54

Extrait de l'arrêt de la Cour I
dans la cause A., B., C., D. et E. contre Skyguide, Société anonyme suisse pour les services de la navigation aérienne civils et militaires
A-842/2007 du 17 février 2010

Collision aérienne d'Überlingen (Allemagne). Responsabilité de Sky­guide vis-à-vis des parents des victimes qui se trouvaient à bord de l'avion russe impliqué dans l'accident. Examen de la compétence du Tribunal administratif fédéral. Irrecevabilité de conclusions addi­tionnelles ou aug­men­tées formulées dans un mé­moire complémen­taire. Conditions de la responsabilité, en parti­culier par rapport à l'indemnisation d'une perte de soutien.

Art. 1, art. 5 et art. 19 LRCF. Art. 53 PA.

1.      Examen du fondement de droit public ou de droit privé de la res­ponsabilité en cause, et effet quant à l'application du droit suisse ou du droit étranger. Responsabilité de Skyguide soumise ici au droit public. LRCF seule applicable, à l'exclusion de toute norme de droit étranger (consid. 1.1.3).

2.      Irrecevabilité de conclusions additionnelles ou augmentées, l'art. 53 PA ne permettant aucune dérogation (consid. 2.1).

3.      Conditions de la responsabilité fondée sur la LRCF (consid. 3). Conditions spécifiques de l'indemnisation d'une perte de soutien. Examen de la qualité de soutien actuel ou hypothétique de la vic­time et du besoin de soutien de la personne soutenue (con­sid. 4). Conditions non remplies en l'espèce, la perte de soutien n'étant pas hautement vraisemblable (consid. 6.3).

Flugzeugzusammenstoss von Überlingen (Deutsch­land). Verantwort­lichkeit von Skyguide gegenüber den Eltern der Opfer, die sich an Bord des in den Unfall involvierten russischen Flugzeugs befanden. Prüfung der Zuständigkeit des Bun­des­ver­wal­tungsgerichts. Nicht­eintreten auf zusätzliche Rechts­be­gehren oder auf die Erhöhung der Forderungen in einer ergän­zenden Rechts­mitteleingabe. Voraus­setzungen der Verant­wort­lichkeit, insbe­son­dere in Verbindung mit der Entschädigung für einen Versorger­schaden.

Art. 1, Art. 5 und Art. 19 VG. Art. 53 VwVG.

1.      Prüfung der öffentlich- und privatrechtlichen Haftungsgrund­la­gen im vorliegenden Fall und Auswirkungen auf das anwend­bare schweizerische oder ausländische Recht. Verantwortlichkeit von Skyguide gemäss öffent­li­chem Recht. Das VG ist anwendbar und schliesst die Anwendung anderer ausländischer Bestim­mun­gen aus (E. 1.1.3).

2.      Nichteintreten auf zusätzliche Rechtsbegehren oder Erhöhung von Forderungen, zumal Art. 53 VwVG keine Abweichung er­laubt (E. 2.1).

3.      Voraussetzungen der Verantwortlichkeit gestützt auf das VG (E. 3). Besondere Voraussetzungen für die Leistung einer Ent­schädigung für den Versorgerschaden. Prüfung des Bestehens des aktuellen oder hypothetischen Unterhalts des Opfers und der Unterhaltsbedürftigkeit der unterstützten Person (E. 4). Vernei­nung der Voraussetzungen im vorliegenden Fall wegen hoher Unwahrscheinlichkeit eines Versorgerschadens (E. 6.3).

Catastrofe aerea di Überlingen (Germania). Responsabilità di Sky­guide nei confronti dei parenti delle vittime che si trovavano a bordo dell'aereo russo coinvolto nell'incidente. Esame della compe­tenza del Tribunale amministrativo federale. Inammis­si­bilità di con­clusioni aggiuntive o più estese formulate in una me­moria comple­mentare. Condizioni della responsabilità, in particolare in rapporto con l'in­dennizzo della perdita di sostegno.

Art. 1, art. 5 e art. 19 LResp. Art. 53 PA.

1.      Esame del fondamento di diritto pubblico o di diritto privato della responsabilità in oggetto e effetto in quanto all'applicazione del diritto svizzero o del diritto straniero. Responsabilità di Sky­guide fondata sul diritto pubblico. La LResp è applicabile ad es­clusione di qualsiasi eventuale norma di diritto straniero (con­sid. 1.1.3).

2.      Inammissibilità di conclusioni aggiuntive o più estese, l'art. 53 PA non permettendo alcuna deroga (consid. 2.1).

3.      Condizioni della responsabilità fondata sulla LResp (consid. 3). Condizioni specifiche per l'indennizzo della perdita di sostegno. Esame della qualità del sostegno attuale o ipotetico della vittima e del bisogno di sostegno della persona sostenuta (consid. 4). Con­dizioni non adempiute in concreto, non essendo altamente vero­simile la perdita di sostegno (consid. 6.3).

 

Dans la nuit du 1er au 2 juillet 2002, deux avions commerciaux, soit un Tupolev TU154M de Bashkirian Airlines qui reliait Moscou (Fédération de Russie) à Barcelone (Espagne) (vol BTC2937) et un Boeing B757-200PF de DHL (vol DHX611), lequel reliait le Royaume de Bahreïn à Bruxelles (Belgique) via Bergame (Italie), sont entrés en collision au-dessus d'Überlingen (Alle­magne), près du Lac de Constance. Les 71 personnes, passagers et mem­bres d'équi­page qui se trouvaient à bord des appareils, ont perdu la vie. Le contrôle du trafic aérien sur la portion du territoire du sud de l'Alle­magne où les deux avions se trouvaient lors de la collision incombait à Skyguide, société anonyme suisse pour les services de la navigation aérienne civils et militaires (ci-après: Skyguide). Parmi les passagers du vol de Bash­kirian Airlines, décédés par suite de cette collision, se trou­vait X., né le 27 août 1988.

Par requête unique et conjointe du 19 mai 2005, 123 parents de passagers du Tupolev, victimes du crash aérien, se sont adressés à Skyguide afin d'être dédommagés. Parmi ceux-ci figurent les membres de la famille de X., dont les noms ainsi que leur lien de parenté avec ce dernier sont mentionnés ci-après. Ils ont conclu au versement des som­mes d'argent suivantes, au titre de réparation du dommage (c'est-à-dire leur perte de soutien et les frais, dont ceux d'inhumation, de voyage et d'autres coûts) et du tort moral subis, avec intérêt à 5 % depuis le 1er juillet 2002:

- A. (père): CHF 267'685,00;

- B. (mère): CHF 284'773,75;

- C. (grand-mère): CHF 163'835,00;

- D. (grand-père): CHF 163'447,50;

- E. (grand-mère): CHF 169'182,50.

Ils ont en outre conclu à ce que les décisions de Skyguide soient rendues sans frais et à l'octroi d'une « équitable indemnité valant participation aux honoraires de leur conseil ». A titre préalable, ils ont demandé la sus­pension de la procédure jusqu'à droit connu sur l'action civile qu'ils avaient entreprise en Espagne à l'encontre de la compagnie d'aviation Bashkirian Airlines et de Skyguide.

Par décisions du 11 décembre 2006, Skyguide a octroyé aux membres de la famille de X. les montants suivants, à titre de réparation de leur tort moral, avec intérêt à 5 % l'an depuis le 1er juillet 2002:

- pour A. (père): CHF 33'000.-;

- pour B. (mère): CHF 33'000.-;

- pour C. (grand-mère): CHF 5'000.-;

- pour D. (grand-père): CHF 5'000.-;

- pour E. (grand-mère): CHF 5'000.-.

En sus, Skyguide a accordé à chaque requérant un montant de CHF 1'000.- à titre de dommages-intérêts, avec intérêt à 5 % l'an depuis le 31 mars 2006. Skyguide a rejeté leur requête pour le surplus, en parti­culier s'agissant de la perte de soutien.

Le 29 janvier 2007, un certain nombre de proches des victimes de l'acci­dent aérien ont recouru au Tribunal administratif fédéral. Parmi ceux-ci figurent les membres déjà cités de la famille de X., lesquels ont chacun déposé un mémoire de recours. A titre préalable, ils ont conclu à être dispensés du paiement de l'avance de frais, à l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite et à ce qu'ils soient autorisés à compléter les motifs de leurs recours. Sur le fond, ils ont présenté des conclusions tendant à ce que Skyguide soit condamnée à leur verser les sommes suivantes à titre de perte de soutien, en sus des montants accordés au terme des décisions du 11 décembre 2006:

- pour A. (père): CHF 30'597,50, « mais au moins CHF 22'365 [...], sous déduction des montants qui auraient été accordés par le TAF à ce titre aux autres membres de la famille de X., à l'exception de la mère de celui-ci »;

- pour B. (mère): CHF 30'597,50, « mais au moins CHF 22'365 [...], sous déduction des montants qui auraient été accordés par le TAF à ce titre aux autres membres de la famille de X., à l'exception du père de celui-ci »;

- pour C. (grand-mère): CHF 5'000.-;

- pour D. (grand-père): CHF 5'000.-;

- pour E. (grand-mère): CHF 5'000.-;

et en outre CHF 2'000.- par recourant « à titre de dépens, comprenant les frais d'expertise et une participation aux honoraires de (leur) conseil suisse ».

Ils ont produit une expertise privée datée du 20 décembre 2006, relative à la perte de soutien alléguée. Ce document a été établi par S., Ph. D., Business and Economic Consultant au Texas (Etats-Unis d'Amérique) et est intitulée « Present value of lost earnings of X. ». Elle concerne l'en­semble des recourants précités, membres de la même famille.

Le 18 mars 2007, les proches des victimes ont requis la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans la procédure pénale ouverte contre des employés de Skyguide devant le Tribunal de district de Bülach (Zurich). Par décision incidente du 3 mai 2007, le Tribunal administratif fédéral a suspendu les procédures dans l'attente de la notification des jugements dudit Tribunal.

Le 5 septembre 2007, le Tribunal de district de Bülach a trans­mis au Tri­bunal administratif fédéral les jugements en matière pénale rendus le 21 août 2007 à l'encontre de huit employés de l'intimée ainsi que l'acte d'ac­cusation du ministère public de Winterthour daté du 4 août 2006. Quatre d'entre eux ont été reconnus coupables d'homicides par négli­gen­ce au sens de l'art. 117 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP, RS 311.0). Ils ont été condamnés à une peine de 12 mois d'empri­son­ne­ment, avec sursis durant deux ans, respectivement - pour l'un d'entre eux - à une peine de 90 jours amende à CHF 150.-. Les autres employés ont été acquittés.

Le 23 octobre 2007, le Tribunal administratif fédéral a imparti aux recourants un délai pour motiver leur requête d'assistance judiciaire et leur a permis de déposer un mémoire complémentaire.

Le 14 mars 2008, les recourants ont déposé un mémoire complé­men­taire dans le cadre duquel ils ont motivé leur demande d'as­sis­tance judi­ciaire au moyen de quelques documents probants. Ils ont par ailleurs formulé des conclusions additionnelles tendant à l'allocation d'in­demnités à titre de tort moral supérieures à celles octroyées par Skyguide. Enfin, ils ont corrigé les conclusions de leurs recours qui tendaient à l'allocation d'indemnités à titre de perte de soutien, en les augmentant pour les pa­rents et en les annulant pour les grands-parents. Telles que modifiées, leurs conclusions tendent au versement des som­mes suivantes:

- pour A. (père): CHF 25'000.- supplémentaires au moins à titre de tort moral et CHF 150'000.-, mais au moins CHF 100'000.-, à titre de perte de soutien;

- pour B. (mère): CHF 25'000.- supplémentaires au moins à titre de tort moral et CHF 150'000.-, mais au moins CHF 100'000.-, à titre de perte de soutien;

- pour C. (grand-mère): CHF 5'000.- supplémentaires au moins à titre de tort moral;

- pour D. (grand-père): CHF 5'000.- supplémentaires au moins à titre de tort moral;

- pour E. (grand-mère): CHF 5'000.- supplémentaires au moins à titre de tort moral;

et en outre CHF 2'000.- par recourant, à titre de dépens, comprenant les frais d'expertise et une participation aux honoraires de leur conseil suisse.

Par décision incidente du 27 juin 2008, le Tribunal administratif fédéral a admis la demande d'assistance judiciaire des recourants. Le même jour, il a invité l'intimée à déposer sa réponse et à se prononcer sur la possibilité de pro­céder au versement de tout ou partie des montants qu'elle avait reconnu devoir aux recourants de manière anticipée, soit avant que le jugement du Tribunal administratif fédéral n'intervienne. L'intimée a déposé sa réponse aux recours le 29 octobre 2008. Sur le fond, elle a conclu à ce qu'aussi bien les recours que le mémoire complé­mentaire soient rejetés, pour autant que recevables, avec suite de frais et dépens.

S'agissant d'un éventuel paiement anticipé des sommes qu'elle avait déci­dées, l'intimée a fait savoir qu'elle avait offert aux recourants de leur ver­ser les montants en question le 26 mars 2007, nonobstant leurs re­cours et sans préjudice de l'issue de la procédure devant le Tribunal ad­ministratif fédéral. Elle avait toutefois requis de leur mandataire suisse la confir­mation que sa procuration incluait bien l'autorisation de recevoir des paiements pour le compte des recourants, ce qui n'avait apparemment pas été confirmé. Dans le cadre de sa réponse, Skyguide a fait savoir qu'elle maintenait son offre de verser aux recourants les montants décidés le 11 décembre 2006, sous réserve des modifications suivantes. Il y aurait lieu de soustraire de ces montants les sommes reçues par les recourants de la part de Bashkirian Airlines et de son assureur en responsabilité civile, Y., voire - le cas échéant - d'autres tiers.

Le Tribunal administratif fédéral a rejeté les recours.

Par arrêt 2C_277/2010 du 28 avril 2011, le Tribunal fédéral a rejeté le re­cours en matière de droit public déposé par A. et B. contre cette décision, dans la mesure où il était recevable.

Extrait des considérants:

1.                   Recevabilité

1.1                Compétence du Tribunal administratif fédéral et application de la loi sur la responsabilité

1.1.1           La compétence du Tribunal administratif fédéral doit être exa­minée d'office, au même titre que la compétence de l'autorité dont émane la décision attaquée (cf. ATAF 2008/59 consid. 2; décision de la Com­mission de re­cours du Département fédéral de la défense, de la protection de la po­pu­lation et des sports du 11 novembre 2005 publiée in: Juris­prudence des autorités administratives de la Confédération [JAAC] 70.38 consid. 3). En l'oc­cur­rence, cette question est indissociable de celle relative à l'appli­cation de la loi sur la responsabilité du 14 mars 1958 (LRCF, RS 170.32); (cf. ATAF 2008/59 consid. 2.1 et décision de la Com­mission fédérale de recours en matière de responsabilité de l'Etat [CRR] HRK 2004-011 du 17 oc­tobre 2005 consid. 2). En effet, la compétence décisionnelle de l'intimée ne peut reposer que sur l'art. 19 al. 3 LRCF. Le Tribunal administratif fédéral, pour sa part, n'est habilité à juger des recours en matière de responsabilité de l'Etat et des orga­ni­sations spé­ciales chargées d'ac­com­plir des tâches pour la Confédération que dans la mesure où le rapport de droit est fondé sur la LRCF et a été préala­ble­ment tranché par décision d'une autorité ou d'une organisation citée à l'art. 33 let. d, e ou h de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal admi­nistratif fédéral (LTAF, RS 173.32), habilitée à en connaître. Il faut donc avant toute chose examiner si la LRCF est bien applicable au pré­sent litige.

1.1.2           Le champ d'application de la LRCF se limite aux personnes investies d'une fonction publique de la Confédération, telles que citées à l'art. 1 al. 1 let. a à f LRCF, à l'exception de celles mentionnées à l'al. 2. Il s'agit notamment des personnes chargées direc­tement de tâches de droit public par la Confédération (art. 1 let. f LRCF). L'art. 19 al. 1 LRCF prévoit ainsi que si un organe ou un em­ployé d'une institution indé­pen­dante de l'administration ordinaire qui est chargée d'exécuter des tâches de droit public par la Confédération cause sans droit, dans l'exercice de cette activité, un dommage à un tiers ou à la Confédération, l'institution répond envers le lésé, conformément aux art. 3 à 6 LRCF, du dommage causé à un tiers et la Confédération est responsable envers le lésé du dommage que l'institution n'est pas en mesure de réparer (let. a). Comme cela résulte à la fois de l'art. 3 al. 1 LRCF et de l'art. 19 al. 1 LRCF, l'acte doit se rattacher au service et à l'accomplissement d'une tâche de droit public. Il ne doit donc s'agir ni d'une activité privée de l'Etat, ni d'actes que l'agent public - ou l'ins­ti­tution indépendante de l'administration ordinaire - fait en sa qualité de simple particulier (cf. ATAF 2008/59 con­sid. 2.2; décision de la CRR du 18 décembre 2002 publiée in: JAAC 67.64 consid. 3; Franz Werro, Code des obligations, vol. I, in: Luc Thévenoz/Franz Werro [éd.], Com­men­taire romand, Genève/Bâle/ Munich 2003 [ci-après: Commentaire ro­mand], p. 418 ch. 10 ss ad art. 61 CO; Blaise Knapp, Précis de droit admi­nis­tratif, 4éd., Bâle 1991, p. 504 ch. marg. 2427).

A supposer que l'activité en question soit une activité privée de l'Etat, respectivement de ses agents ou de l'institution indépendante de l'ad­mi­nistration ordinaire chargée de tâches de droit public par la Confé­dé­ration, c'est alors naturellement le droit privé qui la régit et fixe les pré­misses de la responsabilité, dite civile (cf. ATF 113 II 424 consid. 1a; ATAF 2008/59 consid. 2.1; Knapp, op. cit., p. 502 ch. 2413; Werro, Commentaire romand, p. 421 ch. marg. 22 in fine ad art. 61 CO; Pierre Moor, Principes de l'activité étatique et responsabilité de l'Etat, in: Daniel Thürer/Jean-François Aubert/Jörg Paul Müller [éd.], Droit consti­tutionnel suisse, Zurich 2001, § 16 p. 280 ss; Nadine Mayhall, Auf­sicht und Staatshaftung, Zurich/Bâle/Genève 2008, p. 269 s.). Dans un tel cas, ce sont les juridictions civiles qui sont appelées à juger de cette res­ponsabilité. L'exercice d'une fonction ou de tâches de droit public en­gendre en revanche une responsabilité de même nature (de droit public), soumise à des conditions spécifiques et tranchée selon une procédure dis­tincte, soit par le biais d'une décision administrative susceptible de re­cours au Tribunal administratif fédéral (cf. ATAF 2008/59 consid. 2.1; décision de la Commission de recours du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports du 11 novembre 2005 in JAAC 70.38 consid. 8 et 9). La sélection de la voie - civile ou administrative - n'est donc pas laissée à la libre initiative des recourants ou de l'intimée, mais s'impose au terme d'un raisonnement juridique.

Potentiellement, si le litige présente des aspects internationaux, la ques­tion de savoir si la responsabilité relève du droit public ou privé se double de celle relative à l'application du droit suisse ou étranger. Cela étant, la première question a le pas sur la seconde. Il faut ainsi tout d'abord se demander si l'Etat - respectivement ses agents ou l'institution indépendante de l'administration ordinaire que la Confédération a char­gée d'exécuter telle ou telle tâche de droit public - a agi en tant que sujet de droit public ou de droit privé. Cette prémisse constitue ainsi, en droit suisse, la base du raisonnement concernant le droit applicable. Car, s'il s'avère que le domaine ressortit au droit privé, la seconde ques­tion se résout sur la base des règles de conflit prévues dans les traités inter­nationaux liant les Etats en présence, voire à défaut sur la base de celles contenues dans le droit international privé interne. Mais s'il ap­paraît que la matière relève du droit public, ce raisonnement relatif aux règles de conflit n'a pas cours (cf. François Knoepfler/Philippe Schweizer, Précis de droit international privé suisse, Berne 1990, p. 61 ch. marg. 163).

Dès le moment où la responsabilité de la Confédération, respectivement de ses agents ou d'une institution indépendante de l'administration or­di­naire qu'elle a chargée d'exécuter des tâches de droit public, se fonde sur le droit public et non sur le droit privé, la LRCF - qui constitue le siège de la matière - est applicable et la procédure suit la voie de la déci­sion puis du recours au Tribunal administratif fédéral, selon les règles de la LTAF (voir l'art. 19 al. 3 LRCF). Certes, un traité interna­tional pourrait prévoir d'autres règles. Cela étant, à l'heure actuelle et sur un plan géné­ral, aucune convention internationale ne régit la ma­tière. S'agissant du projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internatio­na­lement illicite préparé par la Commission du droit inter­na­tional des Nations Unies, dont l'Assemblée générale de l'ONU a pris note et qu'elle a recom­mandé à l'attention des gouvernements le 12 décembre 2001 (UN Doc. A-RES-56/83), il vise exclusivement les situations où un Etat est mis en cause par un autre Etat; au surplus, il s'agit-là d'un projet (cf. Res­pon­sabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite; obser­vations et ren­seignements communiqués par les gouvernements. Rapport du Secré­taire général, UN Doc. A/62/63, distribué le 9 mars 2007).

Par ailleurs, il n'est en soi pas inconcevable qu'un tribunal étranger tienne son propre droit interne pour applicable, pour des motifs tenant par exemple à la non reconnaissance de la subdivision exposée ci-avant entre droit privé et droit public ou de sa concrétisation, dans un cas d'es­pèce. Cela étant, cette subdivision s'avère fondamentale en droit suisse et le Tribunal administratif fédéral est tenu de la respecter, respec­tivement de l'appliquer, sans avoir à examiner à quelle solution aboutirait tel ou tel tribunal étranger. Selon les cas, une solution divergente d'une Cour étran­gère pourrait se heurter au principe de l'immunité des Etats, également susceptible de recouvrir une organisation sous contrôle étatique (cf. Andreas Bucher, Droit international privé suisse, tome I/1, Partie générale. Conflits de juridiction, Bâle 1998, ch. marg. 864 s.; Sophie Vautier, La responsabilité du contrôleur aérien en droit suisse, thèse Lausanne 2006, p. 166 s.).

S'agissant enfin de la question cruciale de savoir si l'Etat agit comme un sujet de droit public ou de droit privé, il importe de rappeler qu'il peut intervenir comme n'importe quel particulier, notamment en concurrence avec des personnes privées, s'il exerce une activité commerciale ou industrielle sans monopole (cf. Knapp, op. cit., p. 319 ch. 1512 ss; ATF 106 Ia 323 consid. 3a, ATF 103 Ib 154 consid. 2b, ATF 72 I 16 consid. 1; ATAF 2008/59 consid. 2.3.1) et si l'activité tend à la réalisation d'un profit (cf. Werro, Commentaire romand, p. 420 ch. marg. 21 ad art. 61 CO). Il en va de même d'une institution indépendante de l'administration ordinaire chargée par l'Etat de l'exécution de tâches de droit public. A priori, rien ne l'empêche - en parallèle de celles-ci - de déployer des activités de droit privé. La doctrine retient que le droit public réglemente dans l'intérêt public les relations entre deux sujets de droit dont l'un au moins peut recourir d'office à la contrainte pour obtenir le respect des obligations qu'il impose à l'autre. Dans le domaine de l'administration souveraine, c'est-à-dire lorsque l'Etat est investi de la puissance publique, qui peut se définir comme le pouvoir de prendre des décisions unila­té­rales obligatoires et de les exécuter d'office (cf. Knapp, op. cit., p. 17 ch. 72; ATF 121 II 473 consid. 2a, ATF 117 Ia 107 consid. 5c; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-1540/2006 du 8 janvier 2008 con­sid. 3.5), le droit public est donc nécessairement applicable. Dans le cadre de l'administration de prestations par l'Etat, il faut en revanche nuancer. Il existe sans conteste des activités non lucratives qui ne se manifestent par l'emploi d'aucun pouvoir de puissance publique et qui sont néanmoins régies par le droit public. La doctrine vise en particulier les situations où l'Etat gère des services publics dans des conditions que le secteur privé ne pourrait réaliser, précisément parce que ces activités pour des raisons d'intérêt public ne sauraient procurer de profit et que, pour ce motif, le secteur privé ne les fournit pas à ces conditions (cf. Pierre Moor, Droit administratif, vol. II: Les actes administratifs et leur contrôle, Berne 2002, p. 707 ch. 6.1.2.3 let. a). D'aucuns retiennent encore que l'exé­cution de tâches publiques par l'Etat ne relève pas de la libre appréciation de la collectivité (cf. Jost Gross, Schweizerisches Staatshaftungsrecht. Stand und Entwicklungstendenzen, 2éd., Berne 2001, p. 135, ci-après: Staatshaftungsrecht).

En définitive, la limite entre le droit privé et le droit public doit être tra­cée dans chaque cas, d'après les critères les plus appropriés aux cir­cons­tances concrètes (cf. Gross, Staatshaftungsrecht, p. 22 s.; ATF 109 Ib 146 consid. 1b, ATF 96 I 407 consid. 2a à c).

1.1.3           En l'occurrence, il s'agit donc en premier lieu de déterminer si la responsabilité de Skyguide dans l'exercice de l'activité dont il s'agit est régie par le droit public ou le droit privé.

1.1.3.1     Skyguide est une société anonyme de droit privé suisse sans but lucratif, dont la Confédération est l'actionnaire majoritaire et dont les statuts nécessitent l'approbation du Conseil fédéral. En vertu de la faculté conférée à l'art. 40 al. 2 de la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA, RS 748.0), le Conseil fédéral a confié différentes tâches relevant du service de la navigation aérienne à Skyguide (art. 2 al. 2 de l'ordonnance du 18 décembre 1995 sur le service de la navigation aérien­ne [OSNA, RS 748.132.1] et le renvoi à l'art. 1 let. a à g et i OSNA), lesquelles sont décrites en annexe à l'ordonnance précitée. Il s'agit no­tamment du contrôle régional de l'espace aérien suisse et, dans la mesure où des accords bilatéraux le prévoient, de l'espace aérien étran­ger proche de la frontière (ch. 1.1 de l'annexe 1 à l'OSNA). Il apparaît évident qu'une telle tâche ne s'ap­pa­rente pas à l'exercice d'une activité commerciale ou industrielle soumise aux lois du marché. D'ail­leurs, le Tribunal fédéral a déjà traité cette problématique dans une précé­dente affaire, mettant en cause la respon­sabilité de Skyguide, et expres­sément qualifié cette tâche de droit public (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.113/1994 du 3 juin 1999 consid. 2b et 2d). En matière de marchés publics, la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics (CRM) s'est également penchée sur la na­ture intrinsèque de cette tâche et y a vu un cas d'exercice de la puissance publique (cf. décision de la CRM du 28 septembre 2001 in JAAC 66.5 consid. 3c/cc), conclusion qu'il convient ici d'entériner. Il sied finalement de constater que, sans avoir pour autant valeur de précédent, la Cour de justice des Com­mu­nautés européennes (CJCE) est parvenue à une conclu­sion identique s'agissant d'Eurocontrol, autre organisme char­gé de contrôler l'espace aérien (cf. arrêt du 19 janvier 1994, SAT Flug­ge­sell­schaft c/Eurocontrol, C-364/92, Rec. p. I-43, point 28 s.).

Il n'y a pas lieu de se distancier de la jurisprudence précitée en raison de l'art. 40 al. 2 in fine LA, dont la formulation prête à caution. Cet article spécifie que « toute activité relevant de la puissance publique reste réser­vée à la Confédération ». Il ne signifie pas, pour autant, que Skyguide est dépourvue de la faculté d'exercer des tâches relevant de la puissance publique, mais bien que la Confédération assume la haute responsabilité, découlant du contrôle de la navigation aérienne délégué à Skyguide. Les débats aux Chambres fédérales montrent que c'est cette dernière formu­lation qui a été adoptée et qui prévaut (« Der Bund ist für die hoheitliche Funktion verantwortlich »; « La Confédération assume la haute respon­sabilité »), plutôt que la version française qui figure au re­cueil systé­matique (cf. Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale [BO] 2003 E 158; BO 2003 N 265). Quoi qu'il en soit, entrée en vigueur le 1er août 2003, cette disposition, d'une formulation malheureuse, n'est pas applicable à la présente espèce (voir la modification du 21 mars 2003 [RO 2003 2179, 2180; FF 2002 4127]).

Il s'ensuit que la responsabilité que Skyguide encourt dans le cadre de l'exécution de cette tâche relève du droit public et non du droit privé.

1.1.3.2     Se pose toutefois la question de savoir si le fait que la collision aérienne s'est produite au-dessus du territoire allemand, joue un rôle dans le présent contexte. Dans le même ordre d'idées, il s'agit de déterminer si la circonstance selon laquelle Skyguide exerçait la surveillance d'une partie de l'espace aérien situé au sud de l'Allemagne, que les deux avions ont survolé avant de se percuter, est susceptible de conduire à une conclusion divergente.

La nature de la tâche dont est investie Skyguide, à savoir le contrôle de la circulation aérienne, ne diffère pas suivant le territoire suisse ou étranger qui est concerné. Il s'agit, dans un cas comme dans l'autre, d'une tâche relevant de la puissance publique. Ce n'est dès lors pas parce que le contrôle en question porte sur une partie de l'espace aérien allemand qu'il ressort au droit privé plutôt qu'au droit public. D'ailleurs, l'examen des objectifs poursuivis démontre que la Suisse a un intérêt public à assumer cette tâche, qu'elle a déléguée à l'intimée. De manière générale, on peut dire qu'il existe dans ce domaine une finalité collective, un intérêt public, susceptible de dépasser les frontières nationales. C'est d'ailleurs dans cette optique que l'art. 40 al. 6 LA prévoit que l'activité des services de la navigation aérienne n'est pas limitée aux frontières nationales. A l'appui de ce qui précède, le Conseil fédéral soulignait il y a quelques années, dans le cadre d'une réponse à une interpellation, que la Suisse se situe dans l'une des régions d'Europe les plus denses en matière de trafic aérien et que, par conséquent, il s'y trouve quelques-uns des croisements les plus importants du réseau de routes aériennes. Il y relevait encore que la complexité des services de sécurité de la navigation aérienne qui en dé­coule exige des solutions opérationnelles qui vont au-delà de l'espace aérien relativement restreint de la Suisse. Plus particulièrement, s'agis­sant des services relatifs à la circulation aérienne au sud de l'Allemagne, qui sont en cause en l'espèce, le Conseil fédéral notait qu'ils servent en première ligne à l'optimisation des procédures d'exploitation, c'est-à-dire à une meilleure coordination en particulier pour l'approche de l'aéroport de Zurich. Des considérations de capacité et de sécurité particulières à cet aéroport font ainsi en sorte que la Confédération suisse est intéressée à la gestion d'une partie de l'espace aérien du sud de l'Allemagne (cf. réponse du Conseil fédéral du 25 février 2004 à l'interpellation 03.3369 du Conseiller national Peter Föhn du 19 juin 2003; cf. message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant l'accord entre la Confédé­ration suisse et la République fédérale d'Allemagne relatif à la fourniture de services de la navigation aérienne au-dessus d'une partie du territoire allemand par la Confédération suisse et aux effets de l'exploitation de l'aéroport de Zurich sur le territoire de la République fédérale d'Alle­magne, FF 2002 3171 ss, 3183 ad art. 1, ci-après: message relatif à la fourniture de services de la navigation aérienne). Il faut en déduire que le contrôle de la circulation aérienne dans cette zone revêt un intérêt public éminent, non seulement pour l'aéroport de Zurich et le canton éponyme - ce qui serait à l'évidence réducteur - mais pour la Confédération suisse. Ceci justifie d'y voir une tâche de droit public, malgré l'espace aérien concerné.

Certes, la question de savoir si les services de navigation aérienne de route dans l'espace aérien du sud de l'Allemagne sont fournis sur la base d'un accord bilatéral, conformément au ch. 1.1 de l'annexe 1 à l'OSNA en relation avec l'art. 2 al. 2 OSNA, apparaît problématique. Ces pres­ta­tions n'étaient en effet couvertes par aucun accord intergouvernemental au moment des faits. La réglementation se basait alors sur des « Letters of Agreement » entre Skyguide et l'organisation de contrôle de la navi­gation aérienne allemande (Deutsche Flugsicherung GmbH [DFS]; voir le message relatif à la fourniture de services de la navigation aérien­ne, FF 2002 3171 ss, 3174). Un accord entre la République fédérale d'Alle­magne et la Suisse - signé le 18 octobre 2001 (FF 2002 3201) et soumis à l'approbation des Chambres fédérales dès 2002 - aurait pu remédier à cette situation, dans le sens où il prévoyait la délégation for­melle à la Suisse du contrôle de la circulation aérienne dans une partie de l'espace aérien allemand. Cela étant, cet accord n'a pas été ratifié et rien n'indique d'ailleurs qu'il aurait déployé des effets anticipés, sus­cep­tibles de régir la présente affaire. Il n'existait donc, au moment de la collision aérienne du 1er juillet 2002, aucun accord bilatéral consacrant cette délé­gation. Dans cette perspective, demeurerait encore à examiner s'il existait une coutume entre les deux Etats, susceptible de fonder celle-ci. En effet, Skyguide fournissait des services de navigation aérienne de route dans l'espace aérien du sud de l'Allemagne depuis plusieurs décen­nies au moment des faits. La circonstance selon laquelle la délégation était consacrée dans l'accord précité, lequel n'a pas été ratifié, ne plaide pas contre l'existence d'une semblable coutume, dès lors qu'il est possible de la codifier à un moment ou à un autre. Par ailleurs, l'absence de rati­fi­cation de l'accord précité ne change rien à l'existence - ou non - de cette hypothétique cou­tume. Cette question n'a toutefois pas à être tranchée.

En effet, il importe surtout que Skyguide exerçât effectivement cette tâche - ressortant par nature au droit public - au moment déterminant. Si, par hypothèse, elle a outrepassé ses compétences, en ce sens qu'un accord bilatéral ou une coutume entre les deux Etats faisait défaut, les faits de­meurent indéniables et la responsabilité de l'intimée n'en reste pas moins régie par le droit public (cf. en ce sens Meinhard Schröder, in: Wolf­gang Graf Vitzthum [éd.], Völkerrecht, 4e éd., Berlin 2007, ch. 7/24). L'institution de la responsabilité de l'Etat - respectivement des organi­sa­tions auxquelles il délègue l'exécution de tâches de droit public - ne pourrait pas remplir sa fonction si des actions illégales des personnes chargées du service public ou bien des comportements représentant un dépassement des compétences pouvaient exclure le devoir de l'Etat - respectivement des organisations précitées - de compenser le dommage (cf. décision de la CRR du 18 décembre 2002 in JAAC 67.64 consid. 3d; Balz Gross, Die Haftpflicht des Staates. Vergleich und Abgrenzung der zivil- und öffentlich-rechtlichen Haftpflicht des Staates: dargestellt am Beispiel der einfachen Kausalhaftungen des Zivilrechts und der Staats­haftungsgesetze des Bundes und des Kantons Zürich, Zurich 1996, p. 157, ci-après: Die Haftpflicht des Staates; Schröder, op. cit., ch. 7/25).

1.1.3.3     La responsabilité de l'intimée se juge donc ici selon le droit public et non pas selon le droit privé. A défaut d'accord international en ce domaine (en particulier la compétence exclusive des tribunaux ordi­naires de la République fédérale d'Allemagne prévue à l'art. 3 al. 8 de l'accord du 18 octobre 2001 entre la Confédération suisse et la Républi­que fédérale d'Alle­magne (FF 2002 3201) n'est pas applicable, pour les raisons déjà citées, liées à l'absence de ratification et de droit dans le temps), la matière est ainsi exclusivement régie par la LRCF. Le Tribunal administratif fédéral n'a pas connaissance de jugements de tribunaux étrangers qui iraient à l'encontre de ce qui précède. Par ailleurs, il n'est pas tenu de s'aligner sur les considérations qui ont guidé le jugement de causes présentant une certaine connexité avec la présente, mais opposant des tiers. L'on se réfère en particulier à l'arrêt 4 O 234/05 H du Land­gericht Konstanz du 27 juillet 2006, dans la cause opposant Bashkirian Airlines (demanderesse) à la République fédérale d'Allemagne (défen­de­resse), par lequel il a été jugé que cette dernière devait répondre des man­quements reprochés à Skyguide et était tenue d'indemniser Bashkirian Airlines (cf. arrêt du Landgericht Konstanz du 27 juillet 2006 cité in Claudia Stutz, in: Stephan Hobe/Nicolai von Ruckteschell [éd.], Köl­ner Kompendium, Luftrecht, vol. 2, Luftverkehr, Cologne 2009, p. 918 ch. marg. 98). Il semblerait d'ailleurs que cet arrêt ait fait l'objet d'un re­cours et ne soit donc pas définitif (cf. Stutz, op. cit., p. 918 ch. marg. 98 et p. 920 ch. marg. 106).

1.1.3.4     Il s'ensuit également que les normes instituant une responsabilité de droit privé, au surplus d'un Etat tiers, ne sont pas applicables. Dès lors, il n'y a pas de raison de s'en référer aux règles internes de droit russe, en matière de droit international privé (...) ni d'ordonner un avis de droit portant sur le droit russe en la matière (...).

1.1.3.5     C'est ainsi à tort que les recourants prétendent que le droit suisse ne serait pas applicable (...), sans d'ailleurs pour autant indiquer quel droit étranger lui serait préférable. Leur attitude se révèle par ailleurs contra­dictoire, puisqu'ils ont eux-mêmes soumis leurs prétentions à Skyguide pour décision (...) et qu'ils ont invoqué le droit suisse tant de­vant l'intimée que devant le Tribunal admi­nistratif fédéral. Certes, les recourants font valoir qu'ils ont procédé ainsi afin de sauvegarder leurs droits (...), mais tel est en définitive l'objet de toute action en justice et les conclusions des recourants sont, sans contestation possible, des con­clusions en paiement. Certes encore, cette initiative a pu être in­fluencée par le courrier de Skyguide aux recourants du 29 avril 2005, aux termes duquel l'intimée les a rendus attentifs au problème de la sur­ve­nance prochaine de la péremption. Cela étant, il se concevrait diffi­cilement que les recourants puissent se plain­dre d'avoir été orientés à bon escient sur ce point. L'action qu'ils avaient ouverte contre Skyguide en Espagne n'a pas abouti, faute de compétence du tribunal saisi (...). Il est clair que les recourants auraient vu leurs prétentions frappées de péremp­tion s'ils avaient omis d'ouvrir action selon la procédure décrite par Skyguide.

1.1.3.6     Quelle que soit la conviction des recourants à ce propos, il ap­paraît, à l'analyse, que la responsabilité de Skyguide se juge sur la base du droit public suisse, à savoir à l'aune de la LRCF. Ceci n'a bien en­tendu rien à voir avec la prise en compte des circonstances indivi­duelles et locales ayant cours en Fédération de Russie, respectivement au Bash­kor­tostan, qui trouvent leur place - le cas échéant - dans le cadre de l'appréciation et de l'évaluation du dommage.

1.1.3.7     Si d'aucuns élèvent des prétentions en responsabilité, en relation avec le service de la navigation aérienne, Skyguide est tenue de rendre une décision sur le sort de ces prétentions, ainsi que le prévoit l'art. 19 al. 3 LRCF. Cette décision - qui émane ainsi d'une organisation exté­rieure à l'administration fédérale, statuant dans l'accomplissement de tâches de droit public que la Confédération lui a confiées (art. 33 let. h LTAF) - peut être déférée, sur recours, au Tribunal administratif fédéral. La compétence du Tribunal administratif fédéral se révèle ainsi fondée.

1.2                (...)

2.                   Objet du litige

Avant tout autre débat, il convient de cerner l'objet du litige. Pour ce faire, il s'agit de voir quelles conclusions ont été formulées par les recou­rants. En effet, celles-ci déterminent dans quelle mesure la décision est attaquée et délimitent en ce sens l'objet du litige (cf. André Moser, in: Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren [VwVG], Christoph Auer/Markus Müller/Benjamin Schindler [éd.], Zurich/St-Gall 2008, p. 689 ch. marg. 2 ad art. 52 PA). Deux particularités retiendront l'attention du Tribunal administratif fédéral. En premier lieu, les recou­rants ont modifié leurs conclusions au terme de leur mémoire complé­mentaire du 14 mars 2008 (consid. 2.1). Ensuite, l'intimée a éga­lement pris des conclusions dans le cadre de son mémoire de réponse du 29 octobre 2008 (consid. 2.2).

 

 

2.1                Modification des conclusions des recourants

2.1.1           Les conclusions sont scellées aux termes du mémoire de recours (art. 52 al. 1 1re phrase PA), lequel doit être déposé dans les 30 jours suivant la notification de la décision attaquée (art. 50 al. 1 PA). L'art. 22 al. 1 PA précise que le délai légal ne peut être prolongé, ce qui s'applique notamment au délai de recours de l'art. 50 al. 1 PA. Il s'ensuit qu'il ne peut être sursis au dépôt de conclusions. Par ailleurs, aucune norme ne prévoit la possibilité de modifier celles-ci, une fois ce délai écoulé. Doc­trine et jurisprudence en déduisent que toutes les conclusions, fus­sent-elles éventuelles, doivent être présentées dans le cadre du mé­moire de recours et que des modifications ou des adjonctions ne sont plus pos­sibles à l'issue du délai de recours (cf. Frank Seethaler/Fabia Bochs­ler, in: Bernhard Waldmann/Philippe Weissen­berger [éd.], Praxis­kom­men­tar VwVG, Zurich/Bâle/Genève 2009, p. 1028 ch. marg. 41 ad art. 52 PA; Knapp, op. cit., n°1923ter; Pierre Moor, Droit admi­nis­tratif, vol. I, Les fondements généraux, Berne 1994, p. 439 s.). Des va­riantes qui figu­reraient par exemple dans le cadre d'une réplique seraient donc irre­cevables (cf. décision de la Commission de recours en matière d'infra­structures et d'environnement du 4 avril 2005 in JAAC 69.91 con­sid. 8.1; Moser/Beusch/Kneubühler, op. cit., p. 96 ch. marg. 2.215). Seules les requêtes relatives à l'effet suspensif ou portant sur des mesures provi­sionnelles font exception à ce qui précède, en raison de leur objet lié à la procédure (Moser/Beusch/Kneubühler, op. cit., p. 97 ch. 2.218). Si les conclusions du recours ne peuvent être étendues après l'échéance du délai de recours, elles peuvent en revanche être précisées, réduites ou abandonnées (cf. arrêts du Tribunal admi­nis­tratif fédéral A-8435/2007 du 4 août 2008 consid. 3.1, et A-1985/2006 du 14 février 2008 consid. 4, en partie publié dans ATAF 2008/17; Moser, op. cit., p. 690 s. ch. marg. 6). L'objet du litige peut ainsi uniquement se réduire pour tenir compte de points qui ne sont plus contestés, mais pas s'étendre (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral A-1536/2006 et A-1537/2006 du 16 juin 2008 consid. 1.4.1; décision de la CRM du 26 mars 1997 in JAAC 61.77 consid. 2c).

A la question de savoir si l'art. 53 PA permet de déroger aux règles procé­durales qui précèdent, il faut répondre comme suit. Selon l'art. 53 PA, l'autorité de recours accorde au recourant qui l'a demandé dans un re­cours recevable à la forme un délai convenable pour compléter les motifs, si l'étendue exceptionnelle ou la difficulté particulière de l'affaire le com­mande. Selon toute évidence, cette disposition n'entame en rien le prin­cipe qui veut que les conclusions ne puissent être étendues à l'issue du délai de recours. Il n'y est en effet question que de permettre de complé­ter les motifs du recours. Le texte légal se révèle ainsi clair et rien n'in­dique que son libellé ne corresponde pas au sens sous-jacent de la norme, de sorte qu'une interprétation n'a pas lieu d'être.

2.1.2           En l'occurrence, dans le cadre de leurs recours, les recourants ont formulé des conclusions tendant d'une part au versement d'une in­demnité à titre de perte de soutien et d'autre part au versement d'une somme à titre de dépens, comprenant les frais d'expertise et une parti­ci­pation aux honoraires de leur conseil suisse. Ils n'ont dès lors pas conclu au versement d'une indemnité à titre de tort moral. C'est uniquement par le biais du mémoire complémentaire du 14 mars 2008, que le Tribunal administratif fédéral les a autorisés à déposer en application de l'art. 53 PA, qu'ils ont formulé des conclusions tendant au versement de sommes supérieures à celles que l'intimée leur avait octroyées à titre de tort moral. Dans le cadre de leur mémoire complémentaire, les père et mère de la victime ont par ailleurs augmenté leurs conclusions relatives à la perte de soutien. Ces conclusions amplifiées, respectivement nouvelles pour ce qui a trait au tort moral, ont été déposées bien après l'échéance du délai de recours. Elles ont pour effet d'étendre l'objet du litige et se révèlent, partant, irrecevables.

Le fait qu'un délai complémentaire ait été octroyé aux recourants pour compléter leurs motifs, ainsi que le prévoit l'art. 53 PA, ne change rien à ce qui précède. Conformément à ce qui a été dit plus haut (consid. 2.1.1), les motifs ne peuvent guère être assimilés aux conclusions et la possibilité de compléter les premiers n'a rien à voir avec celle d'étendre les secondes. Le Tribunal administratif fédéral remarque au surplus que les recourants n'ont pas manifesté l'intention d'augmenter ou d'étendre leurs conclusions avant le dépôt de leur mémoire complémentaire, de sorte que ces nouvelles conclusions apparaissent totalement inattendues. Finalement, rien n'empêchait les recourants de formuler des conclusions, le cas échéant plus étendues, dans le cadre du délai de recours, quitte à les réduire ultérieurement si celles-ci, à la réflexion, s'avéraient exa­gé­rées. Ils n'ont toutefois pas procédé de cette manière.

En conséquence, le Tribunal administratif fédéral doit écarter, en raison de leur irrecevabilité, les conclusions additionnelles des recourants ten­dant à l'octroi d'une indemnité supplémentaire à titre de tort moral, ainsi que les conclusions amplifiées des parents de la victime au titre de leur perte de soutien, telles qu'elles ressortent du mémoire complémentaire du 14 mars 2008.

2.1.3           Autre est la question de savoir si le Tribunal administratif fé­déral doit retenir l'abandon des conclusions des grands-parents de la vic­time relatives à leur perte de soutien, tel qu'il résulte du mémoire complé­mentaire du 14 mars 2008.

Sur le principe, comme déjà vu ci-avant (consid. 2.1.1), la réduction ou même l'abandon des conclusions demeure parfaitement possible, au contraire de leur augmentation, même après l'échéance du délai de re­cours. Cet abandon est intervenu en l'espèce sans réserve ni condition, qui n'au­rait d'ailleurs, le cas échéant, pas été admise (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_207/2007 du 20 mars 2008 consid. 2; Seethaler/Bochsler, op. cit., p. 1026 ch. marg. 39 ad art. 52 PA). De plus, à lire le mémoire complémentaire du 14 mars 2008, l'abandon des conclusions des grands-parents relatives à leur perte de soutien est motivé par le fait que ceux-ci seraient statistiquement décédés au moment où la victime aurait atteint l'âge de générer des revenus (...). Il n'existe dès lors pas de lien direct avec l'augmen­tation des conclusions en perte de soutien des parents. Au surplus, tou­jours selon les explications des recourants, cette augmen­ta­tion résulte « de [la] multiplication par un facteur 4 ou 5, comme retenu par le Prof. S. en début de son avis, se fondant sur des hypothèses de développe­ments futurs de l'économie bashkire et russe » (...). L'enjeu n'était dès lors pas pour les parents d'englober les prétentions en perte de soutien des grands-parents de la victime dans leurs propres conclusions, ce qui n'aurait d'ailleurs guère eu de sens étant donné que chacun doit agir personnel­le­ment pour sa propre perte de soutien (cf. Roland Brehm, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile, Berne 2002 [ci-après: La réparation du dommage corporel], p. 177 ch. marg. 405). Finalement, les deux parents de la victime ont dès le début - et non seulement à partir du dépôt du mémoire complémentaire - réclamé en leur propre nom la moi­tié de la somme résultant de l'expertise privée qu'ils ont produite (dont à déduire les montants qui auraient été accordés au même titre aux autres membres de la famille).

2.1.4           Par conséquent, le Tribunal administratif fédéral doit prendre acte de l'abandon par les grands-parents de la victime de leurs conclu­sions tendant au versement d'une indemnité en compensation de leur perte de soutien.

2.2                Demeurent dès lors uniquement les conclusions relatives à la perte de soutien des parents de la victime, telles qu'elles résultent de leurs recours, à savoir celles tendant au versement de:

- pour A. (père): CHF 30'597,50, mais au moins CHF 22'365.-, « sous déduction des montants qui auraient été accordés par le TAF à ce titre aux autres membres de la famille de X., à l'exception de la mère de celui-ci »;

- pour B. (mère): CHF 30'597,50, mais au moins CHF 22'365.-, « sous déduction des montants qui auraient été accordés par le TAF à ce titre aux autres membres de la famille de X., à l'exception du père de celui-ci »;

et en outre celle tendant au versement de CHF 2'000.- à chacun, à titre de dépens, comprenant les frais d'expertise et une participation aux hono­raires de leur conseil suisse.

En revanche, pour ce qui concerne les grands-parents de la victime, il ne subsiste guère que les conclusions tendant au versement de dépens, représentant CHF 2'000.- chacun.

2.2.1           S'agissant du libellé des conclusions relatives à la perte de sou­tien des parents de la victime, le Tribunal administratif fédéral ob­serve que celles-ci ne manquent pas de la clarté requise (art. 52 al. 2 PA). Il paraît évident qu'elles sont rédigées de manière alternative. Il faut donc comprendre qu'il s'agit d'accorder à chacun des deux parents un montant donné (CHF 30'597,50) ou, subsidiairement, si le Tribunal administratif fédéral se prononce pour une somme inférieure, que celle-ci ne se situe pas en-deçà de CHF 22'365.-. Cette subsidiarité implicite se déduit éga­lement des mo­tifs des recourants, lesquels ont exposé que la perte de sou­tien « glo­bale » se situe entre CHF 44'731,25 et CHF 61'195.-, montant dont cha­cun des deux parents de la victime réclame la moitié (...).

2.2.2           L'objet du litige est donc circonscrit par les conclusions qui pré­cèdent. Le Tribunal administratif fédéral constate ainsi qu'un dom­ma­ge corporel, comme celui résultant de l'atteinte à l'intégrité psychique (p. ex. choc nerveux) de l'un des parents de la victime, n'a ni été allégué ni tran­ché par l'intimée (ce qui fait qu'il n'eût pas été possible aux recou­rants de conclure à l'indemnisation d'un tel dommage devant le tribunal de céans) et que d'ailleurs aucune conclusion n'est formulée à ce titre devant la pré­sente instance (cf. à ce sujet ATF 112 II 118; Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 90 ch. marg. 170). Les recourants n'ont pas non plus contesté le rejet par Skyguide de leurs prétentions relatives aux frais d'inhumation, de voyages et autres coûts, rejet qui était motivé par l'ab­sence d'allégation détaillée et de preuve corrélative (...).

2.2.3           Par voie de conséquence, le ch. 1 (allocation d'une indemnité à titre de réparation du tort moral) et le ch. 2 (allocation d'un montant à titre de dommages-intérêts) du dispositif des décisions attaquées sont entrés en force.

2.3                Conclusions de l'intimée

Se pose au surplus la question des « conclusions » de l'intimée, telles que formulées dans le cadre de sa réponse aux recours du 29 octobre 2008. L'intimée requiert en effet la réduction, par voie de jugement, des mon­tants qu'elle a elle-même accordés aux recourants, dans la mesure des compensations que ceux-ci ont déjà obtenues de tiers (...). Elle soutient - preuves à l'appui - que Bashkirian Airlines et son assureur en respon­sabilité civile Y. auraient versé aux familles des recourants, y compris ceux qui sont entre-temps décédés, une indemnité de RUB 100'000 par victime (...), dans les jours qui ont suivi la collision aérienne.

En réalité, il ne s'agit pas de « conclusions » assimilables à celles des recourants (Moser/Beusch/Kneubühler, op. cit., p. 125 ch. 3.41 in fine; Ulrich Meyer, in: Bundesgerichtsgesetz, Marcel A. Niggli/Peter Uebersax/Hans Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Bâle 2008, ch. 3 ad art. 102). Seuls les recourants ont porté le litige devant le Tribunal ad­ministratif fédéral et en déterminent le cadre. La réponse de l'intimée ne revêt d'ailleurs pas la fonction d'un recours joint (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.651/2005 du 21 novembre 2006 consid. 1.2). Ceci ne préjuge en rien de la faculté, pour le Tribunal administratif fédéral, de procéder d'office à une reformatio in pejus, au sens de l'art. 62 al. 2 PA, dans la mesure où les conditions y relatives sont réalisées (cf. Moser/Beusch/ Kneubühler, op. cit., p. 125 ch. 3.42). Toutefois, étant donné que celles-ci ne sont manifestement pas réunies en l'occurrence (cf. Moser/ Beusch/Kneubühler, op. cit., p. 182 ch. 3.200), une réduc­tion des montants accordés dans les décisions attaquées est d'emblée exclue.

L'objet du litige étant circonscrit, il s'agit d'examiner les conditions qui déterminent le bien-fondé des prétentions des recourants.

3.                   Conditions de la responsabilité

L'art. 19 al. 1 let. a LRCF, qui régit la responsabilité des organisations spéciales chargées d'accomplir des tâches pour la Confédération et leur personnel, renvoie aux art. 3 à 6 LRCF s'agissant des conditions aux­quelles la responsabilité des institutions dont il s'agit est subordonnée. Aux termes de l'art. 3 al. 1 LRCF, la Confédération répond du dommage causé sans droit à un tiers par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, sans égard à la faute du fonctionnaire. Il en va dès lors pa­reil­lement des institutions indépendantes de l'administration ordinaire, char­gées d'exé­cuter des tâches de droit public par la Confédération, visées à l'art. 19 LRCF. Celles-ci ont une responsabilité primaire, exclu­sive et causale, en ce sens que le tiers lésé peut les rechercher elles seules, à l'exclusion de leurs organes ou de leurs employés. La Confédération est responsable envers le lésé du dommage que l'institution n'est pas en mesure de réparer (art. 19 al. 1 let. a LRCF).

Le lésé n'a pas à établir l'existence d'une faute; il lui suffit de faire la preuve d'un acte illicite, d'un dommage et d'un rapport de causalité entre ces deux éléments (cf. ATF 106 Ib 357 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédé­ral 2A.321/2004 du 11 avril 2006 consid. 4.1), toutes conditions com­pri­ses cumulativement (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6246/2007 du 16 janvier 2009 consid. 2.2). Ces notions correspondent à celles qui prévalent en droit privé (cf. ATF 123 II 577 consid. 4d/bb; décision de la CRR HRK 2004-006 du 27 septembre 2004 consid. 3 et décision de la CRR du 5 novembre 2001 in JAAC 66.51 consid. 3a; Tobias Jaag, Organisationsrecht. Staats- und Beamtenhaftung, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht I/3, 2e éd., Bâle 2006, ch. 97 et 164; Jost Gross, Staats- und Beamtenhaftung, in: Thomas Geiser/ Peter Karlen/Peter Münch [éd.], Schaden-Haftung-Versicherung, vol. V, Bâle 1999, ch. 5.4.1.1, ci-après: Staats- und Beamtenhaftung). Il est dès lors possible de s'en référer - par analogie - à la jurisprudence et à la doctrine pertinentes en droit civil.

L'illicéité est réalisée en tout cas lorsque l'acte incriminé porte atteinte à un bien protégé par un droit absolu, tel que la vie, l'intégrité corporelle ou la propriété (voir, par analogie, en droit privé Roland Brehm, Die Ent­stehung durch unerlaubte Hand­lungen, in: Berner Kommentar, Kom­mentar zum schweize­rischen Privatrecht, Obligationenrecht, Allge­meine Bestimmungen, 3e éd., Berne 2006 [ci-après: Berner Kommentar], ch. 35 ad art. 41 CO; Henri Deschenaux/Pierre Tercier, La responsabilité civile, 2éd., Berne 1982, p. 71). Une omission peut aussi, le cas échéant, constituer un acte illicite, mais il faut alors qu'il existât, au moment déter­minant, une norme juridique qui sanctionnait explicitement l'omis­sion commise ou qui imposait à l'Etat, ou à l'organisation délégataire, de pren­dre en faveur du lésé la mesure omise; un tel chef de responsabilité sup­pose donc que l'Etat, ou l'institution délégataire, ait eu une position de garant vis-à-vis du lésé et que les prescriptions qui déterminent la nature et l'étendue de ce devoir aient été violées (cf. ATF 133 V 14 consid. 8.1, ATF 132 II 305 consid. 4.1, ATF 126 III 113 consid. 2a, ATF 123 II 577 consid. 4d/ff, ATF 118 Ib 473 consid. 2b, ATF 116 Ib 367 consid. 4c; arrêts du Tribunal fédéral 8C_510/2007 du 3 octobre 2008 consid. 7.3.1 et  2A.675/2005 du 12 juillet 2006 consid. 2c; Gross, Staats­haf­tungs­recht, p. 164, 175-176).

La causalité naturelle entre deux événements, ou rapport de cause à effet, est un lien tel que sans le premier événement, le second ne se serait pas produit (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5C.125/2003 du 31 octobre 2003 consid. 2.2, 4C.77/2001 du 12 septembre 2001 et 4C.413/1999 du 9 février 2000; ATF 132 III 715 consid. 2.2, ATF 123 III 110, ATF 116 II 305). Une cause naturelle à l'ori­gine d'un préjudice n'est opérante en droit que si, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, elle est propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, de sorte que la survenance de ce résultat paraît de façon générale favorisée par le fait en question. Elle est alors qualifiée d'adéquate (cf. ATF 123 III 110 consid. 3a, ATF 119 Ib 334; arrêt du Tribunal fédéral 4C.79/2001 du 21 juin 2001 consid. 3a; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6246/2007 du 16 janvier 2009 con­sid. 3.1; Franz Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, p. 54 ch. marg. 213 s.; Brehm, Berner Kommentar, ch. 121 ad art. 41 CO; Heinz Rey, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, Zurich/Bâle/Genève 2008, p. 124 ch. 525). En présence d'une omission, il n'est pas évident de distinguer entre rapport de causalité naturelle et adéquate (cf. ATF 132 III 715 consid. 2.3, ATF 132 III 305 consid. 3.5, ATF 115 II 440 consid. 5a), à telle enseigne que d'aucuns retiennent que - ces liens étant fondés sur la même hypothèse - seule la causalité hypothétique doit être examinée (cf. Gross, Staatshaftungsrecht, p. 197). En définitive, étant posé que l'ordre juridique imposait à une personne un devoir d'agir en vue d'empêcher la survenance du préjudice, il s'agit d'établir si un acte de cette personne aurait permis d'empêcher celle-ci (cf. Werro, La responsabilité civile, p. 48 ch. 188 s.).

Enfin, si l'on excepte le tort moral, qui représente la diminution du bien-être qu'une personne subit à la suite d'une atteinte à sa personnalité (cf. Werro, La responsabilité civile, op. cit., p. 36 ch. marg. 132), l'événe­ment dommageable doit porter atteinte au patrimoine du lésé. D'une ma­nière générale, le dommage juridiquement reconnu correspond à la diffé­rence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que celui-ci aurait atteint si l'événement dommageable ne s'était pas produit (cf. ATF 132 III 186 consid. 8.1, ATF 132 III 321 consid. 2.2.1, ATF 131 III 360 consid. 6.1, ATF 129 III 18 consid. 2.4, ATF 129 III 331 con­sid. 2.1, ATF 127 III 73 consid. 4). Il s'agit donc nécessairement d'un dommage patrimonial, à l'exclusion de l'atteinte à des biens personnels idéels ou affectifs (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.79/2001 du 21 juin 2001 consid. 4a; ATF 123 IV 145 consid. 4b/bb; Werro, Commentaire romand, p. 267 ch. marg. 8 ad art. 41 CO; Brehm, Berner Kommentar, ch. 69 s. ad art. 41 CO).

4.                   La perte de soutien

4.1                L'art. 5 LRCF - auquel renvoie l'art. 19 al. 1 let. a LRCF - prévoit qu'en cas de mort d'homme, les dommages-intérêts comprennent les frais, notamment ceux d'inhumation. Lorsque, par suite de la mort, d'autres personnes ont été privées de leur soutien, il y a également lieu de les indemniser de cette perte. L'art. 5 2e phrase LRCF correspond mot pour mot à l'art. 45 al. 3 CO et rien n'indique que le législateur ait en­tendu se distancier des règles de droit civil en cette matière, ce qui per­met de s'inspirer par analogie de la jurisprudence et de la doctrine relatives à cette dernière disposition.

4.2                L'art. 45 al. 3 CO déroge au système général du CO en per­mettant exceptionnellement la réparation du préjudice réfléchi, c'est­­-
à-dire subi par contrecoup par des tiers indirectement lésés (cf. ATF 127 III 403 consid. 4b/aa, ATF 112 II 118 consid. 5b, ATF 82 II 36 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 4C.195/2001 du 12 mars 2002 consid. 4; Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 83 s.; Heinrich Honsell, Schweizerisches Haftpflichtrecht, 4éd., Zurich/Bâle/Genève 2005, p. 101 ch. 89; Werro, Commentaire romand, p. 315 ch. marg. 11 ad art. 45 CO). Cette disposition doit, de ce fait, être interprétée restric­tivement (cf. ATF 112 II 118 consid. 5b, ATF 82 II 36 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 4C.195/2001 du 12 mars 2002 consid. 4; Brehm, Berner Kommentar, ch. 35 ad art. 45 CO).

4.3                Elle exige en premier lieu que le défunt apparaisse comme un soutien du ou des demandeur(s). Est considéré soutien celui qui, s'il n'était pas décédé, aurait subvenu, par des prestations gratuites dans leur principe, en tout ou partie à l'entretien d'une autre personne dans un avenir plus ou moins proche. La perte de soutien peut donc non seu­le­ment être effective, mais aussi hypothétique.

4.4                Le soutien hypothétique est celui qui, avec une grande vrai­semblance, aurait assuré un jour l'entretien du ou des demandeur(s), s'il n'était pas décédé (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.195/2001 du 12 mars 2002 consid. 4; ATF 114 II 144 consid. 2a, ATF 112 II 87 consid. 2a; Rey, op. cit., p. 67 ch. 288; Werro, Commentaire romand, p. 316 ch. marg. 16 ad art. 45 CO [qui utilise en revanche l'expression « selon toute probabilité »]; Brehm, Berner Kommentar, ch. 193 ad art. 45 CO [qui parle quant à lui d'hypothèse « sérieusement vraisemblable »]; Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 171 ch. marg. 393 [où il est question de « haute vraisemblance »]). Il faut donc établir les faits per­mettant de conclure que, dans le cours normal des choses, la personne décédée aurait un jour aidé le ou les demandeurs (cf. ATF 66 II 206 consid. 3, ATF 62 II 58 consid. a; arrêt du Tribunal fédéral 4C.195/2001 du 12 mars 2002 consid. 4). Comme les incertitudes sont nombreuses (cf. Piermarco Zen-Ruffinen, La perte de soutien, Berne 1979, p. 30), le juge doit se montrer prudent (cf. Deschenaux/Tercier, op. cit., p. 236 ch. 21; Karl Oftinger/Emil Wilhelm Stark, Schweizerisches Haft­pflichtrecht, Allgemeiner Teil, 5éd., Zurich 1995, p. 338 ch. 269).

Peut être considéré comme soutien hypothétique notamment l'enfant en­core incapable de gagner sa vie, mais qui aurait, plus tard, pu venir en aide à ses parents (cf. ATF 112 II 118 consid. 3, ATF 72 II 192). La juris­prudence de la première moitié du XXsiècle comporte un certain nom­bre de précédents sur la question (cf. ATF 17 I 641, ATF 22 I 1226, ATF 33 II 88, ATF 35 II 285, ATF 54 II 9, ATF 54 II 138, ATF 57 II 53 con­sid. 2 et 3, ATF 58 II 29 consid. 6 in Journal des Tribunaux [JdT] 1932 I 359, ATF 62 II 58, ATF 79 II 350 consid. 3, ATF in JdT 1942 I 475 n29 et ATF in JdT 1943 I 461 n26). Cela étant, elle s'est montrée rela­ti­vement restrictive, considérant un enfant comme le soutien futur hypo­thétique de ses parents uniquement dans des conditions exceptionnelles (cf. Brehm, Berner Kommentar, ch. 193 ad art. 45 CO; Brehm, La répa­ration du dommage corporel, p. 171 s.). Dans un arrêt datant de 1932, le Tribunal fédéral a ainsi reconnu le besoin de soutien des parents de l'en­fant sur la base du constat de leur situation économique précaire (ATF 58 II 29 consid. 6). A l'époque déjà, soit bien avant l'introduction du système de retraite tel qu'il est connu aujourd'hui, l'idée a été exprimée selon laquelle les enfants ne subvenaient pas à l'entretien de leurs parents dans le cours normal des choses. Toutefois, le Tribunal fédéral a retenu que cette appréciation ne valait pas pour des gens dans la situation éco­no­mique des demandeurs. En revanche, dans un autre arrêt de la même année (ATF 58 II 213 consid. 4), le Tribunal fédéral a dénié le besoin de soutien des parents vis-à-vis de leur enfant, soulignant que l'assistance des parents par leurs enfants n'est nullement un phénomène constant ni même très général dans des cas, comme celui dont il était saisi, où le père - même sans être très fortuné, et tout en jouissant d'un traitement mo­deste - exerçait une profession très honorable (il s'agissait d'un agent de police communale), « où les possibilités d'avancement [étaient] nom­breuses et où l'homme probe et actif se créé[ait] normalement des rela­tions destinées à lui procurer d'utiles sources de revenus, au delà de l'âge de la retraite ». Même en faisant abstraction de la pension de retraite qu'aurait touchée le père au moment de sa retraite, le Tribunal fédéral ne s'est pas rangé à la thèse selon laquelle, dans le cours normal des choses, les demandeurs - père et mère du défunt - auraient été un jour dans la nécessité de requérir l'aide financière du défunt.

Par la suite, le Tribunal fédéral a maintenu la ligne ainsi tracée. Dans un arrêt du 18 mars 1936 (ATF 62 II 58 consid. a), en référence à cette juris­prudence, il a rappelé qu'il avait fait preuve de beaucoup de retenue dans l'allocation d'indemnités lorsqu'il s'agissait de dire si un enfant serait un jour devenu le soutien de ses parents, sans avoir été jusqu'à exclure en principe toute indemnité. Dans l'affaire en question, il s'agissait d'une famille modeste d'horlogers, dont le père se trouvait au chômage. Le Tribunal fédéral a - dans ce cas précis - admis que, dans le cours ordi­naire des choses, l'enfant aurait contribué à l'entretien du ménage com­mun. Cela étant, il a rectifié la somme allouée par les premiers juges, celle-ci lui paraissant trop élevée notamment au regard du fait qu'à l'époque où l'enfant aurait atteint l'âge de 18 ans, ses parents auraient encore joui de toute leur force de travail (cf. ATF 62 II 58 consid. a). Puis encore, dans un arrêt ultérieur (cf. ATF in JdT 1946 I 490 n31), le Tri­bunal fédéral a souligné que la perte d'un soutien futur ne devait être ad­mise qu'avec beaucoup de circonspection et de retenue, c'est-à-dire dans des cas où des circonstances toutes particulières le justifiaient. Le nom­bre d'années au bout desquelles l'enfant serait venu en aide à ses parents était parfois si grand et le secours futur si aléatoire que cette éventualité apparaissait trop hypothétique pour qu'une indemnité puisse être fixée, même approximativement. Cependant, le juge devait tenir compte équi­tablement de toutes les circonstances, y compris celles qui, dans le cas d'espèce, rendaient vraisemblable que, dans un avenir pas trop éloigné, la victime de l'accident aurait contribué en quelque mesure par son travail aux frais du ménage. Le Tribunal fédéral a estimé dans cette affaire que les parents du défunt auraient, à vues humaines, eu besoin de l'appui de leurs enfants, tout en précisant que le père (demandeur) était simple journalier, n'avait que son modeste salaire d'ouvrier pour entre­tenir sa famille et qu'en outre le ménage s'était endetté pour fonder son foyer.

Cela étant, l'introduction de l'assurance-vieillesse et celle de la pré­voyance professionnelle dite du 2pilier (loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [LPP, RS 831.40]) a de plus en plus remplacé la solidarité de famille et, au fil du temps, les cas dans lesquels un soutien futur a été admis sont devenus rares, le dernier arrêt du Tribunal fédéral en ce sens datant du 4 février 1961 (arrêt non publié Gay/Vaudoise cité in Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 173 ch. marg. 395). Dans les arrêts du Tribunal fédéral les plus récents sur la question, cette perte de soutien future a été niée (cf. ATF 112 II 118 consid. 3 et ATF 72 II 192; Werro, La respon­sabilité civile, p. 271 ch. marg. 1074; Werro, Commentaire romand, ch. 16 ad art. 45 CO; Marc Schaetzle/Stephan Weber, Manuel de capitalisation, Zurich 2001, ch. 3.387; voir aussi les autres arrêts cités par Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 174 ch. marg. 398).

Il convient de garder à l'esprit que, pour autant qu'il soit admis, la durée du soutien est dans la plupart des cas limitée dans le temps. En effet, dans le cours normal des choses, un enfant adulte se marie et la charge du nouveau ménage absorbe l'essentiel du revenu. Par ailleurs, si le soutien était féminin, il y a lieu d'envisager la cessation au moins temporaire d'une activité professionnelle avec la venue des enfants (cf. Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 175 ch. marg. 401).

4.5                La qualité de soutien relève du fait; elle n'est déterminée ni par le lien de parenté, ni par les droits de succession (cf. ATF 82 II 36 con­sid. 4). Il importe donc peu de savoir si le soutien est fourni à titre d'obligation légale, contractuelle ou morale (cf. ATF 114 II 144 con­sid. 2a, ATF 72 II 165, ATF 54 II 9 consid. 2, ATF 53 II 50; Brehm, Ber­ner Kommentar, ch. 41, 42 et 43a ad art. 47 CO; Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 91 ch. 173 s. et p. 115 ch. 243 s.; Anton Schnyder, in: Basler Kommentar, Obligationenrecht I, Heinrich Honsell/Nedim Peter Vogt/Wolfgang Wiegand [éd.], 4e éd., Bâle 2007, ch. 8 ad art. 45 CO; Werro, Commentaire romand, p. 316 ch. marg. 17 ad art. 45 CO). Ce qui est décisif, c'est que - si l'accident n'avait pas eu lieu - le défunt aurait subvenu ou continué de subvenir, en totalité ou en partie, à l'entretien de la personne dans un avenir plus ou moins proche (cf. ATF 114 II 144 consid. 2a, ATF 112 II 87 consid. 2, ATF 82 II 39; Werro, La responsabilité civile, p. 271 ch. marg. 1075; Werro, Com­mentaire romand, p. 316 ch. marg. 17 ad art. 45 CO). Il n'est donc pas déterminant que les enfants soient ou non tenus légalement de pourvoir à l'entretien de leurs parents. Seul est déterminant le soutien effectif qui est apporté, respectivement qui sera selon une haute vraisemblance apporté dans le futur.

4.6                Le fait que le demandeur ait encore d'autres parents tenus en­vers lui à un devoir d'assistance n'est pas relevant (cf. ATF 74 II 202 - JdT 1949 I 516; Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 112 ch. marg. 234). Cette circonstance n'affecte en rien le droit de la personne soutenue de réclamer une indemnité à titre de perte de soutien à l'en­contre du tiers responsable. L'auteur d'un acte illicite ne doit pas profiter du fait qu'une personne qui, par sa faute, a perdu son soutien, peut faire valoir des prétentions alimentaires contre une autre personne; en d'autres termes, l'auteur de l'acte ne peut se prévaloir du fait que d'autres per­sonnes, qu'elles soient ou non juridiquement obligées de le faire, s'oc­cu­peront désormais du lésé (cf. ATF 57 II 180 in JdT 1932 I 41; Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 112 ch. marg. 234).

4.7                L'assistance peut du reste affecter différentes formes. L'art. 45 al. 3 CO permet non seulement d'indemniser la perte de soutien consis­tant en des prestations en espèces mais également la disparition d'un sou­tien en nature ayant une valeur économique (Brehm, La répa­ration du dommage corporel, p. 93 ch. marg. 180). Le soutien n'est donc pas seule­ment celui qui remet à autrui les biens nécessaires à la vie ou de l'argent pour se les procurer. C'est aussi la personne qui consacre direc­tement son travail à une autre, en préparant ses repas, en soignant ses vêtements et son logis, etc. (dommage ménager), car cette activité contri­bue égale­ment à l'entretien de celui qui en bénéficie. Ce qui est compensé n'est pas l'atteinte à la capacité de gain, mais l'atteinte à la capacité de travail comme telle (cf. Werro, Commentaire romand, p. 271 ch. marg. 25 ad art. 41 CO). Aussi a-t-il été reconnu qu'une femme pouvait être consi­dérée comme le soutien de son mari, en cela qu'elle tenait son ménage (cf. ATF 127 III 403 consid. 4b, ATF 108 II 434 consid. 2b, ATF 82 II 36 consid. 4a, ATF 53 II 125, ATF 57 II 182; arrêt du Tribunal fédéral 4C.195/2001 du 12 mars 2002 consid. 5a et arrêt du Tribunal fédéral du 30 octobre 1940 dans la cause Müller-Margot c. Marx-Willer et consorts, consid. 6b; Werro, La responsabilité civile, p. 272 ch. marg. 1079). Cette indemnisation est calculée indépendamment du fait qu'après le décès du soutien les tâches effectuées par celui-ci ont été remplacées par l'engagement d'une aide extérieure, par les membres du ménage restant ou qu'il en est résulté une perte de qualité (cf. ATF 127 III 403 con­sid. 4b; arrêts du Tribunal fédéral 4C.195/2001 du 12 mars 2002 con­sid. 5a et 4C.59/1994 du 13 décembre 1994 con­sid. 5a publié in JdT 1996 I 728). La particularité du dommage ménager tient au fait qu'il doit être réparé même s'il ne se traduit pas par des dé­penses accrues et ne correspond de ce fait à aucune diminution du patri­moine (cf. ATF 127 III 403 consid. 4b; Werro, Commentaire romand, p. 271 ch. marg. 25 ad art. 41 CO).

4.8                La personne soutenue doit avoir besoin du soutien (cf. Werro, La responsabilité civile, p. 273 ch. marg. 1080; Brehm, Berner Kom­mentar, ch. 54 ss ad art. 45 CO; Rey, op. cit., p. 68 ch. 291; Werro, Commentaire romand, ch. 21 ad art. 45 CO). Un tel besoin est admis lorsque, à la suite du décès du soutien, le niveau de vie antérieur ne peut plus être maintenu (ATF 113 II 323). Pour que la personne assistée ait droit à des dommages-intérêts, il n'est donc pas nécessaire qu'elle tombe dans la gêne par suite du décès de son soutien; il suffit qu'elle subisse une atteinte pécuniaire dans son genre de vie conforme à son état (cf. ATF 82 II 36 consid. 4a, ATF 59 II 463, ATF 57 II 182). En d'autres termes, le niveau de vie dont jouissait la personne soutenue doit être effectivement réduit après le décès du soutien, sans qu'il soit nécessaire que la personne soutenue tombe dans le dénuement (cf. ATF 114 II 144 consid. 2, ATF 82 II 36, ATF 59 II 463; Werro, La responsabilité civile, p. 273 ch. marg. 1080). Cela étant, dans ses derniers arrêts (cf. ATF 112 II 87, ATF 108 II 434 et ATF 102 II 90), le Tribunal fédéral a limité la notion de perte de soutien aux cas où le maintien du niveau de vie serait « consi­dérablement » (wesentlich) atteint. Il s'ensuit que, pour autant que le lésé ne puisse pas remédier de lui-même à la perte de soutien, ou qu'il ne le puisse qu'avec peine, la diminution (même peu importante) du niveau de vie qui en résulte constitue un dommage donnant droit à réparation (cf. Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 96 ch. marg. 187). Le maintien du niveau de vie ne comprend pas les dépenses exceptionnelles qui revêtent un caractère exagéré (cf. ATF 59 II 461 consid. 2b; Werro, La responsabilité civile, p. 273 ch. marg. 1081; Werro, Commentaire romand, ch. 22 ad art. 45 CO). Selon certains, il en irait différemment des dépenses élevées mais régulières et conformes au train de vie existant (cf. Werro, La responsabilité civile, p. 273 ch. marg. 1081; Werro, Commentaire romand, ch. 22 ad art. 45 CO; Brehm, Berner Kommentar, ch. 49 ad art. 45 CO).

5.                   Principe inquisitoire et fardeau de la preuve

5.1                La procédure est dominée par le principe inquisitoire, lequel s'oppose à la maxime des débats. Cela signifie que l'autorité doit établir les faits d'office. L'autorité constate l'état de fait pertinent et procède d'of­fice, s'il y a lieu, à l'administration des preuves (art. 12 PA). Le Tribu­nal administratif fédéral n'est pas lié par les faits allégués et les preuves offertes par les parties. Il doit s'attacher à établir l'état de fait de manière correcte, complète et objective, afin de découvrir la réalité matérielle (cf. Clémence Grisel, L'obligation de collaborer des parties en procédure administrative, Lausanne 2008, ch. marg. 140).

La force et les exigences du principe inquisitoire sont tempérées par plu­sieurs éléments et autres principes.

En premier lieu, il ne s'agit pas d'un établissement des faits ab ovo. Il convient de tenir compte de l'état de fait déjà établi par l'autorité infé­rieure et il ne s'agit pas de repartir de zéro. Il est dès lors rationnel de demander aux parties de motiver leur recours et d'attendre d'elles qu'elles indiquent à l'autorité de seconde instance les éléments de faits qui leur paraissent essentiels, plutôt que de demander à l'autorité de procéder à de nouvelles et complètes investigations. Les parties ne peuvent se contenter simplement de laisser au juge le soin de suppléer à leur manquement (Grisel, op. cit., ch. marg. 152, 158 et 165). En ce sens, le principe in­quisitoire est une obligation de revoir l'établissement des faits plus que d'établir ces derniers (cf. Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungs­verfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., Zurich 1998, ch. 676).

En second lieu, si le juge remarque spontanément et d'emblée des élé­ments qui ressortent du dossier, sans qu'ils aient été allégués, il doit certes en tenir compte et leur appliquer le droit d'office. Cependant, l'au­torité compétente ne procède à de telles constatations de fait complé­men­taires ou n'examine d'autres points de droit que si les indices cor­res­pon­dants ressortent clairement des griefs présentés ou des pièces du dos­sier (cf. ATF 119 V 349 consid. 1a, ATF 117 V 261 consid. 3b, ATF 110 V 199, ATF 110 V 53 consid. 4a; André Grisel, Traité de droit ad­minis­tratif, vol. II, Neuchâtel 1984, p. 927, ci-après: Traité de droit adminis­tratif; Kölz/Häner, op. cit., ch. 112, 603 et 677).

En outre, le principe inquisitoire est complété (cf. Revue de droit ad­mi­nistratif et de droit fiscal [RDAF] 2003 II 584 consid. 2.3), voire corrigé (Grisel, op. cit., ch. marg. 142 s.) par l'obligation pour les parties de collaborer (art. 13 PA). La maxime inquisitoire ne dispense dès lors pas les parties d'une collaboration active à la procédure et d'étayer leurs propres thèses. Il leur incombe ainsi de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (cf. ATF 128 III 411, ATF 107 II 233). L'administré ne doit pas se reposer sur l'autorité et s'en remettre aux différents moyens dont elle dispose pour établir les faits afin d'esquiver son devoir de collaborer (cf. Grisel, op. cit., ch. marg. 157). Si l'administré y contrevient, il ne saurait en principe se pré­valoir d'une mauvaise constatation des faits pertinents (cf. RDAF 2003 II 584 consid. 2.3) ni profiter des règles sur le fardeau de la preuve, qui n'interviennent qu'après la phase de l'établissement des faits. En défi­nitive, si en théorie l'autorité doit accomplir son devoir d'instruction indé­pendamment du comportement des parties, il n'en va pas toujours de même en pratique. Lorsque l'administré est seul à connaître certains faits déterminants pour l'issue de la cause et qu'il contrevient à son obligation de révéler ces faits, l'autorité se trouve dans une impasse. Il lui est en effet impossible d'établir les faits. Dans cette hypothèse, l'autorité n'a simplement pas d'autre choix que de statuer en l'état du dossier (cf. Grisel, op. cit., ch. marg. 793).

5.2                Une fois les investigations requises terminées et après une libre appréciation des preuves en sa possession, le juge se trouve à un car­refour. S'il estime que l'état de fait est clair et que sa conviction est ac­quise, il peut rendre sa décision et renoncera donc à des mesures d'ins­truction et à des offres de preuve supplémentaires, en faisant appel à une appréciation anticipée des preuves. Un rejet d'autres moyens de preuve est également admissible s'il apparaît que leur administration serait de toute façon impropre à entamer la conviction du juge, reposant sur des pièces écrites ayant une haute valeur probatoire. Par contre, si sa con­vic­tion n'est pas acquise, le juge doit appliquer les règles sur le fardeau de la preuve et résoudre le litige à l'aide de ces règles (cf. Moser/Beusch/ Kneubühler, op. cit., ch. 3.149 ss).

Les règles du fardeau de la preuve sont déterminées par le droit matériel. A défaut de disposition spécifique, il y a lieu de se référer aux règles générales. En vertu de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC, RS 210), chaque partie doit, si la loi ne dispose pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Cette dispo­sition s'applique par analogie en droit administratif (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c, ATF 92 I 253; Grisel, op. cit., ch. marg. 171 ss). Il appartient ainsi au lésé d'établir l'existence des conditions déterminant la respon­sa­bilité civile, à savoir l'acte illicite, le dommage et un rapport de causalité entre ces deux éléments (cf. ATF 132 II 305 consid. 4.1, ATF 106 Ib 357 consid. 2b). En droit privé, l'art. 42 al. 1 du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO, RS 220), qui reprend le principe énoncé à l'art. 8 CC, prévoit d'ailleurs qu'il revient au demandeur de prouver le dommage, que ce soit quant à son existence ou quant à son montant (cf. ATF 122 III 219 consid. 3a; Werro, Commentaire romand, p. 289 ch. marg. 3 ad art. 42 CO). S'agissant plus spécifiquement de la perte de soutien, le fardeau de la preuve se rapporte à toutes les conditions dont elle requiert la réa­lisation (cf. Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 114 ch. marg. 240).

5.3                En droit privé, s'agissant du dommage, la règle selon laquelle la preuve de son montant en incombe au demandeur, rappelée à l'art. 42 al. 1 CO, se voit nuancée par l'alinéa 2. Selon l'art. 42 al. 2 CO, lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équi­tablement, en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. Cette disposition, qui tend à instaurer une preuve facilitée en faveur du lésé (cf. Max Kummer, Berner Kommentar zum Schweizerisches Zivilgesetzbuch. Einleitung, Art. 1-10 ZGB, Berne 1966, ch. 70 et 245 ad art. 8 CC), octroie un large pouvoir d'appréciation au juge, dans les cas où la preuve stricte du dommage est exclue, en ce sens qu'elle permet de considérer le dommage comme établi sur la base d'une simple estimation (cf. ATF 122 III 219 consid. 3a). Selon la juris­prudence, l'art. 42 al. 2 CO n'est pas seulement applicable lorsqu'il est impossible d'apporter la preuve chiffrée du montant du dommage, mais également lorsque le fait même qu'un dommage a été occasionné n'est pas strictement démontrable (cf. ATF 122 III 219 consid. 3a, ATF 95 II 481 consid. 12, ATF 93 II 453 consid. 3, ATF 81 II 50 consid. 5 et les réf. cit.; dans ce sens également: Werro, Commentaire romand, p. 293 ch. marg. 24 ad art. 42 CO, malgré sa remarque p. 293 ch. marg. 23).

Toutefois, le champ d'application de l'art. 42 al. 2 CO est limité. Le juge ne peut y recourir que si le préjudice est tel qu'il est impossible à établir, si les preuves nécessaires font défaut ou si l'administration de celles-ci ne peut raisonnablement être exigée du demandeur (cf. Werro, La respon­sabilité civile, p. 244 ch. marg. 961; Werro, Commentaire romand, p. 294 ch. marg. 26 ad art. 42 CO). Cette disposition ne libère pas le demandeur de la charge de fournir au juge, dans la mesure où c'est pos­sible et où on peut l'attendre de lui, tous les éléments de fait constituant des indices de l'existence du dommage et permettant ou facilitant son estimation; elle n'accorde pas au lésé la faculté de formuler sans indi­cations plus précises des prétentions en dommages-intérêts de n'importe quelle ampleur (cf. ATF 131 III 360 consid. 5.1, ATF 122 III 219 con­sid. 3a, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 4C.255/1998 du 3 sep­tembre 1999 publié in: Semaine judiciaire [SJ] 2000 I p. 269 consid. 6c). Les circonstances alléguées par le lésé doivent être aptes à prouver de manière suffisante le fait qu'un dommage soit survenu et son ampleur. La conclusion selon laquelle un dommage de l'ampleur prétendue se soit effectivement passé doit s'imposer au Tribunal administratif fédéral avec une certaine force de conviction (cf. ATF 122 III 219 consid. 3a, ATF 98 II 34 consid. 2), soit avec une quasi-certitude (cf. Werro, La respon­sa­bilité civile, p. 245 ch. marg. 964; Werro, Commentaire romand, p. 294 ch. marg. 29 ad art. 42 CO). L'allocation de dommages-intérêts présup­pose en effet que la survenance du dommage prétendu ne se situe pas seulement dans le champ des possibilités, mais apparaisse proche de la certitude (cf. ATF 122 III 219 consid. 3a; Brehm, Berner Kommentar, ch. 52 ad art. 42 CO).

6.                   En subsomption

En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral se penchera tout d'abord sur les conclusions des recourants A. (père de la victime) et B. (mère de la victime), tendant au versement d'un certain montant à titre de perte de soutien (consid. 6 et 7) (...). Il s'agit de vérifier que les condi­tions pertinentes pour la réparation d'un dommage sont établies.

6.1                Illicéité

S'agissant de l'illicéité, le Tribunal administratif fédéral relève ce qui suit. Se pose la question de savoir si une action ou une omission peut être reprochée à Skyguide, l'omission nécessitant au surplus que Skyguide se soit trouvée dans une position de garant vis-à-vis des recourants (cf. consid. 3). A cet égard, il convient de rappeler que le service de la navigation aérienne a pour mission de garantir un déroulement sûr, ordonné et fluide du trafic aérien (art. 1 al. 4 LA). Ceci implique notam­ment d'éviter les collisions entre aéronefs, en assurant une distance mini­male suffisante entre ceux-ci. Normalement, la distance prescrite dans l'espace aérien concerné est de 5 miles horizontalement ou de 1'000 pieds verticalement (cf. ch. 3 par. 3.4.1 let. a de l'annexe 11 à la Convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale [RS 0.748.0; l'annexe 11 peut être consultée sur le site de l'Office fédéral de l'aviation civile < http://www.bazl.admin.ch > Documentation > Législation inter­nationale > Annexes techniques]; ces minimas de séparation étant direc­tement applicables en Suisse en vertu de l'art. 3 al. 1 OSNA; voir éga­le­ment: Air Traffic Management Manual des Leiters ACC Zürich, version du 21 mars 2002 de Skyguide [ATMMZC], vol. 2, partie 1 « Ver­fahren IFR-Flüge [=Instrumentalflüge] », chap. « Radardienst », pt. 3 « Radar­staffelungsminima »; cf. Vautier, op. cit., p. 51). La nuit du 1er au 2 juil­let 2002, compte tenu de la réorganisation de l'espace aérien sur­veillé par le centre de contrôle aérien de Zurich et des travaux de secto­risation prévus, il fallait observer une marge de sécurité supplémentaire. A partir de 21h13 UTC (23h13 heure locale), Skyguide devait veiller à respecter une distance de 7 miles horizontalement et de 1'000 pieds ver­ticalement (cf. rapport du BFU, op. cit., p. 39 et la réf. cit. à l'ATMMZC, vol. 2 et p. 109). Skyguide avait dès lors, de manière in­contestable, une position de garant par rapport aux lésés.

A cet égard, Skyguide reconnaît elle-même avoir agi de telle manière que cette distance minimale entre les deux avions n'a pas été respectée (...), ce qui laisse supposer une action. Cela étant, au regard du déroulement des faits, on devrait plutôt retenir une omission de sa part. Il faut rappeler que l'équipage du Boeing avait reçu l'autorisation de la part du contrôle aérien de se porter au niveau de vol 360, qu'il a atteint à 21h29:50 UTC (23h29:50 heure locale), et que le Tupolev est survenu par la suite dans l'espace aérien contrôlé par Skyguide, à la même altitude. Vu les trajec­toires des deux aéronefs, il appartenait ainsi à Skyguide de donner l'ins­truction à l'équipage du Tupolev de descendre au niveau de vol 350, ce qu'elle a certes fait, mais de manière tardive, à 21h34:49 UTC (23h34:49 heure locale). Selon le rapport du BFU (op. cit., p. 109), l'instruction en question aurait dû être donnée au plus tard à 21h33:49 UTC (23h33:49 heure locale), compte tenu du fait que la distance horizontale de 7 miles a été franchie à 21h34:56 UTC (23h34:56 heure locale) et de la vitesse de descente habituelle à cette altitude, qui est de 1000 pieds par minute. En ce sens, il y a eu omission de la part de Skyguide, puisqu'elle n'a pas donné l'ordre nécessaire à l'équipage du Tupolev en temps utile.

Cette omission est manifestement cruciale. Il n'est dès lors pas nécessaire de se pencher sur la pertinence d'autres actions de Skyguide, qui ont pu jouer un rôle dans la survenance de la collision, telle que la mauvaise indication donnée par le contrôleur du trafic aérien à l'équipage du Tupolev sur la position du Boeing (cf. annexe 2 au rapport du BFU, op. cit.).

6.2                Lien de causalité

S'agissant du lien de causalité, il faut d'emblée préciser que la perte de soutien dont il s'agit ici représente un dommage réfléchi (cf. consid. 4.2), à savoir un dommage que subit une tierce personne qui est en relation avec la victime de l'atteinte (cf. Werro, Commentaire romand, p. 269 ch. marg. 15 ad art. 41 CO). Dès lors, la question se pose dans les termes suivants. Le décès de X. se trouve-t-il en rapport de causalité avec l'acte ou l'omission de Skyguide? Les conditions topiques de l'indem­nisation de la perte de soutien, qui posent la question de la causalité à un stade, respectivement selon des termes différents, seront examinés plus loin (consid. 6.3).

L'intimée a toujours reconnu qu'en « transgressant la distance mini­male », son omission avait constitué l'une des causes de l'accident (...). Le respect de la distance minimale aurait de manière certaine permis d'éviter la collision. Ceci ressort également de manière indéniable du rapport du BFU (cf. rapport du BFU, op. cit., p. 6, 109 et 117 « Die Anweisung zum Sinkflug an die TU154M erfolgte zu einem Zeitpunkt, als die vorgeschriebene Staffelung zur B757-200 nicht mehr gewähr­leis­tet werden konnte »; « Die Einhaltung der vorgeschriebenen Staffelung hätte den Unfall sicher verhindert »). La causalité hypothétique entre l'acte omis et la collision aérienne, respectivement le décès de la victime, est réalisée, ce que l'intimée ne nie pas (...).

Cela étant, il n'est pas déterminant que d'autres faits se trouvent égale­ment dans un rapport de cause à effet avec l'accident. Il en irait diffé­rem­ment uniquement si une autre cause revêtait une importance telle qu'elle relèguerait à l'arrière-plan l'acte - respectivement l'omission - reproché à l'intimée, à savoir le fait d'avoir agi de telle manière que la distance mini­male entre les deux avions a été transgressée, respectivement omis d'agir de manière à ce que la distance minimale entre les deux avions soit res­pectée (cf. Werro, La responsabilité civile, p. 56 ch. marg. 222 et p. 58 ch. marg. 230; Brehm, Berner Kommentar, ch. 132 ad art. 41 CO). L'intimée soutient en particulier que l'équipage du Tupolev a commis une faute grave en ne tenant pas compte des instructions du TCAS, système indépendant du contrôle au sol, permettant de signaler à un pilote si un autre avion se trouve dans son espace proche et s'il y a un risque de collision. A son sens, ce manquement constituerait la cause principale de l'accident (...). Selon elle, les recourants eux-mêmes auraient fait valoir cette négligence contre Bashkirian Airlines dans le cadre de la procédure qu'ils ont ouverte contre cette dernière en Espagne (...). Cela étant, l'inti­mée ne va pas jusqu'à affirmer que cette prétendue négligence interrom­prait le lien de causalité adéquate entre son propre manquement et la collision aérienne, respectivement le décès de la victime (...). Le Tribu­nal administratif fédéral partage cette opinion. Que l'on puisse ou non reprocher à l'équipage du Tupolev d'avoir négligé de tenir compte des instructions du TCAS, il est clair qu'il incombait en premier lieu à Skyguide de guider les deux appareils, de manière à ce que la distance de sécurité soit respectée. Quand le TCAS se déclenche à bord d'un aéronef, c'est que la distance minimale de sécurité entre deux appareils n'est plus garantie et qu'il y a déjà, à la base, une erreur du service de contrôle de la circulation aérienne (voir en ce sens Vautier, op. cit., p. 136). Cette considération ne vaut bien évidemment qu'au point de vue externe, à savoir vis-à-vis des lésés. Elle ne préjuge dès lors pas du sort de pro­cédures internes entre Skyguide et d'autres éventuels responsables, qui ne sont pas l'objet du litige.

6.3                La perte de soutien

6.3.1           S'agissant du dommage, il sied de relever que les recourants réclament une indemnité à titre de perte de soutien. Leurs recours ne sont guère explicites quant à la manière dont celle-ci serait composée. Leurs allégations présentent un déficit à cet égard. Toutefois, le Tribunal admi­nistratif fédéral peut - en vertu du principe inquisitoire - relever les éléments qui ressortent clairement du dossier, même s'ils n'ont pas été allégués (cf. consid. 5.1). Il est donc possible de s'en référer aux indications qui ressortent de l'expertise produite par les recourants, à l'appui de leurs mémoires de recours. Par conséquent, à y regarder de plus près, cette indemnité se subdivise en trois postes distincts, intitulés comme suit au terme du rapport d'expertise précité: (a) « financial support to parents », (b) « companionship services to parents » et (c) « advice and counsel services to parents » (...).

Ces postes seront successivement traités ci-après. Il importera de déter­miner pour chacun d'entre eux si les conditions d'une perte de soutien sont réunies, à savoir d'une part la qualité de soutien et d'autre part le besoin de soutien (cf. consid. 4.3 et 4.8). Ces conditions concer­nent l'existence même du dommage et priment dès lors toute considé­ration concernant l'évaluation de ce dommage.

6.3.2           Avant toute chose, le Tribunal administratif fédéral se doit toute­fois de relever que les recourants lui ont fourni peu d'éléments. Ainsi, les faits allégués dans le cadre des recours pour justifier les prétentions en perte de soutien sont extrêmement succincts. Les documents destinés à prouver les faits en question ne le sont pas moins. En effet, la seule annexe aux recours consiste dans l'expertise privée confiée par les recou­rants au Prof. S. Les recourants n'ont dès lors produit aucune pièce étab­lissant leurs revenus et leur fortune, mises à part celles, au demeurant sommaires, produites à la requête du Tribunal administratif fédéral dans le cadre de l'assistance judiciaire et qui n'ont été invoquées que dans ce contexte. Aucune réquisition qui permettrait d'établir ces éléments pro­bants n'a, au surplus, été formulée par les recourants.

Le Tribunal administratif fédéral ne peut que s'interroger sur cette ca­ren­ce qui affecte aussi bien les faits allégués que les preuves offertes, res­pectivement requises, et sur le rôle qui lui est dévolu dans ce contexte. Le principe inquisitoire auquel le Tribunal administratif fédéral obéit ne va pas jusqu'à lui imposer de procéder à de nouvelles et complètes inves­ti­gations, que les recourants ne réclament d'ailleurs nullement. Aussi, dans la mesure où les recourants n'ont pas estimé utile d'indiquer certains éléments de faits, relatifs à leur sphère privée, le Tribunal admi­nistratif fédéral ne suppléera pas de lui-même à cette carence, confor­mément à ce qui prévaut en la matière. Il incombe en effet aux parties de renseigner le juge sur les faits de la cause (cf. consid. 5.1). Ce n'est d'ailleurs pas le rôle du Tribunal administratif fédéral d'indiquer aux recourants quels faits devraient être allégués et quels documents devraient être pro­duits pour les démontrer. Une semblable démarche n'aurait plus rien à voir avec le principe inquisitoire mais s'apparenterait à un service de con­seil juridique, dont le mandataire des recourants est chargé. Tout au plus le principe inquisitoire permet-il au Tribunal ad­mi­nistratif fédéral de prendre en compte les faits qui ressortent - sinon des recours - du moins de l'expertise privée qu'ils ont produite, pour autant encore qu'ils le soient clairement (cf. consid. 5.1). La procédure administrative est de la sorte plus avantageuse pour les recourants que la procédure civile, la­quelle voudrait que les faits soient régulièrement allégués, à défaut de quoi ils ne seraient pas pris en considération. Cela étant, le Tribunal ad­ministratif fédéral relève également que les recou­rants ont le fardeau de la preuve des conditions relatives à la perte de soutien qu'ils font valoir (cf. consid. 5.2). Les recourants devront donc supporter, le cas échéant, les conséquences liées à des faits qu'ils n'ont pas allégués, qui ne résultent pas non plus clairement du dossier, respectivement qui ne sont pas démontrés.

Cela étant, il s'agit pour le Tribunal administratif fédéral d'examiner, au vu du dossier, si l'enfant X. peut être reconnu comme le soutien futur de ses deux parents.

6.3.3           « Financial support to parents »

6.3.3.1     S'agissant du premier poste de la perte de soutien (« financial support to parents »), il résulte de l'expertise de S., produite par les re­courants, que l'évaluation en est faite sur la base des prémisses suivantes.

Dès que X., né le 27 août 1988 et âgé de 13 ans et demi au moment de l'accident, aurait eu 21 ans, il aurait consacré 10 % de ses revenus, dé­duction faite de ses impôts, à ses parents jusqu'à leur décès. S. envisage, à titre alternatif, qu'il leur aurait versé 20 % de ses revenus (...). Il n'est dès lors pas prétendu que l'enfant constituait déjà le soutien de ses parents, mais qu'il le serait devenu plus tard (soutien futur hypothétique). Cela étant, cette assertion n'est en rien étayée. L'expert mandaté par les recourants n'indique pas - alors même que d'autres aspects de son rapport sont bien plus détaillés - ce qui fonderait une telle prémisse. Il ne se réfère à aucune étude ou statistiques dans ce domaine. Il ne prétend pas non plus que celles-ci seraient inexistantes. Rien ne permet de présumer que les données nécessaires feraient totalement défaut; l'expert précité se réfère d'ailleurs à des statistiques gouvernementales s'agissant du revenu moyen de salariés ayant suivi un certain cursus scolaire, ainsi qu'on le verra ci-après.

S. explique parallèlement, dans son rapport, que la victime pouvait pré­tendre à une formation poussée, compte tenu de l'éducation, du niveau social et des postes occupés par ses parents (...). Il évoque à ce propos les professions respectives des père et mère de l'enfant au moment du décès de ce dernier, à savoir respectivement avocat et professeur (...). Cela étant, l'expertise est dépourvue d'élément sur un point crucial, à savoir les revenus des deux parents. Il n'est pourtant pas possible de faire abstraction de cet élément, d'autant que la différence d'âge entre les parents et leur enfant est faible (entre 19 et 25 ans). Il s'ensuit que lorsque l'enfant aurait atteint 21 ans, ses parents, alors âgés de 40 ans, respecti­ve­ment de 46 ans, auraient été encore pleinement actifs sur un plan profes­sionnel. L'absence de toute référence aux revenus des parents ne manque pas d'étonner vu le soin porté par l'expert à détailler d'autres aspects, très personnels, notamment les relations parents-enfants ainsi que les aspi­rations et capacités de la victime.

En revanche, les explications de l'expert permettent de retenir ce qui suit. S. fait référence, s'agissant des revenus qu'aurait réalisés la victime, aux statistiques gouvernementales, selon lesquelles un travailleur ayant ac­compli quatre années de collège réaliserait en Fédération de Russie un revenu approximativement égal à RUB 82'000, ce qui correspond à USD 2'600, par an en 2002. Bien que l'expertise en question n'indique pas le revenu qu'une femme pourrait obtenir, à formation équivalente, il résulte d'autres expertises produites dans des affaires parallèles à la présente que celui-ci se monterait approximativement à RUB 63'000, ce qui équivaudrait à USD 2'000 par an en 2002 (...). Ceci s'avère pertinent à un autre titre, c'est-à-dire pour ce qui a trait aux revenus des deux pa­rents, tous deux issus d'un collège, voire de la faculté de droit, s'agis­sant du père de la victime. Compte tenu des statistiques précitées, leur revenu annuel n'est pas censé être inférieur à RUB 82'000 pour le père et à RUB 63'000 pour la mère. Or ces montants sont largement supérieurs au revenu vital minimum, lequel atteint RUB 3'174 par mois, ou RUB 38'088 par an, au Bashkortostan (...). Le Tribunal administratif fé­déral ne cerne dès lors pas pour quelle raison leur fils leur aurait versé 10 %, voire 20 % de ses revenus, dès qu'il aurait atteint 21 ans.

Cette conclusion se trouve renforcée par les observations suivantes. Dans leur mémoire complémentaire, les recourants ont fait savoir que le père de la victime réalisait un revenu mensuel moyen de RUB (...), en tant qu'avocat. Sur l'année, les revenus du père de la victime se monteraient ainsi à plus de RUB (...). A vrai dire, cette allégation des recourants s'inscrit plutôt dans le cadre de la requête d'assistance judiciaire qu'ils ont déposée. Mais à supposer qu'elle soit pertinente dans le cadre de la de­mande au fond, force serait de constater que le père de la victime dispose d'un montant très largement supérieur au revenu vital minimum déjà évoqué (...). Par ailleurs, même si l'on tient compte de l'allégation, égale­ment formulée a priori dans le cadre de la requête d'assistance ju­diciaire, selon laquelle la mère de la victime serait sans emploi, incapable de travailler, depuis la catastrophe, le revenu de son mari paraît assurer à la famille un train de vie qui ne nécessite nullement le soutien addi­tion­nel des enfants.

Au vu de cela, l'expertise de S., produite par les recourants, se révèle la­cunaire, pour ne pas dire contradictoire. Ceci se trouve confirmé par l'ex­pertise de M., produite par l'intimée. Il y est indiqué qu'en Fédération de Russie et plus particulièrement au Bashkortostan, la pratique la plus cou­rante est que les parents soutiennent et assistent leurs enfants et non le contraire. Cet usage serait lié au revenu que reçoivent les plus jeunes, inférieur à celui de leurs aînés, et se verrait renforcé par le fait qu'ils
pré­tendent à plus de biens de consommation, comme des habits, des meu­bles et éventuellement une voiture, laquelle pourrait d'ailleurs condi­tion­ner l'obtention d'un bon emploi (...). M. soutient également l'opinion - fondée sur une étude relative à la sociologie des jeunes - qu'en Fédé­ra­tion de Russie, comme dans les pays européens, la période durant la­quelle des adultes, même mariés, sont financièrement soutenus par leurs parents tend à s'allonger (...). Finalement, elle explique que le soutien des parents à leur enfant est d'autant plus important que l'est leur statut social; des parents aisés entendent ainsi permettre à leur descendance une certaine ascension sociale et professionnelle (...).

Le Tribunal administratif fédéral estime que l'opinion exprimée par M. est parfaitement cohérente et vaut certainement pour les recourants, dès lors que ceux-ci font partie de la classe moyenne supérieure, ainsi que l'affirme S. dans le cadre de son rapport (« upper middle class stan­dard »; ...). Il est dès lors tout sauf probable qu'ils auraient eu re­cours au soutien de leur enfant, dès que celui-ci aurait atteint ses 21 ans. C'est bien plutôt la thèse contraire qui apparaît la plus vraisemblable, à savoir que les parents auraient continué à aider leur enfant, même au-delà de sa 21e année, afin de faciliter son ascension sociale et professionnelle.

L'expertise de S. ne permet dès lors pas de retenir que l'enfant X. aurait assuré l'entretien de ses parents à partir de ses 21 ans, s'il n'était pas décédé. D'une part, la qualité de soutien hypothétique n'est pas convain­cante et, d'autre part, il n'apparaît pas que les parents auraient eu besoin du soutien de leur enfant à compter de cette date. A cela s'ajoute que ces conditions doivent pouvoir être admises avec une grande vraisemblance (cf. consid. 4.4). Or, dans le cas présent, ainsi qu'on l'a vu, l'hy­pothèse d'un soutien futur n'est rien moins que vraisemblable. Si l'on tient compte de la jurisprudence suisse datant des années 1930, princi­palement antérieure à l'introduction du système de retraites tel qu'il existe actuel­le­ment (cf. consid. 4.4), il était déjà admis que les enfants ne sub­venaient pas à l'entretien de leurs parents dans le cours normal des choses, une appréciation différente se justifiant pour des personnes vivant dans une situation économique précaire. S'agissant d'un père qui, même sans être très fortuné, jouissait d'un traitement modeste de par sa pro­fes­sion, le besoin de soutien a ainsi été nié (cf. ATF 58 II 213 consid. 4). Dans le cas présent, le dossier révèle que les recourants ne se trouvent pas dans une situation économique précaire mais qu'ils font au contraire partie de la classe moyenne supérieure. La qualité de soutien de leur enfant de même que leur propre besoin de soutien doit donc être niée, conformément à la jurisprudence.

6.3.3.2     Se pose encore la question de savoir si cette situation aurait changé au moment où les parents de la victime auraient atteint l'âge de la retraite.

Il s'avère qu'il existe au Bashkortostan un système d'assurance-retraite pour les femmes à partir de 55 ans et pour les hommes à partir de 60 ans. Quant aux rentes de retraite, S. indique dans le cadre de son rapport que celles-ci seraient inadéquates pour assurer les besoins vitaux. Cela étant, il se fonde sur des données datant de 1995, qui ne sont donc plus forcé­ment d'actualité (...). Bien que citant un rapport de 2002, il omet éton­namment de parler de la réforme du système de pension de retraite qui en fait l'objet. Son expertise se révèle lacunaire sur ce point égale­ment. Au surplus, il passe sous silence le montant des rentes en question. Les recourants prétendent parallèlement à l'expert qu'ils ont mandaté que leurs rentes futures seraient largement inférieures à leurs revenus actuels (...), mais ils n'ont pas non plus indiqué la somme qu'elles atteindraient. Rien ne permet de penser qu'il serait impossible de calculer le montant de ces rentes, au moins de manière approximative, ou d'obtenir des insti­tu­tions compétentes qu'elles y procèdent. Cette lacune se révèle problé­matique pour les recourants, qui supportent le fardeau de la preuve de leur besoin de soutien.

L'expertise privée que l'intimée a confiée à M. apporte en revanche cer­tains éléments, qui conduisent le Tribunal administratif fédéral aux con­clusions suivantes. M. précise que les pensions servies au travailleur moyen consistent en trois parties: la partie sociale, celle gagnée et celle accumulée. Etant donné que les pensions sont extrêmement basses, c'est-à-dire inférieures à RUB 4'500, la plupart des retraités continuent à travailler. Elle indique encore que la rente de retraite se montait à RUB 2'841,60 en moyenne par mois en 2006 (...). Cela étant, il demeure un certain nombre d'éléments dont le Tribunal administratif fédéral n'a pas connaissance. Ainsi, l'on ne sait pas dans quelle mesure la rente de retraite des recourants serait égale à la moyenne précitée et si elle serait complétée par d'autres revenus, résultant notamment de la continuation d'un emploi ou d'une forme de prévoyance complémentaire. M. estime pour sa part que, si les parents sont valides, continuent à travailler, com­me ce serait le cas de la plupart des retraités en Fédération de Russie, et touchent leur retraite dans le même temps, ou si (ce qui lui paraît plus que probable dans le cas d'espèce) les parents reçoivent une pension de retraite élevée, les enfants leur apporteront rarement un soutien financier (...).

Sur la base de ces éléments, le Tribunal administratif fédéral estime que la thèse selon laquelle les parents de la victime toucheront au moment de leur retraite une rente inférieure ou égale à la rente moyenne de RUB 2'841,60 est bien moins probable que la thèse contraire, compte tenu de leur niveau social et de leur emploi. Par ailleurs, il constate que les parents de la victime exerçaient tous deux une profession honorable au jour du décès de leur fils, qu'ils n'appartenaient pas à une classe sociale modeste et que leur rémunération était en rapport avec leur statut. S'ils n'avaient pas pu constituer une épargne personnelle pour leur retraite auparavant, ce qui n'est pas établi (le dossier est singulièrement muet quant à l'éventuelle fortune des recourants), ils auraient eu tout loisir de le faire par la suite, leur carrière se poursuivant toujours. Il s'ensuit que, comme dans l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral en 1932 (ATF 58 II 213), soit bien avant l'introduction en Suisse du système de retraite dit des trois piliers, le Tribunal administratif fédéral émet des doutes sérieux s'agissant de la thèse selon laquelle, dans le cours normal des choses, les recourants auraient vraiment été un jour dans la nécessité de requérir l'aide financière de leur enfant, même en faisant abstraction de leur rente de retraite supposée.

Des éléments qui ressortent de l'expertise privée réalisée par S. accré­di­tent cette conclusion. En effet, s'agissant des perspectives de l'économie en Fédération de Russie, S. explique que les salaires et les standards de vie vont y croître de manière importante dans les deux prochaines di­zaines d'années (...) et fait notamment référence, à titre d'exemple, au fait que, dans les six ans ayant suivi la réunification, le salaire réel des Allemands de l'Est a augmenté de 83 %, soit une moyenne de 14 % par année (...). Certes, l'expert entend ainsi accréditer sa thèse relative à l'augmentation de revenus à laquelle pouvait prétendre X. Cela étant, on ne voit pas pour quelle raison ce raisonnement ne vaudrait pas de la même manière pour les parents de celui-ci, lesquels sont nés le 14 mars 1964, respectivement le 1er juin 1969 et étaient dès lors âgés de 38 ans, respectivement de 33 ans en 2002 (...). Les recourants ont d'ailleurs re­joint et appuyé sur ce point les conclusions de l'expert qu'ils ont man­daté. En effet, dans le cadre de leur mémoire complémentaire, ils ont fait sa­voir au Tribunal administratif fédéral que, s'ils avaient initialement esti­mé que la multiplication par un facteur 4 ou 5 - entreprise par S. - pa­raissait exagérée, « l'examen des revenus actuels des recourants et famille des victimes met[tait] toutefois en évidence que les suppositions faites par [ce dernier] trouvent[aient] effectivement fondement dans la réalité » (...). Il faut déduire de ce qui précède que, selon toute proba­bi­lité, les parents de X. peuvent escompter une augmentation importante de leurs salaires réels jusqu'à l'âge de leur retraite respective, de sorte qu'il y a tout lieu de croire que leurs ressources ne se limiteront pas, le moment voulu, aux pensions versées par l'Etat (...).

Certes, les multiples évoqués par S. ont été estimés sur les 20 à 30 pro­chaines années (...), ce qui ne correspond pas exactement à la durée de l'activité professionnelle que les parents de la victime poursuivront jus­qu'à leur retraite. Mais en tout état de cause le calcul n'en est pas affecté de manière notable.

Certes encore, cette évolution optimiste de l'économie russe est remise en question par l'expert mandaté par l'intimée - M. - qui l'estime très dou­teuse (...). Pour le second expert mandaté par l'intimée - à savoir K. - cette appréciation s'avère également inappropriée (...). Cela étant, même si l'on retient uniquement l'augmentation des salaires réels (à savoir les salaires nominaux, moins l'inflation) constatés sur les années 1999 à 2004, à savoir 6,5 % par an (...), voire 6 % - ce qui recueille l'adhésion de l'expert K. (...) - il apparaît clair que l'augmentation réelle des sa­laires que les parents de la victime peuvent escompter leur permettra de maintenir leur niveau de vie à l'âge de la retraite (...), même en faisant abstraction de la rente versée par l'Etat. Le Tribunal administratif fédéral retient donc que, selon toute vraisemblance, les parents de X. n'auraient pas eu à faire appel au soutien financier de leur enfant au moment de leur retraite. La thèse contraire, à savoir celle selon laquelle l'enfant aurait as­suré en tout ou partie l'entretien de ses parents au moment de leur re­traite, n'est ainsi pas établie au stade de la haute vraisemblance, qui est requise (cf. consid. 4.4).

6.3.3.3     Il s'agit enfin de voir si d'autres faits ou arguments, qu'ils soient régulièrement allégués par les recourants ou qu'ils ressortent clairement de l'expertise qu'ils ont produite, permettraient de parvenir à une conclu­sion différente.

Il y a ainsi lieu de se pencher sur les dispositions tirées de la Constitution de la Fédération de Russie du 12 décembre 1993 (art. 38) ainsi que du Code de la famille de la Fédération de Russie du 1er mars 1996 (art. 87 et art. 88), invoquées par S. (...). Il y est question de certains devoirs des enfants vis-à-vis de leurs parents et des conditions de leur application. Il importe peu de savoir si le contenu du droit russe est ainsi établi à satis­faction, ce qui paraît sujet à caution, ce d'autant que ces dispositions sont traduites librement par S. du russe en anglais (...). De nombreuses for­mulations (p. ex. l'expression « non-employable » ou « disabled parents, in need of assistance ») laissent ainsi planer un doute sur les situations spécifiques qui sont visées. Il semble cependant que le soutien des en­fants ne soit pas automatique mais bien conditionné par la survenance de situations déterminées, soit, à première vue, la maladie ou l'invalidité des parents.

La survenance de tels cas de figure, de l'ordre des hypothèses, ne saurait être admise à la légère pour fonder un soutien futur. Elle se révèle bien trop aléatoire. Il faut rappeler, de surcroît, que le droit russe n'est pas ap­plicable (cf. consid. 1.1.3.4). Il en va certes différemment de la prise en compte des circonstances individuelles et locales ayant cours au Bashkortostan, mais - même dans ce contexte - les dispositions citées n'apportent aucun élément de nature à modifier les conclusions du Tri­bunal administratif fédéral. La qualité de soutien est indépendante d'une obligation légale (cf. consid. 4.5). Ce sont en effet les éléments de fait qui sont décisifs. Le Tribunal administratif fédéral doit pouvoir admettre avec une haute vraisemblance que, si l'accident n'était pas sur­venu, le défunt aurait subvenu en totalité ou en partie à l'entretien de ses parents. Ce raisonnement, factuel, ne se fonde pas sur une obligation légale. Il existe d'ailleurs des normes similaires à celles évoquées par les recourants en droit suisse, notamment l'art. 328 CC, sans qu'elles revêtent une autre ou plus ample importance.

Par conséquent, l'évocation des dispositions précitées ne change rien aux conclusions du Tribunal administratif fédéral. La perte de soutien allé­guée par les recourants, intitulée « financial support to parents », repré­sentant le montant que la victime aurait par hypothèse versé à ses parents dès l'âge de 21 ans, voire dès que ses parents seraient parvenus à l'âge de la retraite, n'est pas établie au stade de la haute vraisemblance. Les pré­ten­tions des recourants s'agissant de ce poste du dommage doivent donc être rejetées.

6.3.4           « Companionship services to parents »

6.3.4.1     Les recourants ont fait valoir, au titre de leur perte de soutien, un dommage intitulé « companionship services to parents ». Ce concept ne traduit qu'imparfaitement ce qu'il recouvre. L'expert de l'intimée - M. - a relevé que le sens n'en était pas clair (...). Elle a ajouté que, dans la me­sure où il était fait référence à la perte de la possibilité d'être en com­pagnie de l'enfant, il s'agissait d'un dommage moral et non matériel. Cela étant, sans poser de conclusion hâtive, il convient de bien comprendre ce qui se cache derrière la terminologie utilisée.

6.3.4.2     Auparavant, il paraît utile de rappeler que le CO n'accorde pas la réparation totale du dommage correspondant à l'intérêt des tiers à ce que la victime eût continué à vivre. Les droits à des dommages-intérêts qui peuvent être invoqués en cas de décès sont énumérés limitativement à l'art. 45 CO (cf. ATF 53 II 123 in JdT 1927 I 340; Brehm, La réparation du dommage corporel, p. 88 ch. marg. 168). En outre, si tant est que l'art. 45 CO soit concerné, un soutien non économique mais purement af­fectif ne peut pas faire l'objet de dommages-intérêts. S'agissant des visites régu­lières ou même d'une présence continuelle du « soutien » (moral), leur perte n'est pas indemnisable (cf. Brehm, La réparation du dommage cor­porel, p. 94 ch. marg. 182).

6.3.4.3     Il résulte de l'expertise de S. que la notion de « companionship services to parents » regroupe des services tels que l'aide domestique, l'assistance dans le cadre des courses, du ménage et les soins de garde-malade (...), que l'enfant aurait par hypothèse prodigués à ses deux pa­rents s'il avait vécu. Il ne s'agit donc pas de compagnie ou de visites de l'enfant dont les parents auraient été privés, ce qui serait un dommage purement affectif, mais - à tout le moins dans la mesure des exemples précités - d'un préjudice économique. Cela étant, il faut encore savoir si les conditions liées à cette perte de soutien, à savoir celle voulant que l'enfant apparaisse comme le soutien de ses parents et celle tenant au besoin de soutien de ces derniers, sont réunies.

D'après les explications de S., la perte de soutien dont il est question correspondrait au moins à 30 heures par mois, à compter du moment où X. aurait eu 21 ans et jusqu'au décès de ses parents (...). L'expert des recourants envisage cependant un second scénario, dans lequel il faudrait ajouter 10 heures par semaine à la durée précitée, dès que le premier des parents aurait atteint ses 62 ans (...). Il s'ensuit que les recourants ne prétendent pas que X. aidait ses parents au ménage, aux courses ou à d'autres activités similaires avant son décès. Ils font valoir qu'il aurait entrepris ces tâches dès l'âge de 21 ans et qu'il y aurait alors consacré près de huit heures par semaine. Ils avancent même que, dès que le pre­mier de ses parents aurait atteint 62 ans, l'enfant aurait plus que doublé l'activité ménagère déployée à leur profit.

Cette assertion n'emporte pas la conviction du Tribunal administratif fédéral. En effet, l'on voit mal ce qui aurait motivé les parents à exiger de leur enfant qu'il leur apporte une aide domestique à laquelle ils avaient précédemment renoncé, à partir du moment où ce dernier se serait enga­gé dans la vie active. A cela s'ajoute que la différence d'âge entre les pa­rents et leur enfant n'est pas très importante, de sorte que les premiers cités auraient en principe bénéficié de forces vitales intactes lorsque leur enfant aurait atteint 21 ans. Dans ces conditions, il est peu vraisemblable qu'ils se soient déchargés, par pure convenance personnelle, de leurs tâches ménagères sur leur enfant. Au surplus, l'expérience générale de la vie démontre que le moment de l'insertion d'un jeune adulte dans la vie active ne coïncide guère avec le début ou l'accroissement d'une aide ménagère vis-à-vis de ses parents, à moins que des circonstances parti­culières (comme la maladie des parents) le justifient. Cela étant, les re­courants ne font pas valoir de semblables circonstances. Selon le cours normal des choses, un enfant adulte se marie ou vit en concubinage et son nouveau ménage absorbe une grande partie de son temps libre. Ceci n'est donc guère conciliable avec le soutien ménager que les père et mère de l'enfant font valoir.

Quant à savoir si la retraite future des parents aurait changé quelque chose à cette situation, il n'y a pas lieu de le considérer. De manière géné­rale, la fin de leur activité professionnelle permet aux personnes concer­nées de disposer de plus de temps pour des activités ménagères, même si celles-ci doivent être adaptées pour tenir compte des contin­gences liées à l'âge. En revanche, il n'est pas courant que les parents se déchargent de ces tâches sur leurs enfants, alors que ceux-ci poursuivent une carrière professionnelle et gèrent leur propre ménage, à moins que leur santé ne leur permette plus d'y pourvoir. Cela étant, il ne saurait être question d'ériger en présomption la dégradation de la santé des parents de la vic­time, au moment où ils atteindront l'âge de la retraite. Une telle hypo­thèse est trop aléatoire pour être déterminante. Une maladie peut d'ail­leurs intervenir à n'importe quel moment et affecter tout un chacun, soit aussi bien le soutien que la personne soutenue.

Au vu de ce qui précède, les conditions d'une perte de soutien, sous la forme d'un soutien ménager de X. à ses parents, ne sont pas réalisées, de sorte qu'il convient de rejeter les prétentions des recourants relatives à ce poste du dommage.

6.3.5           « Loss of advice and counsel services to parents »

S'agissant enfin du poste du dommage intitulé « loss of advice and counsel services to parents », réclamé au titre de perte de soutien, le Tribunal administratif fédéral considère ce qui suit.

6.3.5.1     Il s'agit tout d'abord d'élucider de quels services il s'agit. En effet, ainsi que cela a déjà été dit (cf. consid. 6.3.4.2), le CO n'accorde pas la réparation totale de n'importe quel préjudice. Le droit à des dommages-intérêts que les tiers peuvent faire valoir en cas de décès sont énumérés limitativement à l'art. 45 CO et, dans le cadre de cette dis­position, il doit nécessairement s'agir d'un soutien économique. Dans le présent contexte, à défaut d'explications contenues dans les recours, il faut s'en remettre aux indications résultant du rapport de S. Par « loss of advice and counsel services to parents », il faut ainsi comprendre les conseils donnés pour la prise de décision relative à des investissements financiers, pour des décisions relatives à l'aménagement de la vie des parents ou pour d'autres décisions quotidiennes (...). S. explique encore que les conseils en question auraient représenté une heure et demie par semaine, à compter du moment où le père ou la mère de X. aurait atteint 62 ans et jusqu'au décès de la mère de celui-ci (...).

6.3.5.2     A la lecture de ces explications, il s'avère que le soutien en ques­tion s'apparente plus à un dommage affectif qu'à un réel préjudice éco­no­mique. En définitive, les recourants se trouvent effectivement pri­vés des échanges de vue entre parents et enfant sur les sujets de la vie quoti­dienne, qui s'avèrent riches en enseignements de part et d'autre et permet­tent bien souvent de resserrer les liens affectifs. Cela étant, ceci ne se traduit pas par une perte économique effective. En outre, s'agissant de la perte des conseils relatifs à des investissements commerciaux, il n'est pas possible d'y voir un préjudice indemnisable. En effet, rien n'indique que l'enfant aurait été plus à même que ses parents d'évaluer la justesse de tel ou tel placement financier et de donner les conseils adéquats. Rien ne certifie non plus que les parents auraient suivi ces conseils plutôt que leur conviction personnelle ou les avis de professionnels. D'ailleurs, l'expert mandaté par l'intimée, à savoir M., estime pour sa part que, dans des ré­publiques telles que le Bashkortostan, la décision est laissée en ce do­maine aux plus âgés. Ainsi, même lorsque les enfants ont, par hypo­thèse, plus de connaissances dans certains domaines que leurs aînés, leur opi­nion pèse moins lourd que celle de ces derniers, comme le veut la tradi­tion. Il semblerait enfin que le fait de consulter sur des questions écono­miques ne soit guère courant en Fédération de Russie (...).

Ces éléments ne permettent pas au Tribunal administratif fédéral de considérer comme établie, avec le degré de vraisemblance requis, la perte de soutien prétendue par les recourants.

6.4                Au vu de cette conclusion, l'étape ultérieure, qui aurait consisté dans une évaluation du montant de la perte de soutien éventuelle, n'a pas lieu d'être. Il s'avère par conséquent inutile d'ordonner une expertise in­dépendante afin de chiffrer l'indemnité destinée à compenser la perte de soutien, comme l'évoque l'intimée à titre éventuel (...). Pour les mê­mes motifs, il apparaît comme sans pertinence de savoir quels mon­tants ont été octroyés aux familles d'autres victimes, avec lesquelles Skyguide serait parvenue à un compromis extrajudiciaire, comme le sou­haiteraient les recourants (...). D'ailleurs, d'éventuelles transactions conclues avec des familles de victimes autres que celles qui ont recouru ne lieraient pas le Tribunal administratif fédéral, puisque le jugement d'une action en dommages-intérêts s'opère conformément aux règles lé­gales et en fonc­tion d'un dommage individuel et concret, dûment allégué et prouvé. Une comparaison entre les dommages-intérêts alloués dans un cas ou dans un autre n'apporterait dès lors rien à la solution du présent litige. Ce raison­nement ne vaut pas de la même manière s'agissant de l'évaluation du tort moral, qui est fixé avec un certain schématisme lié à la nature immaté­rielle du préjudice en question. Bien que le problème du tort moral ne se pose pas dans le cas d'espèce, il apparaît utile de relever que des précé­dents peuvent être invoqués à titre de comparaison ou de référence, même si chaque état de fait est différent. Cela étant, les mon­tants pro­ve­nant de transactions en cette matière ne lient pas le juge. D'une part, rien ne certifie que la transaction considérée respecte le prin­cipe de la léga­lité. D'autre part, les mobiles des parties qui transigent peuvent inclure, sous le poste afférent au tort moral, des éléments et des spécula­tions tactiques qui en faussent le résultat (cf. Brehm, La répara­tion du dom­mage corporel, p. 318 ch. marg. 723 et la réf. cit.). Le Tribu­nal adminis­tratif fédéral ne cerne pas quel autre enseignement les recou­rants enten­daient tirer d'une hypothétique solution compensatoire conclue hors procédure avec d'autres familles de victimes. Il est donc renoncé à don­ner suite aux réquisitions précitées des parties, qui n'apporteraient rien à la solution du présent litige.

7.                   Griefs des recourants

Il y a enfin lieu de traiter les moyens des recourants, dans la mesure où ils s'avèrent pertinents, étant précisé que le Tribunal administratif fédéral n'a pas à se prononcer sur l'ensemble des allégations et griefs des re­cou­rants et peut se limiter aux éléments essentiels pour l'arrêt (cf. ATF 126 I 97 consid. 2b, ATF 129 I 232 consid. 3.2, publié in: RDAF 2005 I 573 consid. 8 in fine).

7.1                Le principe de la bonne foi

Il s'agit donc de se pencher sur le grief des recourants, tiré du principe de la bonne foi (...).

7.1.1           Le principe de la bonne foi, inscrit à l'art. 2 CC, est un principe général du droit valable également en droit public, découlant à ce titre directement de l'art. 4 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confé­dé­ration suisse du 29 mai 1874 (Cst. de 1874, RO 1 1), respectivement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101; cf. Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hot­telier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fonda­men­taux, Berne 2000, ch. 1115 ss; Moor, Droit administratif, vol. I, p. 428 ss). Il en découle notamment que l'administration doit s'abstenir de tout com­portement propre à tromper l'administré et qu'elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (cf. ATF 126 II 387 consid. 3a et ATF 124 II 269 consid. 4a). De manière générale, le principe de la bonne foi s'applique lorsque l'ad­mi­nistration crée une apparence de droit, sur laquelle l'administré se fonde pour adopter un comportement qu'il considère dès lors comme conforme au droit.

Ainsi, selon la jurisprudence, l'autorité qui fait une promesse, donne une information ou fournit une assurance doit satisfaire les expectatives créées, même si la promesse ou l'expectative sont illégales, si les condi­tions cumulatives suivantes sont remplies (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.561/2002 du 11 juillet 2003 consid. 3.2): (a) l'autorité doit avoir agi dans un cas concret et vis-à-vis d'une personne déterminée (un ren­sei­gnement général ou la distribution de notes d'information générale don­nant une orientation sur une législation ou son application ou encore une pratique ne suffisent pas); (b) l'autorité était compétente ou censée l'être; (c) l'administré ne pouvait se rendre immédiatement compte de l'illégalité du renseignement fourni; (d) ledit renseignement a incité l'administré concerné à prendre des mesures dont la modification lui serait préju­di­ciable; (e) enfin, la législation applicable n'a pas été modifiée entre le moment où l'information en cause a été donnée et celui où le principe de la bonne foi a été invoqué (cf. Knapp, op. cit., p. 108 ch. 509; René Rhinow/Beat Krähenmann, Schweizerische Verwal­tungs­recht­spre­chung, Ergänzungsband, Bâle 1990, p. 240 ss; Ulrich Häfelin/Georg Müller, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungs­rechts, 4e éd., Zurich 2002, p. 128 ss, plus particulièrement p. 138 ss ch. 668 ss).

7.1.2           En l'occurrence, à la lecture des mémoires de recours, il n'est pas évident de cerner en quoi les recourants s'estiment lésés, plus préci­sé­ment sur quelle assurance donnée par l'autorité ils se seraient fondés. Il est surtout marquant de constater que les recourants ne prétendent pas avoir pris des mesures dont la modification leur serait préjudiciable, ce qui fait que, même s'ils démontraient qu'une assurance leur a été donnée par une autorité compétente ou censée l'être, cet élément n'aurait guère l'impact voulu. Pour ce motif déjà, les recourants ne peuvent invoquer leur bonne foi. Par surabondance de motifs, le Tribunal administratif fédéral relève qu'il n'apparaît pas qu'une quelconque assurance leur ait été donnée.

A suivre les recourants, il apparaîtrait que « Skyguide a[urait] reconnu les liens de famille particuliers existant en République de Bashkortostan, justifiant le versement d'une indemnité pour tort moral. Elle a[urait] également reconnu qu'il n'est pas exclu de retenir une perte de soutien futur par un enfant décédé, et ce même en droit suisse » (...). Quoi qu'il en soit, ceci ne constitue nullement une promesse de nature à engendrer une expectative concrète. Il n'apparaît pas en particulier que l'intimée ait laissé entendre qu'elle appliquerait le droit russe, ce que les recourants ne vont pas jusqu'à prétendre. Ceux-ci indiquent encore que « Skyguide, le chef du Département de l'environnement et le Président de la Confédé­ration ont officiellement et publiquement reconnu la responsabilité pleine et entière de Skyguide dans l'accident. Skyguide est ainsi entrée en ma­tière sans réserve sur le fond du litige » (...). Là encore, le Tribunal ad­ministratif fédéral ne cerne guère quelle assurance concrète les re­cou­rants en déduisent. Il ne saurait s'agir de la reconnaissance anticipée de toute prétention, quelle que soit sa nature et son montant. Le bon sens veut en effet que les déclarations que les recourants prêtent à l'intimée, pour autant qu'elles soient avérées (ce que le Tribunal administratif fé­dé­ral n'a pas à établir), ne puissent être comprises comme une acceptation inconditionnelle et anticipée de toute forme de demande ou d'action.

Les recourants tirent par ailleurs argument du compte rendu du Dépar­tement fédéral des finances (DFF) intitulé « Thèmes clés du DFF, mars 2005: Catastrophe aérienne d'Überlingen: Déroulement et état d'avance­ment des procédures concernant les demandes de dommages et intérêts et les demandes pour réparation du tort moral » dont ils citent l'extrait sui­vant: « Il est impossible de répondre de manière concluante aux ques­tions concernant le droit applicable, les compétences et les procédures [...] compte tenu de la complexité de la situation juridique, il était néces­saire de trouver une solution permettant de satisfaire les prétentions justifiées des personnes lésées, en évitant les complications ». Ils expli­quent à ce propos que l'intimée, en rejetant leurs prétentions tendant à l'indemnisation de leur perte de soutien, n'aurait pas respecté les pré­ceptes fixés par le DFF (...). Cela étant, sur la base des faits avancés par les recourants eux-mêmes, il est manifeste que le DFF n'a pas garanti le règlement de n'importe quelle prétention mais uniquement de celles qui seraient « justifiées ». Il n'a donc pas laissé entendre que des demandes qui sortiraient du cadre légal seraient admises. L'aurait-il fait qu'une telle garantie se serait heurtée à l'objection selon laquelle le DFF n'était pas compétent - ni censé l'être - pour statuer sur les prétentions des recou­rants.

Le Tribunal administratif fédéral ne voit pas non plus quelle garantie pourrait être déduite du fait que Skyguide aurait par hypothèse offert un dédommagement extrajudiciaire aux familles d'autres victimes de la cata­strophe aérienne, voire que ce dédommagement ait été largement supé­rieur à celui octroyé aux recourants, comme ces derniers le prétendent (...). Ainsi que cela a déjà été souligné, le Tribunal adminis­tratif fédéral examine chaque cas pour lui-même en fonction des règles légales qui lui sont applicables. Il n'y a donc pas lieu, dans ce contexte, de requérir les renseignements désirés par les recourants.

L'argument tiré de la bonne foi des recourants tombe donc à faux. Le Tribunal administratif fédéral relève finalement que les recourants n'ont pas repris, dans le cadre de leurs recours, leurs précédentes allégations selon lesquelles l'intimée aurait « expressément renoncé à voir appliquer de manière stricte les critères de droit suisse pour l'évaluation du dom­mage des proches des victimes » et « offert un mode de calcul particulier tenant compte des circonstances particulièrement dramatiques du cas et des souffrances causées » (...). Ces allégations ont d'ailleurs été contre­dites par Skyguide tant dans son courrier du 11 octobre 2005 que dans celui du 15 décembre 2005 adressés aux recourants. Elle y indiquait no­tamment: « Il est certes arrivé à Skyguide de renoncer par le passé à calculer les indemnités dues à certaines personnes concernées selon des critères strictement juridiques. Les paiements qui en ont résulté se fon­daient cependant sur des transactions entre Skyguide et son assureur d'un côté et les lésés de l'autre. Ils ne s'inscrivaient donc pas dans le cadre d'une procédure judiciaire [...]. Dans ce cadre, ce ne sont pas des critères généraux qui s'appliquent, mais les seules règles du droit ap­plicable ». Les allégations en question ne sont donc en rien étayées.

7.2                L'art. 42 CO

Les recourants font valoir une violation de l'art. 42 CO (...). Pour toute explication, ils relèvent: « Le soutien futur d'un enfant à ses parents, res­pectivement à ses grands-parents, ne peut qu'être estimé ». Selon eux, Skyguide n'aurait pas « voulu procéder à cet exercice ».

7.2.1           Il convient de rappeler avant toute chose que l'art. 42 CO est une norme de droit privé. Toutefois, dans la mesure où il exprime une règle générale, il est susceptible de s'appliquer par analogie en droit admi­nis­tratif (cf. consid. 5.2). Cela étant dit, il est probable que les recourants n'entendent pas se prévaloir de l'art. 42 al. 1 CO, lequel pré­voit que la preuve du montant du dommage incombe aux demandeurs, soit en l'espèce aux recourants eux-mêmes (cf. consid. 5.3). Il s'agit ainsi plutôt de se demander si l'intimée a méconnu la portée de l'art. 42 al. 2 CO, lequel prévoit que, lorsque le montant exact du dom­mage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considé­ration du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (cf. consid. 5.3).

7.2.2           S'il est vrai que cette disposition permet au juge de considérer un dommage comme établi sur la base d'une simple estimation, elle ne lui permet guère de retenir l'existence d'un dommage lorsque sa survenance n'apparaît pas vraisemblable, voire hautement vraisemblable s'il s'agit d'une perte de soutien future. En l'occurrence, le Tribunal administratif fédéral parvient à la conclusion selon laquelle le dommage allégué n'at­teint pas le degré de vraisemblance requis. Cela étant, cette conclu­sion ne s'est pas imposée en raison de l'absence de preuves strictes du dom­mage, qui ne sauraient guère être apportées s'agissant d'une perte de sou­tien future et donc hypothétique, mais en vertu d'une appréciation des éléments de fait ressortant du dossier. L'art. 42 al. 2 CO n'a pas une portée plus étendue, en ce sens qu'il ne permet pas de considérer toute prétention, de quelque ampleur que ce soit, comme établie. Il n'a donc nullement été méconnu.

Il s'avère ainsi que les arguments des recourants ne changent rien à l'issue du litige. Les recours doivent donc être rejetés, dans la mesure où ils sont recevables.

vorheriges Urteil
nächstes Urteil

pdf

Wichtiger Hinweis: Die Liste der vorgeschlagenen Entscheide wird automatisch, ohne jegliche intellektuelle Bearbeitung, generiert.
Deskriptoren
eltern
bundesgericht
neuenburg(kanton)
versorgerschaden
bundesverwaltungsgericht
eu
rechtsbegehren
entscheid
entscheidsammlung
schaden
opfer
beschwerde an das bundesverwaltungsgericht
beschwerde in öffentlich-rechtlichen angelegenheiten
sachverhalt
frage
eidgenossenschaft
berechnung
verwandtschaft
wirkung
urkunde(allgemein)
jahreszeit
mais
person
ort
genugtuung
privatrechtliche haftung
sinngehalt
vater
aktiengesellschaft
bundeskanzlei
awami league
angehöriger einer religiösen gemeinschaft
achtung
verordnung
schadenersatz
verschulden
vergehen
grund
verfahren
sportschiedsgericht
dritter
leiter
tod
meinung
zahlung
dauer
dienstleistungsgewerbe
staatshaftung
beweis
tag
verhältnis zwischen
valutaverhältnis
verhandlung(allgemein)
entschädigung(allgemein)
unerlaubte handlung
geschädigter
norm
privatrecht
übereinkommen über den handel mit arten freilebender tiere und pflanzen
öffentlichrechtliche aufgabe
funktion
begriff
öffentliches recht
zugang(allgemein)
efd
familie
personenschaden
kausalzusammenhang
autonomie
zukunft
widerrechtlichkeit
schweiz
verhalten
abwesenheit
ehegatte
akte
käse
nichtbefolgung von dienstvorschriften
leben
behörde
grosseltern
aussicht
deutschland
einkommen
flughafen
billigkeit
unfall
geschütztes rechtsgut
beamter
erlass(gesetz)
voraussetzung(allgemein)
alter
liegenschaft
erforderlichkeit
gold
agent
richtlinie(allgemein)
sache
versicherter
termin
zweifel
bewilligung oder genehmigung(allgemein)
basel-stadt(kanton)
tätigkeit
schutzmassnahme
ertrag
abweisung
sachverständiger
belgien
landesrecht
irrtum
absolutes recht
anstalt(sozialbereich)
umwelteinwirkung
verlängerung
bundeshaftung(mvg)
vorinstanz
nachträgliche eingabe
kollision
zahl
tennis
zuständigkeit
kostenvoranschlag
zivilluftfahrt
umstände
mitglied
schweizerisches recht
nachrichten
parteientschädigung
gutachten
massnahmenplan
lohn
beendigung
zürich(kanton)
bundesrat
flugbewegung
berufsausbildung
staatsvertrag
unterlassung
meer
kläger
visum(bewilligung)
werkstoff
beruf
luft
bootshafen
examinator
haushalt
schriftstück
disziplinarmassnahme
benutzung
international
analogie
arbeitnehmer
rechtsverhältnis
doktrin
leumund
hilfsfonds
erhaltung
unterhaltspflicht
klage
mindestabstand
staatsorganisation und verwaltung
vertretener
vorteil
ermessen
russisch
monat
adressierungselement
information(allgemein)
vergleich
regierung
privatperson
unterhaltsarbeit(allgemein)
delegierter
berufliche vorsorge
einfuhr
strafe
sozialismus
verzug
unternehmung
stelle
arbeit
krankheit
anwesenheit
fachmann
öffentliches interesse
bedürftigkeit(allgemein)
bundesrecht
unterhaltsarbeit(baute)
streitgegenstand
richterliche behörde
botschaft(parlamentsvorlage)
enteignungsentschädigung
allgemeinpraktiker
beschwerdeschrift
nicht wieder rückgängig zu machende disposition
rente(allgemein)
bedürftigkeitsrente
parlament
beurteilung(allgemein)
durchschnitt
austritt
verwaltungsverordnung
steuer
geld
überschuss
gesundheitswesen
grad
beauftragter
gesuch an eine behörde
versicherungsleistungsbegehren
klageschrift
rechtsöffnungsbegehren
untersuchungsmaxime
umfang(allgemein)
pflegezulage
gerichts- und verwaltungspraxis
not
erhöhung(allgemein)
unentgeltliche rechtspflege
lebensaufwand
republik
beweislast
russland
vertrag
konkordat(vertrag zwischen kantonen)
vertrag zwischen kanton und ausländischem staat
luftfahrzeug
kapitalabfindung
vermögen
gesetzessammlung
beweismittel
nationalismus
mitwirkungspflicht
unterstützungspflicht
legislative
inkrafttreten
treu und glauben
behandlung im ausland
replik
beschwerdefrist
kanton
eigentum
arbeitslosigkeit
verfassung
staatsanwalt
italien
konkretisierung
staatliches handeln
kosten(allgemein)
verwaltung(tätigkeit)
ausländisches recht
drittstaat
präzedenzfall
nationalrat
weisung
sicherstellung
erblasser
hinterleger
erleichterung
deutsch
internationales privatrecht
spielregel
strasse
brief
zimmer
honorar
sachverständigenkosten
organisation(verfahren)
fahrlässigkeit
grenze
grenzabstand
form und inhalt
ausschluss(allgemein)
verlust(geld)
geschäftsführender gesellschafter
geschäftsführer(allgemein)
kaufmann
zuneigung
internationale entwicklungsorganisation
klageänderung
familienangehöriger
von amtes wegen
waldbewirtschaftung
anfechtung der verwertung
kenntnis
anklageschrift
nicht naheliegen
zwangsverwaltung
aufhebung(allgemein)
beteiligung oder zusammenarbeit
ausnahme(abweichung)
ausnahmebewilligung(art. 24 rpg)
ausnahmebewilligung(baubewilligung)
ausnahmebewilligung(allgemein)
betriebsordnung
behandlung(allgemein)
ergänzung
stichtag
wallis
anlage(investition)
sachlicher geltungsbereich
ermässigung
gebrauchsgegenstand
obliegenheit
stein
spanien
auftrag(obligationenrecht)
abstraktheit
verwertungsaufschub
initiative
geltungsbereich(allgemein)
nichtigkeit
auskunftspflicht
asylrelevanz
personendaten
parteigutachten
eingebrachtes gut
verursacherprinzip
beschränkung(allgemein)
sachverhaltsfeststellung
rentenalter
fakultät
erfahrungsgrundsatz
kommunikation
rang
koordination(raumplanung oder umweltschutz)
veröffentlichung(allgemein)
planauflage
cern
flugsicherung
statistik
bundesamt für statistik
erinnerungsschreiben
beschwerdegrund
falsche angabe
abklärung(allgemein)
hausangestellter
grenzbereinigung
hausaufgabe
teilnahme an der straftat
rodungsbewilligung
beginn
vollmacht
1995
beschwerdeführer
versicherer
grab
garantenstellung
bestattungskosten
unrichtige auskunft
bundesverfassung
zusicherung
verkehr
fahrzeugverkehr
kreisschreiben(schkg)
kreis
geschoss
öffentliches register
mitwirkung(erfüllung)
sachplan
wiese
sozialhilfe
veranstaltung
mann
eidgenössisches departement
frau
kompanie
statut(ipr)
anwartschaft
erwachsener
strafuntersuchung
unterrichtswesen
rechtssubjekt
beistandspflicht
rechtsberatung
gewohnheitsrecht
völkergewohnheitsrecht
zeitung
periodikum
gefahr(allgemein)
berichterstattung
kind(allgemein)
teilung(allgemein)
schiessstand
soziale klasse
natürliche kausalität
onkel
rechtsmittel
sorgfalt
hausfrau
finanzielle verhältnisse
föderalismus
enseigne
reallohn
bescheinigung
öffentliches beschaffungswesen
eröffnung des entscheids
öffentlicher angestellter
angabe(allgemein)
erleichterter beweis
rekurskommission(allgemein)
dispens
lieferung
natürliche person
rekurskommission für das öffentliche beschaffungswesen
grundlagenwerk
eid
vorbehalt(allgemein)
einweisung in eine heil- oder pflegeanstalt
kostenvorschuss
Amtliche Sammlung
Amtsblatt