Faits :
A.
Le
26 novembre 2013, A._______ a déposé une demande d'asile au Centre d'enregistrement et de procédure
de Vallorbe.
B.
Le
recourant a été entendu sur ses données personnelles, le 6 décembre 2013, puis sur
ses motifs d'asile, le 30 octobre 2014 ainsi que les 4 mars et 6 mai 2015. Il a déclaré
être d'ethnie B._______, de confession chiite, célibataire et provenir d'Herat.
Après avoir quitté les bancs de l'école à l'âge de (...) ans,
il aurait fait un apprentissage de trois ans dans une épicerie avant de gérer seul l'affaire
pendant trois ou quatre ans, jusqu'à ses (...) ans.
Son père aurait fait partie des mouddjahidines et aurait dirigé le parti islamiste de C._______,
dont l'idéologie était proche des talibans. Lors de l'arrivée des talibans
à Herat, son père aurait fui l'Afghanistan et aurait trouvé refuge en Inde pendant
un an et demi. A son retour, celui-ci aurait rejoint les rangs des talibans et, en 2007, aurait envoyé
le recourant, contre son gré, dans la région de D._______, où il aurait passé environ
deux ans dans un camp des talibans. Le recourant y aurait été formé au maniement des armes
et des explosifs, et aurait dû continué son apprentissage du Coran. Il aurait été
contraint de poursuivre cette formation à E._______, au Pakistan, pendant un an et demi ; on
l'aurait entraîné aux techniques d'attentats et d'enlèvements. Après
son évasion, il serait retourné en Afghanistan et aurait séjourné chez un ami durant
trois mois. Refusant l'idée de devenir un terroriste, ne supportant plus son mode de vie et
ne voyant aucune échappatoire, le recourant a quitté l'Afghanistan en 2011 ou 2012, muni
de son passeport afghan, et aurait séjourné clandestinement en Iran jusqu'en avril 2013
avant de gagner l'Europe. Il aurait transité par la Turquie, l'Italie et la France avant
d'entrer en Suisse, le 25 novembre 2013.
Le recourant a produit sa taskara, une photographie de lui jeune et une autre
de sa maison endommagée
en raison de la guerre, ainsi qu'une lettre de son psychiatre attestant qu'il souffre d'un
état de stress post-traumatique.
C.
Le
21 novembre 2014, l'intéressé a versé au dossier de première instance un rapport
médical établi, le 12 novembre précédent, par son médecin traitant au F._______.
Ce document indique qu'il est suivi depuis le 4 novembre 2014 pour un syndrome de stress post-traumatique
(cf. Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé
connexes [CIM-10], F43.1), nécessitant un traitement médicamenteux quotidien ainsi qu'un
entretien psychiatrique toutes les deux à trois semaines.
D.
Le
31 mars 2015, l'intéressé a produit un rapport médical, établi le même
jour par la Dresse G._______, responsable de la Consultation H._______, où il est suivi depuis le
(...) 2014. Ce rapport diagnostique un état de stress post-traumatique chronique (CIM-10, F43.1)
ainsi qu'un trouble de l'humeur persistant et une dysthymie (CIM-10, F34 et F34.1). Par ailleurs,
l'intéressé a dû être hospitalisé brièvement à plusieurs reprises,
« en raison d'idées noires inquiétantes et de risque de passage à l'acte ».
Il bénéficie d'un traitement médicamenteux (Setraline, Trittico et Seroquel), d'un
suivi hebdomadaire auprès de la dite consultation ainsi que d'un entretien mensuel auprès
du service de psychiatrie (...).
E.
Par
décision du 26 août 2015, le SEM a rejeté la demande d'asile de l'intéressé
compte tenu de l'invraisemblance de certains propos ainsi que du défaut de pertinence des
motifs invoqués. Il a prononcé son renvoi de Suisse et ordonné l'exécution
de cette mesure, jugée licite, raisonnablement exigible et possible.
F.
Interjetant recours contre cette décision, le 25 septembre 2015, A._______
a invoqué des problèmes de traduction durant certaines auditions. Il
a maintenu avoir subi de mauvais traitements de la part des talibans et risquer de sérieux préjudices
en cas de retour, puisque son engagement aux côtés des talibans, bien qu'il était
contre sa volonté, lui vaudrait d'être arrêté sans autre forme de procès
et d'être détenu pour une durée indéterminée dans des conditions déplorables.
Il a ajouté craindre aussi des persécutions des « habitants de la région d'Herat »,
qui connaissent l'engagement de son père et le sien pour les talibans, et contre lesquels
il n'obtiendrait aucune protection de la part des autorités nationales et locales. Il s'est
opposé à l'exécution de son renvoi en raison de ses problèmes de santé
psychiques, arguant qu'il n'aurait pas accès aux soins indispensables à son état
en Afghanistan et y serait dépourvu de tout soutien familial et social. Il a conclu à la reconnaissance
de sa qualité de réfugié ainsi qu'à l'octroi de l'asile et, subsidiairement,
au prononcé d'une admission provisoire. Il a demandé à être mis au bénéfice
de l'assistance judiciaire partielle.
G.
Par
ordonnance du 20 juillet 2016, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal)
a renoncé à percevoir une avance de frais et a imparti un délai au recourant pour produire
un rapport médical actualisé.
H.
En
annexe à son courrier du 24 octobre 2016, le recourant a déposé un rapport médical
du 10 octobre précédent, établi par le F._______, attestant en substance qu'il ne
prend plus de traitement médicamenteux et bénéficie d'entretiens mensuels.
I.
Par
décision incidente du 27 octobre 2016, le Tribunal a admis la demande d'assistance judiciaire
partielle.
J.
Invité
à se prononcer sur le recours, le SEM en a préconisé le rejet dans sa réponse du
11 novembre 2016. Sous l'angle de l'exigibilité de l'exécution du renvoi,
il a estimé que A._______ n'avait pas
établi son absence de réseau familial et social à Herat. Il a relevé en outre l'amélioration
de son état de santé et, au surplus, la disponibilité des soins psychiatriques à
Herat et la possibilité effective d'y accéder.
K.
Faisant
usage de son droit de réplique, le 1er
décembre 2016, le recourant a maintenu que la situation économique en Afghanistan ne lui permettra
pas de trouver un emploi, ajoutant que son état de santé psychique fragile constituera un obstacle
à sa réinsertion professionnelle. Il a encore précisé que sa mère et sa soeur
avaient rejoint son frère en Iran, qu'il n'était plus en contact avec son père
depuis son départ du pays et que ses oncles étaient décédés. Il a fait état
des difficultés d'accès aux soins auxquelles il serait confronté ainsi que de la
péjoration de la situation sécuritaire à Herat.
L.
Invité
à actualiser sa situation médicale, le recourant a produit, le 10 novembre 2017, un certificat
médical daté du 8 novembre précédent établi par le F._______. Il est attesté
que l'intéressé présente un syndrome de stress post-traumatique chronique ainsi
que des traits de la personnalité borderline et narcissique ; celui-ci poursuit ses entretiens
mensuels et prend un antidépresseur à visée de somnifère. Il est précisé
que le recourant continue également son suivi hebdomadaire à H._______. Le médecin atteste
du « risque de décompensation thymique avec possibilité de passage à l'acte »
si son patient devait être à nouveau confronté à la violence en cas de retour en
Afghanistan.
M.
Invité
à produire un rapport médical de H._______, le recourant a déposé, par pli du 1er décembre
2017, ce document daté du 28 novembre 2017, indiquant succinctement qu'il y est suivi
pour ses problèmes somatiques uniquement, son état psychique étant pris en charge par
le F._______.
N.
Les
autres éléments contenus dans les écritures précitées seront examinés,
si nécessaire, dans les considérants en droit qui suivent.
Droit
:
1.
1.1 Le
Tribunal, en vertu de l'art. 31
LTAF (RS
173.32), connaît des recours contre les décisions
au sens de l'art. 5
PA (RS
172.021) prises par les autorités mentionnées à l'art. 33
LTAF.
En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées,
par renvoi de l'art. 105
LAsi (RS
142.31), devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement,
sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger
(cf. art. 83 let. d
ch. 1 LTF [RS
173.110]), exception non réalisée en l'espèce.
1.2 Le
recourant a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1
PA). Présenté dans la forme (cf.
art. 52 al. 1
PA) et dans le délai (cf. art. 108 al. 1
LAsi) prescrits par la loi, le
recours est recevable.
1.3 Le
Tribunal prend en considération l'évolution de la situation intervenue depuis le dépôt
de la demande d'asile et tient compte de l'état de fait et de droit existant au moment où il
statue (cf. ATAF 2014/12 consid. 5.5 s. ; 2009/41 consid. 7.1 ; 2009/29 consid. 5.1 ;
2008/12 consid. 5.2 ; 2008/4 consid. 5.4).
2.
Le
Tribunal examine au préalable le grief de nature formelle invoqué par le recourant.
Celui-ci fait valoir que son audition sur ses données personnelles du 6 décembre 2013,
ainsi que sa première audition sur ses motifs du 30 octobre 2014 se sont déroulées
avec un interprète iranien et non afghan, ce qui est à l'origine d'imprécisions
sur certains éléments. En particulier, il insiste sur la mauvaise compréhension au sujet
de sa participation à des actes terroristes, ainsi que relevée dans son audition sur ses données
personnelles du 6 décembre 2013 (cf. ch. 7.01 et 7.02), et maintient n'avoir personnellement,
à aucun moment, commis d'acte terroriste quel qu'il soit.
Le Tribunal constate certes que le recourant a fait part, au cours de ses différentes auditions,
de son inquiétude par rapport à la qualité de la retranscription de ses propos, compte
tenu de l'origine iranienne de l'interprète. Néanmoins, l'intéressé
a déclaré avoir toujours bien compris l'interprète et a signé chaque page des
procès-verbaux d'audition, en confirmant ainsi l'exactitude. Partant, il n'y a
pas lieu d'admettre le grief soulevé.
3.
3.1 Sont
des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière
résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre
de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance
à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées
comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle
ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable
(art. 3 al. 1
et 2
LAsi; cf. également ATAF 2007/31 consid. 5.2 à 5.6).
Une persécution individuelle et ciblée pour un motif déterminant en matière d'asile
est reconnue, lorsqu'une personne invoque de sérieux préjudices dirigés contre elle en
tant que personne individuelle en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou d'un autre
motif déterminant en droit d'asile (cf. arrêt du Tribunal E-6107/2008 du 8 janvier 2013
consid. 4.2, publié sous ATAF 2013/1 ; ATAF 2011/51 consid. 7.1 et réf. cit. ;
2008/12 consid. 7 et réf. cit.).
3.2 La
crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à l'art. 3
LAsi, contient
un élément objectif, au regard d'une situation ancrée dans les faits, et intègre
également dans sa définition un élément subjectif. Ainsi, sera reconnu comme réfugié,
celui qui a de bonnes raisons, c'est-à-dire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers
(élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon toute
vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution (cf. ATAF 2011/50 consid. 3.1.1).
3.3 Quiconque
demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié.
La qualité de réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est
hautement probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur des points essentiels,
ne sont pas suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou
qui reposent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7
LAsi).
3.3.1 Conformément
à l'art. 7 al. 3
LAsi, des allégations sont vraisemblables, lorsque, sur les points essentiels,
elles sont suffisamment fondées (ou : consistantes), concluantes (ou : constantes
et cohérentes) et plausibles et que le requérant est personnellement crédible. Les allégations
sont fondées, lorsqu'elles reposent sur des descriptions détaillées, précises et
concrètes, la vraisemblance de propos généraux, voire stéréotypés étant
généralement écartée. Elles sont concluantes, lorsqu'elles sont exemptes de contradictions
entre elles, d'une audition à l'autre ou avec les déclarations d'un tiers (par exemple, proche
parent) sur les mêmes faits. Elles sont plausibles, lorsqu'elles correspondent à des faits
démontrés (en particulier aux circonstances générales régnant dans le pays d'origine)
et sont conformes à la réalité et à l'expérience générale de la vie.
La crédibilité du requérant d'asile fait défaut non seulement lorsque celui-ci
s'appuie sur des moyens de preuve faux ou falsifiés, mais encore s'il dissimule des faits importants,
en donne sciemment une description erronée, modifie ses allégations en cours de procédure
ou en rajoute de façon tardive et sans raison apparente ou s'il enfreint son obligation de collaborer
(cf. art. 8
LAsi).
3.3.2 Quand
bien même la vraisemblance autorise l'objection et le doute, ceux-ci doivent toutefois paraître
d'un point de vue objectif moins importants que les éléments parlant en faveur de la probabilité
des allégations. Lors de l'examen de la vraisemblance des allégations de fait d'un requérant
d'asile, il s'agit pour l'autorité de pondérer les signes d'invraisemblance en dégageant
une impression d'ensemble et en déterminant, parmi les éléments militant en faveur ou
en défaveur de cette vraisemblance, ceux qui l'emportent (cf. ATAF 2012/5 consid. 2.2 ;
2010/57 consid. 2.3 et réf. cit.).
4.
4.1 En
l'occurrence, l'asile a été refusé à l'intéressé, le SEM estimant
qu'il n'avait pas rendu vraisemblable avoir été persécuté par les talibans
ni une absence de volonté de protection de la part des autorités afghanes contre de tels agissements,
d'ailleurs limités géographiquement. Le SEM a considéré que le recourant ne
pouvait pas justifier d'une crainte fondée de persécutions futures, puisque le risque
d'arrestation en cas de retour du fait de son engagement pour les talibans serait légitime
et n'entraînerait pas de mesure de rétorsion disproportionnée. A l'appui de
son recours, l'intéressé conteste cette appréciation et maintient avoir été
gravement maltraité par les talibans, avec lesquels il a intimement toujours refusé de collaborer.
Il rappelle sa crainte d'être arrêté par les autorités afghanes à son
retour et d'être persécuté par les « habitants de la région d'Herat »
sans pouvoir obtenir de protection (cf. également let. F ci-dessus).
4.2 Contrairement
à l'autorité intimée, le Tribunal est d'avis que le récit de l'intéressé
est consistant, cohérent et détaillé. Il est donc vraisemblable que A._______
ait suivi une formation de plusieurs années dans des camps de talibans et y ait subi des préjudices
corporels.
4.2.1 Le
récit du recourant est circonstancié et cohérent d'une audition à l'autre ;
en outre, ses allégations comportent des détails significatifs d'une expérience vécue
et sont plausibles.
Ainsi, le Tribunal relève que le recourant a retracé de manière complète les
différents évènements liés à son départ, à l'égard de son
transfert à D._______, de ses trois ans et demi de formation dans les camps de I._______ et de E._______,
des préjudices subis ainsi que de sa fuite. L'intéressé a par ailleurs pu situer
avec précision ses différents lieux et conditions de vie dans les camps des talibans, en précisant
son quotidien, l'entraînement militaire suivi et les missions confiées, ainsi que les
circonstances liées à ses périodes de détention.
Force est de constater que le récit du recourant est spontané, fluide, précis et empreint
de nombreux détails et indications qui démontrent le réel vécu des événements
invoqués. En outre, ses allégations relatives à ses conditions de vie et de détention
par les talibans sont plausibles.
4.2.2 Le
recourant a tout d'abord indiqué de manière précise l'endroit où se situait
le camp des talibans, à savoir dans la ville de I._______ (dans le district du même nom), située
dans la province de D._______, à proximité de (...). Il a décrit la région (cf.
pv de son audition sur les motifs du 30 octobre 2014, Q85) et la situation topographique montagneuse
de l'endroit où se situait la caserne, entourée d'une muraille et de quatre à
cinq postes de garde. Il a indiqué avoir été transporté, de nuit, de Herat à
I._______ en 4x4 de la marque J._______, précisant avoir vu un chauffeur taliban écraser un
passant. Il était en compagnie d'environ 35 autres personnes et sortait pour la première
fois de la province de Herat.
Comme déjà dit, il a étoffé son récit de nombreux détails démontrant
le réel vécu des événements invoqués. Ainsi, il a été capable d'estimer
la présence de (...) personnes dans le camp, expliquant qu'elles étaient réparties
en groupes de 25 individus, dirigés chacun par un responsable. Il a donné de manière constante
le nom de son chef à I._______ ainsi que celui du responsable de sa division. De plus, il a été
apte à décrire cet homme avec précision, indiquant qu'il portait (...), présentait
(...) et avait (...) (cf. pv de son audition sur ses données personnelles, p. 10 ;
pv de son audition sur les motifs du 30 octobre 2014, Q86 ; pv de l'audition sur les
motifs du 6 mai 2015, Q42). Ensuite, il a détaillé les différentes activités qui
étaient planifiées : le déjeuner était prévu après l'instruction
militaire, suivi d'un enseignement de la charia, dans des classes, selon les rituels des talibans,
dont il a évoqué quelques préceptes (cf. pv de son audition sur les motifs du 30 octobre
2014, Q73, p. 11 ; pv de l'audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q27). Le recourant
s'est montré également prolixe et précis au sujet de ses activités durant ces
deux années passées à I._______. Hormis le fait d'avoir été endoctriné,
il a affirmé avoir dans un premier temps reçu un entraînement au combat à mains nues
(cf. pv de l'audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q27), et ensuite au maniement d'armes
et d'explosifs. A cet égard, l'intéressé a précisé qu'il devait
achever le montage des bombes en assemblant deux parties, puis les cacher dans des cageots de fruits
et légumes, apportés ensuite en des lieux fréquentés déterminés. Il s'est
révélé capable d'indiquer que les missions étaient menées par des groupes
composés de cinq à six personnes, accompagnées de deux chefs, qu'ils étaient
armés et qu'ils se séparaient par équipes de deux personnes au moment d'entrer
en action. S'ils étaient surpris par les forces gouvernementales, les ordres étaient
clairs ; ils devaient se cacher avant de rejoindre le point de rassemblement sans être repérés.
Il a encore su préciser qu'une partie du travail consistait à identifier les lieux, repérer
certaines personnes et transmettre un rapport de la situation. Le recourant a été en mesure
de décrire précisément le mode opératoire pour les enlèvements ; en général,
ils devaient torturer la personne kidnappée, obtenir une rançon, puis la relâcher. Il
a été apte à relater d'autres faits relevant de son propre vécu. Ainsi, par
deux ou trois fois, il a eu pour mission d'enlever une personne déterminée et de la frapper,
mais a réussi à se soustraire à cette tâche en s'absentant de son groupe au
bon moment (cf. pv de son audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q46s.). Il a par ailleurs
indiqué avoir été envoyé par deux fois, avec d'autres, pour commettre des attentats,
précisément dans un marché et à l'intérieur d'une mosquée.
Cependant, discrètement, il n'avait pas déposé la bombe qui lui était confiée
à l'endroit indiqué et l'avait détruite. Refusant d'être l'auteur
d'actes terroristes, il a déclaré s'être débarrassé des armes, les
ayant jetées à l'eau et parfois enterrées. Il a aussi expliqué avoir tenté
de s'évader du camp à deux ou trois reprises, en vain. Or il est plausible qu'en
guise de représailles en raison de son insoumission et de ses tentatives d'évasion, le
recourant ait été détenu dans une prison à trois reprises, pour des durées successives
d'environ quatre à cinq mois, dans de très mauvaises conditions, privé notamment
d'eau et de nourriture pendant plus de 48 heures d'affilée. Il a décrit en détail
avoir été torturé et violemment frappé à moult reprises par plusieurs personnes,
au niveau des pieds et des bras, ce qui lui a causé des blessures douloureuses pendant plusieurs
mois. Les talibans l'ont encore placé de force dans une fosse d'un mètre et demi
à deux mètres et l'y ont laissé pendant plusieurs jours. L'intéressé
a en outre montré au chargé d'audition des marques de brûlures sur le haut de son
bras gauche notamment, affirmant avoir été brûlé au moyen de tiges de fer chauffées
à blanc (cf. pv de l'audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q31). Il a également
relaté son extrême mauvais état après les sévices ; il ne pouvait plus
se déplacer et avait besoin, après chaque épisode de torture, de plusieurs mois pour se
remettre tant bien que mal de ses blessures.
Après environ deux ans passés à I._______, le recourant a pu préciser avoir été
transféré avec 35 autres personnes au Pakistan, dans la capitale de la province du K._______,
à E._______, dans une base des talibans très importante de cette région, contrôlée
par des (...). Il a su décrire de manière tout aussi circonstanciée son quotidien
dans ce camp, indiquant avoir dû prier et suivre un entraînement militaire le matin, avant
de dîner et de participer à des enseignements religieux l'après-midi, dispensés
sous des tentes, puis de se coucher aux alentours de 19 heures ; il a aussi dû participer
aux tâches ménagères et a parfois partagé certains moments avec les bergers du camp
(cf. pv de son audition sur les motifs du 6 mai 2015, Q61). Après deux tentatives infructueuses,
il a finalement réussi à s'évader du camp de E._______. Il a pu décrire précisément
les modalités de son évasion, indiquant avoir fait diversion en faisant (...) ; dans
sa fuite, il a aussi détruit des bombes en les jetant dans les puits de récupération des
eaux usées. Il a expliqué s'être rendu à L._______ et a été apte
à situer ce village pakistanais à (...) de route de la frontière afghane, puis avoir
gagné Herat en taxi, ayant indiqué les différentes distances en temps parcourues (cf.
pv de son audition sur les motifs du 30 octobre 2014, Q94). Enfin, le recourant a indiqué avoir
séjourné chez un ami durant trois mois avant de quitter le pays, précisément dans
le district de M._______ (ou N._______), dans la province de Herat, situé à (...) de chez
lui en voiture.
4.2.3 L'état
de santé psychique du recourant confirme cette appréciation au sujet de la vraisemblance du
récit de son vécu en Afghanistan.
Certes, selon la jurisprudence, le diagnostic d'un trouble ne prouve pas en
soi les circonstances
de l'atteinte invoquée. Cependant, dans l'examen de la vraisemblance de l'événement à
l'origine du trouble, l'appréciation d'un spécialiste, qui se base sur une observation clinique,
peut constituer un indice dont il faut tenir compte pour l'évaluation de la crédibilité
des allégués de persécution (cf. ATAF 2015/11 consid. 7.2.1 et 7.2.2).
En l'espèce, le recourant souffre d'un état de stress post-traumatique chronique,
que les spécialistes mettent directement en lien avec les sévices dont il a été victime
dans les camps de talibans en Afghanistan (cf. rapports médicaux des 12 novembre 2014
[p. 3] et 8 novembre 2017). Il a relaté à son médecin les actes de torture infligés
par les talibans lors de ses détentions, ce qui a provoqué chez lui un épisode de dissociation,
ayant nécessité l'interruption immédiate de la narration du vécu traumatique
(cf. rapport médical du 31 mars 2015, p. 2). De plus, l'intéressé est
suivi à H._______ depuis trois ans et demi à raison d'une séance hebdomadaire, ce
qui constitue à l'évidence une prise en charge lourde s'inscrivant dans la durée,
qui atteste bien la réalité du traumatisme subi. Au demeurant, aucun élément au dossier
ne permet de mettre en doute le lien de causalité entre les sévices allégués et le
diagnostic posé, ainsi qu'admis par les spécialistes.
4.2.4 Au
vu de ce qui précède, le récit du recourant doit être considéré, vu sa
consistance, les détails relevant du vécu qu'il contient et sa plausibilité, hautement
vraisemblable.
4.3 Il
convient donc encore d'examiner la pertinence, au regard de l'art. 3
LAsi, du motif d'asile
invoqué.
Le Tribunal considère que les persécutions de la part des talibans ne sont en l'occurrence
pas pertinentes, puisqu'elles n'ont pas été infligées au recourant en raison
de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou d'un autre motif déterminant en droit d'asile
(cf. consid. 3.1 ci-dessus). D'ailleurs, l'intéressé ne s'est pas non plus
opposé aux mauvais traitements pour l'un des motifs énoncés à l'art.
3
LAsi, mais en raison de son refus de commettre des actes de violence pour le compte des talibans. Il
s'ensuit que la crainte du recourant d'être persécuté par les talibans en
cas de retour n'est pas non plus pertinente.
4.4 Le
recourant ne peut pas non plus se prévaloir d'un risque de persécution future en cas
de retour de la part des autorités étatiques afin d'obtenir la qualité de réfugié.
D'abord, dans la mesure où il n'a pas donné son identité lorsqu'il a
dénoncé aux autorités que les talibans s'apprêtaient à commettre un attentat,
il n'est pas hautement probable que celles-ci soient informées de son implication aux côtés
des talibans. Ensuite, dans le cas contraire, les autorités afghanes seraient légitimées
à le poursuivre en raison de ses activités pour le compte d'un mouvement terroriste.
En outre, ainsi que l'a retenu à juste titre le SEM dans la décision attaquée (cf. pt II.1,
p. 3, à laquelle il est renvoyé pour le surplus), rien au dossier ne permet de considérer
que le recourant serait personnellement visé par des actes de répression disproportionnés
de la part des autorités afghanes, dans la mesure où il ne s'est pas rendu coupable d'actes
de violence ou de graves méfaits. Dès lors, ce motif d'asile n'est pas pertinent
également.
4.5 Quant
au risque allégué de préjudice futur de la part des « habitants de la région
d'Herat », selon les termes de l'intéressé (cf. let. F et consid. 4.1
ci-dessus), il n'est pas déterminant, puisque le recourant pourrait s'adresser aux autorités
et obtenir protection contre les persécutions de tiers invoquées.
4.6 Il
s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste le refus d'octroi de l'asile et de reconnaissance
de la qualité de réfugié, doit être rejeté.
Partant, il n'y a pas lieu de déterminer si le recourant a commis ou non des actes répréhensibles
au sens de l'art. 53
LAsi.
5.
5.1 Lorsqu'il
rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, le SEM prononce,
en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient
compte du principe de l'unité de la famille (art. 44
LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé,
selon l'art. 32
OA 1 (RS
142.311), lorsque le requérant d'asile dispose d'une autorisation
de séjour ou d'établissement valable, ou qu'il fait l'objet d'une décision d'extradition
ou d'une décision de renvoi conformément à l'art. 121 al. 2
Cst. (RS
101).
5.2 Aucune
exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence réalisée,
le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.
6.
6.1 L'exécution
du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement exigible et possible. Si ces conditions
ne sont pas réunies, l'admission provisoire doit être prononcée. Celle-ci est réglée
par l'art. 83
LEtr (RS
142.20).
Les trois conditions posées par l'art. 83 al. 2
à 4
LEtr, empêchant l'exécution
du renvoi (illicéité, inexigibilité et impossibilité) sont de nature alternative :
il suffit que l'une d'elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (cf. ATAF
2011/24 consid. 10.2, ATAF 2009/51 consid. 5.4).
6.2 L'exécution
n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son Etat d'origine ou de provenance ou dans
un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83
al. 3
LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière que ce soit,
à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté serait
menacée pour l'un des motifs mentionnés à l'art. 3 al. 1
LAsi, ou encore d'où
elle risquerait d'être astreinte à se rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1
LAsi).
Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(art. 3
CEDH).
6.3 L'exécution
du renvoi ne peut pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger
dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre,
de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83
al. 4
LEtr).
6.4 L'exécution
n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son
Etat de provenance ou un Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2
LEtr).
7.
7.1 En
l'espèce, c'est sur la question de la licéité que le Tribunal doit porter
son examen.
7.2 L'exécution
du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des raisons de droit international public, ne peut contraindre
un étranger à se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le principe
du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir; il s'agit d'abord de l'étranger
reconnu réfugié, mais soumis à une clause d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger
pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3
CEDH
ou encore l'art. 3
de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture, RS
0.105).
L'exécution du renvoi de A._______ ne contrevient pas au principe de non-refoulement de l'art. 5
LAsi. Comme exposé plus haut, celui-ci n'a pas établi qu'en cas de retour dans son pays d'origine,
il serait exposé à de sérieux préjudices pour l'un des motifs énumérés
à l'art. 3 al. 1
LAsi.
7.3 En
ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant du droit international, il sied d'examiner
particulièrement si l'art. 3
CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains,
trouve application dans le présent cas d'espèce.
7.3.1 Si
l'interdiction de la torture, des peines et traitements inhumains (ou dégradants) s'applique indépendamment
de la reconnaissance de la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi
ou une extradition serait prohibée par le seul fait que dans le pays concerné des violations
de l'art. 3
CEDH devraient être constatées; une simple possibilité de subir des mauvais
traitements ne suffit pas. Il faut au contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre
à satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux d'être
victime de tortures, ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Il
en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles intérieurs graves ou de tension
grave accompagnée de violations des droits de l'homme ne suffit pas à justifier la mise en
oeuvre de la protection issue de l'art. 3
CEDH, tant que la personne concernée ne peut
rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement - et non pas simplement du
fait d'un hasard malheureux - par des mesures incompatibles avec la disposition en question (cf.
ATAF 2014/28 consid. 11).
7.3.2 L'art.
3
CEDH s'applique principalement lorsque le risque pour la personne menacée de refoulement d'être
soumise à des mauvais traitements dans le pays de destination découle d'actes intentionnels
des autorités de ce pays ou de ceux d'organismes indépendants de l'Etat contre lesquels les
autorités ne sont pas en mesure de lui offrir une protection appropriée. Dans l'arrêt
D. c. Royaume-Uni du 2 mai 1997 (requête no 30240/96, § 49ss), la Cour européenne des
droits de l'homme (CourEDH), compte tenu de l'importance fondamentale de l'art. 3
CEDH, s'est réservé
une souplesse suffisante pour étendre la portée de cette norme conventionnelle à des situations
dans lesquelles le risque de mauvais traitements était lié à des facteurs n'engageant
pas (directement ou indirectement) la responsabilité des autorités du pays de destination,
par exemple à une maladie grave survenue naturellement ne pouvant être soignée dans ce
pays en l'absence de ressources suffisantes pour y faire face.
7.3.3 En
l'occurrence, le Tribunal considère que le recourant a été identifié par les talibans,
qui sévissent toujours dans la région d'Herat (cf. arrêt de référence
du Tribunal administrative fédéral D-5800/2016 du 13 octobre 2017 consid. 7, constatant notamment
la péjoration générale de la situation sécuritaire ; p. ex. Landinfo,
Report Afghanistan: Taliban's organization and structure,
23.08.2017, <https://landinfo.no/asset/3589/1/3589_1.pdf> ; TOLO News, Over
200 Herat Schools Controlled By Taliban, 28.11.2017, <http://www.tolonews.com/index.php/afghanistan/over-200-herat-schools-controlled-taliban>
; The Wall Street Journal (WSJ), Taliban Broaden Their Reach in Villages
Across Afghanistan, 09.05.2017, https://www.wsj.com/articles/taliban-broaden-their-reach-in-villages-across-afghanistan-1494235804 ,
consultés le 6 juin 2018). De plus, dans la mesure où il s'est évadé après
trois ans et demi passés dans différents camps de talibans en provoquant une importante explosion
et en détruisant de la munition, il est vraisemblable que le recourant sera repéré par
les talibans dès son retour en Afghanistan, placé en détention et torturé, sans que
les autorités afghanes aient la capacité de le protéger contre ces agissements.
7.4 En
conséquence, le Tribunal tient pour crédible que le recourant, en cas de retour, sera exposé
à un réel danger portant sur sa vie ou son intégrité corporelle et qu'il ne
puisse s'en protéger de manière efficace.
Dès lors, le Tribunal estime que l'exécution du renvoi de l'intéressé est
actuellement illicite. Il y a lieu, en conséquence, de
prononcer son admission provisoire ; celle-ci est en principe d'une durée d'un
an (art. 85 al. 1
LEtr), renouvelable si nécessaire.
8.
En
conséquence, le recours doit être admis et la décision attaquée annulée tant
qu'elle ordonne l'exécution du renvoi du recourant. Les chiffres 4 et 5 du dispositif
de la décision entreprise annulés et le SEM est invité à prononcer son admission
provisoire.
9.
9.1 Compte
tenu de l'octroi au recourant de l'assistance judiciaire partielle, par décision incidente
du 27 octobre 2016, il n'est pas perçu de frais de procédure.
9.2 Dans
la mesure où le recourant obtient partiellement gain de cause, il peut prétendre à des
dépens réduits pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été
occasionnés (cf. art. 64 al. 1
PA et art. 7 al. 2
du règlement du 21 février 2008
concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral
[FITAF, RS
173.320.2]). Cependant, le recourant n'ayant pas fait
appel aux services d'un mandataire et le recours ne lui
ayant pas occasionné des frais indispensables et relativement élevés, le Tribunal renonce
à lui allouer des dépens (cf. art. 7 al. 4
FITAF).