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Cour V

E-6093/2015

 

 

 

 

 

Arrêt du 18 juillet 2018

Composition

 

Emilia Antonioni Luftensteiner (présidente du collège),

Thomas Wespi, William Waeber, juges,

Sophie Berset, greffière.

 

 

 

Parties

 

A._______, né le (...),

Afghanistan,

recourant,

 

 

 

contre

 

 

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM),

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

 

 

 

Objet

 

Asile et renvoi ;

décision du SEM du 26 août 2015 / N (...).

 

 

 


Faits :

A. 
Le 26 novembre 2013, A._______ a déposé une demande d'asile au Centre d'enregistrement et de procédure de Vallorbe.

B. 
Le recourant a été entendu sur ses données personnelles, le 6 décembre 2013, puis sur ses motifs d'asile, le 30 octobre 2014 ainsi que les 4 mars et 6 mai 2015. Il a déclaré être d'ethnie B._______, de confession chiite, célibataire et provenir d'Herat. Après avoir quitté les bancs de l'école à l'âge de (...) ans, il aurait fait un apprentissage de trois ans dans une épicerie avant de gérer seul l'affaire pendant trois ou quatre ans, jusqu'à ses (...) ans.

Son père aurait fait partie des mouddjahidines et aurait dirigé le parti islamiste de C._______, dont l'idéologie était proche des talibans. Lors de l'arrivée des talibans à Herat, son père aurait fui l'Afghanistan et aurait trouvé refuge en Inde pendant un an et demi. A son retour, celui-ci aurait rejoint les rangs des talibans et, en 2007, aurait envoyé le recourant, contre son gré, dans la région de D._______, où il aurait passé environ deux ans dans un camp des talibans. Le recourant y aurait été formé au maniement des armes et des explosifs, et aurait dû continué son apprentissage du Coran. Il aurait été contraint de poursuivre cette formation à E._______, au Pakistan, pendant un an et demi ; on l'aurait entraîné aux techniques d'attentats et d'enlèvements. Après son évasion, il serait retourné en Afghanistan et aurait séjourné chez un ami durant trois mois. Refusant l'idée de devenir un terroriste, ne supportant plus son mode de vie et ne voyant aucune échappatoire, le recourant a quitté l'Afghanistan en 2011 ou 2012, muni de son passeport afghan, et aurait séjourné clandestinement en Iran jusqu'en avril 2013 avant de gagner l'Europe. Il aurait transité par la Turquie, l'Italie et la France avant d'entrer en Suisse, le 25 novembre 2013.

Le recourant a produit sa taskara, une photographie de lui jeune et une autre de sa maison endommagée en raison de la guerre, ainsi qu'une lettre de son psychiatre attestant qu'il souffre d'un état de stress post-traumatique.

C. 
Le 21 novembre 2014, l'intéressé a versé au dossier de première instance un rapport médical établi, le 12 novembre précédent, par son médecin traitant au F._______. Ce document indique qu'il est suivi depuis le 4 novembre 2014 pour un syndrome de stress post-traumatique (cf. Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes [CIM-10], F43.1), nécessitant un traitement médicamenteux quotidien ainsi qu'un entretien psychiatrique toutes les deux à trois semaines.

D. 
Le 31 mars 2015, l'intéressé a produit un rapport médical, établi le même jour par la Dresse G._______, responsable de la Consultation H._______, où il est suivi depuis le (...) 2014. Ce rapport diagnostique un état de stress post-traumatique chronique (CIM-10, F43.1) ainsi qu'un trouble de l'humeur persistant et une dysthymie (CIM-10, F34 et F34.1). Par ailleurs, l'intéressé a dû être hospitalisé brièvement à plusieurs reprises, « en raison d'idées noires inquiétantes et de risque de passage à l'acte ». Il bénéficie d'un traitement médicamenteux (Setraline, Trittico et Seroquel), d'un suivi hebdomadaire auprès de la dite consultation ainsi que d'un entretien mensuel auprès du service de psychiatrie (...).

E. 
Par décision du 26 août 2015, le SEM a rejeté la demande d'asile de l'intéressé compte tenu de l'invraisemblance de certains propos ainsi que du défaut de pertinence des motifs invoqués. Il a prononcé son renvoi de Suisse et ordonné l'exécution de cette mesure, jugée licite, raisonnablement exigible et possible.

F. 
Interjetant recours contre cette décision, le 25 septembre 2015, A._______ a invoqué des problèmes de traduction durant certaines auditions. Il a maintenu avoir subi de mauvais traitements de la part des talibans et risquer de sérieux préjudices en cas de retour, puisque son engagement aux côtés des talibans, bien qu'il était contre sa volonté, lui vaudrait d'être arrêté sans autre forme de procès et d'être détenu pour une durée indéterminée dans des conditions déplorables. Il a ajouté craindre aussi des persécutions des « habitants de la région d'Herat », qui connaissent l'engagement de son père et le sien pour les talibans, et contre lesquels il n'obtiendrait aucune protection de la part des autorités nationales et locales. Il s'est opposé à l'exécution de son renvoi en raison de ses problèmes de santé psychiques, arguant qu'il n'aurait pas accès aux soins indispensables à son état en Afghanistan et y serait dépourvu de tout soutien familial et social. Il a conclu à la reconnaissance de sa qualité de réfugié ainsi qu'à l'octroi de l'asile et, subsidiairement, au prononcé d'une admission provisoire. Il a demandé à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire partielle.

G. 
Par ordonnance du 20 juillet 2016, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal) a renoncé à percevoir une avance de frais et a imparti un délai au recourant pour produire un rapport médical actualisé.

H. 
En annexe à son courrier du 24 octobre 2016, le recourant a déposé un rapport médical du 10 octobre précédent, établi par le F._______, attestant en substance qu'il ne prend plus de traitement médicamenteux et bénéficie d'entretiens mensuels.

I. 
Par décision incidente du 27 octobre 2016, le Tribunal a admis la demande d'assistance judiciaire partielle.

J. 
Invité à se prononcer sur le recours, le SEM en a préconisé le rejet dans sa réponse du 11 novembre 2016. Sous l'angle de l'exigibilité de l'exécution du renvoi, il a estimé que A._______ n'avait pas établi son absence de réseau familial et social à Herat. Il a relevé en outre l'amélioration de son état de santé et, au surplus, la disponibilité des soins psychiatriques à Herat et la possibilité effective d'y accéder.

K. 
Faisant usage de son droit de réplique, le 1er décembre 2016, le recourant a maintenu que la situation économique en Afghanistan ne lui permettra pas de trouver un emploi, ajoutant que son état de santé psychique fragile constituera un obstacle à sa réinsertion professionnelle. Il a encore précisé que sa mère et sa soeur avaient rejoint son frère en Iran, qu'il n'était plus en contact avec son père depuis son départ du pays et que ses oncles étaient décédés. Il a fait état des difficultés d'accès aux soins auxquelles il serait confronté ainsi que de la péjoration de la situation sécuritaire à Herat.

L. 
Invité à actualiser sa situation médicale, le recourant a produit, le 10 novembre 2017, un certificat médical daté du 8 novembre précédent établi par le F._______. Il est attesté que l'intéressé présente un syndrome de stress post-traumatique chronique ainsi que des traits de la personnalité borderline et narcissique ; celui-ci poursuit ses entretiens mensuels et prend un antidépresseur à visée de somnifère. Il est précisé que le recourant continue également son suivi hebdomadaire à H._______. Le médecin atteste du « risque de décompensation thymique avec possibilité de passage à l'acte » si son patient devait être à nouveau confronté à la violence en cas de retour en Afghanistan.

M. 
Invité à produire un rapport médical de H._______, le recourant a déposé, par pli du 1er décembre 2017, ce document daté du 28 novembre 2017, indiquant succinctement qu'il y est suivi pour ses problèmes somatiques uniquement, son état psychique étant pris en charge par le F._______.

N. 
Les autres éléments contenus dans les écritures précitées seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit qui suivent.

Droit :

1.   

1.1  Le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF (RS 173.32), connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA (RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.

En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105 LAsi (RS 142.31), devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (cf. art. 83 let. d ch. 1 LTF [RS 173.110]), exception non réalisée en l'espèce.

1.2  Le recourant a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et dans le délai (cf. art. 108 al. 1 LAsi) prescrits par la loi, le recours est recevable.

1.3  Le Tribunal prend en considération l'évolution de la situation intervenue depuis le dépôt de la demande d'asile et tient compte de l'état de fait et de droit existant au moment où il statue (cf. ATAF 2014/12 consid. 5.5 s. ; 2009/41 consid. 7.1 ; 2009/29 consid. 5.1 ; 2008/12 consid. 5.2 ; 2008/4 consid. 5.4).

2. 
Le Tribunal examine au préalable le grief de nature formelle invoqué par le recourant.

Celui-ci fait valoir que son audition sur ses données personnelles du 6 décembre 2013, ainsi que sa première audition sur ses motifs du 30 octobre 2014 se sont déroulées avec un interprète iranien et non afghan, ce qui est à l'origine d'imprécisions sur certains éléments. En particulier, il insiste sur la mauvaise compréhension au sujet de sa participation à des actes terroristes, ainsi que relevée dans son audition sur ses données personnelles du 6 décembre 2013 (cf. ch. 7.01 et 7.02), et maintient n'avoir personnellement, à aucun moment, commis d'acte terroriste quel qu'il soit.

Le Tribunal constate certes que le recourant a fait part, au cours de ses différentes auditions, de son inquiétude par rapport à la qualité de la retranscription de ses propos, compte tenu de l'origine iranienne de l'interprète. Néanmoins, l'intéressé a déclaré avoir toujours bien compris l'interprète et a signé chaque page des procès-verbaux d'audition, en confirmant ainsi l'exactitude. Partant, il n'y a pas lieu d'admettre le grief soulevé.

3.   

3.1  Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable (art. 3 al. 1 et 2 LAsi; cf. également ATAF 2007/31 consid. 5.2 à 5.6).

Une persécution individuelle et ciblée pour un motif déterminant en matière d'asile est reconnue, lorsqu'une personne invoque de sérieux préjudices dirigés contre elle en tant que personne individuelle en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou d'un autre motif déterminant en droit d'asile (cf. arrêt du Tribunal E-6107/2008 du 8 janvier 2013 consid. 4.2, publié sous ATAF 2013/1 ; ATAF 2011/51 consid. 7.1 et réf. cit. ; 2008/12 consid. 7 et réf. cit.).

3.2  La crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à l'art. 3 LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation ancrée dans les faits, et intègre également dans sa définition un élément subjectif. Ainsi, sera reconnu comme réfugié, celui qui a de bonnes raisons, c'est-à-dire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers (élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon toute vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution (cf. ATAF 2011/50 consid. 3.1.1).

3.3  Quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7 LAsi).

3.3.1  Conformément à l'art. 7 al. 3 LAsi, des allégations sont vraisemblables, lorsque, sur les points essentiels, elles sont suffisamment fondées (ou : consistantes), concluantes (ou : constantes et cohérentes) et plausibles et que le requérant est personnellement crédible. Les allégations sont fondées, lorsqu'elles reposent sur des descriptions détaillées, précises et concrètes, la vraisemblance de propos généraux, voire stéréotypés étant généralement écartée. Elles sont concluantes, lorsqu'elles sont exemptes de contradictions entre elles, d'une audition à l'autre ou avec les déclarations d'un tiers (par exemple, proche parent) sur les mêmes faits. Elles sont plausibles, lorsqu'elles correspondent à des faits démontrés (en particulier aux circonstances générales régnant dans le pays d'origine) et sont conformes à la réalité et à l'expérience générale de la vie. La crédibilité du requérant d'asile fait défaut non seulement lorsque celui-ci s'appuie sur des moyens de preuve faux ou falsifiés, mais encore s'il dissimule des faits importants, en donne sciemment une description erronée, modifie ses allégations en cours de procédure ou en rajoute de façon tardive et sans raison apparente ou s'il enfreint son obligation de collaborer (cf. art. 8 LAsi).

3.3.2  Quand bien même la vraisemblance autorise l'objection et le doute, ceux-ci doivent toutefois paraître d'un point de vue objectif moins importants que les éléments parlant en faveur de la probabilité des allégations. Lors de l'examen de la vraisemblance des allégations de fait d'un requérant d'asile, il s'agit pour l'autorité de pondérer les signes d'invraisemblance en dégageant une impression d'ensemble et en déterminant, parmi les éléments militant en faveur ou en défaveur de cette vraisemblance, ceux qui l'emportent (cf. ATAF 2012/5 consid. 2.2 ; 2010/57 consid. 2.3 et réf. cit.).

4.   

4.1  En l'occurrence, l'asile a été refusé à l'intéressé, le SEM estimant qu'il n'avait pas rendu vraisemblable avoir été persécuté par les talibans ni une absence de volonté de protection de la part des autorités afghanes contre de tels agissements, d'ailleurs limités géographiquement. Le SEM a considéré que le recourant ne pouvait pas justifier d'une crainte fondée de persécutions futures, puisque le risque d'arrestation en cas de retour du fait de son engagement pour les talibans serait légitime et n'entraînerait pas de mesure de rétorsion disproportionnée. A l'appui de son recours, l'intéressé conteste cette appréciation et maintient avoir été gravement maltraité par les talibans, avec lesquels il a intimement toujours refusé de collaborer. Il rappelle sa crainte d'être arrêté par les autorités afghanes à son retour et d'être persécuté par les « habitants de la région d'Herat » sans pouvoir obtenir de protection (cf. également let. F ci-dessus).

4.2  Contrairement à l'autorité intimée, le Tribunal est d'avis que le récit de l'intéressé est consistant, cohérent et détaillé. Il est donc vraisemblable que A._______ ait suivi une formation de plusieurs années dans des camps de talibans et y ait subi des préjudices corporels.

4.2.1  Le récit du recourant est circonstancié et cohérent d'une audition à l'autre ; en outre, ses allégations comportent des détails significatifs d'une expérience vécue et sont plausibles.

Ainsi, le Tribunal relève que le recourant a retracé de manière complète les différents évènements liés à son départ, à l'égard de son transfert à D._______, de ses trois ans et demi de formation dans les camps de I._______ et de E._______, des préjudices subis ainsi que de sa fuite. L'intéressé a par ailleurs pu situer avec précision ses différents lieux et conditions de vie dans les camps des talibans, en précisant son quotidien, l'entraînement militaire suivi et les missions confiées, ainsi que les circonstances liées à ses périodes de détention.

Force est de constater que le récit du recourant est spontané, fluide, précis et empreint de nombreux détails et indications qui démontrent le réel vécu des événements invoqués. En outre, ses allégations relatives à ses conditions de vie et de détention par les talibans sont plausibles.

4.2.2  Le recourant a tout d'abord indiqué de manière précise l'endroit où se situait le camp des talibans, à savoir dans la ville de I._______ (dans le district du même nom), située dans la province de D._______, à proximité de (...). Il a décrit la région (cf. pv de son audition sur les motifs du 30 octobre 2014, Q85) et la situation topographique montagneuse de l'endroit où se situait la caserne, entourée d'une muraille et de quatre à cinq postes de garde. Il a indiqué avoir été transporté, de nuit, de Herat à I._______ en 4x4 de la marque J._______, précisant avoir vu un chauffeur taliban écraser un passant. Il était en compagnie d'environ 35 autres personnes et sortait pour la première fois de la province de Herat.

Comme déjà dit, il a étoffé son récit de nombreux détails démontrant le réel vécu des événements invoqués. Ainsi, il a été capable d'estimer la présence de (...) personnes dans le camp, expliquant qu'elles étaient réparties en groupes de 25 individus, dirigés chacun par un responsable. Il a donné de manière constante le nom de son chef à I._______ ainsi que celui du responsable de sa division. De plus, il a été apte à décrire cet homme avec précision, indiquant qu'il portait (...), présentait (...) et avait (...) (cf. pv de son audition sur ses données personnelles, p. 10 ; pv de son audition sur les motifs du 30 octobre 2014, Q86 ; pv de l'audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q42). Ensuite, il a détaillé les différentes activités qui étaient planifiées : le déjeuner était prévu après l'instruction militaire, suivi d'un enseignement de la charia, dans des classes, selon les rituels des talibans, dont il a évoqué quelques préceptes (cf. pv de son audition sur les motifs du 30 octobre 2014, Q73, p. 11 ; pv de l'audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q27). Le recourant s'est montré également prolixe et précis au sujet de ses activités durant ces deux années passées à I._______. Hormis le fait d'avoir été endoctriné, il a affirmé avoir dans un premier temps reçu un entraînement au combat à mains nues (cf. pv de l'audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q27), et ensuite au maniement d'armes et d'explosifs. A cet égard, l'intéressé a précisé qu'il devait achever le montage des bombes en assemblant deux parties, puis les cacher dans des cageots de fruits et légumes, apportés ensuite en des lieux fréquentés déterminés. Il s'est révélé capable d'indiquer que les missions étaient menées par des groupes composés de cinq à six personnes, accompagnées de deux chefs, qu'ils étaient armés et qu'ils se séparaient par équipes de deux personnes au moment d'entrer en action. S'ils étaient surpris par les forces gouvernementales, les ordres étaient clairs ; ils devaient se cacher avant de rejoindre le point de rassemblement sans être repérés. Il a encore su préciser qu'une partie du travail consistait à identifier les lieux, repérer certaines personnes et transmettre un rapport de la situation. Le recourant a été en mesure de décrire précisément le mode opératoire pour les enlèvements ; en général, ils devaient torturer la personne kidnappée, obtenir une rançon, puis la relâcher. Il a été apte à relater d'autres faits relevant de son propre vécu. Ainsi, par deux ou trois fois, il a eu pour mission d'enlever une personne déterminée et de la frapper, mais a réussi à se soustraire à cette tâche en s'absentant de son groupe au bon moment (cf. pv de son audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q46s.). Il a par ailleurs indiqué avoir été envoyé par deux fois, avec d'autres, pour commettre des attentats, précisément dans un marché et à l'intérieur d'une mosquée. Cependant, discrètement, il n'avait pas déposé la bombe qui lui était confiée à l'endroit indiqué et l'avait détruite. Refusant d'être l'auteur d'actes terroristes, il a déclaré s'être débarrassé des armes, les ayant jetées à l'eau et parfois enterrées. Il a aussi expliqué avoir tenté de s'évader du camp à deux ou trois reprises, en vain. Or il est plausible qu'en guise de représailles en raison de son insoumission et de ses tentatives d'évasion, le recourant ait été détenu dans une prison à trois reprises, pour des durées successives d'environ quatre à cinq mois, dans de très mauvaises conditions, privé notamment d'eau et de nourriture pendant plus de 48 heures d'affilée. Il a décrit en détail avoir été torturé et violemment frappé à moult reprises par plusieurs personnes, au niveau des pieds et des bras, ce qui lui a causé des blessures douloureuses pendant plusieurs mois. Les talibans l'ont encore placé de force dans une fosse d'un mètre et demi à deux mètres et l'y ont laissé pendant plusieurs jours. L'intéressé a en outre montré au chargé d'audition des marques de brûlures sur le haut de son bras gauche notamment, affirmant avoir été brûlé au moyen de tiges de fer chauffées à blanc (cf. pv de l'audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q31). Il a également relaté son extrême mauvais état après les sévices ; il ne pouvait plus se déplacer et avait besoin, après chaque épisode de torture, de plusieurs mois pour se remettre tant bien que mal de ses blessures.

Après environ deux ans passés à I._______, le recourant a pu préciser avoir été transféré avec 35 autres personnes au Pakistan, dans la capitale de la province du K._______, à E._______, dans une base des talibans très importante de cette région, contrôlée par des (...). Il a su décrire de manière tout aussi circonstanciée son quotidien dans ce camp, indiquant avoir dû prier et suivre un entraînement militaire le matin, avant de dîner et de participer à des enseignements religieux l'après-midi, dispensés sous des tentes, puis de se coucher aux alentours de 19 heures ; il a aussi dû participer aux tâches ménagères et a parfois partagé certains moments avec les bergers du camp (cf. pv de son audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q61). Après deux tentatives infructueuses, il a finalement réussi à s'évader du camp de E._______. Il a pu décrire précisément les modalités de son évasion, indiquant avoir fait diversion en faisant (...) ; dans sa fuite, il a aussi détruit des bombes en les jetant dans les puits de récupération des eaux usées. Il a expliqué s'être rendu à L._______ et a été apte à situer ce village pakistanais à (...) de route de la frontière afghane, puis avoir gagné Herat en taxi, ayant indiqué les différentes distances en temps parcourues (cf. pv de son audition sur les motifs du 30 octobre 2014, Q94). Enfin, le recourant a indiqué avoir séjourné chez un ami durant trois mois avant de quitter le pays, précisément dans le district de M._______ (ou N._______), dans la province de Herat, situé à (...) de chez lui en voiture.

4.2.3  L'état de santé psychique du recourant confirme cette appréciation au sujet de la vraisemblance du récit de son vécu en Afghanistan.

Certes, selon la jurisprudence, le diagnostic d'un trouble ne prouve pas en soi les circonstances de l'atteinte invoquée. Cependant, dans l'examen de la vraisemblance de l'événement à l'origine du trouble, l'appréciation d'un spécialiste, qui se base sur une observation clinique, peut constituer un indice dont il faut tenir compte pour l'évaluation de la crédibilité des allégués de persécution (cf. ATAF 2015/11 consid. 7.2.1 et 7.2.2).

En l'espèce, le recourant souffre d'un état de stress post-traumatique chronique, que les spécialistes mettent directement en lien avec les sévices dont il a été victime dans les camps de talibans en Afghanistan (cf. rapports médicaux des 12 novembre 2014 [p. 3] et 8 novembre 2017). Il a relaté à son médecin les actes de torture infligés par les talibans lors de ses détentions, ce qui a provoqué chez lui un épisode de dissociation, ayant nécessité l'interruption immédiate de la narration du vécu traumatique (cf. rapport médical du 31 mars 2015, p. 2). De plus, l'intéressé est suivi à H._______ depuis trois ans et demi à raison d'une séance hebdomadaire, ce qui constitue à l'évidence une prise en charge lourde s'inscrivant dans la durée, qui atteste bien la réalité du traumatisme subi. Au demeurant, aucun élément au dossier ne permet de mettre en doute le lien de causalité entre les sévices allégués et le diagnostic posé, ainsi qu'admis par les spécialistes.

4.2.4  Au vu de ce qui précède, le récit du recourant doit être considéré, vu sa consistance, les détails relevant du vécu qu'il contient et sa plausibilité, hautement vraisemblable.

4.3  Il convient donc encore d'examiner la pertinence, au regard de l'art. 3 LAsi, du motif d'asile invoqué.

Le Tribunal considère que les persécutions de la part des talibans ne sont en l'occurrence pas pertinentes, puisqu'elles n'ont pas été infligées au recourant en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou d'un autre motif déterminant en droit d'asile (cf. consid. 3.1 ci-dessus). D'ailleurs, l'intéressé ne s'est pas non plus opposé aux mauvais traitements pour l'un des motifs énoncés à l'art. 3 LAsi, mais en raison de son refus de commettre des actes de violence pour le compte des talibans. Il s'ensuit que la crainte du recourant d'être persécuté par les talibans en cas de retour n'est pas non plus pertinente.

4.4  Le recourant ne peut pas non plus se prévaloir d'un risque de persécution future en cas de retour de la part des autorités étatiques afin d'obtenir la qualité de réfugié. D'abord, dans la mesure où il n'a pas donné son identité lorsqu'il a dénoncé aux autorités que les talibans s'apprêtaient à commettre un attentat, il n'est pas hautement probable que celles-ci soient informées de son implication aux côtés des talibans. Ensuite, dans le cas contraire, les autorités afghanes seraient légitimées à le poursuivre en raison de ses activités pour le compte d'un mouvement terroriste. En outre, ainsi que l'a retenu à juste titre le SEM dans la décision attaquée (cf. pt II.1, p. 3, à laquelle il est renvoyé pour le surplus), rien au dossier ne permet de considérer que le recourant serait personnellement visé par des actes de répression disproportionnés de la part des autorités afghanes, dans la mesure où il ne s'est pas rendu coupable d'actes de violence ou de graves méfaits. Dès lors, ce motif d'asile n'est pas pertinent également.

4.5  Quant au risque allégué de préjudice futur de la part des « habitants de la région d'Herat », selon les termes de l'intéressé (cf. let. F et consid. 4.1 ci-dessus), il n'est pas déterminant, puisque le recourant pourrait s'adresser aux autorités et obtenir protection contre les persécutions de tiers invoquées.

4.6  Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste le refus d'octroi de l'asile et de reconnaissance de la qualité de réfugié, doit être rejeté.

Partant, il n'y a pas lieu de déterminer si le recourant a commis ou non des actes répréhensibles au sens de l'art. 53 LAsi.

 

5.   

5.1  Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille (art. 44 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32 OA 1 (RS 142.311), lorsque le requérant d'asile dispose d'une autorisation de séjour ou d'établissement valable, ou qu'il fait l'objet d'une décision d'extradition ou d'une décision de renvoi conformément à l'art. 121 al. 2 Cst. (RS 101).

5.2  Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.

6.   

6.1  L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement exigible et possible. Si ces conditions ne sont pas réunies, l'admission provisoire doit être prononcée. Celle-ci est réglée par l'art. 83 LEtr (RS 142.20).

Les trois conditions posées par l'art. 83 al. 2 à 4 LEtr, empêchant l'exécution du renvoi (illicéité, inexigibilité et impossibilité) sont de nature alternative : il suffit que l'une d'elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (cf. ATAF 2011/24 consid. 10.2, ATAF 2009/51 consid. 5.4).

6.2  L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté serait menacée pour l'un des motifs mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi, ou encore d'où elle risquerait d'être astreinte à se rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH).

6.3  L'exécution du renvoi ne peut pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

6.4  L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).

7.   

7.1  En l'espèce, c'est sur la question de la licéité que le Tribunal doit porter son examen.

7.2  L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir; il s'agit d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture, RS 0.105).

L'exécution du renvoi de A._______ ne contrevient pas au principe de non-refoulement de l'art. 5 LAsi. Comme exposé plus haut, celui-ci n'a pas établi qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait exposé à de sérieux préjudices pour l'un des motifs énumérés à l'art. 3 al. 1 LAsi.

7.3  En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant du droit international, il sied d'examiner particulièrement si l'art. 3 CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains, trouve application dans le présent cas d'espèce.

7.3.1  Si l'interdiction de la torture, des peines et traitements inhumains (ou dégradants) s'applique indépendamment de la reconnaissance de la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi ou une extradition serait prohibée par le seul fait que dans le pays concerné des violations de l'art. 3 CEDH devraient être constatées; une simple possibilité de subir des mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre à satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures, ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des droits de l'homme ne suffit pas à justifier la mise en oeuvre de la protection issue de l'art. 3 CEDH, tant que la personne concernée ne peut rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement - et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux - par des mesures incompatibles avec la disposition en question (cf. ATAF 2014/28 consid. 11).

7.3.2  L'art. 3 CEDH s'applique principalement lorsque le risque pour la personne menacée de refoulement d'être soumise à des mauvais traitements dans le pays de destination découle d'actes intentionnels des autorités de ce pays ou de ceux d'organismes indépendants de l'Etat contre lesquels les autorités ne sont pas en mesure de lui offrir une protection appropriée. Dans l'arrêt D. c. Royaume-Uni du 2 mai 1997 (requête no 30240/96, § 49ss), la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH), compte tenu de l'importance fondamentale de l'art. 3 CEDH, s'est réservé une souplesse suffisante pour étendre la portée de cette norme conventionnelle à des situations dans lesquelles le risque de mauvais traitements était lié à des facteurs n'engageant pas (directement ou indirectement) la responsabilité des autorités du pays de destination, par exemple à une maladie grave survenue naturellement ne pouvant être soignée dans ce pays en l'absence de ressources suffisantes pour y faire face.

7.3.3  En l'occurrence, le Tribunal considère que le recourant a été identifié par les talibans, qui sévissent toujours dans la région d'Herat (cf. arrêt de référence du Tribunal administrative fédéral D-5800/2016 du 13 octobre 2017 consid. 7, constatant notamment la péjoration générale de la situation sécuritaire ; p. ex. Landinfo, Report Afghanistan: Taliban's organization and structure, 23.08.2017, <https://landinfo.no/asset/3589/1/3589_1.pdf> ; TOLO News, Over 200 Herat Schools Controlled By Taliban, 28.11.2017, <http://www.tolonews.com/index.php/afghanistan/over-200-herat-schools-controlled-taliban> ; The Wall Street Journal (WSJ), Taliban Broaden Their Reach in Villages Across Afghanistan, 09.05.2017, https://www.wsj.com/articles/taliban-broaden-their-reach-in-villages-across-afghanistan-1494235804 , consultés le 6 juin 2018). De plus, dans la mesure où il s'est évadé après trois ans et demi passés dans différents camps de talibans en provoquant une importante explosion et en détruisant de la munition, il est vraisemblable que le recourant sera repéré par les talibans dès son retour en Afghanistan, placé en détention et torturé, sans que les autorités afghanes aient la capacité de le protéger contre ces agissements.

7.4  En conséquence, le Tribunal tient pour crédible que le recourant, en cas de retour, sera exposé à un réel danger portant sur sa vie ou son intégrité corporelle et qu'il ne puisse s'en protéger de manière efficace.

Dès lors, le Tribunal estime que l'exécution du renvoi de l'intéressé est actuellement illicite. Il y a lieu, en conséquence, de prononcer son admission provisoire ; celle-ci est en principe d'une durée d'un an (art. 85 al. 1 LEtr), renouvelable si nécessaire.

8. 
En conséquence, le recours doit être admis et la décision attaquée annulée tant qu'elle ordonne l'exécution du renvoi du recourant. Les chiffres 4 et 5 du dispositif de la décision entreprise annulés et le SEM est invité à prononcer son admission provisoire.

9.   

9.1  Compte tenu de l'octroi au recourant de l'assistance judiciaire partielle, par décision incidente du 27 octobre 2016, il n'est pas perçu de frais de procédure.

9.2  Dans la mesure où le recourant obtient partiellement gain de cause, il peut prétendre à des dépens réduits pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés (cf. art. 64 al. 1 PA et art. 7 al. 2 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Cependant, le recourant n'ayant pas fait appel aux services d'un mandataire et le recours ne lui ayant pas occasionné des frais indispensables et relativement élevés, le Tribunal renonce à lui allouer des dépens (cf. art. 7 al. 4 FITAF).

 

(dispositif : page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté en tant qu'il porte sur l'asile, la qualité de réfugié et le prononcé du renvoi.

2. 
Le recours est admis sous l'angle de l'exécution du renvoi.

3. 
Les chiffres 4 et 5 du dispositif de la décision du SEM du 26 août 2015 sont annulés.

4. 
Le SEM est invité à régler les conditions de séjour de l'intéressé conformément aux dispositions sur l'admission provisoire des étrangers.

5. 
Il n'est pas perçu de frais de procédure.

6. 
Il n'est pas alloué de dépens.

7. 
Le présent arrêt est adressé au recourant, au SEM et à l'autorité cantonale.

 

La présidente du collège :

La greffière :

 

 

 

Emilia Antonioni Luftensteiner

Sophie Berset

 

 

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