Faits :
A.
En
date du 21 octobre 2014, A._______ a déposé une demande d'asile à l'aéroport
de B._______.
B.
Entendu
les 31 octobre 2014 (audition sommaire) et 3 novembre 2015 (audition sur les motifs),
l'intéressé, d'ethnie tamoule, a déclaré être originaire du village
de C._______, dans le district de Kilinochchi, où il aurait grandi avec ses parents et ses (...)
soeurs. Dès l'âge de quinze ans, au terme de son école obligatoire, il aurait
commencé à travailler dans l'agriculture, puis aurait été également employé
comme chauffeur à l'occasion.
En (...), il aurait été contraint par les LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam) de
suivre un entraînement d'un mois, comme de très nombreux Tamouls dans sa région.
Quelque temps plus tard, il aurait été emmené par des militaires et aurait séjourné
successivement dans différents camps de l'armée sri-lankaise. Il aurait finalement été
transféré, après quelques semaines, dans le camp de « D._______ »
avec les autres membres de sa famille. (...) après son arrivée, il se serait enfui grâce
à l'intervention extérieure de sa tante et se serait caché chez cette dernière
à E._______.
Le (...), alors qu'il séjournait toujours chez sa tante, il aurait été brutalement
interpellé par des soldats, après (...) à laquelle il avait assisté dans les
environs de E._______ avec sa tante. Il aurait été violemment battu et interrogé sur les
LTTE, en différents lieux et durant trois jours. On l'aurait accusé, à tort, de
faire partie de ce mouvement et il aurait nié. Il aurait ensuite été transféré
à F._______ dans une cellule du CID (Criminal Investigation Department), où il aurait été
détenu durant trois mois. Il aurait encore été interrogé et aurait reçu des
soins médicaux suite aux mauvais traitements infligés précédemment. Il aurait, en
outre, reçu la visite de représentants du CICR (Comité International de la Croix-Rouge).
Selon les versions, il aurait été présenté ou non à un juge. En date du (...)
ou du (...), selon les versions, il aurait été libéré et serait retourné
vivre chez sa tante à E._______, étant donné que ses proches se trouvaient encore dans
un camp de réfugiés. Dès (...) ou (...), il aurait à nouveau vécu au
domicile familial à C._______ avec sa famille.
Par la suite, il aurait reçu des visites régulières de représentants des autorités,
membres du CID ou policiers. A une reprise, en juin (...), il aurait été emmené et
retenu pendant deux jours, durant lesquels il aurait été battu et interrogé. Après
cette interpellation, il aurait vécu caché, alors que des représentants des autorités
continuaient de se présenter à son domicile en son absence, à sa recherche. Il aurait
séjourné successivement à G._______, H._______, puis F._______, d'où il aurait
quitté le pays par avion, le (...), à destination de la Suisse via I._______ et J._______.
Il aurait voyagé accompagné d'un passeur et muni de son propre passeport, lequel aurait
été ensuite confisqué par le passeur.
Il a ajouté que ni lui ni aucun membre de sa famille n'avait jamais fait partie des LTTE,
mais que durant le conflit entre ceux-ci et l'armée sri-lankaise, il leur était arrivé
de leur prêter du matériel ou de leur fournir de la nourriture.
Par courrier du 28 mai 2015, l'intéressé a fait savoir au SEM qu'un
oncle maternel avait été retrouvé mort le (...), deux jours après avoir été
arrêté par la police.
A l'appui de sa demande, le requérant a produit plusieurs moyens de preuve, à savoir :
- un récépissé de la « K._______ » du (...), attestant le
dépôt d'une plainte par le père de l'intéressé, le (...) ;
- un récépissé d'arrestation du (...) délivré par le ministère
compétent, attestant l'arrestation du requérant le (...) ;
- une attestation de détention du (...) remise par le CICR ;
- la copie d'un certificat de décharge du (...) délivré par la police de
H._______ au nom de A._______ ;
- la traduction, en anglais, de rapports d'investigation
de (...) de la police concernant l'intéressé (les documents originaux n'ayant
pas été déposés) ;
- un extrait du registre des naissances concernant
le requérant ;
- deux cartes du CICR au nom de l'intéressé ;
- une carte d'identité temporaire délivrée
en (...) ;
- une attestation médicale du 28 octobre 2015
faisant état de séquelles traumatiques (nervosité, troubles du sommeil, angoisse, reviviscence
du passé, troubles de la mémoire) chez le requérant, ayant conduit à l'instauration
d'un suivi psychologique ;
- des certificats médicaux des 15 et 29 janvier 2015
faisant état de douleurs physiques diverses (lombalgies et douleurs à la jambe) ;
- une prescription de physiothérapie du 26 octobre 2015.
C.
Le
26 janvier 2016, le SEM a imparti au requérant un délai au 31 mars 2016 pour
lui faire parvenir une attestation d'authenticité du CICR concernant l'attestation de
détention du (...).
L'intéressé n'a pas réagi au courrier du Secrétariat d'Etat.
D.
Par
décision du 6 mai 2016, le SEM a dénié la qualité de réfugié
à l'intéressé, a rejeté sa demande d'asile, a prononcé son renvoi
de Suisse et a ordonné l'exécution de cette mesure. Sur les questions de la qualité
de réfugié et de l'asile, il a relevé des divergences dans les propos du requérant
et a considéré que plusieurs de ses déclarations n'étaient pas crédibles.
Notant encore que les moyens de preuve produits n'étaient pas susceptibles d'étayer
les allégations de l'intéressé, et que l'attestation de détention du
CICR n'avait pas été authentifiée par cet organisme, il a conclu à l'invraisemblance
des motifs d'asile invoqués. Le Secrétariat d'Etat a, par ailleurs, estimé
que l'appartenance du requérant à l'ethnie tamoule et son absence du pays ne l'exposaient
pas à des persécutions au sens de l'art. 3
LAsi en cas de retour, précisant
qu'il n'avait pas à craindre des mesures allant au-delà d'un « background
check » (interrogatoire, vérification des séjours à l'étranger et
d'activités exercées au Sri Lanka et à l'étranger).
Sur le plan de l'exécution du renvoi, le SEM a retenu que l'exécution du renvoi
à destination de Kilinochchi, dans la province du Nord, était licite, raisonnablement exigible
et possible, sans faire allusion au fait que cette localité se situait dans la région du Vanni.
E.
Par acte du 9 juin 2016 et par l'entremise de sa mandataire,
A._______ a interjeté recours contre la décision
précitée auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal),
concluant principalement à la reconnaissance de sa qualité de réfugié et à l'octroi
de l'asile, subsidiairement au prononcé d'une admission provisoire pour illicéité
et inexigibilité de l'exécution de son renvoi.
Le recourant a défendu la vraisemblance de ses
motifs d'asile, justifiant l'incohérence de certains de ses propos par un état
psychologique encore instable au moment de son audition sommaire, consécutif aux mauvais traitements
subis dans son pays. A l'appui de ses dires, il a produit un courrier du CICR du (...), confirmant
l'authenticité de l'attestation de détention du (...), ainsi que des copies
de ses échanges de courriers avec cet organisme. Revenant sur les motifs à l'origine
de son départ du Sri Lanka, il a estimé, sources à l'appui, que ceux-ci devaient
conduire à la reconnaissance de sa qualité de réfugié. Il a, en outre, indiqué
avoir participé à des manifestations en Suisse dénonçant les dérives autoritaires
des autorités sri-lankaises, renforçant ainsi les risques de persécutions à son encontre
en cas de renvoi dans son pays. Il a déposé, à ce titre, deux photographies. Au vu de
son profil, il a prétendu que les autorités sri-lankaises ne se contenteraient pas d'un
simple interrogatoire de routine, à son arrivée sur sol sri-lankais, mais qu'il encourrait
des risques d'être victime d'une détention arbitraire et d'actes de torture,
voire d'être tué.
Il a assorti son recours d'une demande d'assistance
judiciaire totale.
F.
Par
ordonnance du 28 juin 2016, notifiée le lendemain, le juge chargé de l'instruction
a imparti au recourant un délai de sept jours dès notification pour produire un moyen de preuve
susceptible d'établir qu'il ne disposait pas de ressources suffisantes.
Par décision incidente du 20 juillet 2016, le même juge instructeur a, en l'absence
du moyen de preuve demandé, rejeté la demande d'assistance judiciaire totale et a imparti
à l'intéressé un délai au 4 août 2016 pour verser un montant
de 600 francs à titre d'avance de frais, à défaut d'irrecevabilité du
recours.
Le 22 juillet 2016, le recourant a demandé la reconsidération de la décision
incidente précitée, arguant du fait qu'il avait bien déposé une attestation
d'assistance, en date du 5 juillet 2016. Il a annexé à sa lettre des copies
du courrier du 5 juillet 2016 en question (adressé en courrier A), ainsi que de l'attestation
d'assistance datée du 13 juin 2016.
Par décision incidente du 27 juillet 2016, le juge instructeur a annulé sa décision
incidente du 20 juillet 2016, a admis la demande d'assistance judiciaire totale et a
désigné la mandataire du recourant, Thao Pham, en qualité de défenseur d'office.
G.
Le
11 août 2016, le Tribunal a imparti au SEM un délai au 26 août 2016
pour se prononcer sur le recours du 9 juin 2016. L'autorité intimée a été
invitée à se déterminer, en particulier, sur le fait que le recourant semblait être
originaire de la région du Vanni, contrairement à ce qui avait été retenu dans la
décision querellée.
H.
Dans
sa détermination du 19 août 2016, le SEM a tout d'abord indiqué que la
détention de l'intéressé entre le (...) et le (...), même si elle était
avérée, n'était pas de nature à lui faire courir un risque de persécutions
en cas de retour dans son pays, dans la mesure où il avait été libéré sans qu'aucune
charge n'ait été retenue contre lui. Le Secrétariat d'Etat est ensuite revenu
sur les indices d'invraisemblance entourant les événements plus récents ayant précédé
le départ du pays. Il a, dans l'enchaînement, estimé que la simple participation
à des rassemblements de soutien à la cause tamoule en Suisse ne suffisait pas pour démontrer
l'existence d'un risque de persécutions en cas de retour.
S'agissant de l'exécution du renvoi, l'autorité intimée a reconnu
avoir commis une erreur dans sa décision du 6 mai 2016, en omettant de mentionner le fait
que le recourant provenait de la région du Vanni. Cela étant, elle s'est distancée
de la jurisprudence topique en matière d'exécution du renvoi au Sri Lanka, en particulier
dans le Vanni (cf. ATAF 2011/24), et a confirmé, in casu, le caractère raisonnablement
exigible de l'exécution du renvoi dans cette région, expliquant que la situation y avait
évolué positivement. Selon le SEM, le Vanni serait moins militarisé et le fonctionnement
de la plupart des infrastructures (approvisionnement en énergie, sécurité alimentaire,
accès aux soins médicaux, formation scolaire, administration civile) serait assuré ou
aurait été rétabli. Par ailleurs, la situation sécuritaire se serait améliorée
de manière sensible et durable et les organisations non gouvernementales (ONG) et internationales
auraient à nouveau accès au territoire concerné. L'intéressé, jeune, sans
charge de famille, sans problème de santé majeur, au bénéfice d'un solide réseau
familial dans son pays et d'expérience professionnelle, ne devrait ainsi pas être exposé
à une mise en danger concrète en cas de renvoi dans le district de Kilinochchi.
I.
Invité à présenter ses
observations sur la détermination du SEM, le recourant n'a pas réagi.
J.
Les autres faits de la cause seront évoqués,
si nécessaire, dans les considérants en droit qui suivent.
Droit
:
1.
1.1 Le
Tribunal, en vertu de l'art. 31
de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral
(LTAF, RS
173.32), connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5
de la
loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS
172.021)
prises par les autorités mentionnées à l'art. 33
LTAF.
Les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées, par renvoi
de l'art. 105
de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi, RS
142.31), devant le Tribunal,
lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont
le requérant cherche à se protéger (cf. art. 83 let. d
ch. 1 de la
loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS
173.110]), exception non réalisée
en l'espèce.
1.2 Le
recourant a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1
PA). Présenté dans
la forme (cf. art. 52 al. 1
PA) et dans le délai (cf. art. 108 al. 1
LAsi)
prescrits par la loi, le recours est recevable.
2.
2.1 Le
Tribunal examine librement en la matière l'application du droit public fédéral et
la constatation
des faits, sans être lié par les arguments invoqués
à l'appui du recours (cf. art. 106 al. 1
LAsi et 62 al. 4
PA par renvoi
des art. 6
LAsi et 37
LTAF) ni par la motivation retenue par le SEM (cf. ATAF 2009/57
consid. 1.2). Il peut ainsi admettre un recours pour un autre motif que ceux invoqués
devant
lui ou rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de
l'autorité intimée (cf. ATAF 2007/41 consid. 2).
2.2 A
l'instar du SEM, il s'appuie sur la situation prévalant au moment de l'arrêt
s'agissant
de la crainte de persécution future (cf. ATAF 2009/29 consid. 5.1,
ATAF 2008/12 consid. 5.2, ATAF 2008/4 consid. 5.4). Il prend ainsi en considération
l'évolution de la situation intervenue depuis le dépôt de la demande
d'asile.
3.
Dans
sa décision du 6 mai 2016, le SEM a omis de préciser que Kilinochchi se trouvait
dans le Vanni et n'a donc pas présenté de motivation spécifique portant sur l'exécution
du renvoi dans cette région.
L'éventuel vice résultant d'une motivation insuffisante peut toutefois être guéri,
dans le cadre de la procédure de recours, lorsqu'il n'est pas grave, que l'autorité de recours
dispose d'un plein pouvoir d'examen, que la motivation est présentée à ce stade-ci par
l'autorité intimée et que le recourant est entendu sur celle-ci (cf. ATF 127 V 431 consid.
3d ;
ATF 126 II 111 consid. 6b ; ATAF 2008/47 consid. 3.3.4 ;
ATAF 2007/30 consid. 8.2).
En l'espèce, les conditions d'une guérison du vice sont remplies, l'autorité
intimée ayant complété de manière détaillée son argumentation dans le cadre
de l'échange d'écritures et le recourant ayant eu la possibilité de se prononcer
à ce propos. En outre, le vice semble être le fruit d'un manque d'attention et
n'apparaît pas particulièrement grave, bien qu'il concerne un élément
important à prendre en compte dans l'examen de l'exécution du renvoi.
4.
4.1 Sont
des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière
résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre
de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance
à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées
comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle
ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable
(cf. art. 3 al. 1
et 2
LAsi).
4.1.1 La
crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à l'art. 3
LAsi,
contient un élément objectif, au regard d'une situation ancrée dans les faits, et intègre
également dans sa définition un élément subjectif. Sera reconnu réfugié,
celui qui a de bonnes raisons, c'est-à-dire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers
(élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon toute
vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution. Sur le plan subjectif, il doit être
tenu compte des antécédents de l'intéressé, notamment de l'existence de persécutions
antérieures, ainsi que de son appartenance à un groupe ethnique, religieux, social ou politique
l'exposant plus particulièrement à des mesures de persécution ; en particulier, celui
qui a déjà été victime de telles mesures a des raisons d'avoir une crainte subjective
plus prononcée que celui qui en est l'objet pour la première fois. Sur le plan objectif, cette
crainte doit être fondée sur des indices concrets qui peuvent laisser présager l'avènement,
dans un avenir prochain et selon une haute probabilité, de mesures déterminantes selon l'art.
3
LAsi. Il ne suffit pas, dans cette optique, de se référer à des menaces hypothétiques,
qui pourraient se produire dans un avenir plus ou moins lointain (cf. ATAF 2011/50 consid. 3.1.1).
4.1.2 Conformément
à une jurisprudence constante, l'asile n'est pas accordé en guise de compensation à des
préjudices subis, mais sur la base d'un besoin avéré de protection. La reconnaissance
de la qualité de réfugié au sens de l'art. 3
LAsi implique, par conséquent,
l'existence d'un besoin de protection actuel, sur la base de la situation prévalant au moment de
la décision. Les changements de la situation objective dans le pays d'origine, intervenus entre
la fin de la persécution alléguée, respectivement le moment du départ du pays et
celui du prononcé de la décision sur la demande d'asile sont pris en considération, que
ce soit en faveur du demandeur ou en sa défaveur. En d'autres termes, il faut un lien temporel étroit
de causalité entre les préjudices subis ou craints et le départ du pays, ainsi qu'un lien
matériel étroit de causalité entre les préjudices subis ou craints et le besoin de
protection (cf. ATAF 2011/50 consid. 3.1.2).
4.2 Quiconque
demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié.
La qualité de réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est
hautement probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur des points essentiels,
ne sont pas suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou
qui reposent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (cf. art. 7
LAsi).
5.
5.1
En l'espèce, A._______ a expliqué
avoir été arrêté le (...) par des soldats à E._______ et avoir été
détenu durant plusieurs semaines par le CID à F._______.
5.1.1
L'arrestation et la détention de l'intéressé
ont été étayées par plusieurs moyens de preuve, en particulier par un récépissé
d'arrestation du (...) délivré par les autorités sri-lankaises compétentes,
ainsi que, surtout, par une attestation du CICR du (...). Il ressort de ce dernier document, authentifié
par la Croix-Rouge suisse le (...), que le recourant a reçu la visite d'une délégation
du CICR le (...), alors qu'il était incarcéré à « L._______ »,
à F._______. L'attestation indique en outre que le détenu a, selon ses propres déclarations,
été libéré le (...).
Au vu de ces éléments de preuve, force est
de constater que l'intéressé a rendu vraisemblable sa détention, fin (...),
par les autorités de police sri-lankaises. L'attestation du CICR étaye à tout le
moins sa présence en cellule le (...), conformément à ses affirmations.
5.1.2
Cela étant, ses propos portant sur la durée
et les conditions de son incarcération apparaissent confus et sont émaillés d'importantes
divergences. Il a, ainsi, assuré dans un premier temps et à deux reprises avoir été
libéré le (...), précisant que la date du (...) figurant sur l'attestation
du (...) était erronée (cf. procès-verbal de l'audition du 31 octobre 2014,
p. 7 et 8), puis a, dans un second temps, situé sa libération au (...), contestant
avoir parlé précédemment du (...) (cf. procès-verbal de l'audition
du 3 novembre 2015, p. 5, 10 et 11). Il a, par ailleurs, fait allusion à une durée
de détention de (...) lors de l'audition sur les motifs (cf. procès-verbal de
l'audition du 3 novembre 2015, p. 5), ce qui ne correspond pas à la période
courant du (...) au (...). En outre, il a mentionné avoir reçu la visite du CICR après
(...) d'emprisonnement (cf. procès-verbal de l'audition du 3 novembre 2015,
p. 9), alors que l'attestation du CICR fait état d'une visite environ (...)
après son arrestation, le (...). Enfin, il a d'abord prétendu, spontanément,
avoir été présenté à un juge, au cours de son incarcération (cf. procès-verbal
de l'audition du 31 octobre 2014, p. 7), avant de nier avoir été conduit
devant un juge au Sri Lanka (cf. procès-verbal de l'audition du 3 novembre 2015,
p. 14). Confronté à cette divergence, il a expliqué avoir été emmené
au tribunal à F._______, mais pas dans le Vanni (cf. ibidem).
5.1.3
En tout état de cause, indépendamment
des incertitudes concernant la durée et les conditions de sa détention, les moyens de preuve
produits par A._______ indiquent qu'il a été
libéré sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre lui, faute pour
la police d'avoir réuni des preuves suffisantes pour le traduire en justice (cf. en particulier
les rapports d'investigation de la police de [...]). L'absence de poursuites à son
encontre est confirmée par le certificat de décharge du (...) délivré par une
autorité policière de H._______. L'attitude des autorités sri-lankaises à son
égard est du reste cohérente avec ses propres déclarations selon lesquelles ni lui ni
aucun membre de sa famille n'auraient jamais été membres des LTTE. Par ailleurs, il n'a
pas cherché à se cacher ou à quitter son pays après sa libération, retournant
vivre chez sa tante à E._______, puis au domicile familial, dans le district de Kilinochchi, en
(...).
Dans ces conditions, le lien temporel de causalité
entre l'emprisonnement du recourant en (...) et son départ du Sri Lanka (...) ans
plus tard est rompu. S'agissant des mauvais traitements subis en détention, si le Tribunal
n'entend pas les minimiser, il sied de rappeler que l'asile ne saurait être accordé
comme compensation à des préjudices subis, quelle que fût leur intensité.
5.2 Les
faits postérieurs à sa mise en liberté fin (...) n'apparaissent pas non plus
déterminants en matière d'asile, indépendamment de la question de leur vraisemblance
qui peut rester indécise.
5.2.1 Après
sa mise en liberté, fin (...), le recourant aurait vécu librement en des lieux connus
des autorités, à E._______, puis dans son village situé dans le district de Kilinochchi,
où il aurait notamment travaillé comme (...). A partir d'une date indéterminée
(il s'est montré confus à ce sujet), il aurait certes reçu à plusieurs reprises
la visite à son domicile de représentants des autorités. Il aurait, en outre, été
détenu durant deux jours dans les locaux du CID, où il aurait été interrogé
et battu. On lui aurait en particulier demandé s'il (...).
5.2.2 Il
ressort des déclarations de l'intéressé que des membres des forces de l'ordre
auraient cherché à le rencontrer quelques mois après son enregistrement auprès des
autorités de son village (cf. procès-verbal de l'audition du 3 novembre 2015,
p. 13). Les personnes en question se seraient présentées plusieurs fois au domicile familial,
en l'absence du recourant. Elles auraient demandé à sa mère où il se trouvait
et auraient posé des questions sur son travail et son lieu de résidence (cf. ibidem).
A l'occasion d'une nouvelle visite, alors que l'intéressé se trouvait cette
fois chez lui, celui-ci aurait pris la fuite avant même d'entamer une discussion avec les
individus qui souhaitaient lui parler (cf. procès-verbal de l'audition du 3 novembre 2015,
p. 5). Par la suite, les autorités l'auraient finalement retrouvé, le retenant durant
deux jours.
Dans le contexte sri-lankais, il n'apparaît pas inhabituel que les autorités s'intéressent
à une personne d'ethnie tamoule venant de s'installer à un endroit déterminé
se trouvant dans une ancienne zone de conflit. Il semble d'ailleurs que l'enregistrement
de A._______ auprès de l'autorité compétente
n'ait pas été étranger à l'intérêt qu'il a suscité.
En outre, rien n'indique que dites autorités, en se présentant à son domicile, aient
eu l'intention d'aller au-delà d'une simple mesure de contrôle ou de surveillance.
Les questions posées à sa mère vont à tout le moins dans ce sens. Or, de telles mesures,
même répétées dans le temps, n'atteignent pas un degré d'intensité
suffisamment élevé pour être décisives en matière d'asile. S'agissant
de sa détention de deux jours, force est de relever qu'elle est intervenue après qu'il
avait, une première fois, échappé aux autorités en prenant la fuite sans aucune raison
objective apparente. Un tel comportement a pu susciter un plus grand intérêt sur sa personne.
Par ailleurs, il ne ressort pas de ses propos que les forces de l'ordre l'aient personnellement
accusé de connivence avec les LTTE ou de tout autre comportement répréhensible à
leurs yeux. Elles se seraient contentées d'essayer de lui soutirer des informations sur ce
mouvement et l'auraient rapidement relâché, sans qu'aucune charge n'ait été
formellement retenue contre lui. Même si, par la suite, les autorités se sont à nouveau
rendues chez lui, rien n'indique que leur démarche ait été motivée par une
volonté autre que celle de procéder à un contrôle ou de l'interroger. Le recourant
ayant été absent de son domicile à ces occasions, il ne peut former que des suppositions
concernant l'intention des autorités. Force est de constater qu'en (...) ans, il
n'a concrètement subi qu'une très courte détention de deux jours. Malgré
les mauvais traitements endurés à cette occasion, les mesures subies entre sa libération,
fin (...), et son départ du pays (...) ans plus tard ne s'avèrent pas pertinentes
en matière d'asile, faute d'atteindre une intensité et une fréquence suffisamment
élevées.
En ce qui concerne le décès de son oncle
en (...), aucun détail sur sa mort n'a été donné et rien n'indique
qu'elle ait un quelconque lien avec le recourant, étant précisé qu'aucun de
ses proches n'aurait été membre des LTTE.
Il convient encore de souligner que le recourant a quitté son pays par l'aéroport
de F._______, muni de son propre passeport. Au moment de son départ, il n'était donc
pas, selon toute vraisemblance, dans le viseur des autorités sri-lankaises et il ne remplissait
pas les conditions requises pour se voir reconnaître la qualité de réfugié.
5.3 Les
motifs postérieurs au départ du pays ne sont pas non plus susceptibles d'aboutir à
la reconnaissance de la qualité de réfugié.
5.3.1 S'agissant
de sa participation à des manifestations en Suisse, le recourant n'a pas précisé
à quels rassemblements il avait pris part. En outre, les deux photographies censées étayer
ses dires n'ont été déposées que sous forme de copies de piètre qualité,
sur lesquelles il n'est pas reconnaissable. En tout état de cause, il n'a pas établi
ni même allégué avoir exercé une fonction particulière au cours de ces manifestations,
et sa simple participation ne saurait, à elle seule, suffire pour retenir qu'il représente
une menace aux yeux des autorités sri-lankaises (cf. arrêt de référence du Tribunal
E-1866/2015 du 15 juillet 2016 consid. 8.5.4 [publié sur Internet]).
5.3.2 Par
ailleurs, l'intéressé n'a pas entretenu de liens particuliers avec les LTTE ni
dans son pays d'origine ni après son départ, et il a quitté ce pays par l'aéroport
de F._______ en s'identifiant avec son propre passeport. Il peut donc être exclu que son nom
figure sur une « Stop List » utilisée par les autorités sri-lankaises à
l'aéroport de F._______ et sur laquelle sont répertoriés les noms des personnes
ayant un lien avec cette organisation (cf. arrêt de référence E-1866/2015 précité
consid. 8.2).
5.3.3 Au
vu de son profil, le recourant n'apparaît pas non plus susceptible d'être considéré,
par les autorités sri-lankaises, comme un individu doté de la volonté et de la capacité
de raviver le conflit ethnique dans le pays du fait de son implication pour la cause tamoule (cf. arrêt
de référence E-1866/2015 précité en particulier consid. 8.5.3 ; cf. aussi
arrêt du Tribunal E-2271/2016 du 30 décembre 2016 consid. 5.2). Il ne présente,
en effet, aucun profil particulier au-delà de son appartenance à l'ethnie tamoule, laquelle
est certes susceptible d'attirer sur lui l'attention des autorités et éventuellement
de lui occasionner un interrogatoire à son arrivée au Sri Lanka, mais n'est pas suffisante,
en soi, pour retenir un risque de persécutions en cas de retour.
5.4 Il
s'ensuit que le recours, en tant qu'il porte sur la reconnaissance de la qualité de
réfugié et l'octroi de l'asile, doit être rejeté.
6.
6.1 Lorsqu'il
rejette la demande d'asile ou refuse d'entrer en matière à ce sujet, le SEM prononce, en règle
générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution. Il tient compte du principe de
l'unité de la famille (cf. art. 44
LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32
de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1, RS
142.311),
lorsque le requérant d'asile dispose d'une autorisation de séjour ou d'établissement,
ou qu'il fait l'objet d'une décision d'extradition ou d'une décision de renvoi conformément
à l'art. 121 al. 2
de la Constitution fédérale de la Confédération
suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS
101).
6.2 Aucune
exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence réalisée,
le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure (cf. ATAF 2012/31 consid. 6.2,
ATAF 2009/50 consid. 9).
7.
L'exécution
du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement exigible et possible. En cas contraire,
le SEM règle les conditions de résidence conformément aux dispositions de la loi fédérale
sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr, RS 142.20) concernant l'admission provisoire
(cf. art. 83
et 84
LEtr, applicables par renvoi de l'art. 44
LAsi).
8.
8.1 L'exécution
du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des raisons de droit international public, ne peut contraindre
un étranger à se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le principe
du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit d'abord de l'étranger
reconnu réfugié, mais soumis à une clause d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger
pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3
de la
Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
(CEDH, RS 0.101) ou encore par l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture,
RS 0.105) (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un arrêté fédéral
sur la procédure d'asile [APA], du 25 avril 1990, in : FF 1990 II 624).
8.2 In
casu, l'exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-refoulement de l'art. 5
LAsi,
l'intéressé n'ayant pas la qualité de réfugié.
8.3 En
ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant du droit international, il sied d'examiner
particulièrement si l'art. 3
CEDH, qui interdit la torture, les peines et traitements inhumains
ou dégradants, trouve application dans le cas d'espèce. Si cette disposition s'applique indépendamment
de la reconnaissance de la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi
ou une extradition serait prohibée par le seul fait que dans le pays concerné des violations
de l'art. 3
CEDH devraient être constatées ; une simple possibilité de subir des mauvais
traitements ne suffit pas. Il faut au contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre
à satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux, au-delà
de tout doute raisonnable, d'être victime de tortures, ou de traitements inhumains ou dégradants
en cas de renvoi dans son pays. Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles
intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des droits de l'homme
ne suffit pas à justifier la mise en oeuvre de la protection issue de l'art. 3
CEDH, tant que la personne concernée ne peut rendre hautement probable qu'elle serait visée
personnellement - et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux - par des mesures incompatibles
avec la disposition en question (cf. arrêt du Tribunal D-6827/2010 du 2 mai 2011 consid. 7.3
et jur. cit. ; cf. aussi arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme [CourEDH]
F. H. contre Suède du 20 janvier 2009, requête n° 32621/06, § 89 ss,
et Saadi contre Italie du 28 février 2008, requête n° 37201/06, § 124 ss,
et réf. cit.).
Dans plusieurs arrêts, la CourEDH a jugé que la seule appartenance à l'ethnie
tamoule d'un requérant débouté ne suffisait pas pour retenir un risque de traitement
contraire à l'art. 3
CEDH en cas de renvoi au Sri Lanka. La Cour a estimé que toute
personne concernée devait avoir de sérieuses raisons de craindre un tel traitement illicite
à son encontre, du fait de son profil particulier, pour qu'un risque de violation de l'art. 3
CEDH puisse être admis (cf. arrêt de référence précité E-1866/2015
consid. 12.2 et réf. cit.).
En l'occurrence, rien n'indique que le recourant pourrait être personnellement visé, en
cas de retour dans son pays d'origine, par des mesures incompatibles avec l'art. 3
CEDH ou d'autres dispositions
contraignantes de droit international (cf. supra consid. 5).
8.4 Dès
lors, l'exécution du renvoi de l'intéressé sous forme de refoulement ne transgresse aucun
engagement de la Suisse relevant du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (cf. art. 44
LAsi et art. 83 al. 3
LEtr).
9.
9.1 Selon
l'art. 83 al. 4
LEtr, l'exécution du renvoi peut ne pas être raisonnablement exigible si le
renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement
en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou
de nécessité médicale.
9.2 Cette
disposition s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers
qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié, parce qu'ils ne sont pas
personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de
violence généralisée. Elle vaut aussi pour les personnes pour qui un retour reviendrait
à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les
soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à
devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet, et ainsi exposées
à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité,
voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel
de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois, et de moyens
de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. ATAF 2014
consid. 7).
Ceci étant, il convient, dans le cadre de l'analyse des cas d'espèce, de faire appel à
des critères aussi divers que les attaches avec la région de réinstallation, notamment
les relations familiales et sociales, les séjours antérieurs, respectivement les emplois
qu'on
y a exercés, les connaissances linguistiques et professionnelles acquises, le sexe,
l'âge, l'état de santé, l'état civil, les charges de famille (cf. ATAF 2011/50 consid. 8.2).
9.3 S'agissant
plus spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi
ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, que dans la mesure
où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales
d'existence ; par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale
et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (cf. ATAF
2011/50 consid. 8.3 et réf. cit.). L'art. 83 al. 4
LEtr, disposition exceptionnelle
tenant en échec une décision d'exécution du renvoi, ne saurait en revanche être interprété
comme une norme qui comprendrait un droit de séjour lui-même induit par un droit général
d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à
la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical
dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteint pas le standard élevé
qu'on trouve en Suisse (cf. ibidem). Ainsi, il ne suffit pas en soi de constater, pour admettre l'inexigibilité
de l'exécution du renvoi, qu'un traitement prescrit sur la base de normes suisses ne pourrait être
poursuivi dans le pays de l'étranger. On peut citer ici les cas de traitements visant à atténuer
ou à guérir des troubles psychiques ou physiques qui ne peuvent être qualifiés de
graves. Si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine
ou de provenance de l'étranger concerné, le cas échéant avec d'autres médications
que celles prescrites en Suisse, l'exécution du renvoi dans l'un ou l'autre de ces pays sera raisonnablement
exigible. Elle ne le sera plus, au sens de l'art. 83 al. 4
LEtr si, en raison de l'absence
de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se
dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise
en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus
grave de son intégrité physique (cf. ATAF 2011/50 consid. 8.3 et ATAF 2009/2 consid. 9.3.2).
Cela dit, il sied de préciser que si, dans un cas d'espèce, le grave état de santé
ne constitue pas en soi un motif d'inexigibilité sur la base des critères qui précèdent,
il peut demeurer un élément d'appréciation dont il convient alors de tenir compte dans
le cadre de la pondération de l'ensemble des éléments ayant trait à l'examen de l'exécution
du renvoi (cf. ATAF 2011/50 consid. 8.3).
9.4
9.4.1 Dans
sa détermination du 19 août 2016, le SEM a indiqué que selon la dernière
jurisprudence du Tribunal en la matière, l'exécution du renvoi dans la région du
Vanni était, en règle générale, non raisonnablement exigible (cf. ATAF 2011/24
consid. 13.2.2). Il a toutefois estimé qu'à l'heure actuelle, la situation
était « radicalement différente », soulignant que l'armée était
moins présente et n'avait plus pour mission de s'occuper d'affaires civiles, et
que certaines parties du pays occupées par l'armée avaient été restituées
à la population civile. Si l'autorité intimée a reconnu que les perspectives économiques
demeuraient plus sombres dans la région du Vanni et dans les autres anciennes zones de conflit que
dans le reste du pays, elle a, en revanche, noté que le fonctionnement des infrastructures et de
l'administration civile, l'approvisionnement en énergie, la sécurité alimentaire,
ainsi que l'accès aux soins médicaux et à une formation scolaire, étaient assurés
ou avaient été rétablis. Elle a, en outre, mentionné que la situation sécuritaire
s'était améliorée de manière sensible et durable, et que les organisations
non gouvernementales et internationales avaient à nouveau accès à toutes les anciennes
régions du conflit.
Au vu de ces améliorations, le SEM a considéré que l'exécution du renvoi
vers la région du Vanni, d'où est originaire le recourant, était en principe raisonnablement
exigible.
Revenant sur le cas d'espèce, le Secrétariat d'Etat a souligné que A._______
était jeune, sans charge de famille, qu'il ne présentait aucun problème de santé
majeur, qu'il disposait dans son pays d'un solide réseau familial et qu'il pouvait
se prévaloir d'une longue expérience professionnelle. Dans ces circonstances, l'exécution
du renvoi du prénommé a été considérée comme raisonnablement exigible.
9.4.2 L'ATAF
2011/24, auquel le SEM s'est référé dans sa détermination, constitue la dernière
jurisprudence publiée du Tribunal portant sur l'examen du caractère raisonnablement exigible
de l'exécution du renvoi dans le Vanni. Dans cet arrêt, le Tribunal a effectivement jugé
que l'exécution du renvoi dans cette région n'était pas raisonnablement exigible,
et qu'il convenait, pour les personnes qui en étaient originaires, d'examiner la possibilité
d'un refuge interne dans le reste de la province du Nord ou dans d'autres parties du Sri
Lanka, ce qui supposait l'existence de facteurs particulièrement favorables (cf. ATAF
2011/24 consid. 13.2.2).
Le Tribunal a souligné qu'environ 180'000 personnes déplacées étaient,
après la fin du conflit, retournées dans le Vanni, et que celles-ci vivaient dans des conditions
précaires dans une région où les infrastructures de base avaient été en grande
partie détruites durant la guerre. La plupart des habitations avaient également été
détruites, et l'accès à l'école et aux soins médicaux n'était
pas garanti. La région était encore considérée comme fortement militarisée et
minée, et toujours sous le contrôle du PTF (Presidential Task Force). Les organisations internationales
d'aide à la population n'avaient qu'un accès restreint au territoire du Vanni.
Au final, le Tribunal était parvenu à la conclusion que l'exécution du renvoi était
exigible dans l'ensemble de la province de l'Est (consid. 13.1), dans celle du Nord - à l'exception
de la région du Vanni (consid. 13.2.2) -, à certaines conditions (consid. 13.2.1),
et qu'elle l'était également dans les autres régions du pays (consid. 13.3).
9.4.3 Dans
son arrêt de référence E-1866/2015 du 15 juillet 2016 (cf. consid. 13.2
à 13.4), le Tribunal a procédé à une actualisation de sa jurisprudence publiée
aux ATAF 2011/24, confirmant que l'exécution du renvoi était en principe raisonnablement exigible
dans les provinces du Nord (sous certaines conditions et à l'exception de la région du
Vanni) et de l'Est (également sous certaines conditions) du Sri Lanka, ainsi que dans les autres
régions du pays. Il n'a cependant pas réexaminé en détail l'évolution
de la situation dans la région du Vanni, renvoyant cet examen à un arrêt ultérieur
(consid. 13.3.2).
Le recourant étant originaire du district de Kilinochchi, situé dans la région du
Vanni, il convient donc, dans le présent arrêt, de se pencher en détail sur la situation
prévalant dans dite région et d'en analyser l'évolution intervenue depuis
la publication de la dernière jurisprudence aux ATAF 2011/24.
9.5
9.5.1 A
titre préliminaire, il sied de rappeler que la région du Vanni (pour la définition et
la délimitation de la région du Vanni, cf. ATAF 2011/24 consid. 13.2.2.1) se situe
intégralement à l'intérieur de la province du Nord, à l'exception d'une
petite partie de son territoire qui se trouve dans la province du Centre-Nord (dans le district d'Anuradhapurada).
Par ailleurs, le Vanni s'étend sur une large partie de la province du Nord. Seules la majeure
partie du district de Jaffna (dont la ville de Jaffna) au nord et la zone sud-ouest (comprenant notamment
les villes de Mannar et de Vavuniya) de la province du Nord ne sont pas englobées dans le Vanni.
Dès lors, la plupart des développements faits en relation avec la province du Nord dans
l'arrêt de référence E-1866/2015 du 15 juillet 2016 (cf. consid. 13.3) valent
également, en principe, pour la région du Vanni. Il y a lieu dans la suite de concentrer l'examen
sur les spécificités de cette région particulière en tenant compte des sources les
plus récentes et des informations qui touchent particulièrement cette zone.
9.5.2 S'agissant
de la situation sécuritaire au Sri Lanka, force est de constater qu'elle s'est, progressivement,
améliorée depuis la fin de la guerre civile en 2009, en particulier dans les anciennes zones
de combats dont fait partie le Vanni. Aujourd'hui, ces progrès doivent être jugé
significatifs. En 2015 et 2016, aucune activité ou attaque terroriste n'a été enregistrée
dans le pays. Depuis 2015, peu d'actes de violence commis par des groupes paramilitaires proches
du gouvernement ont été répertoriés (cf. Landinfo, Temanotat Sri Lanka :
Sikkerhetssituasjonen, LTTE og retur til hjemlandet, 3 juillet 2015 ; South Asia Terrorism
Portal [SATP], Sri Lanka Timeline - Years 2016 and 2017 ; Global Terrorism Database [GTD],
Sri Lanka, non daté).
Cela étant, la présence militaire dans la province du Nord (qui accueille 14 des 19 bases
militaires du pays) est encore importante. Aucune donnée précise et fiable sur le nombre de
militaires présents dans cette province n'est disponible, les estimations articulées
dans les sources consultées oscillant entre 120'000 et 200'000 soldats. Les sources s'accordent
toutefois sur le fait que l'armée est particulièrement présente dans la région
du Vanni (cf. People for Equality and Relief in Lanka [PEARL], Withering Hopes, 20 avril 2016 ;
Oakland Institute, The Long Shadow of War - The Struggle for Justice in Postwar Sri Lanka, 2015 ;
International Crisis Group, The Forever War ? : Military Control in Sri Lanka's North,
25 mars 2014 ; Global Risk Insight, Under the Radar : Tourism in Sri Lanka at risk
from military, 21 octobre 2016 ; Organisation suisse d'aide aux réfugiés
[OSAR], Sri Lanka : situation dans la région de Vanni, 18 décembre 2016 ;
SEM, Focus Sri Lanka - Lagebild, 5 juillet 2016, ch. 3.1 p.17). Un retrait des troupes
ne semble pas concrètement à l'ordre du jour, malgré l'annonce faite par le
ministre sri-lankais des affaires étrangères en juillet 2016, selon laquelle le pays serait
démilitarisé d'ici à 2018. Cette annonce n'a en effet pas encore été
suivie d'effets (cf. Agence France Presse [AFP], Sri Lanka aims to demilitarise island by
2018, 6 juillet 2016 ; The Huffington Post, Is Sri Lanka Serious About Demilitarization ?,
http:// www.huffingtonpost.com/taylor-dib bert/is-sri-lanka-serious-abou_b_ 10863 176.html,
consulté le 18 mai 2017). De plus, une réforme de l'appareil sécuritaire de
l'Etat sri-lankais ne paraît pas d'actualité (cf. International Crisis Group,
Sri Lanka : Jumpstarting the Reform Process, 18 mai 2016).
Malgré l'importance du contingent militaire présent, le nombre de check-points a
toutefois diminué ces dernières années et la présence des militaires est moins visible.
Ceux-ci se consacrent toujours à la surveillance de la population, en particulier dans le Vanni.
Les militaires ont parfois recours à des techniques d'intimidation, voire à la violence
à l'encontre de la population (cf. International Crisis Group, Sri Lanka : Jumpstarting
the Reform Process, 18 mai 2016 ; United Nations Human Rights Council [HRC], Promoting
reconciliation, accountability and human rights in Sri Lanka, 28 juin 2016 ; PEARL, Withering
Hopes, 20 avril 2016 ; OSAR, Sri Lanka : situation dans la région de Vanni,
18 décembre 2016 ; U.S. Department of State, Country Reports on Human Rights Practises
for 2016 - Sri Lanka, 3 mars 2017), mais ces dérapages ne sont pas visibles que
dans le Vanni. De manière générale, la population dans le nord du pays (en particulier
dans les districts de Kilinochchi, de Mannar et de Mullaitivu) se sent en sécurité et pas particulièrement
menacée par l'armée (cf. Sri Lankan Refugee Returnees in 2015, Results of Household
Visit Protection Monitoring Interviews [Tool Two], décembre 2016, p. 20 ss). Celle-ci
est, par ailleurs, également toujours active dans l'économie privée, principalement
dans les secteurs de l'agriculture (exploitation de fermes, y compris celles ayant appartenu à
des personnes déplacées, dans lesquelles sont employés aussi bien des Tamouls locaux que
des Cinghalais venus du sud), du commerce (exploitation de magasins, de cafés, de restaurants, de
zones de pêche) et du tourisme (exploitation d'hôtels, d'agences de voyage, d'installations
touristiques, de golfs ou encore de compagnies aériennes et de navigation), s'accaparant des
activités économiques qui, avant la guerre, profitaient essentiellement à la population
locale à majorité tamoule. La mainmise des militaires sur l'économie privée
est telle qu'elle représente, pour la population civile, un obstacle à l'exercice
d'activités lucratives (cf. International Crisis Group, Sri Lanka : Jumpstarting
the Reform Process, 18 mai 2016 ; PEARL, Withering Hopes, 20 avril 2016 ;
Groundviews, Tourism in Sri Lanka : Catalyst for Peace & Development or Militarization &
Dispossession ?, 11 juillet 2016 ; Frankfurter Allgemeine Zeitung [FAZ], Wenn Erinnern
und Trauern verboten sind, 31 août 2015, http://www.faz.net/aktuell/politik/ausland/asien/steuert-sri-lanka-nach-buergerkrieg-auf-neuen-konflikt-zu-13773853.html,
consulté le 18 mai 2017 ; Oakland Institute, The Long Shadow of War - The Struggle
for Justice in Postwar Sri Lanka, 2015 ; AFP, Sri Lanka aims to demilitarise island by 2018, 6 juillet 2016).
L'armée édifie également des monuments à sa gloire, détruisant à
l'occasion des cimetières et des mémoriaux tamouls, ce qui est ressenti comme une forme
de provocation par la population locale tamoule (cf. Groundviews, Tourism in Sri Lanka : Catalyst
for Peace & Development or Militarization & Dispossession ?, 11 juillet 2016).
Par ailleurs, les militaires occupent encore des terres qui appartenaient à la population civile
avant la guerre et qu'ils se sont accaparées durant le conflit. Durant la première année
du mandat du nouveau président Sirisena, élu le 8 janvier 2015 et entré en fonction
le lendemain, certains biens ont certes été restitués à leurs propriétaires,
selon un processus lent mais régulier. Toutefois, par la suite, les restitutions ont été
plus rares, et l'armée s'est appropriée de nouvelles terres. A ce jour, aucun projet
concret et chiffré de restitution n'a été présenté au public (cf. HRC,
Report of the Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights on Sri Lanka, 10 février 2017 ;
The Diplomat, op. cit., 30 janvier 2017). En mars 2016, la surface des terres privées
encore occupées dans la province du Nord était estimée à 12'750 acres, et au 31 août 2016,
les autorités estimaient que 43'607 personnes déplacées devaient encore être réinstallées
(cf. Oakland Institute, Justice Denied : A Reality Check on Resettlement, Demilitarization
and Reconciliation in Sri Lanka, 2017).
9.5.3 Dans
la province du Nord, y compris dans le Vanni, le phénomène de « cinghalisation »
s'est intensifié depuis la fin de la guerre civile. Il se traduit par le déplacement
et l'installation de Cinghalais dans des zones de peuplement traditionnel tamoul, ainsi que par
le changement de noms de rues, voire de villages, en langue cinghalaise. Les Tamouls confrontés
à l'occupation de leurs terres par des Cinghalais venus du sud n'ont que peu de moyens
pour défendre leurs droits et sont bien souvent contraints de vivre dans des abris temporaires fournis
par les autorités (cf. International Crisis Group, Sri Lanka's North I : The Denial
of Minority Rights, 16 mars 2012 ; Oakland Institute, The Long Shadow of War : The
Struggle for Justice in Postwar Sri Lanka, 2015 ; Sri Lanka Brief, TPC Plans Mass Protest Against
Installation of Buddha Statues in Tamil Areas, 2 septembre 2016, http://srilankabrief.org/2016/09/tpc-plans-mass-protest-against-installation-of-buddha-statues-in-tamil-areas/,
consulté le 19 mai 2017 ; Tamil Guardian, Sri Lankan minister's visit to Jaffna
fuels Sinhalisation of North-East, 28 mai 2016, http://www.tamilguardian.com/content/sri-lankan-minister%E2%80%99s-visit-jaffna-fuels-sinhalisation-north-east,
consulté le 19 mai 2017 ; Tamil Guardian, From Ilankaiththurai to Lanka Patuna, 16 août 2016,
http://www.tamilguardian.com/content/ilankaiththurai-lanka-patuna-0,
con -sulté le 19 mai 2017).
En outre, avec le soutien de l'armée, des statues et des monuments bouddhistes sont édifiés,
parfois jusque dans des villages peuplés uniquement de Tamouls ou de musulmans (cf. The Diplomat,
Sri Lanka's Transition to Nowhere, 30 janvier 2017, http://thediplomat.com/2017/01/sri-lankas-transition-to-nowhere/,
consulté le 18 mai 2017).
9.5.4 Dans
les anciennes zones de conflit, qui comprennent le Vanni, de nombreux secteurs sont encore minés.
Les travaux de déminage ont débuté en 2011, avec le soutien d'organisations étrangères,
parmi lesquelles la Fondation Suisse de Déminage. Depuis 2015, le « National Mine Action
Center », relevant du gouvernement, coordonne les activités de déminage. Suite au
retrait de plusieurs entités étrangères (dont la Fondation Suisse de Déminage en
2013), le processus de déminage s'est toutefois considérablement ralenti. C'est
dans les districts de Kilinochchi et de Mullaitivu que les surfaces encore à déminer sont les
plus importantes (il restait, au 30 juin 2016, encore environ 12 km², respectivement 18
km² à déminer dans ces deux districts), et celles-ci se situent dans des endroits plus
difficiles d'accès qui nécessitent une intervention à la main (cf. National
Mine Action Programm Sri Lanka, Current Demining Agencies, http://www.slnmac.gov.lk/services/de-mining/current-demining,
consulté le 19 mai 2017 ; Landmine and Cluster Munition Monitor, Sri Lanka Mine Action
2016, 25 novembre 2016, http://the-monitor.org/en-gb/reports/2016/sri-lanka/ mine-action.aspx,
consulté le 19 mai 2017 ; Integrated Regional Information Networks [IRIN], Final
phase of Sri Lankan demining will take longer, 5 février 2014, http://www.irinnews.org/report/99596/final-phase-sri-lankan-demining-will-take-longer,
consulté le 19 mai 2017).
Selon un cadre de Halo Trust, une entreprise impliquée dans les activités de déminage,
toutes les zones minées connues au Sri Lanka sont cependant clôturées et sont identifiées
par des panneaux. Toujours selon ce cadre, le pays devrait être totalement déminé en 2020
(cf. SEM, Focus Sri Lanka - Lagebild, 5 juillet 2016, ch. 4.3 p. 23).
9.5.5 Après
la guerre, les infrastructures de base ont été en grande partie reconstruites dans les anciennes
zones de conflit. Ces progrès se sont notamment traduits par le réaménagement des réseaux
routiers et ferroviaires, la reconstruction d'habitations, ou encore le réapprovisionnement
en eau et en électricité. Le niveau des infrastructures dans le nord reste toutefois inférieur
à celui prévalant dans les autres régions du pays. Par ailleurs, le manque en eau et ses
conséquences sanitaires posent encore problème dans certaines régions, en particulier
dans les zones rurales (cf. Banque mondiale, Sri Lanka : Ending Poverty and Promoting Shared
Prosperity - A Systematic Country Diagnostic, octobre 2015 ; Centre for Poverty Analysis
[CEPA], Post War Resettlement in Sri Lanka, 22 avril 2016 ; Daily FT, Voices from the
margins of the north, 1er décembre 2016,
http://www.ft.lk/article/583133/Voices-from-the-margins-of-the-north,
consulté le 19 mai 2017). En outre, la plupart des écoles ont rouvert et des soins
médicaux de base sont disponibles dans le Vanni (cf. Sri Lankan Refugee Returnees in 2015,
op. cit., p. 31 ss ; Chief Secretary's Secretariat Northern Province, Statistical
Information 2016 - Northern Provincial Council, 2016).
En 2016, le gouvernement sri-lankais (par l'intermédiaire du « Ministry of Prisons
Reforms, Rehabilitation, Resettlement and Hindu Religious Affairs ») a indiqué que la
construction de 137'000 maisons dans les provinces du Nord et de l'Est était nécessaire
pour permettre le retour et la réinstallation de toutes les personnes déplacées durant
la guerre civile. Il a annoncé, dans la foulée, d'importants investissements dans ce
sens dans les années à venir. La faisabilité et la qualité des projets présentés
ont toutefois été mises en doute par la suite et les budgets initialement rendus publics ne
semblent pas garantis (cf. Ministry of Prisons Reforms, Rehabilitation, Resettlement and Hindu Religious
Affairs, 65'000 Permanent Housing Programme for Conflict Affected Families in the Northern and Eastern
Provinces, 6 avril 2016, http://resettlementmin.gov.lk /site/index.php?option=com_content&view=article&id=218%3A65new&catid=21%3Acurrent-projects-2016&lang=en,
consulté le 19 mai 2017 ; Oakland Institute, Justice Denied : A Reality Check on
Resettlement, Demilitarization and Reconciliation in Sri Lanka, 2017). De manière générale,
la population dans la province du Nord juge insuffisant l'engagement de l'Etat pour soutenir
une région dévastée par de longues années de conflit. Les personnes vulnérables,
comme les infirmes, touchent des aides étatiques insuffisantes, voire ne perçoivent aucune
somme d'argent (cf. Daily FT, Voices from the margins of the north, op. cit., 1er décembre 2016).
9.5.6 La
province du Nord connaît encore d'importantes difficultés économiques, en particulier
dans les anciennes zones de conflit, où la pauvreté et le chômage touchent une large part
de la population. Plusieurs sources fournissent des chiffres et des statistiques sur la situation économique
au Sri Lanka. Il apparaît toutefois difficile d'évaluer leur fiabilité. En outre,
elles ne sont pas régulièrement tenues à jour. Le « Department of Census and
Statistics » (DCS) publie des données sur la situation du marché du travail, l'évolution
des prix, la population et la santé. Dans des rapports de 2015 et 2016, la Banque mondiale s'est
notamment appuyée sur des informations du DCS pour dresser un bilan de la situation économique
du pays. Il ressort de ces rapports que les régions les plus pauvres (à savoir celles où
le pourcentage d'individus vivant en dessous du seuil national de pauvreté est le plus élevé)
sont celles qui ont été le plus durement touchées par le conflit, dans les provinces du
Nord comme de l'Est. Dans la province du Nord, les districts de Mullaitivu, Mannar et plus particulièrement
Kilinochchi (considéré comme le district le plus pauvre), situés entièrement ou en
partie dans le Vanni, sont concernés (comme les districts de Batticaloa, dans la province de l'Est,
et de Moneragala, dans la province d'Uva). Dans ces régions, le chômage touche plus fortement
les jeunes et les femmes. En outre, les personnes souffrant de problèmes de santé - physiques
comme psychiques -, en particulier les veuves et les anciens combattants, y sont victimes d'exclusion
sociale et sont particulièrement vulnérables. En sus du facteur géographique, le facteur
ethnique joue un rôle prépondérant, dans la mesure où les Tamouls et les Maures sont
plus exposés au chômage et connaissent plus de difficultés pour accéder à certains
services de base comme l'eau potable, l'électricité ou l'évacuation
des eaux usées (cf. Banque mondiale, Sri Lanka : Ending Poverty and Promoting Shared Prosperity
- A Systematic Country Diagnostic, octobre 2015 ; Banque mondiale, Sri Lanka Development
Update, 1er septembre 2016).
En revanche, selon les chiffres officiels du chômage, publiés par le DCS pour les années
2013, 2014 et 2015 (cf. DCS, Sri Lanka Labour Force Survey - Annual Report - 2015, 17 novembre 2016),
les districts où le taux de chômage est le plus élevé ne sont pas concentrés
dans le Vanni et il n'y a pas de déséquilibres flagrants entre les différentes régions
du pays. Il est vrai que, comme relevé ci-dessus, la valeur scientifique de ces chiffres reste aléatoire.
Selon une autre source, le taux de chômage approcherait les 60% dans des villes comme Mullaitivu
ou Kilinochchi (cf. Consumer News and Business Channel [CNBC], Battle scars : Sri Lanka's
north counts the cost of a 26-year war, 27 avril 2016). Une autre problématique concerne
les travailleurs « sous-employés », à savoir ceux qui, faute de volume
de travail suffisant, travaillent dans les faits moins que la durée usuelle prévue par la loi
ou par leur contrat (cf. DCS, Sri Lanka Labour Force Survey - Annual Report - 2015,
17 novembre 2016). Il ne faut cependant pas négliger l'existence d'une économie
informelle qui n'est pas forcément prise en compte par les statistiques officielles et qui
permet à un nombre significatif de personnes d'obtenir des revenus. Il convient encore de
relever qu'il n'y a pas d'assurance-chômage étatique au Sri Lanka (cf. National
Human Resources and Employment Policy, Social Protection, non daté, http://www.nhrep.gov.lk/index.php? option=com_content&view =article&id=115&Itemid=59&lang=en,
consulté le 22 mai 2017).
L'agriculture et la pêche restent les principaux secteurs d'activité dans la
province du Nord (cf. CNBC, Battle scars : Sri Lanka's north counts the cost of a 26-year
war, 27 avril 2016), où le salaire moyen est, avec celui prévalant dans la province
de l'Est, le plus bas du pays. Dans les districts de Kilinochchi et de Mullaitivu, le salaire moyen
se situait, en 2016, légèrement en dessous du seuil de pauvreté selon des statistiques
fournies par les autorités (cf. Daily FT, Voices from the margins of the north, op.cit., 1er décembre 2016).
Selon plusieurs sources, les difficultés économiques auxquelles est confrontée la population
sont en partie dues aux nombreuses activités économiques développées par l'armée
(cf. Centre For Policy Alternatives [CPA], Trouble in Paradise : Tourism developpment and human
rights in Sri Lanka, 26 septembre 2016 ; Oakland Institute, Justice Denied : A Reality
Check on Resettlement, Demilitarization and Reconciliation in Sri Lanka, 2017).
La banque centrale sri-lankaise publie chaque année le « Sri Lanka Prosperity Index »
(SLPI), un indicateur socio-économique mesurant trois indices : le climat économique et
commercial (Economy and Business Climate), le bien-être de la population (Wellbeing of People) et
les infrastructures socio-économiques (Socio-Economic Infrastructure). Pour ces trois indices, en
2014 et 2015, la province du Nord apparaît en queue de classement, mais devant la province de l'Est
(cf. Central Bank ok Sri Lanka, SLPI - 2015). La fiabilité de ces indices reste cependant
incertaine.
La guerre et les difficultés socio-économiques ont par ailleurs conduit à un endettement
massif d'une grande partie des ménages dans l'ensemble de la province du Nord (district
de Jaffna y compris), auquel un très grand nombre de personnes ne peut faire face (cf. The
Hindu, Revitalising a war-battered economy, 12 mars 2017, http://www.thehindu.com/news/international/ revitalising-a-warbattered-e-conomy/ article17449120.ece,
consulté le 24 mai 2017 ; Centre for Poverty Analysis [CEPA], Life and Debt - Assessing
Indebtedness and Socio-economic Conditions of Conflict Affected Housing Beneficiaries in Jaffna, Kilinochchi
and Mullaitivu Districts, juin 2014 ; Neue Zürcher Zeitung [NZZ], Die Wunden des Krieges,
13 février 2015, https://www.nzz.ch/international/asien-und-pazifik/die-wunden-des-krieges-1.18482069,
consulté le 24 mai 2017).
9.5.7 Il
convient encore de relever que le Sri Lanka est touché depuis septembre 2016 par une intense sécheresse
qui concernait, en avril 2017, encore 17 districts sur 25 répartis sur tout le pays, y compris
la province du Nord. Le gouvernement a instauré une aide d'urgence (fourniture d'eau
et d'aliments, soutien sanitaire, distribution d'argent notamment) et est soutenu financièrement
par des agences gouvernementales et non gouvernementales. Au 21 avril 2017, 900'000 personnes
dans le pays avaient besoin d'une assistance (cf. Reliefweb - Sri Lanka - Sri
Lanka : Drought - Sep 2016, http://reliefweb.int/disaster/dr-2016-000139-lka,
consulté le 22 juin 2017 ; IRIN, Drought may leave 80,000 Sri Lankans in need of
« life-savin » food aid, 6 mars 2017, http://www.irinnews.org/news/2017/03/06/updated-drought-may-leave-80000 -sri-lankans-need-% E2%80%9Clife-saving%E280%9D-food-aid,
consulté le 22 mai 2017 ; World Food Programm [WFP], WFP Sri Lanka - Country
Brief, janvier 2017 ; Disaster Management Centre, Daily Situation Report - Sri Lanka,
6 mars 2017).
Cela étant et malgré la sécheresse qui continue de sévir, 15 districts sur 25,
parmi lesquels Mullaitivu et Vavuniya, ont été touchés par des inondations en mai 2017,
avec pour conséquence la mort d'environ 213 personnes et la disparition de 77 autres (chiffres
au 12 juin 2017), ainsi que la destruction de milliers de maisons (3'000 maisons détruites
totalement et 20'000 détruites partiellement au 12 juin 2017) et le déplacement provisoire
de plus de 8'000 individus. Une aide d'urgence a été mise en place par le gouvernement
sri-lankais et la situation s'est depuis lors stabilisée (cf. Reliefweb - Countries
- Sri Lanka, http://.reliefweb.int/country/lka).
9.5.8 S'agissant
enfin des organisations internationales gouvernementales ou non, celles-ci ont accès à l'ensemble
du territoire du Sri Lanka, y compris le Vanni. Au nombre de 1462 en juin 2017, elles doivent s'enregistrer
auprès du « National Secretariat for Non Governmental Organisations » pour pouvoir
être actives dans le pays (cf. National Secretariat for Non Governmental Organisations, http://www.ngosecretariat.gov.lk/ web/index.php?option=com_statistics,
consulté le 29 juin 2017). Si ces ONG ne sont plus sous le contrôle du Ministère
de la défense, certaines voix se sont néanmoins élevées pour dénoncer le fait
que le mécanisme de surveillance sur les ONG introduit par l'ancien président Mahinda
Rajapaksa n'avait pas encore été complètement démantelé. Ainsi, dans des
secteurs d'activité comme la recherche de personnes disparues ou la réappropriation de
terres occupées par l'armée, certains employés d'ONG ont rapporté avoir
subi des actes d'intimidation ou des menaces dans leur travail (cf. INFORM Human Rights Documentation
Centre, Human Rights Situation in Sri Lanka : August 2015 to August 2016, août 2016 ;
Inter Press Service, Tracing War Missing Still a Dangerous Quest in Sri Lanka, 24 août 2016,
http://www.ipsnews.net/2016/08/tracing-war-missing-still-a-dangerous-quest-in-sri-lanka/,
consulté le 29 juin 2016 ; Groundviews, Spiraling incidents of military intimidation
in the North : Ruki Fernando, 10 mars 2017).
Dans le Vanni sont notamment actifs le HCR (Haut Commissariat des Nations unies
pour les réfugiés),
l'UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l'enfance), LEADS, le PAM (Programme Alimentaire Mondial),
CARE ou encore HI (Handicap International) (cf. UN OCHA, Sri Lanka : Who does what and where, 26 mai 2017,
http://reliefweb.int/sites/ reliefweb.int/files/resources/OCHA_SL_affected_district_3W_27May2016.
pdf,
consulté le 29 juin 2017).
9.5.9 Au
vu des considérations qui précèdent, force est de constater que la situation sécuritaire
s'est sensiblement améliorée dans le Vanni depuis la fin du conflit en 2009. L'armée
est encore présente mais n'est pas vue, de manière générale, comme une source
d'insécurité. Les mines encore enfouies dans certaines zones clairement marquées
ne posent pas de problème majeur de sécurité. Par ailleurs, les infrastructures ont été
en partie rétablies, même si l'accès à l'eau potable et à l'électricité
demeurent des sujets de préoccupation au sein de la population. En outre, les écoles et les
hôpitaux ou autres dispensaires fonctionnent.
Cela étant, la situation dans le Vanni demeure précaire sur le plan économique. Une
personne disposant d'un soutien familial ou social sur place, d'une possibilité d'accéder
à un logement (temporaire ou définitif), avec la perspective de pouvoir couvrir, à terme,
ses besoins élémentaires (par lui-même ou grâce à l'aide d'un tiers),
devrait toutefois être en mesure, en cas de retour, de se réinstaller sans rencontrer d'excessives
difficultés susceptibles de le mettre concrètement en danger au sens de l'art. 83
al. 4
LEtr. Dès lors, l'exécution du renvoi dans le Vanni doit être jugée
en principe raisonnablement exigible sous réserve de ces conditions (accès à un logement
et perspective de pouvoir couvrir ses besoins élémentaires).
En revanche, pour les personnes apparaissant plus vulnérables à l'isolement social
et à l'extrême pauvreté (comme les femmes seules avec ou sans enfants, les individus
souffrant de graves problèmes médicaux ou les personnes âgées), l'exécution
du renvoi dans le Vanni doit être jugée en principe non raisonnablement exigible, à moins
de conditions particulièrement favorables.
9.5.10 En
l'espèce, l'intéressé dispose dans son lieu d'origine (qui se trouve
dans le district de Kilinochchi) d'un large réseau familial et social, constitué notamment
de ses parents, de trois soeurs et d'une tante. Dans ces conditions, il y a tout lieu de penser
qu'en cas de retour dans son pays, il pourrait être accueilli et soutenu par ses proches.
Par ailleurs, il est jeune et bénéficie d'une formation scolaire et d'expériences
professionnelles, dans l'agriculture et comme chauffeur. Ne souffrant pas de graves problèmes
de santé (il a fait état de troubles physiques et psychiques mineurs par-devant le SEM, mais
n'a plus allégué aucun problème de santé dans le cadre de la procédure
de recours), il devrait ainsi être en mesure, à terme, de subvenir à ses besoins comme
le reste de sa famille.
9.6 Au
vu de ce qui précède, l'exécution du renvoi de A._______ dans son pays est raisonnablement
exigible.
10.
10.1 L'exécution
n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son
Etat de provenance ou un Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (cf. art. 83
al. 2
LEtr).
10.2 En
l'occurrence, le recourant est tenu d'entreprendre, en collaboration avec les autorités cantonales
d'exécution du renvoi, toute démarche nécessaire auprès de la représentation
de son pays d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage lui permettant de quitter la Suisse
(cf. art. 8 al. 4
LAsi).
10.3 Ainsi,
l'exécution du renvoi ne se heurte pas à des obstacles insurmontables d'ordre technique et
s'avère également possible au sens de l'art. 83 al. 2
LEtr.
11.
Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste l'exécution du renvoi,
doit être également rejeté.
12.
12.1 Au
vu de l'issue de la cause, les frais de procédure devraient être mis à la charge du recourant
(cf. art. 63 al. 1
PA et art. 2
et 3
let. b du règlement du 21 février 2008 concernant
les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral
[FITAF, RS 173.320.2]). Toutefois, la demande d'assistance judiciaire totale ayant été
admise, il n'y a pas lieu de percevoir des frais de procédure (cf. art. 65 al. 1
PA).
12.2 Le
Tribunal fixe les dépens et l'indemnité des mandataires commis d'office sur la base du décompte
qui doit être déposé sans réquisition particulière. A défaut de décompte,
le Tribunal fixe l'indemnité sur la base du dossier (cf. art. 14
FITAF).
En cas de représentation d'office, le tarif horaire en matière d'asile est, dans la règle,
de 200 à 220 francs pour les avocats, et de 100 à 150 francs pour les mandataires
professionnels n'exerçant pas la profession d'avocat (cf. art. 12
en rapport avec l'art. 10 al. 2
FITAF). Seuls les frais nécessaires sont indemnisés (cf. art. 8 al. 2
FITAF).