Extrait des considérants:
2.
2.1
Aux termes de l'art. 50 LAsi (RS 142.31), intitulé « second asile »,
l'asile peut être accordé à un réfugié qui a été admis par un autre
Etat et qui séjourne légalement en Suisse sans interruption depuis au moins deux ans.
2.2
En vertu de l'art. 36 de l'ordonnance 1 sur l'asile du 11 août 1999 (OA 1,
RS 142.311), le séjour d'un réfugié en Suisse est régulier lorsque ce dernier
se conforme aux dispositions applicables aux étrangers en général (al. 1). Le séjour
est considéré comme ininterrompu lorsque, durant les deux dernières années, le réfugié
n'a pas vécu plus de six mois au total à l'étranger. En cas d'absence plus longue, le
séjour n'est considéré comme ininterrompu que lorsqu'il s'explique par des raisons
impérieuses (al. 2).
2.3
Dans sa jurisprudence développée en relation avec ces deux dispositions, l'ancienne
Commission suisse de recours en matière d'asile (ci-après: CRA), a considéré que
l'Accord européen du 16 octobre 1980 sur le transfert de la responsabilité à l'égard
des réfugiés (RS 0.142.305, ci-après: Accord européen) était directement applicable
aux situations particulières (Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en
matière d'asile [JICRA] 2002 no 10
consid. 4a p. 91; sur la notion « self-executing », voir ATAF 2010/27 consid. 5.2).
2.3.1
Selon cette jurisprudence, l'art. 50 LAsi est rédigé de manière potestative
(« l'asile peut être accordé à un réfugié
qui [...] »). Cette formulation laisse à l'autorité un large pouvoir d'appréciation.
Ainsi, lorsque l'Accord européen ne s'applique pas et que les conditions de l'art. 50 LAsi
sont remplies, la Suisse n'est tenue ni vis-à-vis de l'Etat de premier refuge ni vis-à-vis
de l'intéressé de lui accorder le statut de réfugié et encore moins l'asile (JICRA
2002 no 10 consid. 6c p. 95 s.).
Toutefois, il a été jugé que le contenu de l'art. 50 LAsi devait être interprété
en cohérence avec cet accord (JICRA 2002 no 10
consid. 3e p. 91). Ainsi, le pouvoir d'appréciation reste limité pour les autorités
en ce sens qu'elles ne pourront refuser le second asile en s'appuyant sur des définitions
exclusivement issues du droit interne.
2.3.2
Par exemple, les solutions retenues par l'Accord européen quant à la nature des séjours
à prendre en considération dans le calcul du délai de deux ans de même que le point
de départ de ce délai doivent inspirer les autorités dans l'application de l'art. 50
LAsi. En particulier, la possession d'une autorisation ordinaire de séjour (ou d'une autorisation
d'établissement) ne saurait constituer en
soi une condition d'application de l'art. 50 LAsi, dès lors que, conformément à
cet accord, les séjours dans l'attente d'une décision formelle sur une demande d'autorisation
ordinaire de séjour, de type renouvelable
et durable, sont compris dans le calcul du délai de deux ans, du moins tant que l'Etat n'a pas signifié
à l'intéressé, par un refus d'une telle autorisation, qu'il n'entendait pas l'autoriser
à prendre domicile sur son sol (JICRA 2002 no 10
consid. 4 et 5 p. 91 ss; voir aussi, s'agissant de l'art. 2 de l'Accord européen,
arrêt du TAF E 5250/2010 et E 5435/2010 du 2 octobre 2012 consid. 4). Les
autorités ne sauraient s'écarter de ces solutions sans de sérieux motifs, sous peine de
tomber dans l'arbitraire. Partant, elles ne pourront refuser le second asile, voire le statut de réfugié
que pour autant qu'elles se fondent non seulement sur l'art. 50 LAsi, mais encore sur une pratique
cohérente avec l'ensemble du droit des réfugiés (JICRA 2002 no 10
consid. 6 p. 95 s.).
2.3.3
Au demeurant, toujours selon cette jurisprudence, l'Accord européen ne prévoit un standard
minimum contraignant pour les Etats parties qu'en matière de transfert de la responsabilité
à l'égard d'un réfugié, mais non en matière d'octroi de second asile.
Par conséquent, cet accord n'oblige qu'à reconnaître la qualité de réfugié
si les conditions d'un transfert sont réunies, ce qui a pour conséquence que les autorités
suisses conservent le droit de refuser le second asile, lorsque l'intéressé remplit les conditions
d'exclusion de l'asile (cf. JICRA 2002 no 10
consid. 4b p. 91 s.).
3.
3.1
En l'occurrence, l'ODM a rejeté la demande du 3 juillet 2012 en se fondant sur une interprétation
de l'art. 50 LAsi selon laquelle le réfugié, pour pouvoir être considéré
comme « admis par un autre Etat », devait établir que cet Etat l'avait reconnu
comme réfugié; en l'occurrence, tel n'était pas le cas, puisque le recourant a fait l'objet
d'une procédure de reconnaissance de sa qualité de réfugié par le Haut Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et non par l'Etat égyptien. En outre, l'ODM
a exclu d'appliquer au cas d'espèce l'Accord européen, dès lors que l'Egypte n'y était
pas partie. Dans son recours, l'intéressé a fait valoir qu'il remplissait la condition d'un
séjour légal et ininterrompu de deux ans au moins en Suisse, ce qui n'était d'ailleurs
pas contesté par l'ODM. Il a soutenu qu'il y avait lieu de tenir compte de l'absence en Egypte de
structures et de procédures étatiques pour l'examen d'une demande d'asile, du rôle du
HCR qui s'est substitué aux autorités égyptiennes pour reconnaître au recourant
la qualité de réfugié et du résultat insatisfaisant auquel aboutissait l'interprétation
de l'art. 50 LAsi à laquelle avait procédé l'ODM.
Dès lors que l'Accord européen n'est pas applicable au cas d'espèce,
il convient d'examiner si les conditions cumulatives de l'art. 50 LAsi relatives au séjour
légal et ininterrompu de deux ans en Suisse ainsi qu'à l'admission par un autre Etat en qualité
de réfugié sont remplies.
3.2
S'agissant de la première condition d'application de l'art. 50 LAsi, précisée
à l'art. 36 OA 1, à savoir celle relative au séjour légal et ininterrompu
de deux ans en Suisse, le Tribunal administratif fédéral constate que le recourant a bénéficié
d'une autorisation ordinaire de séjour, valable un an et renouvelée en 2009 et en 2010
et qu'il n'a pas vécu plus de six mois à l'étranger. Par conséquent, cette condition
est remplie.
3.3
Il y a donc lieu de vérifier si le recourant remplit la deuxième condition de l'art. 50
LAsi, à savoir s'il a été admis comme réfugié par un autre Etat, en l'occurrence
l'Egypte.
3.4
Jusqu'à présent, ni la CRA ni le Tribunal administratif fédéral n'ont eu l'occasion
de déterminer la portée exacte de l'expression « réfugié
qui a été admis par un autre Etat » retenue à l'art. 50 LAsi. Or,
au vu de la confusion introduite par l'ODM dans la décision attaquée, cette démarche s'avère
ici nécessaire.
Dans sa décision, l'ODM a soutenu que l'art. 50 LAsi présupposait
que le statut de réfugié ait été accordé par un premier Etat d'accueil. En droit
suisse, l'expression « statut de réfugié » est en principe un synonyme
de l'asile (les cas d'exclusion de l'asile mis à part), dès lors que l'art. 2 LAsi distingue
entre, d'une part, la qualité de réfugié (définie à l'art. 3 LAsi) et,
d'autre part, l'asile, celui-ci comprenant la protection et le statut accordés
(par l'Etat d'accueil) à des personnes en raison de leur qualité de réfugié. Ce statut
inclut le droit de résider en Suisse. Toutefois, l'autorité de première instance a ajouté
qu'elle ne saurait en l'occurrence accorder le second asile parce que « le statut de réfugié
a été reconnu à l'intéressé en Egypte par le HCR ». Ce faisant, elle
a introduit une confusion entre la notion de statut de réfugié
(qui se réfère en particulier au règlement des conditions de séjour) et celle de
reconnaissance de la qualité de réfugié (à
la personne qui en remplit les conditions), de sorte qu'il n'est pas possible de savoir si elle a refusé
le second asile parce que le recourant a été reconnu réfugié par le HCR ou parce
que l'Egypte ne lui a pas donné l'asile. Elle n'a pas non plus levé cette ambiguïté
dans sa réponse du 15 avril 2013.
3.4.1
La Convention du 28 juillet 1951 relative au statut
des réfugiés (RS 0.142.30, ci-après: Conv. réfugiés) comprend implicitement
pour le réfugié reconnu, s'il respecte l'ordre public, le droit à ne pas faire l'objet
d'une mesure d'éloignement et de demeurer dans son Etat d'accueil pour la durée de la protection
(cf. Christine Amann, Die Rechte des Flüchtlings, Baden-Baden
1994, p. 28 s., 155 ss, spéc. p. 159 n. 416 et réf. cit.;
voir aussi Takkenberg/Tahbaz, The collected Travaux Préparatoires
of the 1951 Geneva Convention relating to the Status of Refugees, vol. III, Amsterdam 1990, p. 319
intervention de M. Colemar [France]). Selon la conception suisse, l'octroi de l'asile, contrairement
à la reconnaissance de la qualité de réfugié, est un acte
de souveraineté, qui crée un statut juridique entraînant pour son bénéficiaire
par comparaison à la personne à qui l'on reconnait la qualité de réfugié
sans lui octroyer l'asile de nombreux avantages par rapport
au droit ordinaire des étrangers, qui l'assimile à la catégorie des étrangers les
plus favorisés, voire le met à égalité avec des citoyens suisses; le réfugié
n'a ainsi aucun droit subjectif à l'octroi de l'asile (cf. Caroni/Meyer/Ott,
Migrationsrecht, 2e éd.
2011, no 605; Walter
Stöckli, Asyl, in: Ausländerrecht, 2e éd. 2009,
nos 11.34 et 11.46 s.; Minh
Son Nguyen, Droit public des étrangers, 2003, p. 405 et 410; voir aussi Goodwin-Gill/McAdam,
The Refugee in International Law, Oxford 3e éd.
2007, p. 359; Cesla Virginia Amarelle, Le processus d'harmonisation
des droits migratoires nationaux des Etats membres de l'Union européenne, 2005, p. 38).
La personne reconnue par la Suisse comme réfugiée, mais qui a été exclue de l'asile
(cf. art. 53 55 LAsi), reçoit toutefois le statut minimal auquel elle a droit de par
les dispositions tirées de la Conv. réfugiés et concrétisé, sur le plan
de ses conditions de résidence, par l'admission provisoire en Suisse (cf. art. 58 LAsi;
voir aussi ATAF 2012/2 consid. 3.2.2; Organisation
suisse d'aide aux réfugiés [OSAR], Manuel
de la procédure d'asile et de renvoi, 2009, p. 303 ss; Stöckli,
op. cit., no 11.77).
3.4.2
Il appartient aux Etats parties à la Conv. réfugiés, et titulaires de la puissance
publique, de donner un contenu minimal au statut des réfugiés, et en particulier de délivrer
un titre de voyage aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire,
afin de leur permettre de voyager hors de ce territoire (cf. art. 28 par. 1 Conv. réfugiés).
De même, ce sont eux qui livrent au HCR, sur demande, les informations et données statistiques
relatives au statut des réfugiés (cf. art. II par. 2 let. a du Protocole du
31 janvier 1967 relatif aux réfugiés [RS 0.142.301, ci-après: Protocole de 1967]),
ce qui confirme que ce statut entre dans les prérogatives des Etats, même lorsqu'il est le
résultat, non pas d'un acte de souveraineté (comme l'asile), mais d'engagements de droit international
conférant des droits aux réfugiés qu'ils ont reconnus (comme l'admission provisoire en
Suisse à des réfugiés).
3.4.3
L'art. 50 LAsi vise exclusivement l'asile au sens de l'art. 2 LAsi, et non pas la qualité
de réfugié au sens de l'art. 3 LAsi. Lorsque les conditions de l'art. 50 LAsi sont
remplies, la qualité de réfugié est présumée et il est renoncé à
un examen sous l'angle de l'art. 3 LAsi, bien que l'intéressé n'en remplisse peut-être
pas les exigences ni celles de la jurisprudence y afférente (cf. Achermann/Hausammann,
Handbuch des Asylrechts, 2e éd.
1991, p. 123 et 130). La personne qui se voit conférer le second asile bénéficie
à ce titre de tous les droits et avantages liés à l'asile selon l'art. 2 LAsi.
3.4.4
L'intitulé de l'art. 50 LAsi (« second asile ») indique que le législateur
part du principe que le requérant a bénéficié d'un premier asile dans un autre Etat,
pays de premier accueil, après la reconnaissance dans cet Etat de sa qualité de réfugié.
Au vu de la formulation du texte légal, qui ne se réfère pas à un réfugié
reconnu par un autre Etat, mais seulement
à un réfugié admis (en allemand: « aufgenommen »)
par un autre Etat, il y a lieu de retenir que l'octroi du second asile
n'est subordonné ni à la condition que les autorités de l'Etat de premier accueil
aient elles-mêmes formellement reconnu la qualité de réfugié de la personne
concernée ni à celle qu'elles lui aient accordé expressément l'asile (au sens du
droit suisse). Le remplacement du substantif « pays » (figurant dans l'art. 5
de la loi sur l'asile du 5 octobre 1979 [aLAsi, RO 1980 1718]) par celui d'« Etat »
dans l'art. 50 LAsi, lors de la révision totale du 26 juin 1998, est d'ordre rédactionnel,
sans aucune incidence matérielle.
3.4.5
Il ressort également des travaux préparatoires à l'adoption de l'aLAsi que l'octroi
d'un second asile n'est pas subordonné à la condition que le pays du premier refuge ait formellement
accordé l'asile. En effet, le Conseil fédéral a précisé qu'était assimilé
à l'asile tout autre mode de règlement des conditions de résidence, même si la présence
du réfugié a été simplement tolérée en fait durant un temps relativement
long (cf. Message du 31 août 1977 à l'appui d'une loi sur l'asile et d'un arrêté
fédéral concernant une réserve à la convention relative au statut des réfugiés,
FF 1977 III 113, 126). Les auteurs des premiers ouvrages de doctrine ayant suivi l'entrée en
vigueur de la loi sur l'asile mentionnaient que la personne concernée devait avoir trouvé,
dans le pays de premier accueil, protection et refuge (« Schutz und Zuflucht », selon
Samuel Werenfels, Der Begriff des Flüchtlings im schweizerischen Asylrecht,
1987, p. 332) ou au moins une protection (« Schutz », selon Walter
Kälin, Grundriss des Asylverfahrens, 1990, p. 171). Kälin
précisait que la clause d'exclusion de l'asile pour admission dans un pays tiers (aujourd'hui abrogée)
ne s'appliquait pas aux personnes remplissant les conditions du second asile, parce que celles-ci étaient
arrivées en Suisse avec une autorisation ordinaire de police des étrangers et qu'elles pouvaient
se prévaloir de relations avec la Suisse qui étaient au moins aussi importantes que celles
avec le pays de premier asile (Kälin, op. cit., p. 171).
Par conséquent, le Tribunal administratif fédéral estime que, conformément à
la volonté du législateur, les liens tissés avec l'Etat de premier accueil (en particulier
par la durée du séjour) doivent correspondre à ceux développés par la
suite avec la Suisse pour être considérés comme formant une protection suffisante assimilable
à l'asile. Cette protection comprendra normalement une protection contre des mesures de refoulement,
une autorisation à demeurer sur place et un traitement conforme aux normes humanitaires de base
reconnues jusqu'à ce qu'une solution durable soit offerte (cf. Comité exécutif du Programme
du Haut Commissaire, Problème des réfugiés et des demandeurs d'asile quittant de façon
irrégulière un pays où la protection leur a déjà été accordée,
13 octobre 1989, no 58 (XL) -
1989, let. f).
3.4.6
Il ressort de ce qui précède que, pour déterminer l'existence d'une protection
dans le pays de premier asile, il convient d'abord de vérifier si l'étranger y a été
reconnu réfugié au sens de l'art. 1 de la Conv. réfugiés ou le cas échéant
du Protocole de 1967 (cf. dans le même sens l'art. 1 let. a de l'Accord européen).
A cet égard, il importe peu qu'il l'ait été par le HCR ou par les autorités du pays
concerné. En effet, la Conv. réfugiés et le Protocole de 1967 prévoient tous
deux l'établissement d'une coopération entre les Etats parties à la Conv. réfugiés
et le HCR. Selon les dispositions prises par divers Etats parties, cette coopération
s'étend également à la détermination de la qualité de réfugié (cf.
HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer
le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au
statut des réfugiés [HCR/1P/4/FRE/REV.1], 2e éd.
1992, ch. III p. 1; voir aussi le même [HCR/1P/4/FRE/REV.3],
3e éd. 2011, par. 194). Dans
ce cas, les autorités de ces Etats sont tenues, en application de l'art. 33 de la Conv. réfugiés,
de ne pas expulser la personne qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par
le HCR vers son pays d'origine. Il n'entrait pas dans l'intention du législateur suisse d'exclure
du second asile les réfugiés provenant des Etats parties à la Conv. réfugiés
qui ont délégué la reconnaissance de la qualité de réfugié au HCR (cf.
Message du 4 décembre 1995 concernant la révision totale de la loi sur l'asile ainsi que
la modification de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers,
FF 1996 II 1, 67).
3.4.7
Cela étant, la reconnaissance de la qualité de réfugié dans l'Etat de premier
refuge ne suffit pas. En effet, le réfugié reconnu doit encore avoir reçu une protection
(effective) dans cet Etat comprenant l'interdiction de refoulement et un droit de facto à
un séjour prolongé (cf. consid. 3.4.1). Cette protection doit donc comprendre une autorisation
durable de séjour dans ce pays; cette autorisation peut toutefois revêtir n'importe quelle
forme (cf. consid. 3.4.5 in initio).
3.4.7.1
Lorsque l'Etat en question a institué une procédure spéciale d'enregistrement de
la reconnaissance par le HCR de la qualité de réfugié, il est, en règle générale,
nécessaire d'apporter la preuve, au moins par la vraisemblance, qu'une autorisation de séjour,
renouvelable, a été délivrée à la personne concernée. Une preuve par la
vraisemblance selon l'art. 7 LAsi suffit pour admettre l'existence d'une telle autorisation. La
protection sera présumée en cas de délivrance à l'intéressé par l'Etat
de premier accueil d'un titre de voyage au sens de l'art. 28 de la Conv. réfugiés,
dès lors que cette délivrance présuppose une résidence régulière
sur le territoire de cet Etat et l'immatriculation du réfugié dans les registres officiels
(dans le même sens, cf. art. 1 let. c de l'Accord européen); cette présomption
peut toutefois être renversée en fonction des circonstances d'espèce.
3.4.7.2
Lorsque l'Etat de premier accueil n'a pas institué une procédure d'enregistrement du
réfugié reconnu par le HCR (ou qu'il ne l'a pas enregistré conformément à la
procédure en place), il suffira d'un faisceau d'indices concrets permettant d'exclure raisonnablement
le risque de refoulement (au moment du départ de l'Etat de premier accueil), parmi lesquels un séjour
stable durant un temps relativement long, pour rendre vraisemblable l'octroi d'une protection assimilable
à l'asile. C'est ainsi que dans ce cas de figure l'on pourra, en règle générale,
considérer que les liens tissés avec l'Etat de premier asile correspondent effectivement à
ceux développés avec la Suisse (cf. consid. 3.4.5), qui exige faut-il le rappeler
un séjour légal et ininterrompu d'au moins deux ans pour l'octroi du second asile.
3.4.8
En résumé, l'exigence de l'admission par un autre Etat, prescrite à l'art. 50
LAsi, présuppose non seulement la reconnaissance de la qualité de réfugié
peu importe qu'elle ait été le fait de l'Etat ou du HCR mais encore l'obtention d'une
protection contre le refoulement de la part de l'Etat d'accueil, par la jouissance d'une autorisation
de séjour, laquelle a pu, en l'absence d'enregistrement, revêtir n'importe quelle forme, voire
résulter des circonstances particulières du cas.
3.5
En l'espèce, il convient donc de procéder à l'analyse de la situation
ayant prévalu en Egypte au moment où le recourant a quitté ce pays.
3.5.1
L'Egypte est partie à la Conv. réfugiés à laquelle elle a formulé
des réserves à l'égard des art. 12 par. 1 (statut personnel), art. 20 (rationnement),
22 (éducation publique), 23 (assistance publique) et 24 (législation du travail et sécurité
sociale) au Protocole de 1967 et à la Convention de l'Organisation de l'unité africaine
régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique du 10 septembre
1969. Bien que la Constitution égyptienne de 1971 ait garanti aux réfugiés une protection,
les autorités de ce pays n'ont pas légiféré dans ce domaine ni institué de procédure
nationale d'asile.
3.5.2
Ainsi, en vertu d'un accord du 10 février 1954 entre le Gouvernement égyptien
et le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (ci-après: MoU [Memorandum
of Understanding]), les activités se rapportant à l'enregistrement des demandeurs d'asile,
à la délivrance de documents et à la procédure de détermination de la qualité
de réfugié sont mises en oeuvre par l'office régional du HCR au Caire. La coopération
du HCR avec l'Etat égyptien dans le domaine de l'asile est assurée par l'intermédiaire
des ministères des Affaires étrangères et de l'Intérieur. Le HCR délivre au
demandeur d'asile enregistré auprès de son bureau régional et dont la procédure de
détermination de la qualité de réfugié est en cours, une « yellow card »
(ou « temporary registration card »), valable 18 mois. A l'issue de la
procédure de détermination de la qualité de réfugié, il remet aux réfugiés
qu'il vient de reconnaître une « blue card » (« permanent registration
card »), valable trois ans. L'art. 6 MoU indique que le gouvernement égyptien accordera
aux réfugiés « de bonne foi » résidant en Egypte et relevant du mandat
du Haut Commissaire des permis de séjour « selon les règlements en vigueur ».
Pour ce faire, le réfugié reconnu comme tel par le HCR doit se présenter aux bureaux du
Ministère des Affaires étrangères afin d'y déposer une demande de permis de résidence
renouvelable, lequel sera alors visé sur sa « blue card ». C'est par cet acte
que les autorités égyptiennes exercent leur souveraineté et octroient un statut
analogue à l'asile au réfugié reconnu par le HCR. L'obtention de ce permis de résidence
entraîne comme corollaire l'annulation du passeport national du réfugié. Selon l'art. 7
MoU, le gouvernement égyptien accorde aux réfugiés, lorsqu'ils doivent se rendre à
l'étranger, un titre de voyage avec visa de retour, d'une durée limitée, mais suffisante,
sauf si des raisons de sécurité publique viennent à s'y opposer (cf. notamment Rapport
global 2011 du HCR, p. 171 ss.; United States
Comittee for Refugees and Immigrants, World Refugee Survey 2009 - Egypt, 17 juin 2009; United
States Department of State, Country Reports on Human Rights Practices for 2011, mai 2012, p. 19;
Michael Kagan, Shared responsibility in a new Egypt, Le Caire 2011; voir
aussi OSAR, Erythrée/Egypte: situation des réfugiés, 14 mars 2014, p. 11). En
réalité, les autorités égyptiennes ont pour pratique de mettre des obstacles à
l'enregistrement de demandes d'asile auprès du HCR, voire procèdent à des déportations
en violation du principe de non-refoulement. En outre, il manque en Egypte une politique d'intégration
des réfugiés. Les démarches en vue de l'octroi d'autorisations de séjour, respectivement
de travail sont jalonnées d'obstacles administratifs (démarches longues, compliquées voire
coûteuses), ce qui incite un certain nombre de réfugiés à chercher une installation
dans un pays tiers, processus qui, lui aussi, peut prendre des années (cf. OSAR, op. cit., p. 3,
6 s., 8 et 17 s.).
3.5.3
A la lumière de ces informations, force est de constater que le recourant n'a pas été
admis comme réfugié par l'Egypte.
En effet, il ressort des documents déposés par le recourant que
celui-ci a été enregistré auprès du bureau régional du HCR au Caire le 5 janvier
2005, qui lui a délivré une « yellow card ». A la suite de quoi, une procédure
de détermination a été menée et a abouti, en date du 29 mars 2007, au rejet
de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Par la suite, il a rencontré
B., avec laquelle il s'est marié le (...) décembre 2007. Ce mariage a été officiellement
reconnu par jugement des autorités judiciaires égyptiennes le (...) février 2008.
Le 20 mars 2008, le recourant a déposé une demande de visa auprès de l'Ambassade
de Suisse en Egypte. Le 29 mai 2008, agissant par l'intermédiaire de l'organisation non gouvernementale
AMERA (Africa and Middle East Refugee Assistance), il a demandé la réouverture de son
dossier auprès du bureau régional du HCR au Caire, tandis qu'il se trouvait en détention
depuis le (...) mai 2008 pour défaut de permis de séjour valable. Cette demande a été
admise et il s'est vu reconnaître la qualité de réfugié, en date du (...) juin
2008. Une « blue card » lui a été délivrée le 15 juin suivant.
L'autorité cantonale a accepté sa demande de visa le 5 juin 2008 et il a pu quitter
l'Egypte pour entrer en Suisse le 14 août 2008, muni de son passeport national (...).
Il appert que deux mois se sont écoulés entre la délivrance
de la « blue card » au recourant et son départ d'Egypte pour se rendre en Suisse.
Il n'a pas rendu vraisemblable (au sens de l'art. 7 LAsi) avoir, durant ce court laps de temps,
demandé et obtenu un permis de résidence. L'absence de sceau officiel sur sa « blue
card », tout comme le fait qu'il se soit rendu en Suisse muni de son passeport national, confirment
qu'il n'a pas obtenu de l'Egypte de protection comparable à l'asile.