut à l'évidence être qualifié d'"activité militaire particulièrement dangereuse" au sens de l'art. 135 al. 1 let. a LAAM. Le recourant ne le prétend du reste pas et le juge pénal militaire est arrivé à cette même conclusion. Cependant, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal militaire d'appel 1, cet acte ne saurait être tenu pour une "activité de service" au sens de la let. b de la disposition précitée. Il sied donc de suivre la position soutenue par l'autorité inférieure. Comme déjà relevé, un vol commis par un soldat ne constitue pas une activité de service. Il ne peut en aller autrement lorsqu'un soldat en blesse un autre en le frappant à la nuque au moyen d'une caisse lors d'une bagarre. En effet, il ne s'agit ni d'une activité militaire, ni d'une activité qu'exige la marche du service ou la mission. Le fait de lancer une caisse dans de telles circonstances n'est de surcroît ni prévu par le règlement, ni ordonné par le supérieur. Il n'est pas question non plus d'un acte accompli sous la pression des circonstances, à l'aide des moyens mis à disposition ou dont l'auteur du dommage était autorisé à se servir. Il va de soi que ce dernier n'était pas habilité à jeter une caisse dans de telles circonstances. Ce geste est certes survenu à l'occasion du service militaire. Mais il s'agit d'une activité privée. La juridiction pénale militaire se méprend sur cette question lorsqu'elle avance, dans son jugement du 4 décembre 2009, que la notion d'activité de service se confond largement avec celle de temps de travail fixé par le règlement de service. Autrement dit, le fait que l'infraction se soit produite alors que le soldat B._______ n'était ni en congé, ni de sortie, mais était obligé d'être là pour partager un repas avec la troupe, ne signifie pas encore que ses agissements entrent dans la notion d'activité de service. Celle-ci se définit par sa nature et non par rapport au moment où elle est exercée. Si le repas pris par la troupe ce soir-là faisait bien partie de la marche du service comme le souligne à juste titre l'autorité pénale, il en va autrement de l'infraction commise par B._______.

4.3. Les considérations qui précèdent suffisent à exclure que la LAAM puisse s'appliquer en l'occurrence. Partant, le CEDO n'était pas compétent pour se prononcer sur les prétentions avancées par le recourant.

5.
Pour le surplus, le Tribunal de céans relèvera que la LAAM ne régit de toute façon pas le cas d'espèce pour les raisons exposées aux considérants suivants.

5.1. La LAAM prévoit deux normes réservant, à certaines conditions, l'application de dispositions spéciales. Il s'agit des art. 34 al. 1 et 135 al. 3 LAAM. Aux termes de l'art. 34 al. 1 LAAM, l'assurance des conscrits et des militaires contre la maladie et l'accident est réglée par une loi fédérale spéciale. La responsabilité de la Confédération applicable aux dommages aux personnes se fonde exclusivement sur cette loi spéciale. Selon l'art. 135 al. 3 LAAM, lorsque la responsabilité pour des faits déterminés est prévue par d'autres dispositions ("Haftungsbestimmungen" selon la version allemande), ces dernières régissent la responsabilité de la Confédération.

5.2. Jusqu'à la révision de la législation militaire en 2004, le Tribunal fédéral a considéré qu'une responsabilité de la Confédération couvrant le dommage non couvert par l'assurance militaire ne pouvait être déduite de la LAAM. Il a retenu à cet égard que la LAM faisait partie des dispositions particulières qui excluaient l'application de la réglementation de la LAAM en matière de responsabilité, au sens de l'art. 22 al. 2 OM (actuellement l'art. 135 al. 3 LAAM; voir ATF 103 Ib 276, ATF 127 II 289). A l'appui de cette position, il a expliqué, dans son arrêt du 24 juillet 2001 - qui reprend à ce sujet l'argumentation développée dans l'arrêt du 30 septembre 1977 (ATF 103 Ib 276) -, que l'assurance militaire contenait certes des éléments de droit des assurances sociales; elle renfermait toutefois aussi de manière prépondérante des éléments de droit de la responsabilité de l'Etat; les dispositions de la LAM étaient donc des "autres dispositions" ("Haftungsbestimmungen") au sens de l'art. 135 al. 3 LAAM, qui excluaient l'application de cette loi (ATF 127 II 289 consid. 3b).

Dans le message sur la réforme Armée XXI et sur la révision de la législation militaire du 24 octobre 2001, le Conseil fédéral a relevé que la justesse de cette interprétation et de la jurisprudence du Tribunal fédéral était toutefois régulièrement contestée dans la pratique (cf. FF 2002 828 s.). Il a donc tenu à préciser la formulation de l'art. 34 LAAM, en mentionnant explicitement que les prestations de l'assurance militaire étaient exclusives (comme dans le cas de l'art. 81 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 [LCR, RS 741.01] et 78 de la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation [LA, RS 748.0]). A son avis, ces modifications permettraient d'éviter des contestations futures sur l'indemnisation d'éventuels dommages dépassant les prestations de l'assurance militaire. Cette limitation ne devait toutefois s'appliquer qu'aux prestations concernant des atteintes à la santé relatives au service (dommages personnels), c'est-à-dire aux frais de traitement, indemnités journalières, rentes, etc.. Les prestations ne seraient exclusives qu'à cet égard. Si le militaire, lors de son accident, devait avoir simultanément subi un dommage matériel, la responsabilité selon la LAAM serait réservée. L'assurance militaire couvre certes aussi des dommages matériels, toutefois de manière limitée, lorsqu'il s'agit de vêtements, lunettes, montres ou autres objets portés sur soi ou emportés avec soi (art. 57 LAM).

En d'autres termes, il ressort du message du Conseil fédéral que lorsqu'un militaire, suite à un accident, subit un dommage qui n'est pas couvert par les prestations de l'assurance militaire, la responsabilité de la Confédération découlant de la LAAM ne peut être engagée que si le dommage en question est matériel; si le dommage du militaire est un dommage corporel au sens de l'art. 34 LAAM, la Confédération ne peut être appelée à le réparer sur la base de cette loi. Seule la LAM entre en ligne de compte dans ce dernier cas.

5.3. Le dommage aux personnes, désigné également le dommage corporel ("Personenschaden" en allemand), est la perte patrimoniale résultant d'une atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la victime. Il peut comprendre notamment les frais de traitement, la perte de gain si la personne en cause doit garder le lit. Le dommage matériel s'entend de celui qui résulte d'une atteinte portée à des objets, à la substance d'une chose, comme par exemple des vêtements, des lunettes, un véhicule (cf. Ghislaine Frésard-Fellay, Le recours subrogatoire de l'assurance-accidents sociale contre le tiers responsable ou son assureur, Zurich, Bâle, Genève 2007, p. 188, n. 574 et p. 190, n. 577 et les réf. citées, Reinhard Tognella, Erwerbsunfähigkeitsprobleme bei somatisich nicht nachweisbaren Beschwerdebildern im Haftplicht- und Sozialversicherungsrecht, Zurich, Bâle, Genève 2004, p. 31 et la réf. citée, Oftinger/Stark, op. cit., p. 247 s.). Contrairement à ce que prétend le recourant, le dommage matériel n'englobe donc pas les lésions corporelles.

5.4. En l'espèce, le recourant souhaite obtenir, en plus des prestations dont il a bénéficié sur la base de la LAM, un dédommagement découlant de la LAAM. Il invoque le fait qu'il a dû reporter son entrée en master d'une année en raison des événements du 15 juillet, son état de santé l'ayant empêché de réaliser les crédits nécessaires en sport. Or, on vient de le voir (cf. supra consid. 5.2), une responsabilité de la Confédération sur la base de la LAAM ne peut entrer en ligne de compte qu'en cas de dommage matériel non couvert par la LAM. Force est de constater que le dommage dont le recourant veut encore être indemnisé ne peut être qualifié de dommage matériel. Le recourant n'exige pas un dédommagement en raison d'une atteinte portée à des objets qu'il portait lors de la bagarre du 15 juillet. Le dommage dont il requiert réparation résulte bien plutôt de l'atteinte portée à sa santé. Il s'agit donc d'un dommage corporel et en aucun cas d'un dommage matériel, ce qui exclut l'application de la LAAM en l'espèce.

6.  

6.1. Pour conclure à l'application de la LAAM, le recourant invoque par ailleurs une violation du principe de l'égalité de traitement. Il allègue que le dommage subi par une personne à la suite d'une infraction pénale commise lors du service militaire devrait être aussi bien couvert que celui subi à la suite d'une infraction survenue en dehors du service.

L'autorité inférieure soutient de son côté ne pas avoir violé ce principe. A son avis, il n'est pas certain que la position du lésé couvert par l'assurance militaire soit moins bonne qu'en cas d'application de la LAAM ou de dispositions du droit privé de la responsabilité civile. Le système de responsabilité prévu par la LAM comporte certains avantages par rapport aux deux autres systèmes.

Selon la jurisprudence, le principe de l'égalité de traitement ancré à l'art. 8 al. 1 Cst. est violé lorsqu'une décision ou un acte législatif établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente (voir parmi beaucoup d'autres ATF 134 I 23 consid. 9.1; ATF 131 V 107 consid. 3.4.2; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.631/2006 du 8 décembre 2006 consid. 4.1; 1C_80/2007 du 6 septembre 2007 consid. 3.1; Ulrich Häfelin/Georg Müller /Felix Uhlmann, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6e éd., Zurich/Saint-Gall 2010, n. 489 et 495).

Aux termes de l'art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'appliquer les lois fédérales et le droit international. Ce texte fonde une restriction importante du contrôle des normes en Suisse, en ce sens que les lois formelles de la Confédération doivent en principe être appliquées quels que soient les rapports qu'ils entretiennent avec la Constitution. Le contrôle de la constitutionnalité des lois fédérales est ainsi prohibé en Suisse (ANDREAS AUER/GIORGIO MALINVERNI/MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, éd. Staempfli SA, Berne 2006, n. 1857 ss, p. 653 ss).

6.2. En l'occurrence, admettre la thèse du recourant reviendrait à traiter la personne couverte par l'assurance militaire qui subit un dommage corporel en raison d'une bagarre opposant deux militaires différemment de celle qui le subit suite à un accident de voiture ou d'avion militaires. En effet, la Confédération répond du dommage exclusivement sur la base de la LAM - et non de la LCR -, lorsqu'une personne couverte par l'assurance militaire est blessée ou tuée par un véhicule militaire (cf. art. 81 LCR). La LA prévoit une réglementation similaire à son art. 78, lorsque le dommage est causé par un aéronef militaire suisse. Les deux normes précitées sont donc également des "autres dispositions" au sens de l'art. 135 al. 3 LAAM qui excluent l'application de cette loi dans les hypothèses mentionnées ci-dessus. Dans ces deux cas, seule la LAM entre en application. A ce propos, la jurisprudence a retenu qu'il n'y avait pas de raison valable de mieux traiter le militaire blessé lors d'un exercice de tir que celui subissant un dommage à cause d'un véhicule militaire ou d'un avion militaire (cf. ATF 103 Ib 276 consid. 6 et 7, ATF 127 II 289 consid. 3a et 3c).

Par ailleurs, comme le relève à juste titre l'autorité inférieure, il convient de souligner que le système de responsabilité prévu par la LAM comporte des avantages que celui découlant de la LAAM ne connaît pas. Cet élément peut compenser le fait que l'assuré puisse être moins bien traité sous certains aspects lorsque la LAM régit son cas exclusivement, ce qui n'est au demeurant pas avéré. Par exemple, la LAM ne prévoit aucun délai de prescription, contrairement à ce que prévoit la LAAM (cf. art. 143 LAAM). En outre, les rentes versées sur la base de la LAM sont adaptées à l'évolution des salaires et des prix. Les prestations de la LAAM ne le sont pas (cf. art. 43 LAM). Ainsi, tout bien considéré, on ne voit pas en quoi le traitement réservé à la victime d'un dommage dans ces différentes législations conduirait à opérer des distinctions injustifiées ou omettrait au contraire d'en reconnaître compte tenu de la liberté qui revient au parlement lorsque celui-ci est appelé à réglementer de telles questions dans des actes législatifs. Quoi qu'il en soit, le Tribunal administratif fédéral reste tenu, en vertu de l'art. 190 Cst., d'appliquer le régime de responsabilité mis en place par l'art. 135 LAAM.

Pour les motifs que l'on vient d'exposer, le point de vue du recourant ne saurait être suivi. La décision attaquée ne viole par conséquent pas le principe de l'égalité de traitement.

7.  

7.1. Enfin, le recourant se prévaut du principe de la bonne foi pour conclure à l'application de la LAAM et, selon lui, fonder la compétence de l'autorité inférieure sur cette base. De son point de vue, la décision de la juridiction pénale militaire - qui applique la LAAM et qui réserve la responsabilité de la Confédération -, a créé une apparence de droit en sa faveur, ce qui l'a incité à ne pas recourir contre le jugement pénal du 4 décembre 2009 (cf. art. 13 et 195 let. c la procédure pénale militaire du 23 mars 1979 [PPM, RS 322.1]). En outre, les décisions du CEDO et du Tribunal militaire d'appel 1 sont contradictoires.

L'autorité inférieure expose pour sa part que le principe de la confiance n'est pas violé. Elle précise à cet égard que les considérants du jugement pénal ne peuvent l'amener à reconnaître une responsabilité de la Confédération selon l'art. 135 al. 1 LAAM, étant donné qu'elle est seule compétente pour se prononcer en cette matière. Elle souligne de surcroît que le CEDO a attiré l'attention du recourant par courrier du 18 mai 2009 sur le fait que la LAAM n'était pas applicable.

7.2.  

7.2.1. Le principe du droit à la protection de la bonne foi, valant pour l'ensemble de l'activité étatique, donc aussi pour la justice administrative, est consacré aux art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101). Il se subdivise en trois sous-principes: l'interdiction du comportement contradictoire, l'interdiction de l'abus de droit et la protection de la confiance (arrêt du TAF A-5453/2009 du 6 avril 2010 consid. 7.1).

7.2.2. Le sous-principe de la protection de la confiance vise à préserver la confiance légitime que le citoyen met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1, ATF 129 I 161 consid. 4.1, ATF 128 II 112 consid. 10b/aa, ATF 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 2A.561/2002 du 11 juillet 2003 consid. 3.2; arrêt du TAF A-5453/2009 du 6 avril 2010 consid. 7.1; arrêt du TAF C-663/2007 du 17 mars 2008 consid. 7.2).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire au droit en vigueur, le cas échéant une indemnisation (arrêt du TAF A-5453/2009 du 6 avril 2010 consid. 7.2 et les réf. citées; arrêt du TAF C-2320/2007 du 16 novembre 2009 consid. 6.1 et les réf. citées). Il faut pour ce faire au moins que les conditions suivantes soient remplies cumulativement: l'autorité doit être intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées (1). Elle doit avoir agi ou est censée avoir agi dans les limites de ses compétences (2). L'administré ne doit pas s'être rendu compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu (3). Il doit s'être fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice (4). Enfin, la réglementation ne doit pas avoir changé depuis le moment où l'assurance a été donnée et l'intérêt au respect du droit objectif ne doit pas être prépondérant (5) (ATF 137 I 182 consid. 3.6.2; ATF 131 II 627 consid. 6.1, ATF 129 I 161 consid. 4.1, ATF 122 II 113 consid. 3b/cc et les réf. citées).

La doctrine a largement commenté et illustré les conditions auxquelles le principe de la bonne foi peut commander de protéger l'administré lorsque celui-ci s'est fondé sur des renseignements inexacts de l'administration pour adopter un comportement (ULRICH HÄFELIN/GEORG MÜLLER/FELIX UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5e éd., Zurich/Bâle/Genève 2006, n. 668-696, p. 140-145; PIERRE TSCHANNEN/ULRICH ZIMMERLI/MARKUS MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 3e éd., Berne 2009, § 22 n. 10-13; ANDRÉ GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. I, p. 388-394; RENÉ A. RHINOW/BEAT KRÄHENMANN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, Bâle 1990, p. 240 ss; BEATRICE WEBER-DÜRLER, Falsche Auskünfte von Behörden, Schweizerisches Zentralblatt für Staats- und Verwaltungsrecht [ZBl] 1991 p. 1-21; BEATRICE WEBER-DÜRLER, Neuere Entwicklungen des Vetrauensschutzes, ZBl 2002 p. 281-310; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, op. cit., n. 1159-1174, p. 543-549).

Quant aux conséquences juridiques attachées à la protection de la confiance, elles visent à empêcher qu'un administré ne subisse un préjudice, ce qui peut signifier que l'autorité se retrouve liée par ses renseignements malgré leur inexactitude, que des délais manqués doivent être restitués quand bien même la prétention juridique matérielle est d'ores et déjà périmée, voire que l'autorité doive indemniser l'administré pour le dommage qu'il subit (HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, op. cit., n. 697-706, p. 146-148; TSCHANNEN/ZIMMERLI/MÜLLER, op. cit., § 22, n. 15; WEBER-DÜRLER, op. cit., Vertrauensschutz, § 14, p. 128-146; WEBER-DÜRLER, op. cit., Falsche Auskünfte, p. 16-21; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, op. cit., n. 1172, p. 547-548).

7.2.3. Le sous-principe de l'interdiction du comportement contradictoire postule que l'autorité ne doit pas, par rapport à une même personne, exprimer des opinions divergentes ou se comporter de manière différente dans des affaires semblables (JAAC 60.81 déjà cité consid. 3bb). Le comportement contradictoire d'une autorité ne peut être admis qu'aux cinq conditions déjà exposées ci-dessus. La jurisprudence en ajoute une sixième: un comportement clairement contradictoire doit exister (6). Elle précise en outre que ce dernier doit en principe émaner de la même autorité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2008 du 20 avril 2009 consid. 7.2; ATF 111 V 87; décision du Conseil fédéral du 19 janvier 2005, in: JAAC 69.119 consid. 6). Il est certes arrivé que le Tribunal fédéral impute l'interdiction du comportement contradictoire à deux services différents d'une même administration, voire à des personnes différentes, agissant au besoin à l'insu des unes et des autres (cf. par exemple ATF 121 I 181 consid. 2a, ATF 118 Ib 312 consid. 3c). De tels cas ne concernaient cependant pas des comportements émanant de deux autorités formellement distinctes, a fortiori pas d'une autorité administrative et d'une autorité relevant de la juridiction pénale militaire.

7.2.4. Contrairement à ce que semble penser le recourant, la compétence d'une autorité - de première instance ou de recours - ne saurait être transférée ou déléguée à une autre autorité en raison du caractère impératif du droit d'organisation et de procédure (ATF 133 II 181 consid. 5.1.3 et réf. citées; cf. art. 7 al. 2 PA par analogie). En revanche, il n'est pas exclu qu'une confiance légitime puisse naître suite à de faux renseignements ou à des mauvaises assurances données par une autorité certes non compétente, mais "censée être compétente" du point de vue de l'administré. Il faut bien entendu encore que toutes les conditions posées par la jurisprudence soient remplies pour obliger, éventuellement, l'Etat à protéger la bonne foi (ou la confiance légitime) de l'administré, par exemple en l'indemnisant pour le dommage subi.

De la jurisprudence rappelée ci-dessus (cf. consid. 7.2.2 et 7.2.3), il ressort que l'application du principe de la bonne foi ne permet guère de dégager des solutions absolues, valables dans tous les cas. C'est au contraire au vu des circonstances concrètes de chaque cas d'espèce qu'il y a lieu de déterminer, sur la base de critères objectifs, si les conditions d'application de ce principe sont remplies (arrêt du TAF B-764/2007 du 8 octobre 2008 consid. 4.2 et les réf. citées).

7.3.  

7.3.1. En l'occurrence, il appert que le juge pénal militaire est intervenu dans une situation concrète à l'égard de A._______. La première condition imposée par l'application du principe de la bonne foi est donc réalisée.

7.3.2. S'agissant de la seconde condition, le Tribunal militaire d'appel 1 doit avoir agi ou être censé avoir agi dans les limites de ses compétences. La bonne foi du justiciable ne peut être exclue que si l'incompétence de l'autorité saisie est clairement reconnaissable (arrêt du TAF B-764/2007 du 8 octobre 2008 consid. 4.2.2 et la réf. citée). Il se pose donc la question de la compétence du Tribunal susmentionné pour statuer sur la responsabilité de la Confédération découlant de l'art. 135 al. 1 LAAM.

Le dommage est survenu alors que le soldat A._______ effectuait son service militaire. Le Tribunal militaire et le Tribunal militaire d'appel 1 saisi par le recours de B._______ étaient à l'évidence compétents pour statuer sur le cas (art. 5 et 9 PPM). Se fondant sur les art. 84g et 163 PPM, A._______ a formé des prétentions civiles devant la juridiction militaire. En effet, selon l'art. 163 PPM, le lésé peut exercer devant les tribunaux militaires contre l'accusé l'action civile qui dérive d'une infraction réprimée par le CPM. Dans ces limites, il exerce les droits attachés à la qualité de partie. Le Tribunal militaire d'appel 1 a toutefois rejeté l'action civile du recourant. A l'appui de sa position, il a exposé en substance que la responsabilité de la Confédération découlant de l'art. 135 al. 1 LAAM était engagée, dans la mesure où l'acte dommageable constituait une "activité de service" au sens de cette disposition; dans ces circonstances, la victime ne pouvait pas faire valoir ses prétentions civiles contre l'auteur de l'infraction (cf. art. 84g PPM). Aux termes de cette norme, ce n'est que lorsque l'armée ne répond pas du dommage subi en vertu de l'art. 135 LAAM, que la victime peut faire valoir ses prétentions civiles selon l'art. 163 devant les tribunaux militaires.

Il ressort de ces éléments que, contrairement à ce que soutient l'autorité inférieure, la juridiction pénale militaire était compétente pour se prononcer sur les prétentions civiles présentées par A._______. Cette compétence supposait certes de statuer, au préalable, sur l'applicabilité de l'art. 135 al. 1 LAAM, la victime ne pouvant faire valoir ses prétentions civiles que lorsque l'armée ne répond pas du dommage subi selon cette disposition. Ainsi, en retenant dans son jugement du 4 décembre 2009 que "la responsabilité de la Confédération était engagée" au titre d'une activité de service au sens de l'art. 135 al. 1 LAAM, le Tribunal militaire d'appel 1 ne pouvait en réalité trancher que la question de sa propre compétence et non pas préjuger celle d'une autorité administrative, faute de quoi il n'était plus censé agir dans les limites de sa compétence du point de vue de l'administré assisté d'un conseil professionnel. La question de savoir si la seconde condition du droit à la protection de la bonne foi est remplie peut cependant rester ouverte car même si l'on devait admettre que le Tribunal militaire d'appel 1 s'est borné à agir dans les limites de sa compétence en retenant que la responsabilité de la Confédération était engagée, la troisième condition n'est quant à elle de toute évidence pas remplie (cf. consid. 7.3.3 ci-après).

7.3.3. Selon la jurisprudence, pour qu'un administré perde le bénéfice de la bonne foi, il faut qu'il ait été en mesure de découvrir immédiatement l'inexactitude de la décision rendue, en faisant preuve de l'attention qu'on pouvait exiger de lui (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les réf. citées, arrêt du Tribunal fédéral 6A.61/2006 du 23 novembre 2006 consid. 3.2 et les réf. citées). A ce propos, l'on se montrera moins sévère à l'égard d'un justiciable laïc qu'à l'endroit d'un homme de loi, lorsque celui-ci est en mesure de déceler l'erreur à la simple lecture du texte légal (arrêt du Tribunal fédéral K 23/98 du 9 mai 2000 consid. 3a, ATF 119 V 302 consid. 3b et les réf. citées).

En l'espèce, il y a lieu de retenir que le recourant était en mesure de déceler l'erreur commise par la juridiction pénale militaire, en faisant preuve de l'attention qu'on pouvait exiger de lui. En effet, celui-ci était représenté par un avocat. En procédant à une lecture attentive des art. 34 et 135 al. 3 LAAM, ce dernier aurait dû se rendre compte que des dispositions spéciales autres que celles contenues dans cette loi régissaient le cas d'espèce. En d'autres termes, la lecture de ces prescriptions aurait dû l'amener à conclure que la LAAM ne s'appliquait pas et que, par conséquent, la responsabilité de la Confédération ne pouvait résulter de cette loi ni des considérants du jugement du 4 décembre 2009 du Tribunal militaire d'appel 1. Une telle conclusion s'impose d'autant plus que le CEDO avait attiré l'attention du recourant sur son incompétence à statuer sur son cas, bien avant que le Tribunal militaire d'appel 1 ne rende son arrêt (cf. supra en Faits consid. E). La communication de l'autorité inférieure aurait donc dû inciter le recourant assisté de son conseil à faire preuve de plus d'attention quant à l'exactitude du contenu du jugement pénal militaire.

La troisième condition que la jurisprudence subordonne à l'application du principe de la bonne foi n'est ainsi pas réalisée.

7.4. Dans ces circonstances, le Tribunal de céans retient que le recourant ne peut se prévaloir de sa bonne foi pour fonder la compétence du CEDO et obtenir que celui-ci examine le bien-fondé de ses prétentions. Il ne peut se prévaloir en particulier de la contradiction entre les décisions du juge pénal militaire et du CEDO car toutes les conditions cumulatives auxquelles l'application du principe de la bonne foi est subordonnée ne sont pas remplies en l'espèce. De plus, le CEDO et le Tribunal militaire d'appel 1 sont des autorités différentes, la première relevant de l'administration fédérale et la seconde de l'ordre juridictionnel en matière pénale militaire. On ne peut par conséquent pas leur reprocher un comportement contradictoire violant le principe de la bonne foi et un homme de loi ne saurait raisonnablement considérer que les affirmations de la seconde puissent lier la première.

8.
Au vu des éléments exposés ci-dessus, le recours de A._______ doit être intégralement rejeté. Il lui est bien entendu loisible, s'il estime que son dommage n'est pas intégralement couvert par les prestations de la LAM, de faire valoir ses prétentions directement devant le juge civil.

9.  

9.1. Selon l'art. 63 al. 1, 1ère phrase PA, en règle générale, les frais de procédure comprenant l'émolument d'arrêté, les émoluments de chancellerie et les débours sont mis, dans le dispositif, à la charge de la partie qui succombe. A titre exceptionnel, ils peuvent être entièrement remis (cf. art. 63 al. 1, dernière phrase PA). Aux termes de l'art. 6 al. 1 let. b du règlement concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le TAF (RS 173.320.2; FITAF), les frais de procédure peuvent être remis totalement ou partiellement à une partie ne bénéficiant pas de l'assistance judiciaire prévue à l'art. 65 PA dans les deux hypothèses suivantes: lorsque le recours est réglé par un désistement ou une transaction sans avoir causé un travail considérable (let. a), lorsque pour d'autres motifs ayant trait au litige ou à la partie en cause, il ne paraît pas équitable de mettre les frais de procédure à la charge de celle-ci (let. b).

En l'occurrence, il sied de ne mettre aucun frais de procédure à la charge du recourant même s'il succombe. Cette remise totale des frais de procédure relève de l'équité, dans la mesure où le recourant a tout de même été dans une certaine mesure induit en erreur par l'arrêt du Tribunal militaire d'appel, qui a malgré tout laissé entendre qu'il pouvait obtenir de la Confédération, sur la base de la LAAM, une indemnisation pour le dommage non couvert par la LAM. L'avance de frais de Fr. 500.-- déjà versée par le recourant lui sera donc remboursée.

9.2. L'autorité de recours peut allouer d'office ou sur requête à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés (cf. art. 64 al. 1 PA, art. 7 ss FITAF). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de dépens ne sera allouée au recourant, qui succombe.


Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de procédure. L'avance de frais de Fr. 500.-- versée par le recourant lui sera remboursée dès l'entrée en force du présent arrêt. Le recourant est invité à fournir au Tribunal administratif fédéral, dans les 30 jours à compter de la communication du présent arrêt, un numéro de compte postal ou bancaire sur lequel l'avance de frais pourra lui être remboursée.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est adressé :

-        au recourant (Acte judiciaire)

-        à l'autorité inférieure (n° de réf. 313.2006.02826.01 ; Acte judiciaire)

 

L'indication des voies de droit se trouve à la page suivante.

 

Le président du collège :

La greffière :

 

 

Alain Chablais

Virginie Fragnière Charrière

 


Les décisions du Tribunal administratif fédéral en matière de responsabilité de l'Etat peuvent être contestées auprès du Tribunal fédéral, pourvu qu'il s'agisse d'une contestation pécuniaire dont la valeur litigieuse s'élève à Fr. 30'000.- au minimum ou qui soulève une question juridique de principe (art. 85 al. 1 let. a et al. 2 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]). Si le recours en matière de droit public est ouvert, il doit être déposé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans un délai de 30 jours dès la notification de la décision contestée (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle et doit indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains du recourant (art. 42 LTF).

 

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