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Extrait de l'arrêt de la Cour V
dans la cause A. contre Office des migrations (ODM)
E 5688/2012 du 18 mars 2013

Révocation de l'asile. Motifs ayant trait à une mise en danger de la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse. Droit d'être entendu. Langue de la procédure. Rôle et compétences respectives de l'ODM et du Service de renseignement de la Confédération (SRC). Obligations de l'ODM d'établir les faits pertinents, de tenir le dossier de manière adéquate et d'exercer son pouvoir d'appréciation.

Art. 16 al. 2, art. 63 al. 2 et art. 78 al. 4 LAsi. Art. 26 28 et art. 33a PA. Art. 17 LMSI. Art. 22 OSRC.

1.      Notion de sécurité intérieure et extérieure de la Suisse (consid. 3.2).

2.      Révocation de l'asile: fardeau de la preuve (consid. 3.3) et proportionnalité de la mesure (consid. 3.4).

3.      Langue de la procédure (consid. 5).

4.      Droit d'être entendu: généralités (consid. 6.1); forme et portée du droit d'être entendu dans la procédure de révocation (consid. 6.2 6.3).

5.      Obligation de tenue adéquate du dossier et droit de la partie à le consulter (consid. 6.4).

6.      Rôle et compétences respectives du SRC et de l'ODM dans une procédure de révocation ayant trait à la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse (consid. 7).

7.      Exercice du pouvoir d'appréciation: l'ODM, compétent pour révoquer l'asile, ne peut s'appuyer exclusivement sur l'appréciation du SRC (consid. 8).

Asylwiderruf. Tatbestand der Gefährdung der inneren und äusseren Sicherheit der Schweiz. Rechtliches Gehör. Verfahrenssprache. Rolle und Zuständigkeiten des BFM und des Nachrichtendiensts des Bundes (NDB). Pflicht des BFM zur Feststellung des rechtserheb­lichen Sachverhalts, angemessene Aktenführung und Ermessens­ausübung.

Art. 16 Abs. 2, Art. 63 Abs. 2 und Art. 78 Abs. 4 AsylG. Art. 26 28 und Art. 33a VwVG. Art. 17 BWIS. Art. 22 V-NDB.

1.      Begriff der inneren und äusseren Sicherheit der Schweiz (E. 3.2).

2.      Asylwiderruf: Beweislast (E. 3.3) und Verhältnismässigkeit der Massnahme (E. 3.4).

3.      Verfahrenssprache (E. 5).

4.      Rechtliches Gehör: Allgemeines (E. 6.1); Form und Tragweite des Anspruchs auf rechtliches Gehör im Widerrufsverfahren (E. 6.2 6.3).

5.      Pflicht zur angemessenen Aktenführung und Einsichtsrecht der Partei (E. 6.4).

6.      Rolle und Zuständigkeiten des NDB und des BFM im Wider­rufsverfahren betreffend die innere und äussere Sicherheit der Schweiz (E. 7).

7.      Ausübung des Ermessens: Die Zuständigkeit für den Asylwider­ruf liegt beim BFM. Dieses kann sich deshalb nicht ausschliess­lich auf die Einschätzung des NDB abstützen (E. 8).

Revoca dell'asilo. Motivi attinenti alla messa in pericolo della sicurezza interna ed esterna della Svizzera. Diritto di essere sentito. Lingua della procedura. Ruolo e competenze rispettivi dell'UFM e del Servizio delle attività informative della Confederazione (SIC). Obblighi dell'UFM in materia di accertamento dei fatti, corretta gestione degli atti ed esercizio del potere di apprezzamento.

Art. 16 cpv. 2, art. 63 cpv. 2 e art. 78 cpv. 4 LAsi. Art. 26-28 e art. 33a PA. Art. 17 LMSI. Art. 22 O-SIC.

1.      Concetto di sicurezza interna ed esterna della Svizzera (consid. 3.2).

2.      Revoca dell'asilo: onere della prova (consid. 3.3) e proporziona­lità della misura (consid. 3.4).

3.      Lingua della procedura (consid. 5).

4.      Diritto di essere sentito: premesse (consid. 6.1); forma ed esten­sione del diritto di essere sentito nella procedura di revoca (consid. 6.2-6.3).

5.      Obbligo di un corretto elenco e del diritto di consultazione (consid. 6.4).

6.      Ruolo e competenze rispettivi dell'UFM e del SIC nell'ambito di una procedura di revoca per motivi attinenti alla sicurezza interna ed esterna della Svizzera (consid. 7).

7.      Esercizio del potere di apprezzamento: l'UFM quale autorità competente per la revoca dell'asilo, non può basarsi sul solo apprezzamento del SIC (consid. 8).

 

Le recourant s'est vu octroyer l'asile au titre du regroupement familial, par décision du 9 juillet 2003, alors qu'il était encore mineur.

Le 10 mai 2012, il se trouvait sur le territoire d'un pays étranger; il y a été arrêté par la police pour séjour illégal et a été accusé d'implication dans des activités terroristes. Informés, les services de l'Office fédéral de la police (fedpol) ont aussitôt entrepris d'examiner, en collaboration avec le Service de renseignement de la Confédération (SRC) et le Département des affaires étrangères (DFAE), l'opportunité de prononcer une interdiction d'entrée en Suisse à son encontre. Fedpol s'est adressé à l'Ambassade de Suisse dans le pays où le recourant était détenu et lui a envoyé un questionnaire afin de faire procéder à l'audition de celui-ci.

Par acte du 21 juin 2012, rédigé en allemand, le SRC a requis de l'ODM la révocation de l'asile et du statut de réfugié accordés au recourant. Le SRC rapportait disposer d'informations fiables reposant sur des sources tant « publiques » que de « services de renseignement » permettant d'affirmer que le recourant s'était rendu dans une région djihadiste, en tant que combattant volontaire. Il représentait de ce fait, pour le SRC, un danger considérable pour la sécurité extérieure et intérieure de la Suisse. Les déclarations de l'intéressé, qui niait les faits, auraient été contra­dictoires et non conformes aux renseignements recueillis sur son compte.

Par écrit daté également du 21 juin 2012, et comprenant le même argumentaire que celui figurant dans sa requête du même jour à l'ODM, le SRC a requis de fedpol le prononcé contre l'intéressé d'une interdiction d'entrée en Suisse de durée illimitée, à partir du moment où l'ODM aurait révoqué le statut de réfugié et l'asile.

Par décision du 29 juin 2012, fedpol a prononcé une interdiction temporaire d'entrée en Suisse à l'encontre du recourant, valable jusqu'au 29 décembre 2012 et a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours.

Le 2 juillet 2012, le défenseur du recourant a demandé à l'ODM sa désignation comme avocat d'office pour la procédure devant cet office. Par courrier du 10 juillet 2012, rédigé en allemand, l'ODM lui a communiqué une copie caviardée de la requête du SRC, du 21 juin 2012, et lui a fait savoir que, sur la base des pièces au dossier et de l'argumentation fondée du SRC, il estimait que les conditions de la révocation de l'asile étaient remplies et l'a invité à se déterminer.

Par décision incidente du 31 juillet 2012, l'ODM a admis la demande d'assistance judiciaire du recourant et nommé son défenseur comme avocat d'office.

Par la suite de la procédure, les défenseurs successifs du recourant ont vainement requis de l'ODM la consultation de l'intégralité de son dossier. Ils ont également demandé, en vain, que la procédure soit poursuivie en langue française, langue officielle que le recourant disait connaître et utiliser dans les rapports avec ses avocats.

Le recourant a enfin demandé à l'ODM de suspendre la procédure jusqu'à ce qu'il soit de retour en Suisse. Il soutenait ne pouvoir s'exprimer librement tant qu'il se trouvait détenu à l'étranger. Pour le reste, il a fait valoir que les soupçons du SRC manquaient totalement de substance, a affirmé se distancier du terrorisme et formellement contesté toute participation quelconque à une action militaire.

Par décision du 27 septembre 2012, l'ODM a rejeté la demande de l'intéressé, tendant à la suspension de la procédure jusqu'à son retour en Suisse, et a révoqué l'asile qui lui avait été octroyé. Il a en substance retenu que, sur la base des informations détaillées et de l'argumentation convaincante du SRC, il existait des raisons importantes de penser qu'il constituait un danger pour la sécurité de la Suisse. Il a précisé que cette décision ne portait ni sur la qualité de réfugié du recourant (qui lui demeurait par conséquent acquise) ni sur le prononcé ou la levée d'une interdiction d'entrée.

Par acte du 31 octobre 2012, le recourant a déposé un recours contre cette décision en concluant principalement à son annulation.

Selon la copie du dossier du Service des recours du DFJP, transmise au Tribunal à sa demande, un recours a été déposé le 12 juillet 2012 contre la décision de fedpol du 29 juin 2012. Le 21 décembre 2012, fedpol a prononcé une interdiction d'entrée en Suisse de durée indéterminée à l'encontre de l'intéressé.

L'ODM a proposé le rejet du recours contre la décision de révocation de l'asile.

Le Tribunal a admis le recours et renvoyé l'affaire à l'ODM pour in­struction complémentaire et nouvelle décision.

Extrait des considérants:

3.                    

3.1                L'office révoque l'asile si le réfugié a porté atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse, s'il la compromet ou s'il a commis des actes délictueux particulièrement répréhensibles (art. 63 al. 2 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 [LAsi, RS 142.31]).

3.2                Les notions de sécurité intérieure et de sécurité extérieure de la Suisse, au sens de l'art. 63 al. 2 LAsi (révocation de l'asile) correspondent à celles de sûreté intérieure et extérieure figurant à l'art. 53 LAsi (refus de l'asile pour indignité); en effet, le texte allemand (« Sicherheit ») est identique s'agissant de ces deux dispositions légales. Il s'agit de notions juridiques indéterminées que l'on retrouve dans de nombreuses dis­positions de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr, RS 142.20) (cf. notamment art. 67 al. 4 et art. 68 al. 1 concernant l'inter­diction d'entrée, respectivement l'expulsion prononcées par fedpol) ainsi que dans d'autres lois fédérales. Dans la mesure où aujourd'hui la sécurité intérieure a acquis une dimension internationale marquée, il devient toujours plus difficile de délimiter de manière rigoureuse ces deux formes de sécurité (cf. Rapport du Conseil fédéral du 2 mars 2012 donnant suite au postulat Malama 10.3045 du 3 mars 2010. Sécurité intérieure. Clarification des compétences, FF 2012 4161 ss, spéc. 4179).

La pratique du Conseil fédéral relative à l'art. 121 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101 [art. 70 Cst. de 1874, RS 1 3]) a décrit ce qu'il fallait entendre sous le vocable de mise en danger de la sécurité de l'Etat. Il faut y voir notam­ment la mise en danger de la prééminence du pouvoir de l'Etat dans les domaines militaire et politique. Il s'agit par exemple de la mise en danger par des actes de terrorisme ou d'extrémisme violent, par une activité de renseignements interdits, par la criminalité organisée ou par des actes et projets mettant sérieusement en danger les relations actuelles de la Suisse avec d'autres Etats ou cherchant à modifier par la violence l'ordre étatique établi (cf. Message du 4 décembre 1995 concernant la révision totale de la loi sur l'asile ainsi que la modification de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers, FF 1996 II 1 ss, spéc. 71 s.; Message du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, spéc. 3569).

3.3                En application des principes généraux relatifs au fardeau de la preuve, l'autorité qui entend révoquer l'asile, voire retirer la qualité de réfugié (ou encore appliquer une clause d'exclusion de l'asile ou de la qualité de réfugié) a la charge de la preuve des faits pertinents (Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2006 no 29 consid. 4.1 et 4.3). Tel est le cas en ce qui concerne l'application de l'art. 63 al. 2 LAsi. Il en va ainsi même lorsqu'il s'agit d'actes commis à l'étranger (cf. ATAF 2011/10 consid. 6 p. 131 s. et réf. cit.). L'ODM n'est toutefois pas tenu, s'agissant de la mise en danger de la sécurité intérieure et extérieure, d'en apporter la preuve formelle. En particulier, il n'a pas à prouver la commission d'un délit comme doit le faire l'accusation dans un procès pénal. Il faut néanmoins qu'il établisse une suspicion substantielle, fondée sur un faisceau d'indices concrets; de simples suppositions (« Mutmassungen ») ne suffisent pas (cf. JICRA 2006 no 29 consid. 4.2 et 4.4, JICRA 1999 no 12 consid. 5b).

3.4                Enfin, comme pour toute autre mesure, l'ODM doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui implique une pesée des intérêts en présence, laquelle se pose toutefois en matière de révocation de l'asile en des termes différents de ceux prévalant en matière d'éloignement d'étrangers, dès lors que la personne concernée demeure réfugiée et peut continuer à se prévaloir de ses droits tirés de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (RS 0.142.30) (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E 3403/2007 du 5 mars 2011).

4.                    

4.1                Le recourant fait valoir que l'ODM a violé son droit d'être entendu de diverses manières. Il se plaint d'une violation des règles sur la langue de la procédure, de n'avoir pas eu accès complet au dossier de l'ODM et de n'avoir pas fait l'objet d'une audition en bonne et due forme. Il reproche également à l'ODM d'avoir violé la maxime inquisitoire, ainsi que les règles relatives à la preuve des faits pertinents.

4.2                Le Tribunal examinera tout d'abord le grief du recourant portant sur la langue de la procédure (consid. 5), puis les griefs de la violation du droit d'être entendu, particulièrement ceux ayant trait au défaut d'audition au sens de l'art. 29 LAsi (consid. 6.2 et 6.3) et à l'accès au dossier de l'ODM (consid. 6.4). Il s'attachera ensuite à la question relative au rôle et aux compétences respectives du SRC et de l'ODM (consid. 7) en relation avec l'établissement des faits pertinents (consid. 8).

5.                    

5.1                Le recourant fait grief à l'ODM d'avoir violé son droit d'être entendu en ayant refusé, dès son début, de mener en langue française la procédure de révocation, malgré ses requêtes réitérées à cette fin. Il soutient que l'insistance de l'ODM à mener l'affaire en allemand n'avait d'autre but que de le limiter arbitrairement dans sa défense et dans l'exercice de ses droits.

5.2                Les règles relatives à la langue de la procédure ne constituent pas une composante du droit d'être entendu. La jurisprudence de la Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA) les a rattachées au droit constitutionnel à une procédure équitable (cf. art. 29 al. 1 Cst.; JICRA 2004 no 29 consid. 6).

5.3                Selon l'art. 33a al. 1 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021), la procédure est conduite dans l'une des quatre langues officielles; en général, il s'agit de celle dans laquelle les parties ont déposé ou déposeraient leurs conclusions.

L'art. 16 al. 2 LAsi (auquel se réfère l'ODM), disposition spéciale prévalant sur la règle de l'art. 33a PA, prescrit que la procédure devant l'ODM est en principe conduite dans la langue officielle dans laquelle l'audition cantonale a eu lieu ou dans la langue officielle du lieu de résidence du requérant.

L'art. 4 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1, RS 142.311) prévoit que l'ODM peut exceptionnel­lement déroger à la règle de l'art. 16 al. 2 LAsi lorsque le requérant ou son mandataire maîtrise une autre langue officielle (let. a) ou lorsqu'une telle mesure s'avère provisoirement nécessaire pour traiter les demandes d'asile de façon particulièrement efficace et rapide en raison du nombre des requêtes ou de la situation sur le plan du personnel (let. b) ou encore lorsque, conformément à l'art. 29 al. 4 LAsi, le requérant est directement entendu sur ses motifs au centre d'enregistrement et attribué à un canton où une autre langue officielle est parlée (let. c).

5.3.1           La règle de base de l'art. 16 al. 2 LAsi s'appuie sur le principe de territorialité, consacré à l'art. 70 al. 2 Cst. Ce qui est déterminant, c'est le lieu de résidence de l'intéressé (cf. JICRA 2004 no 29 consid. 7). Ainsi, lorsque le requérant n'est pas attribué à un canton ou qu'il l'est fictivement, mais que l'intégralité de la procédure est menée dans un centre d'enregistrement et de procédure ou à l'aéroport, ce sera la langue de l'audition qui prévaudra (qui correspond aussi à celle du lieu de résidence temporaire). La langue de l'audition « cantonale » n'a plus guère d'incidence depuis que le législateur a transféré la compétence principale de mener les auditions sur les motifs d'asile de l'autorité cantonale à l'ODM (le canton ne gardant qu'une compétence résiduelle, cf. art. 29 al. 4 LAsi) sans qu'il n'ait toutefois rien changé à l'art. 16 al. 2 LAsi (cf. LAsi, modification du 16 décembre 2005, RO 2006 4745). Il convient en conséquence d'appliquer la règle de territorialité, à savoir que la décision doit en principe intervenir dans la langue du lieu de résidence de l'intéressé.

5.3.2           Selon l'art. 4 let. a OA 1, une exception est possible lorsque le requérant ou son mandataire maîtrise une autre langue officielle. Cette disposition est la concrétisation de l'opinion défendue, à l'époque, par une forte minorité parlementaire, d'ancrer la possibilité, pour l'ODM, de déterminer la langue de la procédure suivant la langue officielle suisse parlée en particulier par le requérant d'asile. Le but était ainsi de garantir dans un mode optimal au requérant qui connaît une langue officielle suisse la compréhension des actes de la procédure et une participation personnelle active, avec les informations nécessaires. Il s'agit ainsi d'une concrétisation du droit à la défense personnelle (JICRA 2004 no 29 consid. 10). Cette disposition ne doit par conséquent pas être interprétée à l'envers de son but, dans le sens qu'elle permettrait de faire une exception en faveur d'une langue officielle qui n'est pas celle parlée par le requérant ou son mandataire, mais que celui-ci connaît plus ou moins bien pour l'avoir apprise.

5.3.3           Selon la jurisprudence, l'ODM peut exceptionnellement rendre une décision en application de l'art. 4 let. b ou c OA 1 à la condition de prendre des mesures correctives adéquates (par exemple une traduction orale) pour garantir le droit au recours effectif et au procès équitable. Si l'ODM n'a ni pris de mesure adéquate ni remédié à cette lacune au stade du recours, la cassation de sa décision devra obligatoirement être pro­noncée dans le cas où le recourant n'est représenté ni devant l'ODM ni en procédure de recours par un mandataire professionnel et qu'il ressort du recours qu'il n'a pas compris de manière suffisante la décision attaquée (JICRA 2004 no 29 consid. 11 ss). Ce n'est que lorsque l'une des deux dernières conditions alternatives (let. b ou c) de l'ordonnance est remplie que l'on peut, s'agissant de l'appréciation des mesures correc­tives, tenir compte de l'assistance représentée par la présence d'un mandataire.

5.4                En l'occurrence, l'ODM a initié la procédure de révocation en langue allemande.

Le recourant s'est immédiatement adressé à cet office pour lui demander de poursuivre la procédure en langue française, puisqu'il s'agissait de la langue officielle qu'il comprenait le mieux et de celle dans laquelle il s'entretenait avec son avocat.

Par décision incidente du 31 juillet 2012, l'ODM a rejeté sa requête au motif que l'audition (de ses parents, en 2000) avait en l'occurrence eu lieu en allemand, devant l'autorité compétente du canton de Berne, que l'intéressé était domicilié à Z., qui est selon la constitution cantonale une commune bilingue et qu'enfin il était - à l'époque - représenté par un avocat maîtrisant l'allemand (art. 4 let. a OA 1). Il a donc estimé que l'allemand était la langue à utiliser pour la procédure, en application de l'art. 16 al. 2 LAsi. Il a, au surplus, invoqué l'exception prévue à l'art. 4 let. b OA 1: il a exposé que ses collaborateurs en charge du dossier depuis le début de la procédure étaient de langue allemande et qu'un transfert du dossier à des collaborateurs francophones serait contraire au principe d'efficacité de la procédure. Dans la suite de l'instruction, il a encore relevé que le recourant avait obtenu l'assistance judiciaire totale et qu'ainsi les mesures correctives prévues par la jurisprudence en cas de dérogation à la règle de la langue étaient, en tout cas, respectées.

Cette décision incidente ne pouvant être contestée que dans le cadre d'un recours contre la décision finale (cf. art. 107 al. 1 LAsi), il s'impose d'en examiner ici et d'emblée la validité.

5.5                De l'avis du Tribunal, l'argument tiré par l'ODM de la langue de l'audition des parents du recourant - vu son âge, celui-ci n'avait, à l'époque, pas été entendu personnellement - est manifestement infondé. En effet, la procédure d'octroi de l'asile des parents est distincte de la présente procédure de révocation d'asile concernant exclusivement l'intéressé.

5.6                Selon la jurisprudence (cf. JICRA 2005 no 22), lorsqu'un requérant est attribué à un canton bilingue, la langue officielle de la pro­cédure au sens de l'art. 16 al. 2 LAsi est celle que désigne la législation cantonale applicable pour le lieu de résidence de l'intéressé. En l'occurrence, le recourant était, avant sa disparition, domicilié à Z. Conformément à l'art. 24 du Code civil du 10 décembre 1907 (CC, RS 210), il a conservé ce domicile dès lors qu'il n'en a pas acquis un nouveau; on ne saurait pas non plus admettre que son lieu de détention actuel à l'étranger puisse être assimilé à un lieu de résidence au sens de l'art. 16 LAsi. La commune de Z. a la particularité d'être, selon la consti­tution cantonale, une commune bilingue (français et allemand). En pareil cas, il sied d'interpréter l'art. 16 al. 2 LAsi et la jurisprudence relative à l'art. 4 OA 1 dans un sens conforme à la règle générale de l'art. 33a al. 1 PA, dont l'application nécessite la prise en compte de toutes les cir­constances, en particulier des intérêts en présence, du droit à une procédure équitable (« fairness ») et de celui de l'égalité des armes qui en constitue un aspect (cf. Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamen­taux, 2ème éd., Berne 2006, no 1394 p. 630), droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. et applicables en procédure administrative (cf. ATF 133 I 1 consid. 5.3, ATF 131 I 272 consid. 3.2.1; André Moser/Michael Beusch/Lorenz Kneubühler, Prozessieren vor dem Bundesverwal­tungsgericht, Bâle 2008, no 2.223 p. 99).

5.6.1           En l'occurrence, le recourant n'est pas de langue maternelle française. Toutefois, il séjourne en Suisse depuis l'âge de (...) ans et il a suivi, depuis le déménagement de ses parents à Z., sa scolarité dans cette langue. Il s'adresse à ses avocats en français. Il ressort du dossier que ses parents également correspondaient en français avec l'ODM, dans leurs derniers échanges. La décision sur leur demande d'asile a été prise en français. Même si on peut supposer que le recourant, qui a semble-t-il effectué quelques mois de scolarité en allemand et appris cette langue comme première langue étrangère, la connaît également un peu, on ne saurait admettre que l'adoption de la langue allemande soit en faveur d'une défense adéquate de ses intérêts. En conclusion, la procédure aurait dû, en application de l'art. 16 al. 2 LAsi, être en principe conduite en langue française, qui est la langue officielle suisse qu'utilise usuellement le recourant. On ne saurait à cet égard comparer sa situation avec celle, par exemple, d'un requérant d'asile, entré depuis peu en Suisse, ne dominant aucune des deux langues officielles de l'endroit où il habite, cas dans lequel l'ODM pourrait choisir indistinctement de mener la procédure dans l'une ou l'autre langue. Cette interprétation est également conforme à l'art. 6 de la loi fédérale du 5 octobre 2007 sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques (loi sur les langues [LLC, RS 441.1]) qui consacre le principe que chacun puisse s'adresser à l'administration dans la langue officielle de son choix et que celle-ci lui réponde dans cette langue.

5.6.2           Il reste à examiner si l'une des exceptions de l'art. 4 OA 1 est réalisée en l'espèce. Il sied à cet égard de rappeler que, selon la juris­prudence, une exception à la règle de l'art. 16 al. 2 LAsi n'est possible que lorsque les conditions posées par l'art. 4 OA 1 et la jurisprudence sont remplies et que l'autorité de première instance a dûment justifié cette exception dans le cas d'espèce. Dans les autres cas, la décision présente un vice conduisant à la cassation de la décision (cf. consid. 5.3.2 et 5.3.3; ATAF 2009/56 et réf. cit.).

5.6.3           L'ODM s'est appuyé sur l'art. 4 let. b OA 1 précité.

Cette disposition permet à l'ODM de déroger à la règle de la territorialité de la langue dans un but d'efficacité des procédures, notamment en cas de surcharge provisoire de l'office. Selon la jurisprudence, ce principe de célérité de la procédure ne doit toutefois pas avoir pour effet de limiter les droits fondamentaux garantis par la Constitution, en particulier l'inter­diction de la discrimination (art. 8 al. 2 Cst.) et de l'arbitraire (art. 9 Cst.), le droit à un procès équitable (art. 29 al. 1 Cst.) et le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). L'autorité doit avoir pour but non seulement l'effica­cité de la procédure, mais également l'intérêt de l'administré à pouvoir participer activement à la procédure et à l'instruction. Cette exception n'est admissible que pour faire face à des situations provisoires de nature exceptionnelle, qui ne peuvent pas être résolues dans un laps de temps relativement bref. Elle ne devrait pas être appliquée de manière durable, par pure commodité de l'ODM, par exemple sous prétexte de spécialisa­tion de certains collaborateurs (cf. JICRA 2004 no 29 consid. 12).

Dans ces conditions, l'ODM n'était pas autorisé, en l'espèce, à choisir l'allemand au motif qu'il s'agissait de la langue des collaborateurs aux­quels le dossier avait été précédemment confié et que toute modification de la langue de procédure entraînerait une surcharge de travail.

5.6.4           Lorsque les conditions fixées à l'art. 4 let. b ou c OA 1 sont remplies, la jurisprudence exige en sus, en vertu d'une interprétation conforme au principe de la proportionnalité (cf. art. 36 al. 3 Cst.), l'adoption de mesures correctives comme la nomination d'un mandataire d'office ou, pour les procédures dans les aéroports, la traduction verbale de la décision concernée dans une langue connue du requérant (cf. JICRA 2004 no 29 consid. 11.2). Ces mesures doivent être adéquates pour garantir le droit du requérant à un procès équitable, en particulier à un recours effectif (art. 13 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [CEDH, RS 0.101]).

En l'occurrence, l'ODM soutient qu'il a adopté une telle mesure correc­tive en mettant le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire totale. Cet argument ne saurait cependant justifier l'application de l'exception de l'art. 4 let. b OA 1 pour un cas non prévu par cette disposition telle qu'interprétée par la jurisprudence (cf. consid. 5.2.3 et 5.6.3).

5.7                En définitive, il appert que le choix de la langue allemande, et la persistance de l'ODM à mener la procédure dans cette langue, a effec­tivement violé une règle essentielle de procédure. Cela dit, les défenseurs successifs du recourant, outre qu'ils possédaient à l'évidence certaines connaissances linguistiques quasi indispensables dans l'exercice de leur profession, ont manifestement compris les diverses correspon­dances qui leur ont été adressées. Ceux qui étaient désignés comme avocats d'office ont également eu la possibilité de faire traduire les actes de procédure, le cas échéant en portant sur leurs décomptes de prestations les frais liés à la traduction. La pièce essentielle de la procé­dure, à savoir le rapport du SRC du 21 juin 2012 comprenant l'état de fait pertinent, a d'ailleurs fait l'objet d'une traduction en français dans la procédure parallèle de recours au DFJP, pièce qui a été communiquée au recourant (...). Le mandataire qui a déposé le recours a manifestement compris la décision entreprise et n'a pas demandé à l'autorité de recours, en les citant nommément, une traduction de pièces spécifiques en allemand. Une cassation au seul motif que les règles liées à la langue de la procédure n'ont pas été respectées ne se justifie pas, dès lors que le préjudice encouru par le recourant n'est paradoxalement que virtuel (cf. JICRA 2004 no 29 consid. 14 p. 199 ss), en raison même du caractère fondé de la plupart de ses autres griefs formels.

5.8                Vu ce qui précède, la question de savoir si l'art. 16 al. 2 LAsi  qui littéralement s'applique aux « requérants » d'asile et à l'instruction de leurs « demandes » (cf. art. 7 al. 1 LAsi et art. 4 OA 1) - est égale­ment applicable par analogie à un réfugié reconnu, dans le cadre d'une procédure ultérieure de révocation, ou si, dans un tel cas, c'est à nouveau la règle générale de l'art. 33a PA qui prévaut, peut demeurer indécise, dès lors que l'application exclusive de l'une ou de l'autre règle pouvant entrer en considération conduit au même résultat.

5.9                Dès lors que l'ODM aurait dû, en application des principes dé­veloppés ci-dessus, mener la procédure de première instance en français, il n'y a pas lieu en l'occurrence d'appliquer la règle de l'art. 33a al. 2 PA de manière littérale et stricte, mais au contraire en tenant compte de l'erreur commise dans le cadre de la procédure devant l'autorité in­férieure. C'est pourquoi le juge instructeur a informé le recourant, dans sa décision incidente du 14 novembre 2012, que la procédure de recours serait menée dans la langue du recours.

6.                    

6.1                A ce stade du raisonnement, il convient d'examiner les griefs du recourant relatifs à la violation du droit d'être entendu.

6.1.1           Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique. Il en va du respect de la dignité humaine (ATAF 2011/22 consid. 4 p. 459 ss).

Ce droit comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée d'être informée et de s'exprimer sur les éléments pertinents, avant qu'une décision ne soit prise touchant à sa situation juridique, le droit de consulter le dossier, le droit de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui de participer à l'admini­stration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 137 II 266 consid. 3.2 p. 270, ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293, ATF 133 I 270 consid. 3.1 p. 277). En tant que droit de partici­pa­tion, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494, ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 504 s.). L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b p. 274, ATF 105 Ia 193 consid. 2b/cc p. 197).

6.1.2           Il n'est pas sans intérêt de relever ici que, selon le Tribunal fédéral, le droit d'être entendu, expressément mentionné à l'art. 29 al. 2 Cst., constitue un aspect important de la garantie d'un procès équitable ancrée à l'art. 29 al. 1 Cst., respectivement à l'art. 6 par. 1 CEDH. Ainsi, pour interpréter l'art. 29 al. 2 Cst., il convient de tenir compte de la jurisprudence que la Cour européenne des Droits de l'Homme (Cour EDH) a développée à propos de la garantie du « fair trial » inscrite à l'art. 6 par. 1 CEDH, et cela même dans les procédures administratives qui n'entreraient pas dans le champ d'application de cette disposition. Car, pour le Tribunal fédéral, il n'y a pas de raison de concevoir un droit d'être entendu plus restrictif dans ces procédures que dans celles qui tombent sous la protection de l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 133 I 100 consid. 4.5 et 4.6 p. 104 s.).

6.1.3           Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. est de nature formelle, de sorte que sa violation entraîne, si elle est particulièrement grave, l'annulation de la décision attaquée, indépendamment de l'incidence de cette violation sur le fond (cf. ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 438; Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., no 1346 p. 615). Pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière, elle peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, la réparation de la violation du droit d'être entendu doit rester l'exception et n'est admissible que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée, qui n'est pas parti­culièrement grave; dans ce cas, un renvoi de la cause à l'autorité in­fé­rieure représenterait une vaine formalité et conduirait à des retards inutiles qui ne seraient pas conciliables avec l'intérêt (équivalant à celui d'être entendu) de la partie concernée à un examen diligent du cas. Si par contre l'atteinte est importante, il n'est pas possible de remédier à la violation (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1 p. 285, ATF 133 I 201 consid. 2.2 p. 205, ATF 132 V 387 consid. 5.1 p. 390).

6.2                Le recourant se prévaut de l'art. 78 al. 4 LAsi, lequel dispose que, lorsqu'il est prévu de révoquer la protection provisoire, une audition a lieu en application des art. 29 et 30 LAsi. Le recourant soutient que l'ODM aurait dû appliquer cette disposition-là par analogie et, en conséquence, procéder, avant la révocation de l'asile, à une audition en application des art. 29 et 30 LAsi.

6.2.1           Cette argumentation ne saurait être suivie. En effet, il n'existe aucun motif d'appliquer par analogie cette disposition, laquelle concerne la révocation de la protection provisoire, accordée en vertu des art. 66 ss LAsi. L'octroi de la protection provisoire n'est pas soumis à la même procédure que celle prévue aux art. 26 ss LAsi concernant l'octroi de l'asile. En particulier, il n'exige pas obligatoirement une audition au sens des art. 29 et 30 LAsi. C'est justement parce que, dans la plupart des cas, aucune audition personnelle n'a eu lieu lors de l'octroi de la protection provisoire qu'il s'impose, si cette dernière est révoquée, de procéder à une audition personnelle de l'intéressé. Dans les cas où l'audition sur les motifs d'asile a déjà eu lieu et où la procédure d'asile a ensuite été suspendue en raison de la protection provisoire, il suffit, en revanche, d'accorder à l'intéressé le droit d'être entendu avant la révocation de la protection provisoire (cf. Message du 4 décembre 1995 concernant la révision totale de la loi sur l'asile précité, FF 1996 II 85).

6.2.2           Pour le cas de révocation de l'asile, le législateur n'a pas prévu la nécessité d'une audition de l'intéressé au sens des art. 29 et 30 LAsi, celle-ci ayant, par définition, déjà eu lieu. En application du principe constitutionnel du droit d'être entendu, l'intéressé doit en revanche avoir la possibilité de s'exprimer avant que la décision soit prise. Une détermination écrite peut suffire à cet égard.

6.2.3           En l'occurrence, le recourant a été appelé à se déterminer avant la révocation de l'asile. Il ne saurait se plaindre de l'absence d'une audition au sens des art. 29 et 30 LAsi.

Le fait que, dans le cas particulier, aucune audition personnelle du re­courant n'a eu lieu dans le cadre de la procédure d'asile, parce qu'il n'était alors âgé que de (...) ans et qu'il ne ressortait aucunement de l'audition de ses parents qu'il avait été personnellement victime d'une persécution, n'est pas déterminant. En effet, la procédure de révocation ne vise pas sa qualité de réfugié, mais uniquement l'asile qui lui a été octroyé à titre dérivé (au sens de l'art. 51 LAsi) ensuite de la reconnaissance de la qualité de réfugié à son père. Il est clair qu'avant son départ de son pays d'origine, intervenu il y a plus de douze ans, le recourant n'était pas personnellement persécuté au sens de l'art. 3 LAsi. Il ne ressort pas du dossier que le recourant puisse aujourd'hui se prévaloir de motifs personnels d'asile; en tout état de cause, ceux-ci ne pourraient se référer qu'à des actes postérieurs à son départ de son pays d'origine, et entreraient, par définition, dans les critères fixés par l'art. 54 LAsi excluant d'emblée l'asile pour des motifs subjectifs survenus après le départ du pays d'origine.

6.3                Comme mentionné plus haut (consid. 6.1), le droit d'être entendu confère à l'intéressé, pour le moins, le droit de s'exprimer avant qu'une décision soit prise.

6.3.1           En règle générale, dans le cadre d'une procédure administrative (telle que la présente), la personne concernée ne doit pas nécessairement être entendue oralement. Le droit constitutionnel ne lui confère pas le droit d'être entendu dans la forme qu'elle souhaite. Seul lui est garanti, sauf disposition légale spéciale, le droit à ce que l'occasion de s'exprimer lui soit donnée, directement ou par l'intermédiaire de son mandataire, sur les éléments déterminants. Pour vérifier si ce droit a été respecté, il y a lieu d'examiner, de manière globale, les contacts qui ont eu lieu entre l'autorité et l'administré afin de pouvoir apprécier si, dans le cas concret, les occasions de s'exprimer ont été suffisantes, appropriées et propor­tionnées aux nécessités de la cause. En fonction des circonstances du cas d'espèce, il se peut qu'une détermination écrite ne se révèle pas suffisante au regard des exigences tirées de la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu; à l'inverse, une audition peut être susceptible de ne pas permettre à la personne concernée de prendre position de manière aussi approfondie que le nécessiterait la complexité de l'état de fait (Michele Albertini, Der verfassungsmässige Anspruch auf rechtliches Gehör im Verwaltungsverfahren des modernen Staates, Berne 2000, p. 336 ss).

En l'absence d'une disposition spécifique, dans la loi sur l'asile, sur la forme du respect du droit d'être entendu en cas de révocation de l'asile, ce sont les règles générales prévalant en la matière qui sont applicables.

6.3.2           Le cas d'espèce présente à cet égard des caractéristiques parti­culières. Le recourant était en effet détenu à l'étranger lorsque l'ODM a ouvert contre lui la procédure de révocation. L'invitation à s'exprimer sur une éventuelle révocation a ainsi été adressée à son mandataire en Suisse, le 10 juillet 2012.

6.3.3           Dans le courrier du 20 août 2012 et, de manière constante, dans les écritures postérieures, chaque mandataire a d'emblée mis en avant le fait que son client se serait trouvé et se trouverait toujours empêché de s'exprimer librement tant qu'il séjournerait sur territoire (...[du pays X.]), eu égard aux conséquences possibles de ses déclarations par rapport aux autorités (...[de ce pays]). Dans le recours, le mandataire précédemment en charge de l'affaire précise que le recourant aurait été, à plusieurs reprises, sollicité de parler, par divers intervenants, sous la menace et le traumatisme de conditions de détention alarmantes.

6.3.4           L'ODM soutient dans sa décision qu'on ne voit pas pourquoi le recourant n'aurait pas pu s'exprimer librement, dans le cadre d'un entretien avec les seuls ambassadeur et employé suisse de la représen­tation diplomatique de Suisse. Dans sa réponse, l'ODM ne prend pas spécifiquement position sur les arguments du recourant.

6.3.5           Comme dit plus haut, savoir si la manière dont le recourant a pu s'exprimer, lui-même ou par l'intermédiaire de son mandataire, est suffisante au regard de la garantie du droit d'être entendu est une question à apprécier à la lumière des circonstances de fait du cas concret. Pour cela, il s'impose de connaître en particulier le contenu de l'entretien - ou des entretiens - avec l'ambassadeur ou d'autres collaborateurs, le cas échéant, de savoir qui étaient précisément ces collaborateurs présents, de connaître en outre de manière complète les conditions et circonstances dans lesquelles l'entretien s'est déroulé et de déterminer également si le mandataire du recourant a pu communiquer à satisfaction avec son client, étant toutefois précisé que, sur ce dernier point, le recourant a également l'obligation de collaborer par l'entremise de son mandataire.

6.3.6           En l'état du dossier, à défaut des informations précitées, le Tribunal n'est pas en mesure de se prononcer sur la question de savoir si le recourant a été entendu par un représentant de l'ambassade de Suisse sur place, en vue d'une éventuelle révocation de l'asile, de manière conforme aux exigences d'un procès équitable, sur les griefs du SRC que l'ODM a fait siens. Comme cela ressort des considérants suivants, le dossier n'est pas documenté sur ce point.

6.4                Le recourant soutient que l'ODM a, tout au long de la procédure, fait obstacle à la consultation de son dossier. Il fait valoir que le dossier qui lui a été transmis dans le cadre de la procédure d'interdiction d'entrée prononcée par fedpol ne contenait, pour l'essentiel, que des coupures de presse et que le dossier qui lui a finalement été transmis par l'ODM, dans le cadre de la présente affaire, ne contenait pratiquement que des pièces issues du dossier d'asile de ses parents. Il allègue que ces limitations d'accès au dossier n'ont aucun fondement et qu'il a pu, au cours de la procédure, prouver, pièces à l'appui, qu'il n'avait eu accès que par la lecture de la presse à des informations importantes qui ne lui avaient pas été communiquées par les autorités.

6.4.1           Le droit d'accès au dossier, prévu aux art. 26 à 28 PA, découle du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Selon la juris­pru­dence, en tant que garantie générale de procédure, le droit d'être entendu permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d'une décision. En effet, la possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l'autorité dispose (cf. ATF 132 V 387 consid. 3.1 p. 388, ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10). Le droit de consulter le dossier s'étend à toutes les pièces relatives à la procédure, sur lesquelles la décision est susceptible de se fonder. Le droit de consulter une pièce ne peut pas être refusé au motif que la pièce en question n'est pas décisive pour l'issue de la procédure. Il appartient en effet d'abord aux parties de décider si une pièce contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part (cf. ATF 132 V 387 consid. 3.2 p. 389, ATF 133 I 100 consid. 4.3 4.6 p. 102 ss; cf. égale­ment Bernhard Waldmann, Das rechtliche Gehör im Verwal­tungsverfahren, in: Häner/Waldmann [éd.], Das erstinstanzliche Verwal­tungsverfahren, Zurich 2008, p. 74 ss).

Le droit de consulter le dossier n'est pas absolu et peut être limité pour la sauvegarde d'un intérêt public ou privé important au maintien du secret (cf. art. 27 al. 1 et al. 2 PA; cf. également ATF 122 I 153 consid. 6a p. 161 et réf. cit.). Il appartient à l'autorité administrative compétente ou, en cas de litige, au juge de déterminer, dans un cas particulier, si un intérêt concret à la conservation du secret l'emporte sur l'intérêt, par principe (également) important, à la consultation. Il serait inadmissible d'exclure du droit à la consultation certaines catégories de documents de manière générale. Seuls les intérêts qualifiés, l'emportant sur l'intérêt fondamental à la consultation, seront à même de limiter l'accès au dossier. Un examen attentif et complet ainsi qu'une appréciation des intérêts en conflit doivent être entrepris par l'autorité compétente d'une manière conforme à son pouvoir d'appréciation et en tenant compte du principe de la proportionnalité (cf. ATAF 2012/19 consid. 4.1.1 et réf. cit.). Seules les pièces ou parties de pièces présentant un contenu digne d'être tenu secret peuvent être exclues de la consultation du dossier.

Conformément à l'art. 28 PA, une pièce dont la consultation a été refusée à la partie sur la base de l'art. 27 PA ne peut être utilisée à son dés­avantage que si l'autorité compétente lui en a communiqué, oralement ou par écrit, le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de fournir des contre-preuves. Cette disposition s'applique aux pièces interdites d'accès ainsi qu'aux éléments supprimés par exemple par caviardage (cf. ATAF 2012/19 consid. 4.3).

6.4.2           La sauvegarde du droit de consulter le dossier (et du droit de participer à l'administration de preuves) d'une personne touchée par une décision exige que l'autorité concernée constitue préalablement un dossier de manière adéquate. Elle a l'obligation d'intégrer dans le dossier toutes les pièces qui appartiennent à la cause et qui par essence peuvent influer sur l'issue de la décision. L'obligation d'une tenue adéquate du dossier, principe de procédure développé initialement en matière de pro­cédure pénale, doit être considérée comme une composante de l'art. 29 al. 2 Cst. valable pour toutes les sortes de procédure (ATF 130 II 473 consid. 4.1; cf. aussi Albertini, op. cit., p. 254 ss). Pour cela, le dossier doit être complet et comporter l'ensemble des éléments collectés par l'autorité (cf. Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., no 1325 p. 607; cf. aussi Gerold Steinmann, in: Ehrenzeller/Mastronardi/Schweizer/ Vallender [éd.], Die schweizerische Bundesverfassung, Kommentar, 2e éd., Zurich/St-Gall 2008, ad art. 29 n30 p. 595).

6.4.3           Dans le cadre de sa réponse au recours, du 22 novembre 2012, l'ODM a confirmé et précisé quelles pièces avaient été transmises au recourant. Selon ses explications, les pièces suivantes lui ont été communiquées:

-              par courrier du 10 juillet 2012, la requête du SRC, mais caviardée « afin de respecter des intérêts publics ou privés importants (cf. art. 27 PA) », avec l'invitation à se déterminer sur une éventuelle révocation de l'asile;

-              par courrier du 13 juillet 2012, à la demande expresse de l'avocat qui sollicitait de pouvoir consulter l'entier du dossier: l'index des pièces du dossier d'asile du recourant et de ses parents (sous-dossier asile, classé sous A), de même que l'index des pièces du dossier constitué s'agissant de la révocation de son statut (sous-dossier B), ainsi que les pièces non soumises à une restriction de communication selon ces index;

-              par courrier du 13 août 2012 au nouveau mandataire du recourant: une copie du courrier précité du 10 juillet 2012, fixant un délai pour le dépôt d'une détermination, et du courrier du 20 juillet 2012 prolongeant ce délai (au 20 août 2012);

-              par courrier du 10 octobre 2012, à la demande du précédent représentant du recourant: une copie de l'index des pièces du sous-dossier B ainsi qu'une copie de l'accusé de réception de la décision de révocation, unique pièce du dossier dont la communication n'était pas du tout restreinte (à savoir: sans classification) selon ledit index.

L'ODM a rappelé dans sa réponse au recours que, dans son courrier du 10 juillet 2012, il avait attiré l'attention de l'avocat sur le fait que les pièces classifiées en « A » dans l'index ne pouvaient pas lui être trans­mises en application de l'art. 27 PA en raison d'intérêts publics et privés importants à la préservation du secret; il s'agissait selon l'index, outre de la requête non caviardée du SRC, de courriels et notices téléphoniques entre le SRC ou fedpol d'une part et l'ODM d'autre part.

Il ressort de ce qui précède que la seule pièce transmise au recourant concernant les faits motivant la révocation de son statut est la requête du SRC, caviardée par l'ODM, qui sous cette forme n'est pas aisément compréhensible. Bien que l'index du dossier de l'ODM révèle l'existence de nombreux courriels et entretiens entre des collaborateurs de l'ODM en charge du dossier et le SRC ou fedpol, il ne s'agit que de pièces internes qui ne sont pas consultables en tant que telles et d'ailleurs - prises chacune isolément - difficilement compréhensibles pour l'autorité en l'absence d'un examen complet fastidieux.

La pièce intitulée « Antrag auf Widerruf des Asyl und Flüchtlingsstatus » n'indique pas qu'elle comporterait des annexes.

6.4.4           A l'évidence, la manière de procéder de l'ODM, dans le strict cadre de la procédure de révocation d'asile, telle que décrite ci-dessus, ne respecte pas les exigences du droit d'être entendu, rappelées plus haut. En particulier, il ne ressort pas du dossier de l'ODM que cette autorité ait transmis au mandataire le compte rendu ou le procès-verbal de l'entretien entre le recourant et l'ambassadeur de Suisse (...[dans le pays X.]) ni d'explication autre que celles ressortant directement ou indirectement de la requête du SRC elle-même, concernant les preuves sur lesquelles se base la requête du SRC.

6.4.5           Qui plus est, le Tribunal constate que le dossier de l'ODM ne contient, en particulier, ni le questionnaire adressé à la représentation diplomatique, ni le compte rendu (ou procès-verbal) de l'entretien entre le recourant et l'ambassadeur, ni une notice complémentaire détaillée et complète sur les circonstances dans lesquelles cet entretien a eu lieu, ni un relevé des visites faites ultérieurement par un ou des représentants de l'ambassade au recourant et des informations qui auraient, le cas échéant, été recueillies à chacune de ces occasions et qui pourraient être per­ti­nentes pour l'issue de la cause.

L'ODM aurait dû requérir du DFAE, respectivement de fedpol, la transmission du questionnaire ainsi que du compte rendu (ou procès-verbal) des déclarations faites par l'intéressé lui-même lorsqu'il a été entendu par le représentant de l'Ambassade de Suisse (...[dans le pays X.]), et solliciter les précisions indispensables quant aux circonstances de cet entretien. De telles informations auraient été essentielles pour déterminer si le droit d'être entendu de l'intéressé a été suffisamment respecté par ce mode de procéder.

6.4.6           Dans ces conditions, le Tribunal estime que l'ODM a violé son obligation de tenir son dossier de manière adéquate. Ce défaut empêche le recourant (par son mandataire) - comme le Tribunal, voire l'ODM lui-même - d'apprécier en toute connaissance de cause ses déclarations telles qu'elles ont été recueillies à l'occasion du ou des entretiens successifs auxquels il a personnellement participé. Il rend également impossible au recourant (toujours par l'entremise de son mandataire) de se déterminer valablement sur le contenu des comptes rendus ou procès-verbaux d'entretiens et d'apporter des contre-preuves.

6.4.7           L'ODM ne saurait, sur ce point, s'en remettre exclusivement à des éléments d'information et d'appréciation disparates, succincts, imprécis et gravement lacunaires - la plupart de seconde source, ressor­tant de courriels et notices téléphoniques - reçus d'autorités tierces, que ce soit du SRC ou de fedpol, ou encore de services du DFAE, éléments qui ne permettent pas de savoir de manière claire, suffisante et globale ce qui s'est réellement passé sur place.

6.4.8           Le recourant sollicite le droit de consulter l'intégralité du dossier de l'ODM. L'examen de ce dossier par le Tribunal, auquel il a été transmis dans son intégralité, démontre toutefois que le problème réside en l'occurrence non pas vraiment dans le fait que l'ODM n'a pas transmis des pièces déterminantes de son dossier au recourant que dans le fait que ce dossier est lacunaire et ne comprend aucune information complémen­taire sérieuse, par exemple sous forme de copie de pièces du dossier du SRC dont la requête constitue la base de la décision de l'ODM.

6.4.9           Il n'appartient pas au Tribunal de vérifier de manière plus ap­pro­fondie quelles pièces, outre la traduction du rapport du SRC, ont été transmises à l'intéressé dans le cadre de la procédure parallèle concernant l'interdiction d'entrée prononcée à son encontre par fedpol. Il peut égale­ment, à ce stade, renoncer à examiner de plus près la question de savoir si d'autres pièces, singulièrement celles qui pourraient être contenues dans le dossier du SRC - dont il n'a, en l'état, pas requis l'édition - devaient en réalité être transmises au recourant parce qu'elles seraient essentielles à la résolution de la cause et ne tomberaient pas sous le coup de l'art. 27 al. 1 PA. En effet, au-delà de la question du droit d'être entendu du recourant, se pose en l'occurrence d'abord et surtout le problème des compétences respectives du SRC et de l'ODM (consid. 7) en relation avec l'établissement des faits pertinents (consid. 8).

7.                    

7.1                Comme relevé plus haut, la décision attaquée se base sur le rapport du SRC (contenu dans sa requête du 21 juin 2012). L'ODM a considéré que les faits tels que ressortant de ce rapport étaient établis à satisfaction de droit. Le Tribunal rappellera d'abord le rôle et les compétences respectives du SRC et de l'ODM.

7.2                Le SRC a en particulier pour tâche de rechercher et d'évaluer à l'intention des départements et du Conseil fédéral des informations sur l'étranger importantes en matière de politique de sécurité; il remplit les missions de renseignement, telles qu'elles découlent de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI, RS 120 ) et exécute les tâches préventives dans le do­maine de la sûreté intérieure, notamment dans les domaines du terrorisme et de l'extrémisme violent (cf. art. 2 al. 1 let. a et b de l'ordonnance du 4 décembre 2009 sur le service de renseignement de la Confédération [OSRC, RS 121.1]). Il peut proposer des mesures pour prévenir des risques et des menaces dans son propre domaine de compétences (art. 2 al. 1 let. g OSRC).

7.2.1           Tous deux chargés de tâches en lien avec le maintien de la sécurité (cf. art. 5 al. 2 LMSI), le SRC et fedpol collaborent étroitement. Selon l'art. 9 OSRC, ils se prêtent mutuellement assistance dans l'ac­complissement de leurs tâches légales. Ils se transmettent systémati­quement toutes les informations dont ils ont besoin l'un et l'autre pour accomplir les tâches qui leur sont dévolues par la loi, en particulier dans les domaines des mesures d'éloignement selon les art. 67 et 68 LEtr. Le SRC peut également être appelé à collaborer avec d'autres autorités.

7.2.2           L'art. 17 LMSI, relatif à la communication des données person­nelles, dispose que le Conseil fédéral désigne par voie d'ordonnance les destinataires accomplissant une tâche de service public en Suisse aux­quels le SRC peut, dans des cas particuliers, communiquer des données personnelles lorsque cela est nécessaire au maintien de la sûreté intérieure et extérieure ou au contrôle de l'exécution des tâches du SRC. C'est ce qu'il a fait par la voie de l'OSRC, en particulier à son art. 22 et dans l'annexe 3 qui complète cette disposition. Selon cette disposition, le SRC peut communiquer des données personnelles qu'il collecte à cer­taines autorités et offices énumérés par l'OSRC, dans certaines limites et conditions. Lors de chaque communication, le destinataire est renseigné sur la fiabilité et l'actualité des données. Conformément à l'annexe 3 de l'OSRC, il peut ainsi les communiquer à l'ODM, pour des mesures prises à l'encontre de ressortissants étrangers (y compris de réfugiés) et pour l'appréciation de demandes d'asile (cf. art. 9.2.2 et 9.2.3 de ladite annexe 3).

7.2.3           Le législateur a confié aux autorités fédérales compétentes en matière de sécurité intérieure et extérieure l'expulsion pour des motifs politiques (menace de la sécurité du pays) prévue à l'art. 121 al. 2 Cst. Fedpol, après avoir consulté le SRC, est ainsi désormais l'autorité com­pétente pour prononcer une telle expulsion (cf. art. 68 al. 1 LEtr), comme pour prononcer une interdiction d'entrée pour sauvegarder la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse (art. 67 al. 4 LEtr). L'ODM ne dispose plus de compétence en la matière (cf. ATAF 2013/3).

7.3                En revanche, la compétence en matière d'asile, qu'il s'agisse du refus de l'asile en raison de l'indignité ou de la révocation de ce même statut, incombe toujours à l'ODM, même si le motif d'une telle décision réside dans le fait qu'une personne a porté atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse ou la compromet (cf. art. 53 LAsi et art. 63 al. 2 LAsi).

7.4                Le fait que le SRC a la faculté, voire le devoir, de proposer des mesures et qu'il incombe, de même, à l'ODM comme aux autres autorités compétentes en matière d'asile de transmettre au SRC les informations en sa possession qui pourraient l'intéresser, ne modifie pas cette répartition des compétences (cf. dans ce sens JICRA 1998 no 12; concernant la question du refus de l'asile cf. également Walter Stöckli, Asyl, in: Uebersax/Rudin/Hugi Yar/Geiser [éd.], vol. VIII, 2e éd., Bâle 2009, nos 11.60 ss p. 544 s.).

8.                    

8.1                Le droit à l'égalité de traitement et celui à un procès équitable consacrés à l'art. 29 Cst., qui découlent directement du droit à la dignité humaine de l'art. 7 Cst. (ATF 135 I 265 consid. 4.5 p. 277 s.), exigent que l'autorité prenne au sérieux son pouvoir d'examen et instruise chaque affaire dont elle est saisie de manière conforme à sa compétence fonctionnelle, aux exigences du droit de procédure et aux circonstances concrètes de l'affaire (cf. Steinmann, op. cit., ad art. 29 Cst. n17 p. 587). Aux fins d'exercer sa compétence, l'autorité doit établir les faits pertinents de manière exacte et complète. Si elle ne le fait pas elle-même, elle ne sera pas en mesure d'exercer son propre pouvoir d'appréciation. Ainsi, pour être en mesure d'exercer son pouvoir, elle doit avoir accès à toutes les pièces déterminantes. Elle doit, par tous les moyens, s'employer à assurer une appréciation pondérée et juste des circonstances du cas d'espèce. Sa décision devrait, dans la mesure du possible, être protégée d'influences indésirables de tiers (cf. Benjamin Schindler, Verwaltungsermessen, St-Gall 2010, p. 322 ss). En particulier, l'autorité qui dispose d'un plein pouvoir d'examen et qui le limite au seul contrôle de l'application du droit ou à l'arbitraire commet un déni de justice formel (ATF 130 II 449 consid. 4.1, cf. aussi ATF 135 I 265 consid. 3.4; Albertini, op. cit, p. 387 ss; Benoît Bovay, Procédure administrative, Berne 2000, p. 244 ss).

Dans le cas concret, force est de constater que, s'agissant de l'établisse­ment des faits, l'ODM s'est entièrement reposé sur le SRC. Parmi les faits pertinents à établir comptent notamment tous les éléments permettant d'apprécier le degré de preuve de la mise en danger par le recourant de la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (cf. consid. 3.3).

8.2                Comme relevé plus haut (cf. consid. 6.4.3), la requête du SRC du 21 juin 2012 ([...], intitulée « Antrag auf Widerruf des Asyl- und Flüchtlingsstatus ») n'indique pas qu'elle comporterait des annexes. Il appert ainsi que le SRC s'est lui-même borné à transmettre à l'ODM un résumé du contenu de son dossier ([...] « Die dem NDB vorliegenden nachrichtendienstlichen Erkenntnisse zu A. lassen sich wie folgt zusam­menfassen »). Il ne ressort pas du dossier que l'ODM ait demandé à consulter tout ou partie du dossier du SRC, ni même que ses collabo­rateurs en charge de l'affaire aient consulté un extrait du dossier du SRC. L'ODM n'a pas non plus ni indiqué ni documenté un refus, sur ce point, de la part du SRC, ni a fortiori les raisons d'un tel refus.

8.3                Telle que rédigée, la requête du SRC ne permet pas de sérier les informations et leurs sources, de sorte qu'il n'est pas possible, par exemple, d'en tirer si telle information est confirmée par plusieurs sources ou une seule. En outre, elle ne distingue pas de manière suffi­samment claire les informations fiables de celles qui ne le sont pas (cf. consid. 7.2.2 et art. 22 al. 2 OSRC). Dans son introduction, le SRC parle, de manière générale, d'informations fiables, mais certains passages laissent apparaître que les faits rapportés sont parfois non confirmés (cf. p. 2 « Unbestätigten Hinweisen zufolge »).

8.4                Il est frappant de constater que, dans la motivation de la décision attaquée, l'ODM se réfère systématiquement non seulement aux informations mais aussi aux appréciations livrées par le SRC, sans aucune distance ou nuance, citant le SRC à 23 reprises. En effet, la requête du SRC contient des déductions et des appréciations, faites à partir des informations rassemblées (par exemple, p. 2 « die Schleusung von A. nach (...[pays Y.]). ist minutiös vorbereitet worden », p. 3 « reiste Ihr Mandant nach (...[pays Y.]), wobei nach Information des NDB, seine Absicht von Beginn an darin bestand... », « Nach detaillierter Planung der Schleusung nach (...[pays Y.]) », p. 4 « Gemäss NDB hinterliess Ihr Mandant weder (...) noch (...) den Eindruck einer von Haft und Krankheit gezeichneten Geisel » etc.).

8.5                En particulier, l'ODM ne saurait se reposer sur l'appréciation faite par le SRC des déclarations faites par l'intéressé lui-même sur ses activités, que ce service tire à la fois des médias et des représentants d'autorités (« Behördenvertretern », « Schweizer Konsul », « [...] Polizei [du pays X.] und weiteren Personen in verschiedenen Punkten [...] ») sans les différencier.

Il semble que le SRC soit en possession d'informations relatives au contenu de l'entretien entre le recourant et un représentant de l'ambas­sade, puisqu'il en a fait, dans sa requête, une appréciation quant à la vraisemblance des allégués de l'intéressé.

Comme indiqué plus haut (consid. 6.4.5), l'ODM aurait dû requérir de l'ambassade non seulement le compte rendu ou procès-verbal de cet entretien, mais encore une notice explicative permettant de savoir quand, où, en présence de quelle(s) personne(s) les déclarations de l'intéressé ont été recueillies, dans quelles conditions et circonstances (description des lieux, du comportement des impliqués), dans quelle langue et, le cas échéant, avec la collaboration de quel interprète. Dans ces conditions, n'ayant pas eu accès aux documents concernés, il n'était pas autorisé à se prononcer concrètement sur l'absence de pertinence des arguments du mandataire, selon lequel le recourant n'a pas été en mesure de s'expliquer librement lors de cet entretien avec l'ambassadeur (...), ni d'affirmer qu'il se contredit.

L'ODM aurait également dû rechercher les pièces précises relatives aux déclarations faites par le recourant à ses parents ou aux médias (sur lesquelles le SRC base son argument de rejet de toute vraisemblance) et - dans la mesure où leur fiabilité ou leur sens aurait prêté à discussion - dû lui donner l'occasion de se déterminer à ce sujet. Là aussi, l'ODM a failli à son devoir d'instruction et d'appréciation. Celle-ci est en effet de la seule compétence de l'ODM en ce qui concerne, en tout cas, la valeur probante à donner à ces déclarations dans la procédure de révocation de l'asile.

8.6                Certes l'avis du SRC selon lequel le recourant représente un danger pour la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse est important. Il doit être pris en compte par l'ODM, mais ne saurait lier cette autorité dans l'application de l'art. 63 al. 2 LAsi dans sa propre appréciation du danger concret, laquelle doit reposer sur un faisceau d'indices concrets (cf. consid. 3.3). Cela reviendrait à déléguer, sans base légale lui per­mettant de le faire, sa compétence à une autre autorité. A supposer que l'autorité fasse siennes les considérations d'une autre, il lui appartient en connaissance de cause de motiver concrètement sa position. A cet égard, la décision entreprise présente également un défaut de motivation, violant le droit d'être entendu du recourant.

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