Extrait des considérants:
2.3
En ce qui concerne plus particulièrement l'audition de requérants d'asile mineurs,
il y a lieu de prendre en considération ce qui suit.
2.3.1
L'art. 12 ch. 1 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant
(RS 0.107, ci-après: Conv. droits enfants) dispose que les Etats parties garantissent à l'enfant
qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant,
les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son
âge et à son degré de maturité. Le chiffre 2 de cette disposition prévoit
qu'à cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu
dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par
l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible
avec les règles de procédure de la législation nationale. Comme le Tribunal fédéral
en a jugé (cf. ATF 133 I 286 consid. 3.2; 124 III 90 consid. 3a), cette norme conventionnelle
est de caractère « self-executing » (sur cette notion, cf. ATAF 2010/27 consid. 5.2).
Cette norme ne confère pas à l'enfant le droit inconditionnel
d'être entendu oralement et personnellement dans toute procédure judiciaire ou administrative
l'intéressant. Elle garantit seulement qu'il puisse faire valoir d'une manière appropriée
son point de vue, par exemple dans une prise de position écrite de son représentant (ATF
124 II 361 consid. 3c et réf. cit.). Cela vaut également en droit d'asile.
S'il a le discernement, à savoir la capacité et la maturité nécessaires pour
comprendre la signification et le but d'une procédure d'asile ainsi que pour exposer
ses motifs de persécution, l'enfant devra avoir la possibilité d'exprimer son opinion lors
d'une audition conforme à l'art. 29 LAsi.
2.3.2
Selon l'art. 7 al. 5 de l'ordonnance 1 sur l'asile du 11 août 1999 (OA 1,
RS 142.311), les personnes chargées de l'audition de requérants
d'asile mineurs tiennent compte des aspects particuliers de la minorité. Celles-ci doivent ainsi
prendre en considération l'âge de l'enfant, sa maturité (en particulier sa
capacité de comprendre les questions, de se souvenir et de communiquer), la complexité
de l'affaire et des exigences procédurales particulières quant à la valeur probante des
déclarations. En outre, il appartient à l'ODM de prendre les mesures adéquates pour que
l'enfant se sente à l'aise (cf. dans le même sens: Sylvie Cossy,
Le statut du requérant d'asile mineur non accompagné dans la procédure d'asile, 2000,
n. 628).
2.3.3
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a formulé des lignes
directrices et recommandations en matière d'audition de mineurs, spécialement de mineurs non
accompagnés, qui figurent dans des documents auxquels l'ODM lui-même se réfère
dans son Manuel de procédure d'asile, au chapitre consacré aux
requérants d'asile mineurs non accompagnés (Manuel de procédure d'asile de l'ODM,
chap. J § 1, 1er janvier
2007, p. 5 s.). Il s'agit en particulier du Guide
des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié
(HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié
au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés,
1992, par. 213 ss, < http://www. unhcr.ch/fileadmin/user_upload/unhcr_ch/Mandat/Handbuch_fr.pdf >,
consulté le 10.07.2014), des Principes directeurs concernant les enfants
non accompagnés (HCR, Guidelines on policies and procedures in dealing with unaccompanied
children seeking asylum, 1997, < http:// www.unhcr.org/3d4f91cf4.html >, consulté
le 10.07.2014, ci-après: Principes directeurs concernant les enfants
non accompagnés), ainsi que des Principes directeurs pour
l'audition de mineurs non accompagnés et la préparation de dossiers sur leurs antécédents
sociaux (HCR, Guidelines for interviewing unaccompanied minors and preparing social histories, 1985,
< http://www.refworld.org/docid/47fdfae5d.html >, consulté le 10.07.2014; HCR, Guidelines
for interviewing unaccompanied refugee children and adolescents and preparing social histories, 1990).
Il convient de s'en inspirer parce que, d'une part, ils émanent d'une
organisation internationale gouvernementale qui dispose de l'expertise nécessaire et qui collabore
avec la Confédération (cf. art. 113 LAsi; art. 12 et 22 par. 2 Conv.
droits enfants) et que, d'autre part, ils contribuent, dès
lors qu'ils sont censés être appliqués dans la pratique de l'ODM, à assurer une égalité
de traitement. S'y ajoutent les Principes directeurs inter-agences relatifs aux enfants non accompagnés
ou séparés de leur famille, adoptés par six organisations internationales, gouvernementales
et non gouvernementales, dont le HCR, et édités par le Comité International
de
la Croix-Rouge en juillet 2004 (CICR, 2004, p. 34, < http://www.icrc.org/fre/resources/documents/publication/p1101.htm >,
consulté le 10.07.2014; cités par Alice Edwards, Les dimensions
de l'âge et du genre en droit international des réfugiés, in: La protection des réfugiés
en droit international, 2008, p. 87), qui complètent de manière appropriée les textes
du HCR.
2.3.3.1
Il ressort de ces documents de référence que l'audition d'un requérant d'asile
mineur doit être menée par une personne professionnellement qualifiée,
formée spécialement à cet effet et disposant de connaissances relatives au développement
psychologique, émotionnel et physique et au comportement des enfants (cf. ch. 5.12 des
Principes directeurs concernant les enfants non accompagnés).
2.3.3.2
Dans ces documents de référence, l'accent est mis sur l'atmosphère accueillante
qui doit régner dès le début de l'audition et sur l'attitude empathique de l'auditeur,
nécessaires à la création d'un climat de confiance qui permettra au mineur de parler de
son vécu.
Il est recommandé de commencer l'audition en clarifiant les buts de
l'audition et en expliquant les règles applicables, d'une manière simple et compréhensible.
Chacune des personnes assistant à l'audition doivent être présentées au mineur et
leurs rôles expliqués. Il est impératif de souligner l'importance de dire la vérité,
mais aussi de s'assurer que le mineur comprenne qu'il n'y a pas de réponses correctes ou incorrectes,
et qu'il est possible qu'il ne puisse pas répondre à toutes les questions.
L'auditeur est invité à observer le comportement de l'enfant et
à noter toute forme de communication non verbale (geste, silence). Il doit faire preuve d'une écoute
bienveillante et rester neutre. Le contact visuel est également d'une importance prépondérante:
en présence d'un interprète, l'auditeur doit diriger ses questions vers le jeune requérant
directement, et se montrer attentif à ses réponses.
Les lignes directrices insistent sur la nécessité de formuler
les questions de manière ouverte durant l'audition, pour favoriser le récit libre; ce n'est
que dans un second temps qu'il s'agit éventuellement de poser, à titre complémentaire,
des questions précises.
Les particularités liées à la culture d'origine de l'enfant
(notamment les conceptions de temps et d'espace) ainsi qu'à l'âge doivent être prises
en considération. Il est admis que ce n'est qu'à partir de l'âge de douze ans environ
qu'un enfant est capable d'envisager des événements indépendants de sa propre
vie, de suivre un raisonnement logique, de penser en termes abstraits et de formuler des hypothèses
(...).
Si le jeune requérant ne parvient pas à parler de certains événements
en raison des émotions qui y sont liées, il est conseillé de changer de sujet et d'y revenir
plus tard durant l'audition. Le HCR note que de nombreux requérants d'asile mineurs sont traumatisés
par les expériences qu'ils ont vécues: à cet égard, il est indispensable de prendre
en compte les émotions ressenties par le mineur (en particulier les sentiments de culpabilité
et de peur), ainsi que la possibilité d'un déni de certains événements trop violents.
Enfin, il est recommandé de terminer l'audition sur une discussion
portant sur des thèmes plus légers, indépendants du vécu passé, de façon
à permettre au mineur de se détendre et de retrouver une sensation de sécurité.
2.3.3.3
Ces différentes phases d'audition se retrouvent dans la méthode de l'audition non suggestive
par étapes progressives, préconisée par la doctrine spécialisée pour l'audition
de mineurs. Cette méthode comprend sept étapes: la mise en relation, la discussion sur la vérité,
l'introduction du sujet de l'audition, le récit libre, les questions ouvertes, les questions spécifiques
et la fin de l'audition (cf. Gérard Niveau
et al., Mise en oeuvre du protocole d'évalution de crédibilité SVA dans le contexte
médico-légal francophone, Swiss archives of neurology and psychiatry, 164(3): 99 106,
2013, http://www.sanp.ch/docs/sanp/2013/03/fr/sanp-00151.pdf >, consulté le 10.07.2014;
Claudio Mascotto,
La vérité sort-elle de la bouche des enfants?, plaidoyer 4/2008 p. 56 ss, spéc. 58).
2.3.3.4
S'agissant de l'adaptation des questions posées durant l'audition à l'âge d'un
requérant d'asile mineur, certaines autorités nationales compétentes en matière
de migration ont émis les recommandations suivantes (cf. Directorate of Immigration Finland, Guidelines
for interviewing [separated] minors, 2002, p. 6 s.; US Citizenship and Immigration Services
[USCIS], Asylum Officer Basic Training: Guidelines for Children's Asylum Claims, 2009, p. 26 ss):
-
utiliser des phrases courtes et des mots simples,
-
éviter l'utilisation de termes juridiques, de métaphores ou d'expressions, ainsi que
la forme passive,
-
ne poser qu'une seule question à la fois,
-
formuler des questions ouvertes,
-
laisser cours au récit libre, puis poser des questions plus précises,
-
éviter de poser des séries de questions sans aucun lien entre elles et annoncer les changements
de thématique,
-
bannir les questions commençant par « pourquoi » (spécialement pour les
jeunes enfants) et celles appelant des hypothèses ou un raisonnement abstrait,
-
éviter les questions subjectives,
-
s'abstenir de mettre explicitement en doute les réponses reçues,
-
expliquer la répétition de questions portant sur les mêmes thèmes,
-
ne pas forcer un mineur à répondre à une question.
Il est également recommandé de demander au mineur interrogé
de définir lui-même les termes utilisés afin de vérifier quel sens il a voulu leur
donner. L'auditeur doit régulièrement reformuler les réponses pour vérifier
qu'il a bien compris les propos du mineur et poser plusieurs fois les questions liées à des
faits importants sous différents angles de vue, afin de contrôler les réponses reçues.
En ce qui concerne le rythme de l'audition, les lignes directrices précitées
mettent en lumière qu'un enfant aura parfois besoin d'un peu plus de temps qu'un adulte pour formuler
une réponse, d'où l'importance de respecter les silences durant l'audition. Une pause
est nécessaire au moins toutes les demi-heures.
2.3.4
Il ressort de la doctrine que de nombreux autres éléments sont à prendre en considération
lors de l'audition d'un mineur.
Ainsi, des facteurs d'ordre affectif peuvent influencer les déclarations
d'un jeune requérant d'asile: par crainte de ne pas être cru, il peut être amené
à modifier les faits dans le but de paraître plus crédible ou à censurer, voire
oublier certains événements traumatisants (cf. Pierre-André
Charvet, L'expertise de crédibilité, Jusletter
du 31 mars 2014, p. 3 n. marg. 11).
Sur le plan cognitif, plus un enfant est jeune, moins sa mémoire enregistrera
des détails et moins il aura les outils cognitifs nécessaires à une reconstruction logique
des événements. L'écoulement du temps entre les événements et le moment où
il doit les relater doit aussi être pris en compte. D'autre part, des études ont démontré
que le récit libre et les questions ouvertes donnaient lieu à des réponses plus longues,
plus détaillées et plus exactes que d'autres types de questions, dès lors qu'elles favoriseraient
le rappel de l'information enregistrée par la mémoire. L'auditeur doit également s'adapter
aux compétences de langage de l'enfant: selon les experts, il est rare qu'un enfant demande à
un adulte d'expliciter une question mal comprise, et encore plus rare qu'il fasse remarquer une erreur
de compréhension de la part de la personne qui l'interroge. Les mineurs sont enfin très sensibles
à la suggestibilité et auront tendance à mentir ou à adapter leur récit en fonction
des questions posées, en particulier s'il s'agit de questions fermées et suggestives, pour
donner la réponse qui, selon eux, est attendue (cf. Marie
Arnaud, L'audition de l'enfant victime d'abus sexuels: la
Suisse, bonne élève?, 2011, p. 10 ss et réf. cit.; Charvet,
op. cit., p. 4 n. marg. 13 s.).
2.4 3.1
(...)
3.2
Il y a donc lieu de vérifier si l'audition sur les motifs d'asile de l'intéressé
a été conduite de manière adéquate eu égard à son âge, à son
degré de maturité et aux principes mentionnés dans les considérants précédents.
3.2.1
De manière générale, la lecture du procès-verbal amène à la conclusion
que l'audition a été conduite de manière identique à celle d'un adulte.
3.2.2
En ce qui concerne le déroulement de cette audition, la phase introductive a été
très brève: l'auditrice a présenté les personnes présentes, puis fourni des
explications standardisées sur le but et le déroulement de l'audition, sans adapter son langage
ni vérifier que le recourant l'avait bien comprise. La décision de l'auditrice de ne donner
la parole au représentant légal qu'en fin d'audition, outre qu'elle ne comporte pas de réelle
justification, n'était pas de nature à créer d'emblée un climat de confiance.
L'auditrice a commencé par poser au recourant la question de savoir
s'il allait bien. Immédiatement après que celui-ci ait répondu qu'il souffrait de l'absence
de nouvelles de ses parents et qu'il était inquiet du sort de son père emmené par les
Talibans, l'auditrice a abordé la question des éventuels contacts avec sa famille en Afghanistan
et du contexte familial dans lequel il a vécu. Selon la déclaration du 9 avril 2014 de
son tuteur, ces questions ont d'emblée généré une forte émotion chez le jeune
recourant, ce qui ne figure pas expressément au procès-verbal, mais reste perceptible
à sa lecture; que cette première question ait submergé d'émotion le recourant
est compréhensible vu les circonstances de l'affaire. Le procès-verbal n'indique cependant
aucune réaction empathique de l'auditrice, qui aurait été appropriée à
cette situation pour tenter de diminuer la tension du recourant.
L'audition a été ponctuée d'une succession de 161 questions
et a duré, jusqu'à la signature du procès-verbal, trois heures et cinquante minutes décomposées
comme suit: deux heures et dix minutes entrecoupées d'une seule pause de quinze minutes avant le
repas de midi et une heure quarante sans interruption après ce repas. Cela donne une moyenne
d'un peu moins d'une minute et demie pour la réponse à chaque question, sans même tenir
compte du temps qui a été indispensable pour la retraduction phrase par phrase du procès-verbal
complet en fin d'audition; de cette moyenne, il faudrait encore retrancher le temps nécessaire à
la formulation de la question, sa traduction, puis celle de la réponse. Selon le tuteur, l'intéressé
a vécu cette audition comme une épreuve et était « lessivé »
à son retour. Cette appréciation est corroborée par les observations écrites
de son éducatrice, selon lesquelles le recourant est rentré au foyer éprouvé et épuisé,
s'est immédiatement couché, a pleuré avant de s'endormir et n'a pas eu d'appétit
durant les trois jours suivants. L'avalanche de questions, le temps très réduit à disposition
du recourant pour répondre à chacune d'entre elles, l'absence de pauses suffisantes, et l'absence
d'empathie de l'auditrice dans ses questions et remarques étaient tout à fait de nature à
provoquer chez le recourant les réactions décrites.
En outre, le tuteur a exposé dans sa déclaration précitée
que l'audition avait, en réalité, dû être interrompue après la question no 128,
relative à l'enlèvement du père du recourant, non pas pour la pause de midi (comme cela
ressort du procès-verbal), mais parce qu'à l'évocation de cet événement, celui-ci
s'est effondré, a pleuré et s'est révélé incapable de répondre. Selon lui,
l'intéressé a mis de longues minutes à se remettre et a même dû s'isoler dans
les toilettes pour se calmer. La mention de cette réaction ne figure pas comme telle au procès-verbal,
où il est uniquement indiqué: « le RA cache sa tête dans ses mains et ne parle
plus ». Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tuteur ou le représentant
de l'oeuvre d'entraide aient fait une remarque à ce sujet. A la reprise de l'audition, aucune
mention de cette réaction n'a été faite. L'auditrice a immédiatement enchaîné
avec une série de questions portant sur les faits concomitants à l'enlèvement du père
du recourant, sans se préoccuper de l'état psychosomatique de celui-ci ni s'intéresser
à ce qui a pu se passer durant la pause de midi.
Au vu de ce qui précède, il apparaît que l'audition n'a pas
été menée conformément aux règles de l'art, de manière adaptée à
l'âge et aux réactions du recourant: le langage utilisé n'était pas approprié
aux capacités de compréhension du mineur, que l'auditrice n'a d'ailleurs pas pris le
temps d'évaluer, admettant implicitement l'allégué du recourant selon lequel il avait
entre douze et treize ans. Le procès-verbal ne mentionne que marginalement et de manière
imprécise ses réactions émotionnelles et signes de communication non verbale (...),
qui sont pourtant d'une grande importance pour l'évaluation de la crédibilité du récit
d'un mineur. L'auditrice n'a pas fait preuve de suffisamment d'empathie et n'a pas porté d'attention
particulière aux sentiments de culpabilité vis-à-vis de ses parents et de désespoir
exprimés par le recourant. De plus, le rythme de l'audition et le manque de pauses ont manifestement
éprouvé l'intéressé. Enfin, l'enchaînement des thèmes abordés
était identique à celui d'une audition d'un adulte et ne respectait pas les différentes
phases préconisées par les spécialistes (en particulier l'étape de mise en
relation afin d'instaurer un climat de confiance, l'étape de discussion de la vérité,
l'étape de récit libre et l'étape de fin d'audition, censée permettre à l'adolescent
de retrouver un sentiment de sécurité). Dans ces conditions, il est possible, voire probable
que le jeune recourant n'ait pas bien compris les enjeux de l'audition, qu'il se soit senti obligé
de fournir une réponse à chaque question posée et qu'il n'ait pas pu s'exprimer de manière
exhaustive sur ses motifs d'asile.
3.2.3
S'agissant du type et de la formulation des questions posées, force est de constater qu'il
a été laissé trop peu de place au récit libre durant l'audition sur les motifs d'asile.
A l'exception de la question no 48,
toutes les questions portaient sur des points précis du vécu du recourant.
Une grande partie des questions posées étaient en outre des questions
fermées appelant une réponse commençant par oui ou non (« est-ce que ...
[détail] », « avez-vous vu/entendu ...? ») ou des questions portant
sur la situation dans l'espace et le temps d'un événement (« où ...? »,
« à quelle distance ...? », « quand ...? », « à
quelle date ...? », « combien de temps ... »). Sur ce dernier point,
il convient de relever que les difficultés du recourant à situer des événements dans
le temps n'ont aucunement été prises en compte, malgré le courrier du 27 janvier
2014 de sa mandataire, laquelle avait attiré l'attention de l'ODM sur l'incapacité de l'intéressé
à maîtriser le calendrier.
Beaucoup de questions posées étaient d'emblée suggestives
ou dépassaient la reformulation au point de le devenir, appelant à confirmer des hypothèses
ou des raisonnements abstraits (qui ont par la suite été reprochés au recourant
dans la décision attaquée); l'intéressé y a parfois eu de la peine à répondre
(voir, à titre illustratif, les questions portant sur ce qui était arrivé aux personnes
dénoncées et sur le lieu où elles pourraient être détenues [...]).
Plusieurs questions relatives à des événements que le recourant
n'a pas vécus directement, tels que la première visite des inconnus armés au domicile
familial (...), l'enlèvement de son père (...) ou le dépôt de la lettre de
menaces (...), lui ont également été posées. Il s'est ainsi vu contraint d'y
répondre en formulant des hypothèses ou en rapportant, sans pouvoir fournir de nombreux détails,
ce que des tiers lui en avaient dit. Cela lui a ensuite été reproché dans la décision
attaquée.
Dans la deuxième partie de l'audition, des séries de questions
sans aucun lien logique ou chronologique entre elles ont été posées au recourant. A noter
que la formulation longue et complexe des phrases aux questions no 146,
148 et 151 prêtait également à confusion, instillant le doute dans l'esprit de l'intéressé,
alors que ses propos n'étaient apparemment pas contradictoires, une fois remis dans leur contexte
et abstraction faite de malentendus réciproques liés à l'utilisation de certains mots
ambigus (utilisation du « nous » indéterminé; lettre « adressée »
à l'intéressé ou à tous les villageois) qui auraient dû amener l'auditrice à
des questions permettant au recourant d'éclaircir ses propos, dans la mesure où il en était
capable.
A aucun moment, l'auditrice n'a reformulé de manière objective
et empathique les déclarations de l'intéressé afin de vérifier qu'elles correspondaient
à ce qu'il avait voulu exprimer ou ne l'a invité à expliquer lui-même le sens des
termes utilisés. Elle n'a pas non plus attiré son attention sur le fait qu'il était en
droit de ne pas répondre à telle ou telle question s'il n'en connaissait pas la réponse
ou d'assortir sa réponse de réserves.
En définitive, il y a lieu de constater que, de manière prépondérante,
les questions posées ont empêché le récit libre et ont soumis le recourant à
un stress excessif et contre-productif. Ce n'est pas la durée de l'audition, qui aurait pu être
plus longue, qui est en cause, mais son déroulement à un rythme effréné, sans aucune
tentative d'établir un climat de confiance ni aucune articulation adaptée aux circonstances.
Le recourant n'a pas eu l'occasion de donner des réponses plus longues et détaillées,
en utilisant ses propres mots, ce qui aurait pourtant permis une meilleure appréciation de
la vraisemblance de son récit.
De plus, il n'a pas su résister à la suggestibilité de certaines
questions (ce qui ne permet guère, en l'état, d'apprécier correctement la vraisemblance
des réponses) ni osé dire spontanément qu'il ne connaissait pas certaines réponses.
Ses capacités relatives à raisonner abstraitement et à formuler des hypothèses ont
également influencé ses déclarations.
En conclusion, le type de questions posées et leur formulation n'étaient
pas appropriés à l'audition d'un mineur de l'âge de douze à treize ans.
3.3
Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que cette audition n'a pas été conduite
de manière adaptée au recourant, en particulier à ses capacités cognitives,
mnésiques et linguistiques, et que son procès-verbal ne permet donc pas de se faire une idée
claire et précise de la vraisemblance des préjudices subis ou craints.
Partant, il convient de faire procéder à une nouvelle audition
au sens de l'art. 29 LAsi du recourant. Le procès-verbal de l'audition du 5 mars 2014
ne pourra être ultérieurement utilisé, pour l'appréciation des faits, que de manière
retenue (qui prenne en compte les critiques qui précèdent) et en tenant compte des résultats
de cette nouvelle audition.
Vu ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner plus
en détail les griefs du recours relatifs au non-respect par l'ODM, dans la décision attaquée,
des exigences en matière d'appréciation de la vraisemblance (sous l'angle de l'art. 7
LAsi) des allégués d'un mineur de l'âge du recourant.